- Forêt de Nieppe
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« La forêt de Nieppe est située en la province de Flandres (Flandre française), tenant du côté d'Orient aux terres du village de Vieux-Berquin, d'Occident aux terres du village de Thiennes, du Midy aux terres du village d'Haverskerque, de Septentrion aux terres du village de Morbecque » écrivait Le Féron à Louis XIV en 1679.
Bien que de taille modeste comparée aux moyennes nationales, c'est le massif forestier le plus étendu de l’arrondissement de Dunkerque. Il est fragmenté en plusieurs boisements, avec sur la communes de Morbecque : les bois Bramsart, Flamingue, d’Hazebrouck, Clébert, des Vaches, bois Moyen et bois d’Amont et sur la commune proche de Vieux Berquin : le bois d’Aval (352 ha). C'est l'un des deux massifs forestiers de Flandre française, l'autre étant celui de la forêt de Clairmarais.
Sommaire
Caractéristiques
- Statut juridique : forêt domaniale
- Surface : 2602 hectares
- Faible modelé (polémosylvofacies localement) et altitude variant de 15 à 19 mètres au-dessus du niveau de la mer.
- sols : argilo limoneux,
- Climat : températures moyennes de 3,4 à 17,8 °C, avec moins de 50 jours de gel/an. Vent dominants de sud-ouest et nord-est.
- Hydromorphie : Grâce à son fond argileux imperméable, ce massif est resté jusque dans les années 70 une forêt particulièrement humide (zone humide) et réputée parmi les plus fréquentées par les moustiques dans la région, et ce, malgré un drainage très ancien, assuré par un réseau de petits fossés drainés par de larges fossés localement dénommés Berquigneuls (Berquigneul noir au bois Berquin, Bras de la Bourre à la Motte au Bois et Berquigneuls dits « rivière navigable » aux Bois Moyen et d’Amont. Le massif est au sud, bordé par le canal de la Nieppe. (L'Agence de l'eau y a un temps projeté de l'utiliser comme zone d'expansion de crue de la Lys ou d'inondations du bassin de la Lys).
- Gestion sylvicole : L'ONF y entretient des futaies et taillis sous futaies, gérées par coupes rases (10 000 m3 de bois récoltés annuellement, suivis de mise en régénération (naturelle ou plantation) de 25 ha/an. Le massif est fragmenté en séries comptant chacune 30 parcelles de coupes très allongées, de 150 m de largeur étant chacune séparées par des fossés de drainage et des chemins nommés « carrières » conformément à la signification originale du mot (lieu de passage d'un char). Toutes les 8 à 10 coupes, une « drève » (route forestière) facilite l’extraction du bois débardé dans les parcelles. Le gestionnaire cherche à privilégier et valoriser les chênes, frênes, merisiers, hêtres qui certaines années souffrent des séquelles de sécheresse (mortalités après 1976 par exemple). Les résineux y sont maintenant exclus, mais la régénération naturelle est peu pratiquée. les parcelles sont essentiellement replantées, à partir d'arbres achetés en pépinières.
Histoire
Forêt ancienne, exploitée et chassée de longue date, dont le bois a notamment été utilisé pour la boulange, exporté jusqu'à Lille depuis des siècles.
Bien après la Révolution française, malgré des environs habités et cultivés et une chasse qui s'est tant démocratisée que les sangliers, cerfs et chevreuils disparaissent, les loups seraient encore présents et utiliseraient la forêt comme refuge, ce qui incite en juillet 1816, M. le préfet Dieudonné (Préfet du Nord) à ordonner une battue en forêt de Nieppe pour la destruction des loups. C'est le marquis d'Aoust, lieutenant de louveterie qui dirige la battue et sa préparation, assisté de nombreux traqueurs que les communes voisines se voient dans l'obligation de lui fournir (on sait par exemple que 8 d'entre eux sont venus de Merville). Les bons tireurs des environs sont invités à participer à la battue qui débute au matin du 25 juillet à Thiennes. Les archives ne semblent pas avoir gardé trace du résultat.
Plusieurs témoignages anciens laissent penser qu'au début du XIXe siècle les environs de la forêt (Vieux-Berquin, Neuf-Berquin, Merville et Haverskerque) étaient encore densément bocagés et riches en vergers (ex : 200 ha de vergers en 1825, selon le Cadastre), au point d'évoquer la futaie d'une forêt pour les Hazebrouckois. Les habitations traditionnelles sont encore des chaumières aux murs de torchis qu'au début des années 1800 le préfet Dieudonné dit être d'affreuses chaumières qui gâchent les paysages de la Flandre maritime[1].
Cette forêt (de quatre mille sept cents arpens dans les années 1820, alors dominée par le chêne et le charme accompagnés de bouleau, érable, hêtre et frêne selon François Joseph Grille[2]) semble avoir été autrefois l'un des deux seuls massifs forestiers de Flandre française, bien que cette région fusse riche en arbres sous la forme d'un bocage dense, ce bocage s'étendant encore du Dunkerquois à la banlieue lilloise à la moitié du XIXe siècle, selon le naturaliste J Macquart (entomologiste, mais aussi spécialiste des arbres) qui écrivait à propos de Nieppe :
- « Dès mes jeunes ans, le voisinage de la forêt de Nieppe me la faisait fréquenter avec bonheur. J'en parcourais les longues allées en capturant des Mars, des Tabacs d'Espagne, des Cordons bleus ; je pénétrais dans les taillis de charmes qui ne sont coupés qu'à trente ans ; je visitais mon filet, assis au pied du vieux Chêne du Pré à vin[3] dont la circonférence est de près de six mètres ; mon excellent père me conduisait au vieux château des comtes de Flandre à La Motte-au-Bois, grande clairière au centre de la forêt. La forte végétation, les beaux arbres, les imposantes masses de verdure, tantôt inondées de lumière, tantôt plongées dans l'ombre des nuages, les nuances infinies du feuillage, surtout en automne, le chant des oiseaux, le bourdonnement des insectes, tout charmait la jeunesse de mes sens, de mon esprit, de mon cœur. »[4]
Le bois y était autrefois débardé en forêt à la main ou par des chevaux et - c'est une des originalité de cette forêt - jusqu'aux années 1900 pour partie sorti de la forêt par les canaux (autrefois plus larges et profond et navigables pour certains). Après la première guerre mondiale, le chemin de fer puis les engins modernes de débardage et traction ont suivi. Le charbon de bois se vend mal, et le bois est désormais exclusivement transporté par la route.
Plusieurs fois victimes de conflits armés, dont les deux dernières Guerres mondiales qui y ont laissé des séquelles (mares qui sont en fait d'anciens trous d'obus, notamment)
Écologie
Ce massif boisé, bien que fragmenté est un noyau de biodiversité forestière (« cœur d'habitat ») pour la région, dans le projet national et régional de Trame verte, notamment promu par le Grenelle de l'Environnement. Plusieurs associations locales ou régionales se sont émues de nouvelles fragmentations et opérations de drainage, ainsi que de l'utilisation de déchets industriels métallurgique pour la construction de nouvelles pistes dans ce massif[5].
Cette forêt autrefois très humide et même en hiver inondée sur une partie importante de sa superficie, abritait parmi les carnivores outre des loups, des loutres (la dépouille de l'une d'entre elle tuée en 1879 est encore visible au muséum d'histoire naturelle de Lille.
En 2006, elle abritait encore au moins huit espèces d'amphibiens dont le triton crêté (Triturus cristatus) et deux espèces de reptiles (orvet fragile ou Anguis fragilis et lézard vivipare ou Lacerta viviparus)[6]. .Des mares intra-forestières y ont été restaurées (dans la partie dite « le bois d'Amont ») au début des années 2000 par l'Agence régionale Nord-Pas-de-Calais de l'Office national, dans le cadre d'un programme qui concernait aussi les forêt de Rihoult-Clairmarais, de Desvres et de Boulogne-sur-Mer, d'autres devant suivre à Bonsecours, Marchiennes, Raismes Saint-Amand-Wallers et en forêt de Mormal. Cette opération a permis le retour dans ces mares d'espèces devenues rares et considérées comme patrimoniales telles que l'Œnanthe aquatique (Oenanthe aquatica) et typiques des zones humides intra-forestières telle que l'hottonie des marais (Hottonia palustris) ainsi que de diverses hélophytes et hydrophytes )[6].
Les inventaires du début des années 2000 montraient la présence de 23 espèces de libellules (sur 51 espèces répertoriées dans la région Nord-Pas-de-Calais), telle que le Sympetrum jaune (Sympetrum flaveolum), l'Aeschne printanière (Brachytron pratense), la Grande Aeschne (Aeshna grandis), l'Aeschne affine (Aeshna affinis), l'Agrion mignon (Coenagrion scitulum), le Leste sauvage (Lestes barbarus) et le Leste brun (Sympecma fusca) [6]..
Voir aussi
Bibliographie
- M. Somme, « La forêt de Nieppe et son exploitation au XVe siècle », in Hommes et Terres du Nord, 1986/2-3, p. 177-181
- DUBOIS Jean-Jacques, Quelques remarques sur l'aménagement de la forêt de Nieppe, Travaux et recherches du Laboratoire de géographie rurale de Lille, n° 4, 1976-1977, p. 18-58
- DUBOIS Jean-Jacques, 1989, Espaces et milieux forestiers dans le Nord de la France. Étude de biogéographie historique. Thèse d’État, université Paris-I Panthéon-Sorbonne, 2 vol., 1 023 pages
Liens internes
Liens externes
Notes et références
- Merville, d'après René MASSIOT Les Mervillois pendant la Tourmente révolutionnaire (1789-1799) (http://books.google.fr/books?id=yIUTAAAAQAAJ&pg=PA142&lpg=PA142&dq=%22pr%C3%A9fet+dieudonn%C3%A9%22&source=web&ots=_ilNFPl022&sig=YqP0h5KlrdRo2Cl15ndufy9nTak&hl=fr&ei=dA-OSbLkF9iS_gaG58mwDA&sa=X&oi=book_result&resnum=9&ct=result#PPA140,M1 Lire version scannée par Google)
- Description du département du Nord Par François Joseph Grille (d'Angers) paris, Ed Sazerac & Duval, 1825-1830 (livre commencé en 1824)
- « Ancien prieuré dont le nom fait conjecturer que la vigne y était autrefois cultivée ».
- Mémoires de la Société des sciences de l'agriculture et des arts de Lille, 1851 (page 194-195) , Arbres et arbrisseaux d'Europe et leurs insectes, par J. Macquart, membre résident dans les
- Page associative sur la fragmentation, le drainage et l'utilisation de déchets métallurgiques en forêts de Nieppe
- Fiche du groupe mare de janvier 2006 (voire page 3)
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