Jasmin (poète)

Jasmin (poète)
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Jasmin.

Jacques Boé, dit Jasmin (en occitan Jacme Boèr dit Gensemin ou Jansemin), né le 6 mars 1798 à Agen, mort le 4 octobre 1864 dans la même ville, est un coiffeur et un poète gascon. Il composait des chansons et de petits poèmes qu’il récitait à ses clients. Encouragé à persévérer par des amis puis par des critiques, il écrivit des œuvres plus importantes, utilisant l’occitan auquel il donna une impulsion nouvelle.

Sommaire

Sa vie

Fils d’un tailleur, Jasmin est issu d’une famille du petit peuple d’Agen. Après quelques études chez un régent et au séminaire de la ville, il est mis en apprentissage chez un coiffeur. Son goût des histoires, ses talents de conteur y font merveille et il peut bientôt s’installer à son compte et se marier. Il devient célèbre avec sa romance La fidelitat agenesa composée à l’occasion du carnaval de 1822. Il continue avec Lo Charibari en 1825. La consécration vient quand il fut couronné par l’Académie d'Agen pour son ode Lou tres de may à l’occasion de l'inauguration de la statue d’Henri IV à Nérac en 1830. L’académie ne couronnait jusqu’ici que des ouvrages en français. Il commence alors une carrière de lecteur public de ses poésies dans la région puis de plus en plus loin. En 1836, la récitation à Bordeaux de L’abuglo de Castèl-Cuilhèr lui assure une renommée nationale. À partir de 1840, ses tournées dans le Midi l’occupent à temps plein et deviennent des événements qui attirent les foules. Il aurait donné en tout plus de 12000 séances, distribuant les revenus à des œuvres de bienfaisance.

Son œuvre

Grand conteur, il a su faire renaître la poésie populaire occitane et suscité d’innombrables vocations. Ses différentes œuvres et poésies sont rassemblées dans ses quatre Papillôtos (1835, 1842, 1854 et 1863). Si Jasmin se dit gascon, son œuvre est rédigée en languedocien, dans le parler d’Agen.

Principales œuvres :

  • Las Papillôtos (les Papillotes),
  • L'Abuglo de Castèl-Cuillè (l'Aveugle de Castelculier),-traduit en Américain par Longfellow-(l'Univers Illustré)
  • Françoneta (Françounette),
  • Los dos fraires beçons (les Deux frères jumeaux),
  • La Setmana del Filh (la Semaine du fils).
  • Mos Sovenirs (Mes souvenirs).
  • Maltra l'innocenta (Maltre l'innocente).
  • Lo poèta del puple a Monsur Renan (le Poète du peuple à Monsieur Renan).

Extraits

Apèi, luènh del brut de l'enveja,
Fai çò que fasèm tots: los uèlhs oberts, sauneja,
E sans pèiretas ni martèl,
Se bastís un pichon castèl
Ont pròche de Pascal tot lusís, tot daureja
E raja de bonur; ò ! lo sage a rason:
« L'ama sofrenta aima milhor. »
Aquesta, déjà tota al fait que la mestreja,
Sent qu'aima per totjorn; tot li ritz, mès, ailàs !
Mèl d'amor tròp viste amareja;
Tot d'un còp, se soven, fremís, ven coma glaç;
Al truc d'una pensada afrosa
Son castelet s'es demolit;
Revava d'amor, malurosa !
L'amor li'es defendut, lo grand Sorcièr z'a dit,
Lo Demon l'a crompada; e l'òme assès ardit
Per l'esposar, d'aprèt la menaça infernala,
Non diu trobar qu'un clòt dins sa cramba noviala; ...
Ela, veire morir Pascal a son costat !!
Pietat, mon Diu !… mon Diu, pietat !!

Françoneta (troasièma pausa).

(En graphie occitane normalisée)

(Après, loin du bruit de l'envie, elle fait ce que nous faisons tous: les yeux ouverts, elle rêve, et sans pierre ni marteau, elle se bâtit un petit château où près de Pascal tout reluit, tout rayonne et ruisselle de bonheur; oh ! le sage a raison: « L'âme souffrante aime le mieux. » Celle-ci, déjà toute au feu qui la maîtrise, sent qu'elle aime pour toujours; tout lui rit, mais, hélas ! miel d'amour trop vite devient amer; tout à coup, elle se souvient, frémit, devient comme glace; au coup d'une pensée affreuse son petit château s'est démoli; elle rêvait d'amour, malheureuse ! L'amour lui est défendu, le grand Sorcier l'a dit, le Démon l'a achetée; et l'homme assez hardi pour l'épouser, d'après la menace infernale, ne doit trouver qu'un tombeau dans sa chambre nuptiale;… Elle, voir mourir Pascal à son côté !! Pitié, mon Dieu !… mon Dieu, pitié !!)

Bibliographie

Dans son ouvrage La Monographie de la Presse parisienne parue en 1842, Balzac se moque gentiment de celui qu'il nomme le «poète perruquier» sous l'espèce du critique «blagueur» dit de la deuxième variété. Il y peint Jasmin amené à Paris par un article dont le critique «blagueur» rend compte par ces lignes: «Le célèbre Jasmin est de retour à Paris. Dans une brillante soirée, donnée par M. Villemain chez un de ses amis, le célèbre poète charabia a lu sa charmante élégie du Fer à toupet:

Qu'es debenou lou tan oï moin mouse inconnou
Cantait loun blou cielo et vertous compagnou
Timidou, craintivo, coum oun hirondello
Ché vollou légèrou sour lo petiot ruisso!

Ces vers ravissants, que personne n'a compris, ont excité un immense enthousiasme.»

Dans La sorcière de Jasmin (collection « L’Univers historique », Éditions du Seuil, 1983), Emmanuel Le Roy Ladurie reproduit les quatre « pauses » du poème « Françoneta », les accompagnant d'une étude poussèe sur les sources de l’œuvre. Il démontre que Jasmin s’est inspiré d'une histoire connue dans les campagnes gasconnes de la rive gauche de la Garonne, à l’ouest d’Agen, autour de Roquefort, histoire basée sur un fait authentique qu’il situe un siècle plus tard que l’histoire de Jasmin : fin du XVIIe siècle plutôt que guerres de religion. Le fait que l’histoire se soit transmise du fait véridique jusqu’au poème de Jasmin sans « reconstruction » par l'autorité, sans passage par la justice ou l'église, permet de retrouver de vrais caractères de la « sorcellerie » occitane, très proches de ce qu’on constate un peu partout en Europe à la même époque.

Postérité

  • À Agen, sa statue, bronze du sculpteur Vital-Dubray, est installée sur la place qui porte son nom et inaugurée le 12 mai 1870. Frédéric Mistral, malgré le peu d'intérêt que Jasmin avait porté au Félibrige, lui adressa à cette occasion un vibrant hommage[1].
  • Une rue de Paris porte son nom, ainsi qu’une station de métro près de cette dernière.

Notes et références

Voir aussi

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