John Marshall Harlan

John Marshall Harlan
John Marshall Harlan

John Marshall Harlan (1er juin 1833 - 14 octobre 1911) est un homme de loi américain, juge à la Cour suprême de 1877 à sa mort. Il s'y signale en particulier par son opinion dissidente dans l'arrêt Plessy v. Ferguson, en 1896, lorsqu'il s'oppose à la décision de la Cour qui déclare la ségrégation raciale conforme à la Constitution.

Biographie

Harlan appartient à une des grandes familles Kentucky, qui possède des esclaves. Son père est un homme politique connu dans l'État et un ancien membre du Congrès. En 1852, Harlan est juris doctor (diplômé en droit) du Centre College, un établissement prestigieux dans le Kentucky. Il rejoint le cabinet d'avocat de son père. Comme lui, il appartient au Parti whig, favorable à une modernisation industrielle du pays. Lorsque le parti se désagrège au cours des années 1850, il passe par plusieurs partis, dont les Know Nothing, un parti opposé à l'immigration, en particulier en provenance de pays catholiques. Il est élu juge du comté de Franklin, dans le Kentucky en 1858.

Lorsqu'éclate la guerre de Sécession, le Kentucky est un des Border States ("États de la frontière"), les États esclavagistes proches du Nord et qui ne restent dans l'Union (nordiste). Harlan, opposé à l'abolition de l'esclavage, l'est plus encore aux sécessions, et s'engage dès 1861 dans l'armée de l'Union, où il atteint le grade de colonel. Il affirme qu'il donnera sa démission si Lincoln devait signer la proclamation d'émancipation. Il reste cependant dans l'armée après sa signature le 1er janvier 1863, mais dois la quitter quelques mois après pour s'occuper des affaires familiales après la mort de son père.

Il reprend alors sa carrière politique dans le Kentucky, où il est élu procureur général (Attorney General) la même année. En 1868, il rejoint le Parti républicain, où il restera désormais. Il est alors, en ligne avec son parti, fermement opposé à l'esclavage (aboli entre-temps en 1865) dont il dit que ce fut « la forme la plus aboutie du despotisme qui ait jamais existé sur terre ». Candidat au poste de gouverneur en 1871 et 1875, il échoue les deux fois. En 1877, le président Hayes, qu'il avait aidé à obtenir l'investiture du parti républicain, le nomme à la Cour suprême.

À la Cour, Harlan s'illustre comme un grand dissident » (great dissenter), comme on appelle certains juges qui, à la Cour suprême, se sont surtout signalé par leur opposition, d'une plume brillante, à la jurisprudence de la majorité de la Cour à laquelle ils appartenaient. Le tenant le plus brillant de ce rôle a sans doute été Oliver Wendell Holmes Jr., qui sera son collègue à la Cour dans les dernières années. Il s'oppose, souvent seul, à une interprétation restrictive, au point de les vider de leur substance, des amendements de la Reconstruction (les treizième, quatorzième, et quinzième amendements à la Constitution) censés protéger et garantir l'égalité de droits aux anciens esclaves.

En 1883, la Cour rend l'arrêt des Civil Rights Cases (affaires des droits civiques), dans lequel elle déclare inconstitutionnel le Civil Rights Act (loi sur les droits civiques) de 1875, jugeant que le Congrès, en interdisant directement les discriminations raciales par des personnes privées, est allé au-delà des pouvoirs que lui donnaient les récents amendements à la Constitution. Harlan signe seul une opinion dissidente où il dénonce avec vigueur la décision de la majorité, lui reprochant d'avoir, par un raisonnement artificiel et subtil, sacrifié la substance et l'esprit des amendements.

C'est en 1896 qu'Harlan écrit son opinion la plus célèbre, lorsque la Cour rend l'arrêt Plessy v. Ferguson, sans doute un de ceux qui sont jugés le plus sévèrement aujourd'hui. L'arrêt formalise la doctrine qui sera appelée « séparés mais égaux » (separate but equal), et déclare que les États peuvent, sans violer la Constitution, imposer la ségrégation raciale (les Civil Rights cases ne portaient que sur la ségrégation pratiquée par des personnes privées, comme le propriétaire d'un hôtel). La majorité, par la plume du juge Brown, déclare que la séparation des races n'implique pas une hiérarchie entre elles, et que si les noirs la perçoivent comme un signe d'infériorité, c'est seulement parce qu'ils choisissent de le voir ainsi. La Constitution impose seulement (ce qui ne sera guère respecté) que l'État offre des conditions égales de part et d'autre de la séparation. Harlan est seul à s'opposer à la décision. Rédigeant son opinion avec une éloquence qui inspirera des générations de militants des droits civiques, il écrit : « Mais selon la Constitution, aux yeux de la loi, il n'y a pas dans ce pays une classe supérieure, dominante, ou dirigeante. Nous n'avons pas de caste. Notre constitution ne distingue pas les couleurs, et ne connaît ni ne tolère aucune classe parmi les citoyens. S'agissant des droits civiques, tous les citoyens sont égaux devant la loi. Le plus humble est l'égal du plus puissant. Pour la loi, un homme est un homme, et elle ne peut dépendre de sa couleur ou de son milieu alors même que ses droits civiques sont garantis par la loi suprême du pays » . À raison, il prédit à la décision de la Cour un jugement de l'histoire aussi sévère qu'à l'arrêt Scott v. Sandford, lorsqu'elle avait jugé, quelques années avant la guerre de Sécession, qu'un Noir ne pouvait en aucun cas être un citoyen.

En 1902, Harlan écrit encore une opinion dissidente dans un arrêt majeur, Lochner v. New York. Il n'est cette fois pas seul, puisque la décision n'est acquise que part cinq voix contre quatre, et que deux autres juges signent son opinion. La majorité de la Cour est à cette époque favorable à une politique économique de « Laissez faire », et hostile à la législation du travail. Elle casse une loi de l'État de New York qui limite le temps de travail des boulangers à soixante heures par semaine, arguant que ce travail n'est pas spécialement nocif et que cette loi est une atteinte à la liberté de contracter de l'employeur et du salarié, liberté protégé par la clause dite de due process de la constitution. Harlan, tout en concédant que la loi ne peut mettre fin à la liberté de contrat, soutient qu'elle peut cependant être régulée pour le bien commun. En l'espèce, la pouvoir législatif a fait valoir, avec des arguments sérieux, que ce travail était dangereux pour la santé, et le pouvoir judiciaire doit s'en remettre à son appréciation. C'est cependant l'autre opinion dissidente, celle de son collègue Holmes, courte et percutante, qui sera retenue par l'histoire, avec sa phrase clé : « une constitution n'est pas destinée à incorporer une théorie économique particulière ».

Harlan reste à la Cour jusqu'à sa mort le 14 octobre 1911. Il y aura siégé durant trente-quatre ans, l'une des plus longues présences. Il est considéré par beaucoup comme un des juges les plus importants, provocateurs et visionnaires de l'histoire des États-Unis.

Sur les autres projets Wikimedia :




Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article John Marshall Harlan de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Нужно сделать НИР?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • John Marshall Harlan — um 1890 John Marshall Harlan (* 1. Juni 1833 im Boyle County, Kentucky; † 14. Oktober 1911 in Washington D.C.) war ein amerikanischer Jurist und von 1877 bis zu seinem Tod Richter am O …   Deutsch Wikipedia

  • John Marshall Harlan II — John Marshall Harlan John Marshall Harlan II (* 20. Mai 1899 in Chicago, Illinois; † 29. Dezember 1971 in Washington, D.C.) war ein US amerikanischer Jurist und von 1955 bis 1971 Richter am O …   Deutsch Wikipedia

  • John Marshall Harlan II — Infobox Judge name = John Marshall Harlan imagesize = caption = office = Associate Justice of the United States Supreme Court termstart = March 28, 1955 termend = September 23, 1971 nominator = Dwight D. Eisenhower appointer = predecessor =… …   Wikipedia

  • John Marshall Harlan — This is about the pre World War I US Supreme Court justice; for his grandson, the mid 20th century holder of the same position, see John Marshall Harlan II. Infobox Judge name = John Marshall Harlan imagesize = caption = office = Associate… …   Wikipedia

  • John Marshall Harlan (disambiguation) — John Marshall Harlan may refer to:*John Marshall Harlan (1833 1911) US Supreme Court Justice, 1877–1911 *John Marshall Harlan II (1899 1971), his grandson, US Supreme Court Justice, 1955 1971 …   Wikipedia

  • Harlan, John Marshall — born June 1, 1833, Boyle county, Ky., U.S. died Oct. 14, 1911, Washington, D.C. U.S. jurist. In the 1850s he was a lawyer and county judge in Boyle county, Ky. From 1861 to 1863 he commanded a Union regiment in the American Civil War. He served… …   Universalium

  • Harlan,John Marshall — Har·lan (härʹlən), John Marshall. 1833 1911. American jurist. As an associate justice of the U.S. Supreme Court (1877 1911) he was known for his outspoken dissenting opinions. His grandson John Marshall Harlan (1899 1971) also served as an… …   Universalium

  • Harlan, John Marshall — (1 jun. 1833, condado de Boyle, Ky., EE.UU.–14 oct. 1911, Washington, D.C.). Jurista estadounidense. En la década de 1850 fue abogado y juez en el condado de Boyle, Ky. De 1861 a 1863 estuvo a cargo de un regimiento de la Unión en la guerra de… …   Enciclopedia Universal

  • John Marshall (Politiker) — John Marshall. John Marshall (* 24. September 1755 in Germantown, heute Midland im Fauquier County, Virginia; † 6. Juli 1835 in Philadelphia, Pennsylvania) war ein US amerikanischer Politiker. Er war …   Deutsch Wikipedia

  • John Marshall Metropolitan High School — Marshall Metropolitan High School Address 3250 W. Adams Street Chicago, Illinois, 60624 USA Coordinates …   Wikipedia

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”