Groupe d'information et de soutien des immigres

Groupe d'information et de soutien des immigres

Groupe d'information et de soutien des immigrés

Le Groupe d'information et de soutien des immigrés ou GISTI, anciennement Groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés, est une association à but non lucratif de défense et d'aide juridique des étrangers en France, dont le siège social est situé à Paris.

Sommaire

Histoire

Campement à Garges en juin 1979 suite à la fermeture d'un foyer de travailleurs migrants et l'expulsion de ses résidents (Histoire politique du mouvement des foyers Sonacotra, U.C.F.M.L., 1981)

Le Gisti est né en 1972, dans le contexte des luttes sociales post-soixante-huitardes, de la rencontre entre des travailleurs sociaux, des militants associatifs (ainsi qu'André Legouy, jésuite, ancien aumônier des prisons, qui avait rencontré dans ce cadre les dirigeants du FLN à Fresnes [1]) et des juristes, dont quatre énarques (qui agissent au début de manière pratiquement clandestine) [1],[2]. Le nom lui-même indique sa spécificité militante, alliant expertise juridique et action politique, et faisant appel à ce qu'on appellera par la suite l'« intellectuel spécifique » [3][1]. Il reprend en effet le terme de « Groupe d'information », utilisé par le Groupe d'information sur les prisons, connu par la présence en son sein de Michel Foucault, et crée en février 1971, ainsi que par le Groupe d'information santé (mai 1972) et le Groupe d'information sur les asiles (bien qu'il ne soit pas lié institutionnellement à ces groupes [3])[1].

C'est la signature par plusieurs jeunes énarques, en 1969, d'un appel contre la loi anti-casseurs qui provoque la création du Gisti [1]. En effet, l'administration de l'époque demande le retrait des signatures des énarques ou leur démission, injonction à laquelle ces derniers répondent en constituant des groupes de travail, dont l'un fera de l'immigration, et du « non-droit » dans lequel les immigrés se trouvent, son objet [1].

Soutenu à ses débuts par la Cimade, qui lui a servi de structure d'accueil et a permis le lien avec le terrain et les travailleurs sociaux, le Gisti est devenu association autonome (loi 1901) en 1979. Il collabore aussi avec l'ADELS (Association pour la démocratie et l'éducation locale et sociale), la CFDT et le MAJ (Mouvement d'action judiciaire), dont font partie plusieurs de ses membres [1].

Il se constitue en association loi de 1901, avec pour objet:

« de réunir toutes les informations sur la situation juridique, économique et sociale des étrangers et des immigrés ; d'informer les étrangers des conditions de l'exercice et de la protection de leurs droits ; de soutenir, par tous moyens, leur action en vue de la reconnaissance et du respect de leurs droits, sur la base du principe d'égalité ; de combattre toutes les formes de racisme et de discrimination, directe ou indirecte, et assister celles et ceux qui en sont victimes ; de promouvoir la liberté de circulation. »

Son originalité réside dans une double approche, à la fois concrète et juridique, des questions liées aux droits des étrangers et des immigrés en France. Ainsi, le Gisti assure la publication et l'analyse de nombreux textes, notamment des circulaires administratives, qui ne sont pas rendus publics par l'administration. Il se bat ainsi contre le « droit occulte » [1], en obligeant l'administration à rendre public sa politique de « contrôle des flux de l'immigration ». Il publie ainsi en mars 1974 Le petit livre juridique des travailleurs immigrés aux éditions Maspero [4].

En outre, grâce à une équipe de juristes bénévoles (dont Jean-Jacques de Felice, qui dès les années 1950 défend des Algériens vivant dans des bidonvilles [1], ainsi que Georges Pinet et Simone Pacot), il assure auprès des populations concernées un service de consultations par téléphone et par courrier, ainsi qu'une permanence d'accueil hebdomadaire.

Le Gisti est une association atypique dès sa fondation en 1972: il a été en effet l'un des premiers groupes à revendiquer l'appropriation du droit, à un moment où ce dernier était perçu comme un "outil bourgeois", reprenant ainsi l'approche ambivalente du droit forgée par l'avocat communiste Marcel Willard (1889-1956) [1]. Toutefois, le savoir juridique du Gisti a toujours été conçu dans une logique de contre-expertise, voire de « doctrine subversive » [1], plutôt que d'expertise institutionnelle. Un membre, énarque, du Gisti témoigne ainsi:

« C’est par les luttes que l’on renversera le rapport des forces dominantes, dont le droit n’est que l’expression : c’est l’outil du pouvoir, par conséquent il faut lutter contre le droit parce qu’il appartient au pouvoir. Le point de départ du Gisti consistait à dire le droit est notre outil de travail, on le fabrique d’une certaine manière. C’est un outil de gauche, il faut que nous l’instrumentalisions en faveur de nos thèses. On va donc le mettre dans la bagarre, à notre service. Parce que s’il y a quelque chose qui n’est jamais terminé, c’est bien l’effort de transparence, et l’effort de rectification et d’utilisation du droit pour le conformer à un certain nombre d’objectifs politiques et sociaux... » [2]

L'analyse des textes juridiques est mise en relation avec une analyse politique plus globale, insistant notamment sur le contrôle des travailleurs migrants, via la réglementation spéciale qui leur est imposée, et sur l'objectif politique de séparation de ces travailleurs avec l'ensemble de la classe ouvrière nationale [1]. Ceci démarque le Gisti d'autres associations, en particulier de la Ligue des droits de l'homme, qui se focalise sur les cas individuels et fait davantage appel aux contacts personnels avec l'administration et les politiques qu'aux recours en justice [1].

La coopération avec les travailleurs sociaux (notamment ceux du bidonville de Nanterre [1]) et la permanence juridique leur permet de collectionner les cas individuels, à partir desquels ils fournissent une analyse générale, permettant ainsi d'articuler lutte individuelle et luttes collectives [1].

Il appuie aussi de nombreux recours, individuels et collectifs, devant les tribunaux [5], en participant d'abord à la grève des foyers de travailleurs migrants dans les années 1970 [1]. L'avocat Christian Bourget, en contact avec l'association, dépose ainsi plusieurs plaintes, à partir de 1973 [1].

Le Gisti obtient sa première victoire juridique avec un arrêt du Conseil d'État du 13 janvier 1975, qui lui donne raison en annulant les circulaires Marcellin et Fontanet [1]. Le Gisti marque ainsi une victoire, en obligeant l'Etat à rendre visible sa politique d'immigration, l'empêchant de la réguler par des circulaires administratives non-publiques et l'obligeant ainsi à passer par la voie de la législation. Le second « arrêt Gisti », considéré par la doctrine comme l'un des Grands arrêts du Conseil d'État, date de 1978, et concerne le regroupement familial [1]. Ce dernier affirme en effet qu'« Il résulte des principes généraux du droit et, notamment, du Préambule de la Constitution que les étrangers résidant régulièrement en France ont, comme les nationaux, le droit de mener une vie familiale normale, qui comporte, en particulier, la faculté de faire venir auprès d'eux leur conjoint et leurs enfants mineurs. » [6]

Le Gisti aujourd'hui

Association réunissant environ cent cinquante membres et un millier de correspondants [réf. nécessaire], le Gisti comprend dans son équipe permanente huit salariés à temps partiel et à peu près autant de bénévoles. Organisation militante, le Gisti entend participer au débat d'idées et aux luttes de terrain, aux niveaux national et européen, en relation avec des associations d'immigrés, des associations de défense des droits de l'homme, et des organisations syndicales et familiales. Le Gisti est devenu depuis sa fondation en 1972 un contributeur reconnu dans les recherches et débats sur les politiques migratoires.

Depuis 1987, le Gisti est agréé au titre de la formation professionnelle. Il effectue ainsi des sessions de formation rémunérées. Le Gisti édite aussi 3 collections de publications : Les cahiers juridiques, Les notes juridiques, Les notes pratiques, ainsi qu'une collection de guides de références et sa revue trimestrielle, Plein droit, qui existe depuis 1987.

Le Gisti fournit aussi un important travail de soutien juridique aux immigrés. Ainsi, plus de 1800 cas ont été traités en 2005.

Danièle Lochak après quinze années à la tête du GISTI passa le relai - tout en restant membre du bureau - à Nathalie Ferré le 24 juin 2000.

Le grand nombre d'arrêts "GISTI" du Conseil d'État (1975, 1978, 1990, 2003) témoigne de l'importance et de la singularité de cette association dans l'espace des organisations de défense des droits de l'homme.

L'illégalité des visas d'entrée et de séjour

Après la vague d'attentats de 1986, le gouvernement Chirac suspendit tous les accords de dispense du visa d'entrée et rétablit l’obligation du visa d’entrée pour les ressortissants de la totalité des Etats du monde, à l’exception de ceux de la Communauté européenne, de la Suisse, du Liechtenstein, de Monaco, de Saint-Marin et du Saint-Siège. L'accord européen sur le régime de circulation des personnes entre les pays membres du Conseil de l'Europe et celui relatif à la suppression du visa pour les réfugiés furent suspendus par la France. Outre le visa d'entrée, la France imposa, via une circulaire non publiée du 28 novembre 1986, un visa de sortie que les étrangers résidant en France devaient demander pour voyager. Le Gisti attaqua en justice cette circulaire, et gagne au bout de six ans de procédures, le 22 mai 1992, devant le Conseil d'Etat [7]. Il gagna en nouveau, en 1997, ayant contesté cette fois-ci la légalité d'une circulaire de 1994, publiée par le gouvernement Balladur, qui rétablissait des visas de retour pour les étrangers résidant légalement en France et partis en voyage [7].

Les actions du Gisti au XXIe siècle

Dans le contexte sécuritaire du début du XXIe siècle, le Gisti s'est vivement opposé aux politiques défavorables aux étrangers, notamment dans le cadre des politiques sécuritaires menées par Nicolas Sarkozy au ministère de l'Intérieur (et en particulier de la loi du 26 novembre 2003, dite MISEFEN).

Ces dernières années, le Gisti s'est investi de manière croissante au niveau européen, notamment avec le réseau Migreurop, né autour de la mobilisation sur le camp de Sangatte, puis dans le cadre du Forum social européen de Florence en 2002. Le réseau Migreurop se mobilise pour lutter contre "l'Europe des camps".

Le Gisti a fait partie des 10 ONG européennes qui, en février 2004, ont porté plainte auprès de la Commission européenne contre le gouvernement italien, pour le renvoi vers la Libye de centaines de candidats à l'asile arrivés sur l'île de Lampedusa.

Le budget du Gisti s'élève aujourd'hui à près de 650 000 euros [réf. nécessaire]. L'association a connu en 2003 une grave crise financière.

Notes et références

  1. a , b , c , d , e , f , g , h , i , j , k , l , m , n , o , p , q , r  et s Liora Israël, Faire émerger le droit des étrangers en le contestant, ou l'histoire paradoxale des premières années du GISTI, Politix, 2003, vol.16, n°62, p.115-143
  2. a  et b Anna Marek, Le droit au service des luttes, Plein Droit, n°53-54, mars 2002
  3. a  et b Philippe Artières, 1972 : naissance de l’intellectuel spécifique, Plein Droit, n°53-54, mars 2002.
  4. Introduction du Petit livre juridique des travailleurs immigrés, 1974
  5. « 30 ans après le "grand arrêt" Gisti de 1978, défendre la cause des étrangers en justice », documents pour le colloque du 15 novembre 2008
  6. Arrêt du CE de 1978
  7. a  et b Gisti, Illégalité totale des visas sortie-retour, Plein Droit n° 53-54, mars 2002. « Immigration : trente ans de combat par le droit »


Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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