- Johann von Leers
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Johann von Leers, alias Omar Amin, né le 25 janvier 1902 à Vietlübbe, en Allemagne, mort le 5 mars 1965 au Caire, en Égypte. Membre du parti national-socialiste et de la SS, protégé d’Alfred Rosenberg, il fut l'un des idéologues les plus importants du troisième Reich avant de travailler pour le Ministère égyptien de l'information. Devenu Omar Amin en Égypte après avoir été recruté par Gamal Abdel Nasser, qui le nommera responsable de la propagande anti-juive au Caire, Von Leers se convertira à l'islam au contact des Frères musulmans égyptiens. Von Leers devint un ami personnel du Mufti de Jérusalem[1].
Sommaire
Biographie
Johann von Leers fut très tôt un membre actif du parti nazi et en 1929, il était devenu l’un des protégés de Joseph Goebbels[2]. En 1933, il signe la Gelöbnis treuester Gefolgschaft, déclaration d'allégence de 88 artistes à Adolf Hitler.
En avril 1938, von Leers fut nommé professeur à l'université Friedrich-Schiller à Iéna. Il était spécialiste de "l’histoire juridique, économique et politique sur des bases raciales" (Rechts-, Wirtschafts- und politische Geschichte auf rassischer Grundlage). Il maîtrisait cinq langues : l'anglais, le français, l'espagnol, le hollandais, et le japonais[3]. Dans sa jeunesse, il fut membre du mouvement nationaliste de la jeunesse Adler u. Falken (Aigles et Faucons), où il noua des liens durables avec Heinrich Himmler.
Von Leers était un membre actif du Mouvement allemand de la Foi, sous le patronage de Heinrich Himmler. Son objectif était de "libérer l'Allemagne de l'impérialisme judéo-chrétien" en créant, à sa place, une nouvelle religion païenne[4]. Avec d’autres, il avait aussi été à l’origine d'un plan pour développer la race aryenne par la procréation. En compagnie d'un certain Friedrich Lamberty-Muck[5] qui prêchait la polygamie, il fut l’inspirateur du projet Lebensborn, activement mis en application par Himmler.
Von Leers était le spécialiste des affaires juives. Il fut l'un des propagandistes les plus radicaux de l’antisémitisme du Troisième Reich. Le philosophe juif, Emil Fackenheim, a expliqué que von Leers défendit une position selon laquelle "les États qui hébergent des juifs hébergent la peste, et le Reich a le devoir moral et le droit légal de conquérir ces pays parce qu’il doit aller jusqu’au bout de sa lutte sans merci pour éradiquer la peste."[6].
Von Leers possédait d’indéniables talents, qu'il a déployés pour asseoir les bases idéologiques de la collaboration du nazisme et de l’islam[7]. Après la guerre, il a poursuivi son action en Égypte. Son travail fut considéré comme très positif, et a été pleinement soutenu.
Jeffrey Herf (en) signale qu'en décembre 1942, von Leers a publié, dans "Die Judenfrage", journal d’intellectuels antisémites, un article intitulé "Le judaïsme et l’islam face à face". Comme le titre l’indique, l'auteur adoptait une perspective hégélienne, et présentait le judaïsme et l’islam en termes de thèse et d'antithèse. Cet essai mettait également en lumière le point de vue nazi obséquieux, que von Leers projetait sur le passé de l’islam : « L'hostilité de Mahomet envers les juifs a eu une conséquence : les juifs d’Orient ont été totalement paralysés. Leur assise a été détruite. Le judaïsme oriental n'a pas réellement participé à l’extraordinaire montée en puissance du judaïsme européen au cours des deux derniers siècles. Repoussés dans la saleté des ruelles du mellah [dans les villes marocaines, c'est le quartier juif entouré de murs, analogue au ghetto européen], les juifs ont mené là une vie misérable. Ils ont vécu sous une loi spéciale, celle d'une minorité protégée, qui contrairement à l'Europe ne leur permettait pas de pratiquer l'usure ni même le trafic de marchandises volées, les maintenant dans l’oppression et l’angoisse. Si le reste du monde avait adopté une politique semblable, nous n'aurions pas de question juive (Judenfrage)... En fait, en tant que religion, l’islam a rendu un service éternel au monde : il a empêché la conquête menaçante de l'Arabie par les juifs. Il a vaincu, grâce à une religion pure, le monstrueux enseignement de Jéhovah. C'est ce qui a ouvert à de nombreux peuples la voie vers une culture supérieure... »[8]
Pour sa part, lors de sa rencontre avec Hitler, le 21 novembre 1941, et dans ses émissions de radio, l'ancien mufti de Jérusalem, Haj Amin Al-Husseini, affirmait que les juifs étaient les ennemis communs de l’islam et de l'Allemagne nazie[9]. L'ancien mufti fit de fréquents déplacements dans les Balkans pour y encourager les unités musulmanes SS. Les radios de l’Axe ont fidèlement rendu compte de ces visites. Au cours de son émission du 21 janvier 1944, Haj Amin soulignait :
« Le Reich mène le combat contre les mêmes ennemis, ceux qui ont spolié les musulmans de leurs pays et anéanti leur foi religieuse, en Asie, en Afrique et Europe... Le national-socialisme allemand lutte contre les juifs partout dans le monde. Comme le dit le Coran: "Tu apprendras que les juifs sont les pires ennemis des musulmans". Les principes de l’islam et du nazisme sont très proches, en particulier dans leur affirmation des valeurs du combat et de la fraternité d'armes, dans la prééminence du rôle du chef, dans l'idéal d'Ordre. Voila ce qui rapproche étroitement nos valeurs et facilite la coopération. Je suis heureux de voir, dans cette unité de musulmans SS, la mise en pratique indiscutable de nos deux visions du monde »[10].
Après la guerre, von Leers a habité incognito en Italie jusqu'en 1950, puis il a fui en Argentine, où il a travaillé comme rédacteur en chef du mensuel nazi, Der Weg. Il a établi dans ce pays des contacts étroits avec Adolf Eichmann. Après la chute de Perón en 1955, il est parti au Caire, où il a obtenu un poste au Ministère égyptien de l'information. Avec le soutien de l'ancien mufti, qui vivait, lui aussi, en Égypte, il se convertit à l’islam et prit pour noms Mustafa Ben Ali et Omar Amin[11].
Von Leers a contribué financièrement à la publication d'une édition arabe des Protocoles des Sages de Sion. Il a organisé la diffusion d’émissions de radio antisémites en plusieurs langues, encouragé les mouvements néo-nazis dans le monde entier, et entretenu une correspondance chaleureuse avec les premiers négationnistes, dont Paul Rassinier[12].
En plus de ses obligations professionnelles quotidiennes, Johann von Leers était actif au titre de « contact pour l'organisation des anciens membres des SS (ODESSA) en territoire arabe »[13]. Et ce fut son ami, Haj Amin Al-Husseini, qui lui trouva un poste de conseiller politique au Ministère égyptien de l'information[14]. Dans son discours de bienvenue au Caire, l'ancien mufti déclara à l’adresse de von Leers : « Nous vous remercions de prendre part à la bataille contre les forces du Mal incarnées par les juifs du monde entier. »[15].
Bibliographie
- Kurt P. Tauber, Beyond Eagle and Swastika [Par delà l'aigle et la swastika], Wesleyan University Press, 1967, T2
Ecrits de von Leers
- Juden sehen dich an (1933)
- Blut und Rasse in der Gesetzgebung (1936)
- Rassen, Völker und Volkstümer (1939)
- Odal – Das Lebensgesetz eines ewigen Deutschlands (1939)
- En nations p°anyttfödelse, Leers, Johann von. - Malmö : Dagens Böcker, 1948
- Geschichte des deutschen Bauernrechts und des deutschen Bauerntums, Leers, Johann von. - Leipzig : Kohlhammer, Abt. Schaeffer, 1944, 4. durchges. u. erg. Aufl.
- Babylon unter Davidsternen und Zuchthausstreifen, Olivero, Luigi. - Berlin : Runge, [1944], 1.-5. Tsd.
- Die Verbrechernatur der Juden, Leers, Johann von. - Berlin W 35 [Kluckstr. 29] : Paul Hochmuth, 1944
- Bauerntum, Leers, Johann von. - Berlin : Reichsnährstandsverl., 1943, 9. Aufl.
- De poort van Rusland opengebroken, Leers, Johann von. - Amsterdam : Westland, 1942
- Staatskunde, Leers, Johann von. - Potsdam : Bonneß & Hachfeld, 1942
- Geschichte und Idee des nationalsozialistischen Staates, Leers, Johann von. - Potsdam : Bonness & Hachfeld, 1942
- Germania, rena¸sterea spirituala a unei na¸tiuni, Leers, Johann von. - Bucure¸sti : "Catea Româneasca, 1942
- Brännpunkter och stormcentra, Leers, Johann von. - Malmö : Dagens Böcker, 1942
Notes et références
- Philip Rees, Biographical Dictionnary of the extreme right since 1890, Harvester Wheatsheaf, 1990, p. 227
- Schaul Baumann, The German Movement of Faith and Its Founder Jakob Wilhelm Hauer (1881-1962) [Le mouvement allemand de la foi et son fondateur, Jakob Wilhelm Hauer (1881-1962)], dissertation doctorale, Université Hébraïque, 1998, 241, n. 49. Voir également Ulrich Nanko, Die Deutsche Glaubensbewegung: Eine historische und soziologische Untersuchung [Le mouvement allemand de la foi : recherche historique et sociologique], Marburg, Diagonal, 1993), passim [en allemand]
- Robert S. Wistrich, Who's Who in Nazi Germany [Qui est qui dans l'Allemagne nazie], Londres, Routledge, 1995, p. 153
- Karla Poewe, New Religions and the Nazis [Les nouvelles religions et les nazis], New York et Londres, Routledge, 2006, p.25
- Schaul Baumann, Die Deutsche Glaubensbewegung und ihr Gruender Jakob Wilhelm Hauer (1881-1962) [Le mouvement allemand de la foi et son fondateur, Jakob Wilhelm Hauer (1881-1962)], Alma Lessing, Marburg, Diagonal-Verlag, 2005, p.171, n. 358 [en allemand]
- Emil L. Fackenheim, To Mend the World: Foundations of Post-Holocaust Jewish Thought [Réparer le monde : Fondements d'une pensée juive après l’Holocauste], Bloomington et Indianopolis, Indiana University Press, 1994, p. 184.
- Jeffrey Herf, "Convergence: The Classic Case, Nazi Germany, Anti-Semitism and Anti-Zionism during World War II" [Convergence : Le cas classique, l'Allemagne nazie, l'antisémitisme et l'antisionisme pendant la Deuxième Guerre mondiale], The Journal of Israeli History 25 : 1er mars 2006, 66-79. Dans ce texte, Herf a établi que c'était la politique officielle et "un élément d'un vaste effort stratégique", comme le montrent les directives à la presse et les textes eux-mêmes, "courtiser les Arabes pour qu’ils se joignent aux puissances de l’Axe" (p. 67). Il en a résulté "une convergence de l'antisémitisme et de l'antisionisme dans le régime nazi (p. 72).
- Judentum und Islam als Gegensaetze, Die Judenfrage vol. 6, numéro 24 (15 décembre 1942) : 278. cité et commenté par Herf, The Jewish Enemy [L'ennemi juif], p.181.
- Gerald Fleming, Hitler and the Final Solution [Hitler et la solution finale], Berkeley, Publications de l’Université de Californie, 1984, p. 101-105. Ce chapitre décrit la visite de l'ex-Mufti à Hitler, le 21 novembre 1941, et contient le protocole de leur discussion
- Maurice Pearlman, Mufti of Jerusalem: The Story of Haj Amin el Husseini [Le Mufti de Jérusalem : Histoire de Haj Amin El Husseini, Londres, Gollancz, 1947, p. 64
- Jennie Lebel, Haj Amin ve-Berlin [Haj Amin et Berlin] , Tel Aviv, 1996, p. 212
- « Les amis de Rassinier, Johann von Leers », 2001] PHDN,
- Bundesarchiv-Findmittelinfo
- Robert S. Wistrich, Who's Who in Nazi Germany [Qui est qui dans l'Allemagne nazie], Londres, Routledge, 1995, p.176
- Bernard Lewis, Semites and Anti-Semites, W. W. Norton & Company, 1999, p.207
Articles connexes
Liens externes
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