- Idiot utile
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L’expression « idiot utile » s’applique à des personnes qui, de bonne intention et de bonne foi, promeuvent aveuglément une politique ou, plus généralement, une idée.
Historiquement, l'expression désignait les communistes occidentaux tel Jean-Paul Sartre qui soutenaient l’Union des républiques socialistes soviétiques. De telles personnes furent cyniquement utilisées par les dirigeants de l’Union Soviétique :
« La liberté de critique est totale en URSS et le citoyen soviétique améliore sans cesse sa condition au sein d’une société en progression continuelle. »[1]
Le sujet est considéré comme étant naïf, fou ou en plein déni de réalité. Le terme est maintenant utilisé pour décrire une personne qui se laisse manipuler par un mouvement politique, un groupe terroriste ou un gouvernement hostile et ne s'applique plus uniquement aux communistes. On le retrouve souvent, par exemple, dans les articles ou commentaires de magazines pro-laïcité tels que Bivouac-ID, à propos des défenseurs des pensées religieuses.
L’origine : la légende
Certains attribuent l’expression à Lénine (cette attribution ne semble cependant posséder aucun fondement attestable), et l'ont utilisé pour désigner et stigmatiser des intellectuels de gauche occidentaux dont la défense enthousiaste et naïve du régime soviétique semblait exempte de toute critique vis-à-vis de celui-ci.
L’un des premiers « idiots utiles » serait Walter Duranty, journaliste au New York Times qui affirmait à ses lecteurs « qu'il n'y a pas de famine ou de disette véritable, et qu'il n'est pas vraisemblable qu'il y en ait », alors qu'il y eu véritablement une famine en Union soviétique au début des années 1930, la famines soviétiques de 1931-1933.
Pour Walter Duranty, les comptes rendus contraires, comme ceux des journalistes Malcolm Muggeridge ou Gareth Jones, n'étaient que « fabriques de rumeurs » révélant un « biais anti-soviétique ».
Ce qualificatif se rapporte surtout à toutes les personnes qui sont allées en Union Soviétique et n’y ont vu que ce qu’ils avaient envie d’y voir, ou bien des personnes, sous influence d’agents soviétiques, ayant, de bonne foi mais contre les évidences, répandu les mensonges officiels du régime. Ils étaient ainsi utiles à la machine de propagande et aux intérêts soviétiques.
Ce terme est aujourd'hui encore parfois utilisé par les conservateurs et néoconservateurs américains pour désigner de façon péjorative les intellectuels de gauche[2].
L’origine : les faits
Le terme « Useful Idiot » n’apparut aux États-Unis la première fois qu’en 1948 et ne fut attribué à Lénine que plusieurs décennies plus tard. Cette expression a alors été utilisée dans un article du New York Times à propos de la politique italienne. L’expression semble ensuite n’avoir plus été utilisée dans la presse écrite jusqu’en 1961.
Les détracteurs de la parenté historique de cette expression argumentent que le terme « idiot utile » n’a jamais été découvert sur les documents publiés de Lénine, et qu’il n’existe aucun témoignage direct de quelqu’un l’ayant entendu dire par Lénine[3].
Néanmoins, il est confirmé que Lénine a parlé des sympathies gauchistes de l’Ouest en termes très péjoratifs. Dans une lettre du 10 février 1922 au commissaire soviétique des affaires étrangères Gueorgui Tchitcherine en négociation à la Conférence de Genève, Lénine écrivit[4] :
« Henderson est aussi stupide que Kerensky, et pour cette raison il nous aide. […] »
« En outre. C'est ultrasecret. Il nous convient que la Conférence de Gênes soit un fiasco, (...) mais pas par notre faute, bien sûr. Réfléchissez-y bien avec Litvinov et Joffe et faites-moi une note. Bien sûr, cela ne doit pas être mentionné, même dans des documents secrets. Rendez-moi cette lettre et je la brûlerai. Nous obtiendrons un meilleur prêt en dehors des accords de Gênes, si nous ne sommes pas de ceux qui coulent Gênes. Nous devons mettre au point des manœuvres plus intelligentes pour que nous ne soyons pas de ceux-là. Par exemple, l'imbécile Henderson et Co. nous aidera beaucoup si nous les poussons intelligemment […] » « Tout vole ; à part pour “eux”. C'est la faillite totale (l'Inde, etc.). Nous devons provoquer une chute inopinément, pas de nos mains. »
Même si les mots de Lénine à propos d'Arthur Henderson ou d'autres gauchistes occidentaux sont sarcastiques, on n'y retrouve nullement l'expression « idiot utile ».
Notes et références
- Sartre, de retour d’URSS, Libération, 1954
- http://www.fahayek.org/index.php?option=com_content&task=view&id=761&Itemid=54
- (en) Au printemps 1987, Grant Harris, doyen de la bibliothèque du Congrès américain affirma que nul n’avait pu retrouver cette phrase parmi les ouvrages connus de Lénine (en) Paul F. Boller, Jr., George, John, They Never Said It: A Book of Fake Quotes, Misquotes, and Misleading Attributions, New York, Oxford University Press, 1989 (ISBN 978-0-19-505541-2) (LCCN 88022115)
- Richard Pipes, Yale University Press, 1996, ISBN 0-300-06919-7 Note écrite à la main au Centre Russe pour la Préservation et l’Étude de l’Histoire récente, fond 2, opis 2, delo 1,1119. Publié sous le document 88 in The Unknown Lenin, éd.
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