Hypermodernite

Hypermodernite

Hypermodernité


Hypermodernité désigne pour certains penseurs contemporains l'épistémè qui succède à la modernité et la postmodernité. Elle est aussi considérée comme un espace - puisque dans d'autres espaces il est possible de vivre avec d'autres visions du monde - où des individus et des communautés redéfinissent leurs regards sur les humains et les non-humains, sur leurs pratiques sociales, etc. dans le but d'assurer leur survie et leur épanouissement personnel.

Sommaire

Historique

Selon N. Aubert, l'individu hypermoderne précède le modèle de société hypermoderne. Le type de personnalité que nous qualifions d’ « hypermoderne » émerge dans les années 1970 en Europe occidentale et en Amérique du Nord..

La société hypermoderne émerge elle ultérieurement après ces premiers modèles dont l'art et la culture peuvent s'en faire l'écho. Cette émergence s'affirme avec netteté dans les années 1990-2000 par les traits suivants tels les fruits amers récoltés de l'économie post-industrielle qui n'est pas encore atteinte par l'hyperindustrialisation :La société hypermoderne est une société où tout est exacerbé, poussé à l’excès, à l’outrance même : la consommation (Gilles Lipovetsky parle d’hyperconsommation), la concurrence, le profit, la recherche de jouissance, la violence, le terrorisme (on parle d’hyperterrorisme), le capitalisme (Laurent Fabius parlait durant sa pré-campagne de 2006 d’ « hypercapitalisme »[1]).

Continuation de la modernité

L'hyper-modernité présente des caractéristiques similaires à la modernité. Car l’hypermodernité n’est pas une contestation de la modernité quant à certains de ses principesémancipation, usage de la raison, orientation vers l’avenir, pratique du contrat, de la convention et du consentement.

Un besoin se fait sentir de marquer par un nouveau vocable la prise de conscience des échecs provisoires de la modernité. Le principal échec est l’application de la raison aux moyens plutôt qu’aux fins avec atteinte grave à la nature, à la connaissance subtile de l’intériorité de l’homme, à l'apprentissage de son impact social etc.

L’hypermodernité serait une « seconde » mise en œuvre régulée des valeurs de la modernité et du projet qui l'accompagne. La différence est que l’individu serait au centre de ce projet et y développerait ses capacités à la collaboration, à la fraternité librement organisée, développant une égalité de bien-être dans une diversité des parcours individuels.

Au niveau de sa « laïcisation » de ces valeurs et de ces pratiques, l’épistémè de l'hypermodernité aurait une « présence » encore très empreints du sacré, d'un « conseil pontifical ».

Contestation radicale ou dépassement sans issue de la modernité

Avec en particulier Boyle, Hobbes, Descartes et Comte la modernité a été caractérisée par un projet « grandiose » de séparation des genres. Séparer la science du politique, séparer les disciplines entre elles a amené des progrès dans certains domaines, une stagnation dans bien d'autres et des développements qui mettent l'humanité en péril.

Les hybridations et métissages étant pourtant indispensables, ils ont donné lieu a sa marginalisation et amené à être considérés comme un phénomène «underground». C'est pour cette raison que dans un essai, Bruno Latour a titré un de ses ouvrages « nous n'avons jamais été modernes ». Il retrace la différence entre ce qui divise la nature de la société et tente de comprendre pourquoi l'alternative sociale serait meilleure que celle du réalisme. En plus d'y donner sa propre définition du modernisme.

L'hypermodernité serait la remise au premier plan des besoins d'hybridation, de travail en réseaux complexes de l'humanité pour faire face à la complexité et aux risques majeurs qui ont déjà été identifiés. Elle serait la revalorisation d'une vraie historification des faits et du développement de la pensée humaine.

L'hypermodernité serait la fin de la terrible simplification vers une conscience qui se développerait des équilibres subtils entre les valeurs à savoir que si l'on a plus de liberté c'est souvent au détriment de l'égalité, que plus de fraternité signifie une relation inégale entre les individus et que la fraternité organisée empiète sur la liberté de l'individu. Elle appellerait donc à être plus responsable.

L'hypermodernité comporterait une attention particulière à tous les processus de médiation, aux « entre deux ».

En psychanalyse, l'hypermodernité apparaît comme une crise de l'autonomie doublée d'une crise de l'acceptation de l'altérité. Comme le revendique Martin Pigeon: "Je qualifie cette époque, la nôtre, d’hypermoderne. Il ne s’agit pas de la fin de la modernité (raison pour laquelle je n’emploie pas le terme de postmodernité), mais de son accélération dans une direction où l’autonomie se fait échec à elle-même.L’hypermodernité carbure au déni de l’altérité radicale, au déni de l’incomplétude de l’Autre. Ce déni s’inscrit dans le mouvement de réduction de l’altérité, inauguré par la modernité, qui devient « excessif » dans l’hypermodernité. Tout ce qui peut se présenter comme figure d’altérité y passe : l’autorité, la hiérarchie, le sacré, le corps, le temps, le désir, la finitude, la présence, la différence… L’altérité ne disparaît pas bien sûr, c’est plutôt sa reconnaissance sociale qui tend à disparaître. Est plutôt reconnue une autonomie qui rime avec indépendance. La promotion contemporaine de l’autonomie évacue le plus possible la rencontre avec l’altérité, la rencontre conflictuelle avec l’Autre, d’où la multiplication de modalités auto-… (autoévaluation, autolimitation, autogestion, autoréférence, autosatisfaction…). Le problème, c’est qu’il n’y a pas d’humanisation sans altérité, ni d’autonomie non plus. Moins le sujet rencontre l’altérité, moins lui est-elle imposée par l’organisation sociale, plus se l’imposera-t-il et, assez souvent, de manière féroce (violence envers soi-même, attaque de panique, addiction…). Rencontrer l’altérité devient de plus en plus insupportable. L’homme contemporain se sent vite victime de l’Autre, victime du désir de l’Autre. Est-il étonnant que pour plusieurs, la moindre rencontre avec l’altérité (l’altérité de son corps, une rencontre amoureuse, un conflit…) devienne vite angoissante, traumatisante ?"

De nouveaux profils d'individus

Comme tout épistémè, l’hypermodernité a ses «gagnants» et ses « perdants » en termes d'individuation. Le gagnant pourra vivre en jouissant de tous les attributs matériels et éventuellement spirituels que lui apporte l'hypermodernité: l'intensité gagne tous les compartiments de sa vie dans un épanouissement renouvelé.

Le perdant pourra vivre toutes les formes de délitement des sociétés occidentales dans le processus extrême d'individuation que le phénomène de SDF illustre : de l'échec personnel économique (chômage) et social (maladie, divorce), pertes de sens et de liens, vacuité des valeurs affichées, fuites.

Il est très difficile de comparer l'épistémè de l'hypermodernité et celle qui la précède. Dans la modernité existait encore une sorte de sélection naturelle des individus par la maladie et l’accident. Par ailleurs, la société sélectionnait ses individus déviants en les envoyant dans les structures militaires et civiles du colonialisme.

À la croisée des dynamiques individuelles et collectives, les accidents du travail, par exemple, amputaient chaque année la population de milliers d’individus dont une partie était en situation d’addiction.

Plus rien de tel dans l’hypermodernité. On y sauve quantité d’individus qui ont frôlé la mort depuis la vie intra-utérine jusqu’aux ordalies de l’³adolescence. Il existe donc une population fragile de « jeunes » et de moins jeunes qui n’existait pas dans l’épistémè précédent. Dire qu’il y a plus d’addictions, de conduites asociales, etc. que dans l’épistémè moderne n’a donc de sens que si l’on précise ces conditions très différentes de survie de toute une partie de la population.

Comme l'indique une sociologue, Christine Castelain-Meunier pour expliquer la montée en puissance du stress chez les contemporains et les différentes somatisations, addictions voire déviances qui en découlent: " Hier, nous étions portés, encadrés. Aujourd’hui, nous sommes des électrons libres ! En cherchant à s’affranchir de tous les carcans, l’individu hypermoderne s’est retrouvé vulnérable. Il a finalement troqué les contraintes de jadis contre d’autres dépendances, au travail, au jeu, ou à Internet...".

Pour Hugues de Jouvenel (Futurible. Juillet/Août 2007), la tension hypermoderne est palpable à l'échelle globale qui peut déboucher sur le bonheur ou l'horreur :"Un autre phénomène qui m’a semblé saisissant est celui dit des « appartenances multiples ». Je peux être citoyen de mon village, de mon pays, de l’Europe, de la Méditerranée comme du monde, tout en me réclamant d’autres appartenances, religieuses ou parareligieuses, culturelles, professionnelles... La question qui alors se pose est celle de savoir ce qui fonde ces communautés d’appartenance et, surtout, si cette diversité joue en faveur d’un heureux métissage identitaire, marque de la modernité à venir, ou au contraire entraîne des phénomènes de crispation voire de radicalisation, sinon de schizophrénie, qui pourraient être à l’origine de nouvelles tensions ou de nouveaux conflits, intérieurs à chaque individu ou entre groupes sociaux se réclamant de valeurs, de croyances, de cultures différentes".

Une voie d'apaisement ?

Sur le plan individuel, l'hypermoderne qui vit dans une horizontalité globale ou confinée peut trouver une solution à sa déstructuration programmée en cherchant un sens à sa vie. Le succès des approches liées au sens de la vie constituent un témoin de ces aspirations qui peuvent être captées avec perte et fracas par les sectes en mal d'agents servils.

Sur le plan collectif, l'hypermodernité doit trouver les voies des priorités à résoudre par l'action concrète par de multiples réseaux sociaux innovants dont la coordination communautarisée s'avère de plus en plus sophistiquée.

Bibliographie

  • F. Ascher, La société hypermoderne, Éditions de L'Aube. Coll. essais, 2005.
  • N. Aubert (sous la direction de), L'individu hypermoderne, Édition Erès, coll. Sociologie Clinique, 2004.
  • S. Charles, L'hypermoderne expliqué aux enfants, Montréal, Liber, 2007.
  • B. Latour Nous n'avons jamais été modernes, 1991.
  • A. Ehrenberg L'individu incertain, Pluriel, Hachette, 1995

La fatigue d'être soi, Poches Odile Jacob, 1998

  • JF Lyotard, La Condition postmoderne, Rapport sur le savoir. Collection « Critique », Paris, Éditions de Minuit, 1979.
  • G. Lipovetsky L'Ère du vide : Essais sur l'individualisme contemporain, Paris, Folio, 1989.
  • G. Lipovetsky (avec Sébastien Charles), Les temps hypermodernes , Paris, Grasset, 2004.
  • B. Stiegler De la misère symbolique : Tome 1. L'époque hyperindustrielle, Paris, Galilée, 2004.

Notes et références

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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