- Fêtes à Versailles
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Les fêtes organisées au cours des siècles au château de Versailles constituent des moments exemplaires dans l'histoire du palais et dans l'histoire de l'art.
Depuis sa construction, ce lieu de mise en scène royale forme le cadre de divertissements fastueux qui tirent à la fois leur magnificence du décor et contribuent en retour à son éclat. Cette affinité tient au sens du mouvement et à la surcharge décorative portés par toute fête — caractères éminents de l'art baroque — en plein accord avec l'architecture du château.
En 1664, Louis XIV inaugure à Versailles la première d'une longue série de « plaisirs ». Il en souligne clairement l'intention politique dans ses Mémoires pour l'instruction du Dauphin. Même si ce dessein d'origine se perd ou évolue, la pratique des fêtes au palais perdure bien après lui, à travers règnes et régimes, le baroque versaillais étant désormais indissociablement lié au principe de fête.
De nos jours, la République organise à Versailles des galas, et de grandes entreprises louent salles, galeries et opéra pour de luxueux évènements privés.
Sommaire
Contexte
Le contexte historique
En tant que divertissement princier et scénographie du pouvoir, la fête remonte à la plus haute Antiquité. Sans remonter plus avant que l'ère chrétienne, les fêtes de Néron dans sa Domus aurea en sont l'illustration à Rome, au Ie siècle[1]. De nombreuses chroniques à travers les âges[2],[3],[4] témoignent de la persistance de cette activité : au Moyen Âge avec les fastes de la cour de Bourgogne (ainsi, les féeries du Vœu du faisan), sous la Renaissance italienne où artistes, ingénieurs et artificiers des Médicis et des ducs de Ferrare inventent des décors, machineries et pyrotechnies spectaculaires. À la même époque, la cour de France développe un art consommé de la fête, notamment sous Henri II, dont la passion pour Diane de Poitiers suscite bals, divertissements et carrousels.
Louis XIV est le premier souverain à codifier cet exercice et en faire, de façon organisée, un instrument au service de sa gloire. Son objectif est double : s'assurer une cour docile et se construire une image qui lui survive[5]. En 1661, à l'âge de 23 ans et alors que Versailles n'est pas encore reconstruit, il détaille de façon précise pour le Grand Dauphin venant de naître, les raisons qui doivent pousser un souverain à organiser des fêtes :
« Cette société de plaisirs, qui donne aux personnes de la Cour une honnête familiarité avec nous, les touche et les charme plus qu'on ne peut dire. Les peuples, d'un autre côté, se plaisent au spectacle où, au fond, on a toujours pour but de leur plaire ; et tous nos sujets, en général, sont ravis de voir que nous aimons ce qu'ils aiment, ou à quoi ils réussissent le mieux. Par là nous tenons leur esprit et leur cœur, quelquefois plus fortement peut-être, que par les récompenses et les bienfaits ; et à l'égard des étrangers, dans un État qu'ils voient d'ailleurs florissant et bien réglé, ce qui se consume en ces dépenses qui peuvent passer pour superflues, fait sur eux une impression très avantageuse de magnificence, de puissance, de richesse et de grandeur […][6] »
Le contexte artistique
les plaisirs de l'ile enchantee
Les fêtes de Louis XIV
- Les Plaisirs de l'Île enchantée (mai 1664)
Alors que les travaux d'agrandissement du château n'ont commencé que depuis deux ans (1662), Louis XIV donne sa première grande fête pour un public très restreint : Les Plaisirs de l’Île enchantée. Elle dure une semaine, du 7 au 13 mai 1664. Le titre s'inspire d'un épisode du Roland furieux de l'Arioste, où la magicienne Alcine retient le chevalier Roger et ses compagnons prisonniers sur son île. Pendant une semaine, la cour se voit offrir une succession de divertissements (carrousel, course de bague, de têtes, théâtre, ballet, feu d'artifice, collations, promenades, loterie) avant de quitter Versailles pour Fontainebleau.
Les deux artisans principaux de la fête sont Molière et Lully. L'évènement fait l'objet de nombreuses relations et les gravures d'Israël Sylvestre répandent dans toute l'Europe les fastes versaillais, au point que les « Plaisirs » sont toujours considérés comme l'archétype des fêtes royales[réf. nécessaire].
Date Lieu Evénement 7 mai Entrée de l'Allée royale Carrousel, courses de bague, ballet, collation 8 mai Milieu de l'Allée royale La Princesse d'Élide, comédie galante mêlée de musique et d'entrées de ballet 9 mai futur Bassin d'Apollon Ballet et feu d'artifice 10 mai Fossés du château Courses de têtes 11 mai Ménagerie Promenade Vestibule du château Les Fâcheux, comédie 12 mai Fossés du château Courses de têtes Château Loterie Vestibule du château Tartuffe (3 actes), comédie 13 mai Fossés du château Courses de têtes Vestibule du château Le Mariage forcé, comédie - Grand Divertissement royal (1668)
Le 18 juillet 1668, Louis XIV donne une fête pour célébrer la paix d'Aix-la-Chapelle et la première conquête de la Franche-Comté. Connu sous le nom de Grand Divertissement royal, cet évènement ne dure qu’une soirée dont le livret est publié[7].
La fête se déroule dans les jardins, suivant un parcours qui, partant du château, mène la cour à travers les jardins où se succédent une collation au bosquet de l'Étoile, une comédie de Molière et Lully sur un théâtre provisoire (emplacement du futur bassin de Saturne), un festin (à l'emplacement du futur bassin de Flore), un bal (à l'emplacement du futur bassin de Cérès) et un feu d'artifice tiré depuis la pompe de l'étang de Clagny.
L’attraction principale en est la comédie en musique de Molière et Lully, George Dandin ou le Mari confondu, dont Pierre Beauchamp compose les ballets. Ce genre de spectacle, nouveau en France, nécessite plus de cent danseurs. Des tapisseries et des chandeliers de cristal ornent la scène. Mille deux cents personnes sont assises sur les gradins, trois cents autres sur le parterre. De cette comédie-ballet, Félibien écrit : « On peut dire que dans cet ouvrage le sieur Lully a trouvé le secret de satisfaire et de charmer tout le monde ; car jamais il n'y a rien eu de si beau ni de mieux inventé ».
- Divertissements de Versailles (1674)
Cet ensemble de six journées de fêtes est décrit par Félibien[8]. Les divertissements se succédent entre le 4 juillet 1674 et le 31 août 1674 et célèbrent la reconquête de la Franche-Comté. Lully y donne en concert L'Églogue de Versailles et l'on joue également Le Malade imaginaire de Molière, mort l'année précédente. Lors du dernier divertissement de nuit, le 31 août, les parterres, terrasses, degrés et le grand canal sont illuminés aux flambeaux et le roi, la reine ainsi que toute la cour, embarquent sur des gondoles envoyées en présent par le doge de Venise[9].
Date Lieu Evénement 4 juillet Bosquet du Marais Collation en musique Cour de marbre Alceste, tragédie lyrique Château Médianoche 11 juillet Trianon L'Églogue de Versailles Bosquet de la Salle des Festins Souper 19 juillet Ménagerie Collation Grand Canal Promenade en gondole Grotte de Thétis Le Malade imaginaire, comédie-ballet 28 juillet Bosquet du Théâtre d'eau Collation Allée du Dragon Les Festes de l'Amour et de Bacchus, pastorale Grand Canal Feu d'artifice Cour de marbre Médianoche en musique 18 août Bosquet de la Girandole Collation en musique Orangerie Iphigénie, tragédie Grand Canal Feu d'artifice à machines 31 août Grand Canal Illumination Grand Canal Promenade en gondole Les fêtes sous Louis XV et Louis XVI
Les fêtes au XIXe siècle
Les fêtes de la République
Fêtes officielles
Fêtes privées
Toute institution, association, entreprise, et même un particulier dont la fortune le permet, peut aujourd'hui organiser une fête au château de Versailles. L'Établissement public du domaine de Versailles a mis en place un « service des manifestations évènementielles » qui met à disposition salles, galeries, voire chapelle ou opéra royal. Les Grandes eaux et des feux d'artifice peuvent éventuellement être intégrés au programme.
Les espaces actuellement proposés par ce service spécialisé sont[10] :
- La galerie des Batailles, longue de 120 m, pour des dîners et cocktails de 600 à 800 personnes
- Une des salles des Croisades, la plus grande, dont la capacité d'accueil varie de 180-200 invités pour un dîner à 300-400 pour un cocktail
- La galerie des Cotelle du Grand Trianon, ouverte sur jardins, où l'on peut recevoir de 250 à 400 personnes et organiser des concerts de musique de chambre
- L'Orangerie longue de 156 m, capable d'accueillir des soirées et bals jusqu'à 2 500 personnes
- La chapelle royale où l'un des quatre organistes titulaires[11] et la maîtrise du Centre de musique baroque peuvent donner un concert privé pour 450 personnes
- L'Opéra royal dont les 600 fauteuils permettent d'organiser une soirée de musique, danse, théâtre ou opéra.
Notes et références
- Yves Perrin, « Néronisme et urbanisme », dans Neronia III. Actes du 3e Colloque international de Société internationale d'études néroniennes, 1er janvier 1987, p. 65-78
- Matthieu de Coussy, Chroniques (1449), G. du Fresne de Beaucourt, Paris, 1864.
- Luciano Chiappini, « Indagini attorno a chronache e storie ferraresi del sec. XV », dans Atti e memorie della deputazione provinciale ferrarese di storia patria, vol. 14, appendix 6, 1955 Chroniques de Ferrare (1561). In
- Giuseppe Pavoni, Diario delle feste celebrate nelle solennissime nozze delli serenissimi sposi, il sig. don Ferdinando de' Medici et le sig. donna Christina di Lorena, graduchi di Toscana, Bologna, Giovanni Rossi, 1589, cité par Roberto Ciancarelli in Charles Mazouer, Les lieux du spectacle dans l'Europe du XVIIe siècle : actes du colloque du Centre de recherches sur le XVIIe siècle européen, Université Bordeaux III - Gunter Narr Verlag, mai 2008, 408 p. (ISBN 978-3823361909), p. 136
- Jean Duron et Centre de musique baroque de Versailles, Regards sur la musique au temps de Louis XIV, vol. 2, Mardaga, 2007, 157 p. (ISBN 978-2870099773) [lire en ligne], p. 108
- Louis XIV, Mémoires pour l'instruction du Dauphin, Paris, Imprimerie nationale, 1992, 281 p. (ISBN 978-2110812308), p. 135
- Robert III Ballard, Le Grand Divertissement royal de Versailles, Paris, Robert Ballard, seul imprimeur du Roy pour la musique, 1668, 20 p. [lire en ligne (page consultée le 17 juillet 2011)]
- André Félibien, Les Divertissemens de Versailles donnez par le roy à toute sa cour au retour de la conqueste de la Franche-Comté, Imprimerie royale, 1676, 51 p. [lire en ligne (page consultée le 17 juillet 2011)]
- (en) Robert W. Berger et Thomas F. Hedin, Diplomatic tours in the gardens of Versailles under Louis XIV, University of Pennsylvania, 2008, 184 p. (ISBN 978-0812241075) [lire en ligne (page consultée le 17 juillet 2011)], p. 21
- Vos évènements à Versailles », Établissement public du domaine de Versailles Service des manifestations, «
- Michel Bouvard, Frédéric Desenclos, François Espinasse, Jean-Baptiste Robin sont les quatre organistes nommés à l’orgue de la Chapelle royale.
Voir aussi
Liens connexes
- Château de Versailles
- Communication événementielle
- Liste des visites officielles au château de Versailles
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