Imwas

Imwas

Emmaüs Nicopolis

31°50′21.48″N 34°59′22.05″E / 31.8393, 34.9894583

Basilique byzantine d'Emmaüs Nicopolis

Emmaüs (encore appelée Nicopolis, Nikopolis[1], Amwas, Imwas[2]), en Palestine, est une localité dont l’importance a varié au cours des siècles (du IIIe au VIIe siècle ap. J.-C. c’était une ville). Elle est située à environ 30 km à l'ouest de Jérusalem à la frontière entre les montagnes de Judée et la vallée d’Ayalon, près de l'endroit où la route menant de Jaffa à Jérusalem, se divise en deux : la voie du nord (par Beït-Horon) et celle du sud (par Kiryat-Yéarim). Le village arabe d’Amwas fut rasé pendant la guerre des Six Jours (1967). Aujourd'hui Emmaüs se trouve au carrefour de Latroun entre Jérusalem et Tel-Aviv, à 20 minutes de l'aéroport international Ben-Gourion, il est ouvert aux visiteurs. La ville la plus proche est Modiin. Adresse postale: Emmaüs-Nicopolis, POB 638, 72100 Ramle, Israël, Tél. +972 8 925 69 40. Fax : +972 8 924 65 69. La Communauté Catholique des Béatitudes réside sur place.

Sommaire

Situation géographique et l'appellation

La position géographique d’Emmaüs est décrite dans le Talmud de Jérusalem, Traité Shevi’it 9,2[3] :

«De Beth-Horon jusqu’a la mer, est-il dit, on ne compte qu’une province», tout le reste y est compris à titre de voisinage. Non, dit R. Yohanan, on y trouve bien des montagnes, la plaine et des vallées; de Beth-Horon jusqu’à Emmaüs, c’est la montagne; d’Emmaüs jusqu’à Lod, c’est la plaine; de Lod jusqu’à la mer, c’est la vallée.

L’emplacement d’Emmaüs est également indiqué sur les cartes géographiques de l'époque romaine: la Table de Peutinger, selon laquelle Emmaüs se trouve à environ 19 milles (environ 28 km) à l'ouest de Jérusalem, et la carte de Ptolémée selon laquelle cette distance équivaut 20 miles (environ 29,5 km). Ces données sont confirmées par les témoins suivants: certains manuscrits et traductions anciennes de l'Evangile de Luc (en particulier le Codex Sinaiticus), qui indiquent la distance de 160 stades entre Jérusalem et Emmaüs, S. Eusèbe de Césarée[4], le pèlerin anonyme de Bordeaux, Saint Jérôme[5] et autres.

Le nom d’Emmaüs provient, très probablement du mot hébreu "Hammat" ou "Hamta", qui signifie «source chaude»[6] . Ce nom fut hellénisé, très probablement, au cours du IIe siècle avant J.C. et il se retrouve dans la littérature juive ancienne sous les formes: Ammaus, Ammaum, Emmaous, Emmaum, Maous, et al Amous: Άμμαούμ, Άμμαούς, Έμμαούμ, Έμμαούς, אמאוס, אמאום, עמאוס, עמאום, עמוס, מאום, אמהום…

Histoire

En raison de sa position stratégique, Emmaüs joua à certaines époques de l’histoire un rôle administratif, militaire et économique important. La première mention d’Emmaus se trouve dans le 1er livre des Maccabées, chapitres 3-4, dans le contexte des guerres de Judas Maccabée contre les Grecs (IIe siècle av. J.-C.[7].

Pendant l’époque hasmonéenne Emmaüs est devenue la localité dominante dans la vallée d’Aïalon et au Ier siècle av. J.-C. acquit le statut du centre administratif régional (centre de la toparchie)[8]. Flavius Josèphe mentionne Emmaüs dans ses écrits à plusieurs reprises.[9] Il parle, entre autres, de la destruction d’Emmaüs par les Romains en l’an -4. [10] Dévasté par les Romains, Emmaüs se transforma en un petit village et par la suite il est mentionné en tant que tel dans l'Evangile selon Luc[11] :

« Or, ce même jour, deux d'entre eux se rendaient à un village, nommé Emmaüs, distant de Jérusalem de (cent) soixante stades, et ils parlaient entre eux de tous ces événements. Tandis qu'ils parlaient et discutaient, Jésus lui-même, s'étant approché, se mit à marcher avec eux; mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître… Ils approchèrent du village où ils se rendaient, et lui feignit de se rendre plus loin. Mais ils le contraignirent, disant : " Reste avec nous, car on est au soir et déjà le jour est sur son déclin. " Et il entra pour rester avec eux. Or, quand il se fut mis à table avec eux, il prit le pain, dit la bénédiction, puis le rompit et le leur donna. Alors leurs yeux s'ouvrirent, et ils le reconnurent... » (Luc, 24,13… 31).

Après la défaite de Bar-Kokhba, et la fin de sa révolte de la première moitie du IIe s. ap. J. C., les Romains et les Samaritains se sont installés à Emmaüs. Au début du IIIe s. ap. J.-C. le savant écrivain chrétien d’origine romaine Jules l’Africain (Julius Africanus) vivait et oeuvrait à Emmaüs. Selon les historiens de l’époque byzantine (Saint Eusèbe de Césarée[12], St. Jérôme[13], Philippe de Side et autres), Jules l’Africain était à la tête d'une délégation des habitants de la localité auprès de l'empereur romain Élagabal, a l’issue de laquelle l’empereur octroya à Emmaüs le statut de ville (« polis ») et la nomma « Nicopolis ». Elle porta donc ce nom à la fin de l’époque romaine et pendant toute l’époque byzantine.

« Emmaüs, d’où était Cleophas mentionné dans l'Evangile de Luc. Aujourd'hui, c’est Nicopolis, une ville célèbre de Palestine ».(S. Eusèbe de Cesarée, "Onomasticon", 90:15-17, le texte date de 290-325 ap. J.C., "Onomasticon"). [14]

baptistère byzantin d'Emmaüs Nicopolis

Pendant l'époque byzantine Emmaüs Nicopolis est devenue une grande ville, avec un évêché. Sur l’endroit de l’apparition du Christ ressuscité fut érigé un grand complexe ecclésiastique qui accueillait des nombreux pèlerins, et dont les ruines ont survécu jusqu'à présent. Avec la venue des conquérants musulmans (VIIe siècle) Emmaüs retrouva son nom sémitique, en arabe: "Amwas", "Imwas", mais perdit son rôle du centre régional.

À l'époque des croisades, Emmaüs connu de nouveau une présence chrétienne, l’église byzantine fut restaurée, cependant, la mémoire de l’apparition de Jésus à Emmaüs commença à être célébrée par les pèlerins dans d'autres endroits de la Terre Sainte: Ha-Motsa (6 km à l’ouest de Jérusalem), Qoubeïbé (12 km au nord-ouest de Jérusalem), Abou Gosh (12 km à l’ouest de Jérusalem).

Le village arabe d’Amwas fut de nouveau identifié comme Emmaüs de la Bible et Nicopolis romano-byzantin à l’époque moderne grâce au travaux des chercheurs: Edward Robinson (1838-1852)[15], M.-V.Guérin (1868)[16], Clermont-Ganneau (1874)[17], J.-B. Guillemot (1880-1887)[18], ainsi que grâce à des révélations reçues en 1878 par la Bienheureuse Mariam de Bethlehem, une sainte locale, religieuse du Carmel de Bethléem, à qui Jésus lui-même avait indiqué qu’Amwas était l’Emmaüs de l’Evangile. Le lieu saint d’Emmaüs fut racheté par les carmélites aux musulmans, des fouilles furent réalisées, et les pèlerinages chrétiens à Emmaüs-Nicopolis recommencèrent. Le village arabe d’Amwas fut rasé pendant la guerre des Six Jours (1967).

Archéologie

mosaïque byzantine d'Emmaüs Nicopolis

Les fouilles archéologiques s’effectuent à Emmaüs à partir de la fin du XIXe siècle : Clermont-Ganneau (1874), J.-B. Guillemot (1883-1887), les moines dominicains L.-H. Vincent et F.-M. Abel (1924-1930)[19], Y. Hirschfeld (1975)[20], M. Gichon (1978)[21], M. Louhivuori, M. Piccirillo, V. Michel, K.-H. Fleckenstein (depuis 1994)[22].

Pendant les fouilles sur le territoire du Parc "Canada" (« Aïalon ») on mit a jour les ruines des fortifications d’Emmaüs de l’époque Hasmonéenne, des tombes juives du Ier s. ap. J. C., un bâtiment des bains romains du IIIe s. après J. C., des installations hydrauliques romano-byzantines, des pressoirs à huile et des tombeaux.

Sur le terrain du lieu saint d’Emmaüs furent découverts des tombeaux juifs du Ier s. ap. J. C., pressoir à huile, des tombes romano-byzantines et de nombreux objets datant de la période romano-byzantine (lampes à huile, vaisselle, bijoux). Le chevet de la basilique byzantine composé de trois absides, le baptistère externe et des mosaïques polychromes furent dégagés, ainsi que les murs de l’église des croisés (XIIe s.), adossée à l’abside byzantine centrale. Aux alentours d’Emmaüs on retrouva également des inscriptions en hébreu, samaritain, grec et latin, gravées sur des pierres.

Arguments en faveur de l'identification d’Emmaüs Nicopolis avec le village mentionné dans l'Evangile selon Luc 24,13

La plupart des manuscrits anciens de l'Evangile de Luc qui sont parvenus jusqu'à nous indiquent la distance de 60 stades (environ 12 km) entre Jérusalem et Emmaüs. En même temps, les manuscrits onciaux : א (Codex Sinaiticus), Θ, Ν, Κ, Π, 079 et minuscules : 157, 265, 1079, 1604, 1219, 1223, ainsi que des anciennes traductions : en latin : certains manuscrits de Vetus Latina [23], les manuscrits de la Vulgate de haute qualité [24], en araméen[25], en géorgien et en arménien mentionnent la distance de 160 stades (environ 30 km). La version de 60 stades fut choisie à partir du XVIe s. pour les éditions de la Bible imprimée. Contre la leçon de 160 stades on a proposé souvent l’argument de l’impossibilité de parcourir une telle distance en faisant un aller-retour en une seule journée. Il ne faut pas oublier, cependant, le principe d'interprétation des textes anciens: Lectio difficilior, lectio verior, des deux versions c’est la plus difficile qui doit être considérée comme originelle, puisque les copistes anciens de la Bible avaient la tendance de modifier le texte afin de faciliter sa compréhension, plutôt que l'inverse. Il faut remarquer également qu’il est tout à fait possible de faire un aller-retour à pied entre Jérusalem et Emmaüs-Nicopolis en une seule journée, ce qui a été confirmé par l'expérience à plusieurs reprises.

Les sources juives anciennes (le 1er livre des Maccabées, Flavius Josèphe, Talmud et Midrash) ne connaissent qu’une seule localité du nom d’Emmaüs dans la région de Jérusalem, qui est Emmaüs de la vallée d’Aïalon [26] . Ainsi, Flavius Josèphe raconte dans « La guerre juive » (4, 8, 1) que Vespasien plaça la Ve Légion de Macédoine à Emmaüs. Ces données furent confirmées par les archéologues qui découvrirent les pierres tombales des soldats de cette Légion aux environs d’Emmaüs-Nicopolis. Nous pouvons donc affirmer avec certitude qu’au 1er s. ap. J. C. le village d'Emmaüs réellement existait au bord de la vallée d’Aïalon et que c’est à cette localité que Flavius Josèphe se réfère dans ses écrits.[27] Le village de Ha-Motsa, situé à 6 km (30 stades) de Jérusalem, est mentionné dans les manuscrits médiévaux de « La guerre juive » de Flavius Josèphe (7, 6,6) sous le nom d’Ammaous, ce qui provient, probablement, de l’erreur des copistes[28].

La tradition chrétienne des Pères de l'Eglise et des pèlerins en Terre Sainte de l’époque romano-byzantine unanimement identifie Emmaüs Nicopolis avec Emmaüs de l'Evangile de Luc : Origène[29], S. Eusèbe de Césarée[30], S. Jérôme[31], Hésychios de Jérusalem[32], Théophane le Confesseur [33], Sozomène [34], Théodose [35], etc.

En 1878 la bienheureuse Mariam de Bethlehem (Mariam Bawardi) reçut une révélation, dans laquelle Jésus lui indiqua Amwas comme le véritable Emmaüs de l’Evangile, à la suite de quoi le lieu saint fut racheté par les carmélites aux musulmans.

Emmaüs-Nicopolis préserva au long des siècles son ancien nom d’Emmaüs («Amwas »), ainsi qu’au long des siècles persista la tradition chrétienne qui vénère ce lieu en tant qu’Emmaüs ou Jésus ressuscité est apparu.

Notes et références

  1. grec ancien : Νικόπολις, "La ville de la victoire"
  2. arabe : عمواس
  3. Le Talmud de Jérusalem, Paris, traduit par Moise Schwab, éditions Maisonneuve et Larose, t. II, p. 416 ; Jerusalem Talmud, tractate Sheviit 9, 2, H. Guggenheimer, trans., Berlin-NY 2001, p. 609
  4. Dans son "Onomasticon" Eusèbe indique la distance entre Emmaüs et d'autres villes de la Palestine
  5. Lettre 108, PL XXII, 833
  6. Emmaüs est mentionné sous ce nom dans le Midrash Zouta sur Cantique des Cantiques 6,8 et Midrash Rabba sur Lamentations 1,45
  7. La Bible de Jérusalem, 1 Maccabées, IV[1], cf. aussi 1 Macchabées, IX, 50 et Flavius Josèphe, "Antiquités Juives", XIII, 1, 3
  8. Cf. Flavius Josèphe, "La guerre juive" 3,3,5. [2] et Pline l'ancien, Histoire Naturelle, V, xiv
  9. “La guerre juive" 2, 4, 3 ; 2, 20, 4 ; 3, 3, 5 ; 4, 8, 1 ; 5, 1, 6; "Antiquités juives" 13, 1, 3; 14, 11, 2 ; 14, 15, 7 ; 17, 10, 7-9
  10. “Antiquités juives" 17, 10, 7-9Guerre des Juifs, II, iv, 3
  11. Récit complet en Lc 24. 13-35, simple allusion dans Mc 16. 12-13
  12. "Chronique", 250e Olympiade
  13. "De viris illustribus", 63, PL XXIII, 673
  14. "The Onomasticon" by Eusebius of Caesarea, G.S.P. Freeman-Grenville, trad., Jérusalem, 2003, p.53, ISBN 965-220-500-1
  15. Edward Robinson "Researches in Palestine, Mount Sinai and Arabia Petrae", t. II. — Boston: 1841., p. 363 [3], "Biblical Researches in Palestine and the Adjacent Regions, the Voyage of 1852", — Boston: 1856., p.p. 146—148 [4]
  16. M. V. Guérin, "Description de la Palestine", Paris, 1868, t. 1, p.p. 293-308
  17. Clermont-Ganneau, "At 'Amwas", 1899
  18. J. B. Guillemot, "Emmaüs-Amoas","Les Missions catholiques", t. XIV, février 1882, p. 2-19
  19. L.-H. Vincent, F.-M. Abel, "Emmaüs", sa Basilique et son histoire", Paris, librairie Ernest Leroux, 1932, p.p. 19-274
  20. # Y. Hirschfeld, "A Hidraulic Installation in the Water-Supply System of Emmaus-Nicopolis", IEJ: 1978
  21. M. Gichon "Roman Bath-houses in Eretz Israel","Qadmoniot", 11, 1978
  22. K.-H. Fleckenstein, M. Louhivuori, R. Riesner "Emmaus in Judäa", Giessen-Basel, 2003.ISBN 3-7655-9811-9
  23. par exemple, Sangermanensis
  24. y compris le plus ancien parmi eux, Fuldensis
  25. Evangéliaire palestinien
  26. Strack, Billerbeck "Kommentar zum Neuen Testament aus Talmud & Midrasch", t. II. — München: 1924,1989., p.p. 269—271. ISBN 3406027253 Cf. aussi le site sur la géographie de la Mishna (en hébreu): [5]
  27. Cf. P. M. Séjourné, "Nouvelles de Jérusalem", RB 1897, p. 131; E. Michon, "Inscription d’Amwas", RB 1898, p.p. 269-271; J. H. Landau, «Two Inscribed Tombstones», "Atiqot", vol. XI, Jerusalem, 1976.
  28. Edward Robinson, "Biblical Researches in Palestine and the Adjacent Regions, the Voyage of 1852", — Boston: 1856., p. 149 [6] ; Schlatter, "Einige Ergebnisse aus Niese's Ausgabe des Josephus": ZDPV, XIX (1896), p. 222; Vincent & Abel, op. cit. p.p. 284-285
  29. Selon le témoignage d’une note en marge du manuscrit cursif No 194
  30. "Onomasticon", op. cit., ibidem
  31. Lettre 108, PL XXII, 833; "Commentaire sur le prophète Daniel", 8,14 et 11, 44-45 (PL XXV, 537 et 574) etc.
  32. "Quaestiones", PG XCIII, 1444
  33. « Chronografia », PG CVIII, 160
  34. « Histoire ecclésiastique », PG LXVII, 180
  35. « Sur l'emplacement de la Terre Sainte »

Voir aussi

Articles connexes

Emmaüs (Bible)

Gezer

Modiin-Maccabim-Reout

Beït-Horon

Liens et documents externes

Bibliographie

  • Emmaüs Nicopolis [8]
  • Vincent, Abel "Emmaüs", Paris, 1932.
  • P. Duvignau "Emmaüs, le site - le mystère", Paris, 1937.
  • V. Michel "Le complexe ecclésiastique d’Emmaüs-Nicopolis", Paris, Sorbonne, 1996-1997, pro manuscripto.
  • K.-H. Fleckenstein, M. Louhivuori, R. Riesner "Emmaus in Judäa", Giessen-Basel, 2003. ISBN 3-7655-9811-9.


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