- Homosexualité dans la science-fiction
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Alors que la science-fiction, la fantasy et le fantastique sont des genres qui offrent aux auteurs plus de liberté que la littérature classique, les mondes et cultures imaginés reproduisent la plupart du temps les schémas hétérosexuels et à prédominance masculine de notre société. Certes, on pourra remarquer que pendant très longtemps, les ouvrages de SF se caractérisaient à peu près tous par une parfaite absence de sexualité : pour toucher un plus grand nombre, y compris les adolescents (selon le cliché considérant qu'il n’y a qu’eux pour lire de la SF), il ne fallait pas choquer. Mais certains auteurs ont su sortir de ces schémas pour évoquer des sexualités alternatives.
Sommaire
Un monde très masculin
Dans les Histoires vraies, Lucien de Samosate imagine le premier monde entièrement masculin où le héros se voit offrir en mariage le fils du roi Sélénites. La description des mœurs (mariage, naissance, reproduction) de ce peuple est très imagée et peu d’œuvres ont atteint par la suite ce niveau de détail. Dans la nouvelle Le Crime et la Gloire du Commandant Suzdal des Seigneurs de l’Instrumentalité T.II Le Rêveur des étoiles de Cordwainer Smith (1955), sur Arachosia, planète de l’empire, la féminité est devenue cancérigène. Une femme médecin, le docteur Astarté Klaus, met donc en place une mutation pour que les femmes deviennent hommes et élabore un système génétique de reproduction par inséminations et de radiations afin que les hommes puissent porter des enfants de sexe masculin. Dans Ethan d'Athos de Lois McMaster Bujold (1986), le docteur Ethan Urquhart doit partir de la planète Athos, où les hommes vivent tranquillement entre eux, car les cultures ovariennes s’épuisent et il faut qu’il aille en chercher d’autres.
À travers les mondes
Theodore Sturgeon a présenté de manière explicite un couple d’extra-terrestres homosexuels échappant au système répressif de leur planète et recevant l’aide inattendue de leur geôlier dans Un Monde bien perdu (1953). Les Maîtres Chanteurs d’Orson Scott Card (1978) présente Mikal, empereur impitoyable qui se laissera attendrir par Ansset, un jeune Oiseau Chanteur formé pour chanter en harmonie avec lui. Dans Le Rivage des Intouchables (1990), Francis Berthelot sans parler d’homosexualité aborde les amours considérées comme « contre-nature », interdites entre deux peuples d’une même planète : les Gurdes, natifs du désert couvert d’écailles et les Yrvènes, habitants des eaux à la muqueuse pigmentée. Il évoque ainsi les transvers qui essayent d’effacer les limites entre ces deux mondes et une maladie qui n’est pas sans rappeler le sida. Avec Cosmoqueer (2000) et Cosmoqueer vs Starstraight (2001), Kevin Saad nous livre un space opéra délirant mixant Star Wars avec Priscilla, folle du désert.
Homos et technos
Dans Cyteen (1988), C. J. Cherryh place la relation entre Justin et son azi Grant (êtres humains produits dans un but de servitude) au cœur de son récit. Justin est le double génétique de son père Jordan, qui entretient lui-même une relation avec son propre azi Paul. Cocon de Greg Egan (1994) est une réflexion subtile sur la place des homos dans la société moderne, par le biais d’une enquête futuriste sur l’explosion d’une unité de recherche en ingénierie génétique.
Utopies : tous homos !
Dans La Folle Semence (1962) de Anthony Burgess, la terre est épuisée par la surpopulation. En lutte contre ce fléau, l’État n’autorise qu’un enfant par couple. Pour ce faire, il condamne le modèle familial et promeut l’homosexualité : au fronton du Ministère de l’Infertilité brille cette devise : "Qui dit sapiens, dit homo." Hétéro par ci, Homo par le rat (1999) de Cy Jung raconte la difficulté de la différence, mais dans un monde à l’envers : une maladie a décimé le monde, laissant les homos comme seuls survivants. Suite à cet évènement pour le moins bouleversant, la société s’est réorganisée autour de cette nouvelle norme.
Contes revus et corrigés
Princes charmés (1995) et Princes radieux (1997) de Peter Cashorali sont deux recueils présentant les contes traditionnels de Perrault, Grimm et Andersen avec une nouvelle grille de lecture, drôle, touchante et intelligente. Bien sûr, tout ne se termine pas par un mariage et beaucoup d’enfants. De même, le mythe de la Belle et la Bête devient Le Roi des Chats dans le recueil Self-Made Man (1998) de Poppy Z. Brite. Laetitio, le triton de La Boîte à Chimères (2000) de Francis Berthelot, veut devenir sirène pour séduire les matelots tandis qu’un père souhaitant repeupler la Terre pratique une opération transsexuelle sur son fils Iscan devenant Iseut mère des nouveaux hommes.
Du fantastique à l’horreur
Outre les sorcières et les vampires (traités dans l’article suivant), les homos côtoient aussi le fantastique dans le monde dans lequel nous évoluons, en tant que victimes d’un rituel sanglant dans Le Livre de Sang (1984) de Clive Barker, Dans Les Collines, les Cités, un couple gay, Mick et Judd, assiste à un combat de titans entre deux cités. Lui-même gay, Clive Barker a semé tout au long de son œuvre des personnages homos, avec notamment dans Sacrements (1996), le protagoniste principal Will Rabjohns, photographe gay de grand renom, qui découvre un monde où l’horreur pure côtoie le merveilleux après un coma profond.
Découvertes de pouvoirs et troubles d’identité
Dans la fantasy, l’émergence de pouvoir magique, ou parapsychologique au moment de la puberté peut faire émerger des désirs sexuels pour des personnes du même sexe. Ainsi, dans L'Héritage d’Hastur (1975) de Marion Zimmer Bradley, par exemple, les efforts de Regis Hastur pour réprimer ses pulsions homosexuelles se combinent avec le réveil de ses pouvoirs psis. De même, Vanyel dernier héraut mage de Valdemar, découvre l’étendue de ses pouvoirs dans la colère suivant la mort de son ami et amant Tylendel (Trilogie de la Magie (1990) de Mercedes Lackey). Ouvrage s’adressant directement à un public gay et lesbien, Cœur de Démon (2003) écrit par Claude Neix réunit toutes les ficelles de la fantasy : royaume, princes, guerre, assassinat et trahison mais en centrant l’histoire autour d’une histoire d’amour au masculin.
Fantasy historique
Pour continuer dans la fantasy, citons encore le cycle du Lion de Macédoine (2002) de David Gemmel qui mêle magie et mondes parallèles à l’histoire de Philippe de Macédoine et d’Alexandre le Grand. Sans doute l’homosexualité présente dans ces livres est-elle plus due à la réputation des Grecs et de leur culture qu’à un souci d’aborder ce thème mais ce livre est néanmoins de ceux traitant de l’homosexualité à travers la science-fiction.
Sorcières et vampires
Sara, de Marion Zimmer Bradley (1990), est une jeune femme qui reçoit en héritage une vieille maison de sa tante ainsi que ses mystérieux pouvoirs. En préparation du sabbat, elle est initiée sexuellement et maléfiquement par Tabitha, qui avait repris temporairement le rôle de la tante de Sara à la tête de la confrérie démoniaque. La saga des sorcières de Mayfair d’Anne Rice (Le Lien Maléfique - 1990, L’heure des Sorcières - 1993, et Taltos - 1994) met en scène l’histoire d’une lignée de sorcière dont les pouvoirs sont liés à l’union d’une femme par génération avec un esprit Lasher. Même si Julien n’est pas une de ces femmes de la lignée, il a une forte importance dans le déroulement des événements, officiellement bisexuel, ce sont plutôt ses conquêtes masculines qui sont évoquées.
L’homosexualité est cependant beaucoup plus présente chez Anne Rice dans ses Chroniques de Vampire. (première chronique en 1976). Les relations qui se nouent entre Louis, Lestat, Armand sont très homosensuelles tout au long du cycle. Armand a été transformé en vampire par son maître et amant Marius, et comment ne pas voir dans le trio Lestat, Louis et Claudia un modèle d’homoparentalité avec ces deux pères et leur fille. Anne Rice n’était malgré tout pas précurseur dans le domaine puisque dès 1819, John Polidori relate l’étrange relation entre un mortel et un noble vampire dans Le Vampire. Sheridan Le Fanu raconte quant à lui dans Carmilla une histoire de vampire lesbienne. Dans ce texte, l’héroïne partage le même toit que la magnifique et terrifiante Carmilla, et se dessine ainsi une interaction lesbienne entre les vivants et les morts. Même Bram Stoker, dans son Dracula (1897) introduit des relations entre Lucy et Mina. Les deux femmes sont asexuées et soumises jusqu’à ce que Lucy commence à devenir vampire. Digne héritière de ces auteurs, Poppy Z. Brite combine dans Âmes Perdues (1992) le maléfique, la parapsychologie et un trio de vampires. Non seulement le roman met en scène des relations entre les vampires eux-mêmes et leurs victimes humaines, mais il relate la rencontre intense passionnée entre un adolescent semi-vampire et un vampire qui s’avèrera être son père. Mêlant horreur et subversion, Brite continue à faire tomber dans ses recueils Eros Vampire 1 & 2, les tabous entourant la sexualité.
Voir aussi
Liens externes
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