Jamal-Eddine Al-Afghani

Jamal-Eddine Al-Afghani

Jamal-al-Din Afghani

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Sayyid Jamāl Al-Dīn Al-Afghāni (persan: سید جمال الدین الافغاني), était un intellectuel réformiste musulman.

Sommaire

Début de la vie

Jamāl Al-Dīn Al-Afghāni nait en octobre 1838[1] dans une famille persane et chiite dont les origines remontent au petit-fils de Mahomet, Al-Husayn Ibn Ali.

Des interrogations subsistent sur son lieu de naissance, Al-Afghani lui-même, et certaines sources, disent qu'il est en 1838 à Asadabad, un district de la province de Kunar en Afghanistan[2]. Cependant, en compilant la documentation disponibles en Iran depuis son expulsion en 1891, il semble qu'il soit à Asadabad près de Hamedan, en Iran.[3],[4],[1].

Il a d'abord étudié à la maison avec son père, puis a poursuivi ses études à Qazvin, à Téhéran, et enfin, dans les villes sanctuaires chiite d'Irak, Nadjaf et Kerbala[3]. Mortimer pense que les travaux du cheikh Ahmad Ahsa'i ont eu une influence sur Al-Afghani[5].

Certaines sources pensent qu'Al-Afghani a prétendu être un afghan afin de se présenter lui-même comme un musulman sunnite - la branche à laquelle adhèrent la plupart des musulmans- et d'échapper à l'oppression par le gouvernement iranien,[3] ou encore d'être associé à la plus grande branche de l'islam, afin d'« atteindre un public plus large ».[6]

Jeunesse

Il apprend larabe et le persan au début de son parcours scolaire, et étudie le Coran ainsi que quelques rudiments de sciences islamiques. À dix-huit ans, il achève ses études religieuses et part en Inde pour étudier les sciences dites modernes. À lâge de dix-neuf ans, en 1857, il se rend au Hijaz pour accomplir le pèlerinage à La Mecque. En 1860, il s'installe en Afghanistan et se fait passer pour un musulman sunnite de Constantinople, puis il se rend dans l'empire ottoman il déclare être un musulman sunnite afghan (d' "el-Afghani") [réfnécessaire]. Toute sa vie durant, il ne cesse détudier. Il entreprend ainsi dapprendre le français à un âge avancé.

Lorsquun conflit éclate entre les princes afghans, Jamāl Al-Dīn saligne aux côtés de Muhammad Adham Khan qui occupe alors un poste de ministre. Il se heurte néanmoins aux Britanniques, ce qui le conduit à quitter lAfghanistan en 1868. Il passe par lInde avant de se rendre en Égypte il séjourne pendant quelque temps, fréquentant régulièrement la Mosquée al-Azhar. Sa maison est alors un lieu de visite pour un grand nombre détudiants et de chercheurs, en particulier des Syriens. Il part ensuite à Istanbul sous le gouvernement de Abdülhamid II. Sa réputation grandit et sa renommée saccroît. Son appel à la nécessité de la réforme trouve de bons échos chez les Ottomans, ce qui fait dire au Britannique Blint :

« Linitiative des Ottomans de transformer leur Empire en un État constitutionnel peut être attribuée en tout premier lieu à linfluence de Jamal Al-Dîn, qui, lorsquil sinstalla dans leur capitale, se mit à discuter avec eux et à les appeler à rejoindre ses conceptions. »

[réfnécessaire]

En Turquie puis en Égypte

À Istanbul, il est désigné membre du Conseil Suprême des Sciences. Il est alors la cible dune opposition et dattaques virulentes de la part des savants stambouliotes et des prédicateurs des mosquées, à qui les idées et les discours du nouveau-venu déplaisent. Il quitte alors Istanbul pour revenir en Égypte en 1871, il est accueilli avec tous les honneurs par les Égyptiens.

Le gouvernement dÉgypte lavait accueilli et lui avait accordé une allocation pour rester dans le pays. À cette période, il rencontrera Muhammad Abduh et Saad Zughlul (future grande figure de la politique égyptienne, il deviendra premier ministre en 1924). Durant ces années, ils sétaient groupés autour de lui des personnes avec lesquelles il avait formé des cercles de formation, ces étudiants seront plus tard les futurs héros de lindépendance et les élites du pays. Dans ses cercles de formation, ils abordaient la haute théologie, la philosophie spéculative traitant des sciences naturelles et intellectuelles, lastronomie, le soufisme, et le droit musulman. Plus tard les orientalistes diront que durant ces années, laction de Djamal al-Din al-Afghani avait contribué à la fermentation des esprits. En 1879, son influence grandissante était devenue menaçante pour les colons Anglais dÉgypte, et il avait quitter le pays suite aux problèmes quils lui avaient causé.

Avec Muhammad Abduh à Paris

Ses articles de presse provoquent aussi bien le courroux des Britanniques que celui de la classe politique égyptienne. Lorsque le Khédive Tawfîq Pasha prend le pouvoir en Égypte, il chasse Jamāl Al-Dīn qui doit retourner en Inde en 1879, après avoir passé près de huit ans en Égypte. On note qu'a cette époque vers 1880, il avait écrit son principal livre « sa réfutation des matérialistes» à Haydarabad. Cette épitre donne ses explications sur la nouvelle doctrine du « Neïtchur », ou « nature » en persan, et du matérialisme qui en découlait.

Puis il quitte lInde pour rejoindre Londres, et ensuite Paris en 1882. En France, il se fait rejoindre pas ses étudiants dont Muhammad Abduh. Les deux hommes créent ensemble un hebdomadaire en arabe « al Urwa-al Wuthka » (le lien indissoluble, tiré du coran). Le 1er numéro est paru le 13 mars 1884 et le 18e et dernier numéro le 17 octobre 1884. Cette revue avait été envoyé en Égypte en Inde, elle avait été cependant considérable, elle avait attaqué laction anglaise dans les pays à majorité musulmane et elle avait souligné les bases doctrinales sur lesquelles devrait sappuyer lislam pour retrouver sa force.

Au printemps 1883 éclata laffaire du philosophe français Ernest Renan. Ce philosophe français avait présenté à luniversité de la Sorbonne une conférence sur lislamisme et la science dans laquelle il avait posé sous une forme accentuée lantinomie de lesprit scientifique et du fanatisme théologique. Ernest Renan sétait attaché à démontrer que la religion musulmane était, par son essence même opposé au développement de la science, et que le peuple arabe, par sa nature, naime ni les sciences métaphysiques, ni la philosophie. Djamal al-Din, devant cette provocation, avait publié en français en date du 18 mai 1883, dans « Le journal des débat » une réponse à la conférence dErnest Renan, dans laquelle il avait affirmé que lislam est compatible avec la science et quil eut des esprits savants chez les musulmans, même arabe, et que seul létat actuel de lislam pouvait faire penser le contraire. Plus tard les orientalistes diront qual-Afghani avait défié Renan sur ses propres terres. Par ailleurs, on note que Renan avait été lobjet de trois réfutations de savants musulmans éminents² : en français par al-Afghani (« Journal des Débats, Paris, 18 mai 1883, réponse de Renan, l.c, p. 402-409), en russe par limam Baïazitov (impr. Petersbourg 1883), en turc par Nameq Kemal, il avait critiqué notamment une source sur laquelle citait Renan. (² [[Louis Massignon]], article REI p. 297-301, cahier 2, 1927)

A cette époque, les grands journaux européens avaient publié de lui des articles très remarqués dans les milieux influents, sur des thèmes comme la politique orientale de la Russie et lAngleterre, la situation en Turquie et en Égypte.

La réfutation à Ernest Renan, dans le « Journal des Débats », à Paris

La conférence du philosophe français Ernest Renan, à luniversité de la Sorbonne, tentait de démontrer que la religion musulmane était par son essence même opposée au développement de la science métaphysiques, et que le peuple arabe, par sa nature, naime ni les sciences métaphysiques, ni la philosophie. Al-Afghani citait dans sa réponse : « cette plante précieuse [la religion musulmane], semble dire M. Renan, se dessèche entre ses mains [les arabes] comme brûlée par le souffle du vent du désert ».

Les principaux passages de la réponse dal-Afghani :

« En songeant toutefois que la religion chrétienne a précédé de plusieurs siècles dans le monde la religion musulmane, je ne peux pas mempêcher despérer que la société mahométane arrivera un jour à briser ses liens et à marcher résolument dans la voie de la civilisation à linstar de la société occidentale pour laquelle la foi chrétienne, malgré ses rigueurs et son intolérance, na point été un obstacle invincible. Non, je ne peux admettre que cette espérance soit enlevée à lislam. Je plaide ici auprès de M. Renan, non la cause de la religion musulmane, mais celle de plusieurs centaines de millions dhommes qui seraient ainsi condamnés à vivre dans la barbarie et lignorance ».

« Personne nignore, que le peuple arabe, alors quil était dans létat de barbarie, sest lancé dans la voie des progrès intellectuels et scientifiques avec une vitesse qui na été égalée que par la rapidité de ses conquêtes car, dans lespace dun siècle, il a acquis et sest assimilé presque toutes les sciences grecques et persanes qui sétaient développées lentement pendant des siècles sur le sol natal, comme il étendit sa domination de la presquîle arabique jusquaux montagnes de lHimalaya et au somment de Pyrénées. On peut dire que dans toute cette période les sciences firent des progrès étonnants chez les arabes et dans tous les pays soumis à leur domination. Rome et Byzance étaient alors les sièges des sciences théologiques et philosophiques ainsi que le centre lumineux et comme le foyer ardent de toutes les connaissances humaines. »

« Toute fois il est permis de se demander comment la civilisation arabe, après avoir jeté un si vif éclat dans le monde, sest éteinte tout à coup ; comment ce flambeau ne sest pas rallumé depuis, et pourquoi le monde arabe reste toujours enseveli dans de profondes ténèbres. »

« Les religions, de quelque nom quon les désigne, se ressemblent toutes. Aucune entente ni aucune réconciliation ne sont possibles entre ses religions et la philosophie. La religion impose à lhomme sa foi et sa croyance, tandis que la philosophie len affranchit totalement ou en partie. Comment veut-on dès lors quelles sentendent entre elles ? Lorsque la religion chrétienne, sous les formes les plus modestes et les plus séduisantes, est entrée à Athènes et à Alexandrie qui étaient, comme chacun sait, les deux principaux foyers de la science et de la philosophie, son premier soin été, après sêtre établie solidement dans ces deux villes, de mettre de côté et la science proprement dite et la philosophie, en cherchant à les étouffer lune et lautre sous les broussailles des discussions théologiques, pour expliquer les inexplicables mystères de la trinité, de lincarnation et de la Transsubstantiation. Il en sera toujours ainsi. Toutes les fois que la religion aura le dessus, elle éliminera la philosophie ; et le contraire arrive quand cest la philosophie qui règne en souveraine maîtresse. Tant que lhumanité existera, la lutte ne cessera pas entre le dogme et le libre examen, entre la religion et la philosophie, lutte acharnée et dans laquelle, je le crains, le triomphe ne sera pas pour la libre pensée, parce que, aussi, la science, si belle quelle soit, ne satisfait pas complètement lhumanité qui a soif didéal et qui aime à planter dans des régions obscures et lointaines que les philosophes et les savants ne peuvent ni apercevoir ni explorer. »

Epitre « Radd Neïtcheriye » ou « Réfutations des matérialistes » de al-Afghani

Ecrit en persan vers 1880, en Inde à Haydarabad, cette épitre en persan avait pour titre « Radd Neïtchuriyye ». Cest Muhammad Abduh qui avait traduit cette épitre en arabe, et en fit 3 éditions, la première en 1885, puis en 1894 et la troisième en 1902, lœuvre en arabe sintitule « Ar-Radd alä ad-Dahriyyîn ». A partir de cette dernière édition en arabe, Amélie-Marie Goichon, professeur orientaliste reconnu avait traduit ce livre en français avec le titre de « Réfutations des matérialistes »

Cet écrit se plaçait dans un contexte bien précis. Al-Afghani avait peur que les musulmans se soustraient à linfluence déprimante du matérialisme. Il avait vu le gouvernement Anglais attirer dans légarement un groupe dhabitant en Inde, en les sollicitant dabandonner les religions, de dénouer les nœuds de la foi. Beaucoup parmi le peuple étaient séduit par les opinions étrangères et détournés de leurs propres croyances. On sinformait auprès dal-Afghani sur la vérité de ce que réclamait cette bande dégarée, notamment Moulay Mohammed Wâcil, professeur de mathématiques au collège al-Aizza de Haydarabad du Dekkan, dans lInde, il lui avait écrit lui demandant des explications sur les partisans du « Neïtchur » ou autrement les « Neïtchuriyûn ».

La réponse du sheikh :

« Mon cher ami, « Neïtchur » signifie « nature », et la doctrine de la Neïtchur est cette doctrine matérialistes qui est apparue en Grèce au 4e et 3e siècle avant la naissance du Christ. Ses dirigeants ont pour but de faire disparaître les religions et de poser les fondements de la licence des mœurs, de la communauté des biens et de lunion libre entre tous les individus. Ils ont déjà fait de grands efforts pour exécuter leur dessin, ils ont multiplié leurs apparences, mais de quelque manière quils se soient trouvés dans une nation, ils ont gâté ses mœurs et leur effort a tourné contre eux en les détruisant eux-mêmes. A quiconque est allé au fond des desseins de partisans de cette méthode, il apparait une seule conclusion [possible] aux prémisses quils avaient posées : la corruption de la civilisation et la ruine de lédifice social. Car, sans aucun doute, la religion en général est le fil du collier, qui retient tout lordre social, et nulle base parfaitement affermie ne soffrira à civilisation sans la religion. Le premier enseignement de cette secte, cest lanéantissement des religions et le rejet de tout lieu religieux. Si cette méthode nest pas plus répandue et na pas plus dadaptes depuis le temps quelle se développe, en voici la cause : lordre de lharmonie humaine qui est un reflet de la sagesse divine et céleste, remporte la victoire sur ces principes fragiles de cette loi corrompue. Par ce mystère divin, des âmes humaines sont députées à labolition de ce qui sen manifeste, et cest pourquoi ils narrivent à se maintenir ni à saffermir en aucun moment. Pour développer ce que nous venons de dire, nous allons composer une petite épitre, avec lespoir quelle sera agrée par lintelligence spontanée de notre excellent ami, et quelle sera acceptée avec bienveillance de ceux qui ont lintelligence droite

Lépitre des « réfutations des matérialistes » se composent de dix-sept rubriques, dont la première évoque le dessein des matérialistes. Elle présente dabord le contexte dorigine dans lequel cette doctrine était née. Al-afghani présente, que dans la Grèce au 4e et 3e siècle av. JC, il y avait deux groupes distincts de penseurs. Le premier croyait à lexistence séparé de la matière et de létendue, ils établissaient que la chaîne des êtres, matériels et immatériels, sachève à un être pur de toute matière, unique à tous les points de vue, celui qui vraiment fait exister, le créateur de tous les êtres, immatériels et matériels, on les appelait les déistes, ceux qui sont à attachés à dieu. Cétait le parti de Pythagore, Socrate, Platon, Aristote. En revanche, lautre groupe niait tout être autre que la matière et les êtres matériels. Ils croyaient à lêtre par ce quils saisissent les cinq sens (vue, toucher, louïe, odorat, goût), et excluant toute autre chose, on les appelait les matérialistes (« maddiyûn » en arabe) et leur pensée était lécole hylozoïste dIonie pour les Grecs. Plus tard, cette école de pensée sera celle dEpicure, avec lépicurisme et des stoïciens. Cest ce deuxième groupe qual-Afghani tâchera dillustrer ses différentes composantes et leurs évolutions dans lHistoire. Al-Afghani réfute dans son développement les théories de Démocrite avec son concept du hasard, la théorie des germes et les idées philosophiques de Leibnitz. Il réfute aussi Epicure et Diogène Laërce sur leurs hypothèses des stades et des degrés de constitution physique. Il parle aussi des sciences géologiques puis de lécole de Darwin sur la transformation graduelle des formes chez les animaux et les plantes.

Un extrait de la réfutation sur Darwin :

« Parmi les faibles données que rapporte Darwin, ceci encore : tout un groupe ethnique coupait la queue de ses chiens ; après des siècles de persévérance, les chiens naissaient sans queue ! Autant dire : le besoin nayant pas témoigné en faveur de la queue, la nature sest abstenue den accorder le don. Loreille de ce malheureux est-elle donc fermée au récit de lhistoire des hébreux et des arabes ? Ils ont pratiqué la circoncision des milliers dannées, pas un nouveau ne naissait qui ne fût circoncis ; mais jusqu'à nos jours aucun enfant nest circoncis, à moins dêtre impuissant. Un groupe de matérialistes modernes saperçut de la fausseté des positions maintenues par leurs prédécesseurs ; ils rejetèrent alors leurs opinions pour prendre une nouvelle voie. Il nest pas possible, dirent-ils, que la matière privée de connaissance soit le principe de cet ordre parfait, de cette extraordinaire disposition, de ces figures merveilleuses, de ces belles formes et de tant dautres choses encore qui gardent leur mystère et ne montrent que leur influence. Non, la cause de lordre de lêtre est à la fois supérieur et inférieur ; ce qui nécessite la différence des formes, leur assigne figures et phases, et tout ce qui est indispensable à leur durée, cest un composé de trois choses : matière, force et intelligence (mâdda, quwwa, idrâk) »

Dans une autre rubrique traitant des croyances et des vertus procurées par la religion, al-afghani dit :

« La religion fait acquérir aux intelligences humaines trois dogmes et elle dépose dans les âmes trois vertus : -Lhomme est roi sur terre, et il est la plus noble des créatures -Laffirmation que lhomme nest venu à la vie dici bas que pour chercher à atteindre une perfection qui le prépare à laccès dun monde plus élevé et plus vaste que celui-ci, ainsi qua labandon de cette demeure étroite, remplie dadversités, digne de sappeler la maison des tristesses et le domaine des douleurs, pour une demeure spacieuse, libre de tout sujet de peine, au bonheur sans fin et à la durée sans limite. - »

En Iran

Le Chah dIran Nasseredin Shah linvite à venir à Téhéran il lhonore et lui affiche son estime. Les Iraniens sont séduits par ses principes et ses idées. Mais le Chah sent que les idées dAl-Afghāni constituent un danger potentiel pour le trône dIran. Il modifie alors son attitude envers son protégé. Al-Afghāni demande alors au Chah la permission de quitter lIran. Exaucé, il se rend à Moscou puis à Saint-Pétersbourg.

Lorsque Al-Afghāni visita lExposition de Paris en 1889, il y rencontre le Chah Nasseredin. Celui-ci lui affiche beaucoup de respect et damitié, ce qui incite Jamal Al-Dîn à revenir une nouvelle fois à Téhéran. Mais très vite, lattitude du Chah change à nouveau, en particulier depuis quAl-Afghāni sest mis à appeler à une réforme du gouvernement, critiquant ouvertement la situation politique de lIran. Le Chah ne peut supporter cela plus longtemps. Il estimait que la présence dAl-Afghāni dans son pays menaçait directement sa couronne. Il lui envoie un détachement militaire qui le conduit depuis son lit de malade jusquaux frontières avec la Turquie.

Al-Afghāni se dirigea alors vers Bassora puis vers Londres la tribune du journal Diyâ Al-Khâfiqîn lui permet dattaquer directement le Chah et de faire la lumière sur la situation de lIran durant son règne. Linfluence dAl-Afghāni sur les Iraniens était très forte. Elle était tellement forte quil parvint à faire publier par certains savants iraniens une fatwa interdisant la consommation de tabac après que la Régie de Tabac fut cédée à une société hollandaise[réfnécessaire]. Cest le cas de Mirzā Muhammad Hasan Ash-Shirāzi qui émet une fatwa interdisant aux Iraniens la consommation de tabac. Ces derniers observent scrupuleusement cette interdiction, allant jusquà demander lannulation dun accord signé avec une société arabe visant à fonder une régie du tabac en Iran. Le Chah est contraint dannuler cet accord.

Les intrigues des délateurs et les complots

Le Chah se tourne vers le Sultan Abdülhamid II afin quil demande à Al-Afghani de cesser de lattaquer. Le Sultan parvient à attirer Al-Afghāni vers Istanbul en 1892. Il voulait lhonorer par le grade de Qādī Askar, cest-à-dire « Juge suprême des contrées européennes ». Mais l'intéressé rejette la proposition, déclarant à lémissaire du Sultan :

« Dis à Sa Majesté le Sultan que Jamāl Al-Dīn considère que le grade de savant est le grade le plus élevé. »

Au cours de la présence dAl-Afghāni à Istanbul, le Khédive Abbās Hilmī vient visiter la capitale. Il a une brève entrevue avec Al-Afghāni. Mais les délateurs et les jaloux, parmi les ennemis dAl-Afghani et les proches du Sultan, trouvent dans cette rencontre un prétexte pour semer la zizanie entre le Sultan et Jamāl Al-Dīn. Ils exagèrent limportance de cette rencontre, jettent la suspicion et le doute sur ce qui a été dit, font croire au Sultan que les deux hommes se sont longuement entretenus sur les problèmes du Califat, et lavertissent du danger que peut représenter cette rencontre. Le Sultan ottoman convoque alors Jamāl Al-Dīn et lui fait part de ce qui se disait sur son compte. Al-Afghāni clarifie alors sa position et critique les délateurs.

La méthodologie dAl-Afghāni dans la réforme religieuse

Le retour au Coran est lune des plus grandes ambitions dAl-Afghāni, tout au long de sa vie. Il estime que la base essentielle pour la réforme et la prédication religieuse est le Coran:

« Le Coran est lun des plus grands moyens attirant le regard des Occidentaux sur la beauté de lIslam. Car il les invite à lui-même à travers son propre cadre. Mais lorsquils observent la situation déplorable des Musulmans à travers le spectre du Coran, ils dédaigneront de le suivre ou dy croire. »

Le Coran est ainsi lunique moyen de guidance et la base de toute réforme :

« Parmi les vertus du Coran, il y a celle-ci quavant sa révélation, les Arabes vivaient dans un état de barbarie indescriptible. Mais un siècle et demi à peine après sa révélation, ces mêmes Arabes devinrent les maîtres de leur monde et dépassèrent toutes les nations de la terre, en politique, en science, en philosophie, en industrie et en commerce.[...] La réforme religieuse doit donc se faire, en tout premier lieu, uniquement sur la base du Coran, puis sur sa compréhension authentique et libre. Pour ce faire, nous devons donc parfaire nos connaissances, favoriser leur acquisition et faciliter leur accès à ceux qui les recherchent. »

Jamal Al-Din entre le Sunnisme et le Chiisme

Certains spécialistes pensent qu'il était un Iranien originaire d'Asadabadi, un village près de Hamedan, et quil était chiite dobédience jafarite. Pourtant, il est réputé pour ses origines afghanes et sa doctrine sunnite. Il tenait par ailleurs beaucoup au qualificatif « Al-Afghāni », qui signifie « lAfghan », et fréquentait principalement les savants sunnites dans les pays musulmans quil visitait. Il toutefois tenir compte du fait, qu'à l'époque, que la séparation entre l'Iran et l'Afghanistan est récente et qu'aux yeux de beaucoup de gens, l'Afghanistan est toujours une province iranienne. Il s'agit d'une même nation sous l'autorité de deux souverains.

Ceux qui sont de cet avis essayent donc de trouver des preuves et des arguments appuyant leur thèse. Ils avancent notamment que :

  • la famille de Al-Afghāni vivait en Iran, et na laissé aucune trace de sa présence en Afghanistan.
  • le prénom du père de Al-Afghāni est Safdar, prénom iranien chiite signifiant « le héros qui brise les rangs adverses ».
  • Al-Afghāni sintéressait à lIran et à ses problèmes, plus quil ne le fit pour nimporte quel autre pays musulman.
  • Jamāl Al-Dīn parlait couramment le persan.
  • Jamāl Al-Dīn glorifiait les Iraniens et les félicitait pour leur intelligence.

Tous ces indices ne constituent cependant pas des arguments décisifs ou des preuves irréfutables. Ils sont en effet invalidés par la vie et les écrits de Al-Afghāni qui démontrent quil était un Afghan sunnite.

Par exemple dans son livre Tatimmat Al-Bayân Târîkh Al-Afghan (« Exposé complet de lHistoire des Afghans »), il critique les chiites pour sêtre éloignés de certains piliers de la religion au profit de phénomènes étrangers à celle-ci et de coutumes innovées. Il écrit :

« Lensemble des Afghans sont dobédience hanafite. Hommes ou femmes, citadins ou bédouins, ils ne badinent pas avec la prière et le jeûne, à lexception de la secte de Nûrî, qui sont des Shî`ites extrémistes. Ces derniers se préoccupent en effet davantage de la commémoration du meurtre dAl-Husayn - que Dieu lagrée - dans les dix premiers jours du mois de Muharram, se flagellant alors le dos et les épaules dénudés avec des chaînes. »

Un certain nombre de spécialistes et dintellectuels se sont dressés face à cette prétention, avec à leur tête le Docteur Muhammad Imārah. Celui-ci estime que le mérite de Jamāl Al-Dīn nest en rien affecté, quil soit Afghan ou Iranien, chiite ou sunnite.

Jamal Al-Din et la franc-maçonnerie

Jamal Al-Din sengage dans les loges de la franc-maçonnerie, afin de pouvoir se consacrer à des activités politiques. En 1878, il est élu Président de lordre de lEastern Star, mais démissionne très rapidement. Al-Afghani consigne alors cette expérience dans un discours dans lequel il condamne la franc-maçonnerie, qui se dissimule derrière des slogans pompeux et des objectifs grandioses, sans mener la moindre action, se contentant de pieuses paroles.

A-t-il été empoisonné ?

Après une rude vie pleine de difficultés, Al-Afghāni meurt à Istanbul à lâge de soixante ans. Tout comme sa vie avait suscité les polémiques et les passions, sa mort entraîne également de longues polémiques. Tandis que certains ont des doutes sur les causes de sa mort, dautres pensent quil a été empoisonné.

Bien que le cheikh Abd Ar-Rashid Ibrahim, qui se rend au chevet de Jamāl Al-Dīn deux heures avant sa mort, ait assuré quil était malade et quil est mort de mort naturelle, le neveu dAl-Afghāni, Mirza Lutf Allah Khan, prétend que son oncle a été empoisonné. Il accuse même le gouvernement iranien dêtre lauteur du meurtre, disant que le gouvernement iranien a envoyé Nasir Al-Mulk à Istanbul pour assassiner Jamāl Al-Dīn, après que lEmpire ottoman a refusé de le remettre aux autorités iraniennes. Al-Afghāni meurt le 10 mars 1897.


Bibliographie

  1. Erreur de citation : Balise <ref> incorrecte ; aucun texte na été fourni pour les références nommées Britannica.
  2. From Reform to Revolution, Louay Safi, Intellectual Discourse 1995, Vol. 3, No. 1 LINK
  3. Erreur de citation : Balise <ref> incorrecte ; aucun texte na été fourni pour les références nommées Iranica.
  4. Erreur de citation : Balise <ref> incorrecte ; aucun texte na été fourni pour les références nommées keddie.
  5. Edward Mortimer, Faith and Power, Vintage, (1982)p.110
  6. Edward Mortimer, Faith and Power, Vintage, (1982)p.110
  • (en) Niki Keddie, Sayyid Jamal ad-Din al-Afghani : A Political Biography, University of California Press, Berkeley, 1972.
  • (en) N. R. Keddie, « Afghāni, Jamāl al-dīn », in Encyclopædia Iranica en ligne
  • (fr) Tariq Ramadan, Aux sources du renouveau musulman, dal-Afghani à Hassan al-Banna un siècle de réformisme islamique, 1998 Bayard Éditions / éditions Tawhid
  • (fr) P. Bearman, Th Bianquis, CE Bosworth, E van Donzel, WP Heinrichs, Encyclopédie de lislam, établi avec le concours des principaux orientalistes, nouvelle éditions, version française, 1960, Leiden Brill, éditions

(Il sagit dun dictionnaire (10 tomes, index et suppléments) très complet sur tout ce qui touche le monde islamique, il traite des thèmes relatifs à la culture islamique, aux personnages et aux pays qui la composent. Le projet a été présenté au 21e congrès international des orientalistes tenu à Paris en juillet 1948. Il sagit dune refonte de la première édition de 1913)

  • (fr) Amélie marie Goichon, Réfutations des matérialistes, traduction sur la 3e édition arabe avec introduction et notes, 1948, Librairie orientaliste Paul Geuthner, Paris
  • (fr) Louis Massignon, Revue des études islamiques, 1927 (p. 297-301), Librairie orientaliste Paul Geuthner, Paris

Liens internes

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