Expertise psychologique

Expertise psychologique

L'expertise psychologique est un examen ordonné par un magistrat afin d'obtenir des éclaircissements dans un domaine particulier qui ne relève pas de sa compétence, celui de la psychologie.

Suivant les règles de la procédure pénale, le magistrat désigne pour cela un professionnel confirmé, l'expert (le juge peut confier l'expertise conjointement à plusieurs experts, on parlera alors de collège d'experts), qui devient un véritable acteur judiciaire.

Le produit de l'expertise prend la forme d'un rapport répondant strictement aux questions du magistrat. L'expert peut être amené à intervenir au procès.

Sommaire

Le psychologue expert judiciaire

Aujourdhui, le psychologue doit, pour pouvoir exercer sa profession en faisant usage de ce titre, être en mesure d'attester d'un cursus complet en psychologie (DEUG-Licence-Maîtrise-DESS, Licence-Master ou autres diplômes prévus par la réglementation), ce qui correspond généralement à un minimum de 5 ans détudes universitaires[1].

Devenir expert judiciaire est, en France, une démarche volontaire. Le professionnel estimant avoir suffisamment d'expérience et de connaissances pour apporter son concours à la justice peut proposer son aide en adressant son dossier de candidature au procureur de la République du tribunal de grande instance dont dépend son secteur d'activité.

S'il respecte les conditions fixées par le décret no 2004-1463 du 23 décembre 2004 relatif aux experts judiciaires et que sa candidature est validée par un collège d'experts (psychiatres et psychologues) et par le procureur, le nouvel expert prête serment puis est inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel[2].

Bien qu'aucune formation spécifique à lexpertise ne soit exigée, il existe plusieurs diplômes universitaires (D.U.) qui préparent à cette fonction particulière[3].

Les différents types d'expertise

Lexpertise psychologique en matière pénale

L'expertise pré-sentencielle

Lexpertise « psychiatrique », créée au XIXe siècle, vise à définir le degré de responsabilité pénale dun criminel et son éventuelle dangerosité. Quant à létude psychologique du délinquant, elle est née en France avec lordonnance de 1945 concernant les mineurs. Sa finalité était de privilégier, chez un être encore en formation, des mesures déducation, rééducation ou soin. En 1958, la réforme du Code de procédure Pénale et la création du dossier de personnalité, étendit aux adultes cette pratique déjà expérimentée auprès des mineurs. Prendre en compte les conditions dexistence et lhistoire dun sujet, accorder de limportance à ses capacités, ses manques, son potentiel latent, apparaissait souhaitable, et lordonnance du 23/12/58 en explicitait la finalité : « létablissement dune justice plus équitable et plus humaine » À partir de , le juge dinstruction peut ordonner, entre autres mesures, un examen psychologique du sujet mis en examen. Mais sil sagit, dans cet examen comme dans lensemble du dossier de personnalité, de fournir au juge dinstruction des éléments dappréciation sur le mode de vie présent et passé du sujet, il bien est précisé (Art. D116) que la finalité de ce dossier nest pas de « rechercher des preuves de la culpabilité » et quil ne faut pas « en tirer de conclusions touchant laffaire en cours ». Lexpertise psychologique ne concerne donc pas le crime en lui-même. Il sagit danalyser un fonctionnement mental, de décrire une structure de personnalité, de montrer comment lhistoire du sujet a pu infléchir son mode dêtre. Cela pourra faciliter la compréhension de ce sujet-, éclairer sur ses modalités réactionnelles, ses désirs, ses angoisses. La victime ne devient une réelle préoccupation pour la Justice et les pouvoirs publics quà partir des années 1980 avec, en 1982 la commission détudes et de propositions dans le domaine de laide aux victimes, commission créée par Robert Badinter alors Garde des Sceaux et présidée par le professeur Milliez.


La victime sera désormais prise en compte dans le procès pénal et le principe est posé dune réparation intégrale des préjudices subis par les victimes de dommages corporels graves, de violences sexuelles et de lindemnisation des parents de victimes décédées. Les juges dinstruction, qui ont toute latitude pour ordonner les mesures qui leur paraissent utiles, se sont alors mis à demander une expertise psychologique des victimes. Il sagissaitdans loptique dune éventuelle réparation - dévaluer limpact du traumatisme subi, de donner un avis sur les séquelles à craindre et les traitements à envisager. Ce qui constitue une mission relevant tout à fait de la compétence des experts de la personnalité, et du psychologue en particulier. Maisune question subsidiaire, très controversée et actuellement en voie de disparition, était souvent posée par le magistrat : celle de « la crédibilité des propos » de la victime. (N.B: dans une grande majorité, des femmes victimes de viol. On ne sest jamais préoccupé de la crédibilité des agresseurs qui nientMachisme ?)

L'expertise post-sentencielle

L'expertise en matière civile

Le psychologue est également sollicité dans le cadre des Chambres de la famille. Lorsque des problèmes se posent au cours des procédures de divorce. Il sagit alors daider le magistrat à statuer sur lexercice de lautorité parentale et à organiser les droits de visite et dhébergement des enfants. Il sagit dun travail complexe dinvestigations psychologiques tant auprès des enfants que des parents et de leurs éventuels compagnons. Lexpert se doit de fournir un rapport objectif et de motiver clairement ses conclusions. Il faut savoir cependant que le magistrat qui a ordonné lexpertise nest pas tenu de se conformer aux conclusions de lexpertise. La réparation des dommages corporels, tout en étant confiée à un médecin peut également donner lieu à lintervention dun psychologue tant pour effectuer un bilan neuropsychologique que pour évaluer le retentissement du traumatisme et de la perte chez le sujet.

Méthodes de travail du psychologue expert

Il sagit pour lexpert psychologue dobserver un sujet dans sa globalité, dessayer dexpliquer son mode dêtre, sa dynamique propre, en fonction de son histoire et de ses capacités psychiques, voire de conseiller les mesures qui semblent appropriées pour faciliter une meilleure intégration sociale. Le psychologue a recours, dans le domaine de lexpertise comme dans les autres actes de sa vie professionnelle, aux méthodes de la clinique. C'est-à-dire quil procèdera, dune part, à un ou plusieurs entretiens, et que, dautre part, il pourra être amené à pratiquer des tests. Lapproche dun sujet et le travail découte à lœuvre au cours de lentretien clinique constituent des méthodes de travail très spécifiques, et, de même que les tests mentaux, outils précieux du psychologue, demandent une formation spécialisée et une solide expérience.

Problèmes liés à la situation dexpertise : le psychologue et la Justice.

En ce qui concerne lexpertise psychologique du sujet délinquant, il ne sagit pas, répétons-le, de soccuper du « fond de laffaire » ni dapporter des éléments concernant « létablissement de la culpabilité du prévenu » (Art.81) Mais lexpert peut se trouver entraîné dans une situation paradoxale. On peut, par exemple, lui demander dexpliquer, « à titre dhypothèse » comment, eu égard aux caractéristiques de sa personnalité et aux circonstances dans lesquelles il sest trouvé, le sujet a été amené à accomplir les actes qui lui sont reprochés…. Si limputation des actes est problématique, si le sujet nie les avoir perpétrés, lexpert peut-il répondre à cette question ? La déontologie de lexpertcomme la reconnaissance des limites de sa compétencelui impose une grande prudence. En effet, décrire une intolérance grave à la frustration, une forte tendance à limpulsivité peut permettre de comprendre quun tel sujet, dans une situation donnée, puisse porter des coups ayant entraîné la mort (surtout sil jouit dune grande force physique). Mais si lexpert peut être sûr des caractéristiques de cette personnalité, sil peut parler de « potentialités » de violences, il ne peut en aucun cas assurer que cest bien ce sujet- qui a commis le meurtre pour lequel il est mis en examen. Il ne peut le dire pour deux ordres de raison : Tout dabord, une raison juridique : il na pas à apporter de lumières sur la culpabilité du prévenu. Cette tâche est dévolue au juge et aux policiers. Ensuite, une raison technique : de la description dun mode dêtre, réalité psychique intérieure, on ne peut faire le saut dans la réalité extérieure, de lordre des faits. Et cela même si on utilise le concept de « profil », emprunté à Claparède et qui désigne lensemble des caractéristiques dune personnalité : on ne décrit que des potentialités. On peut rêver de meurtre sans jamais passer à lacte. Ou bien sil y a eu passage à lacte, il a pu avoir lieu ailleurs et en un autre temps. Lenquête de police et linstruction sont pour travailler dans la réalité des faits. Le champ de compétence du psychologue est ailleurs. Maislexpert est toujours sur la corde raide, son rapport est inévitablement soumis à linterprétation de tous ceux qui le liront, et son écrit pourra peser lourd sur lissue du procès.

Dans le cadre de lexamen des victimes, le scandale de laffaire dite « dOutreau » a mis sur le devant de la scène les dérives possibles. En effet, cet examen - qui devait viser la constatation du dommage subi - est progressivement devenu une « expertise de crédibilité » qui viserait à établir, non plus létat de la personne plaignante, mais la réalité des faits parce que, de crédibilité on est passé à véracité. Un expert peut analyser la capacité du sujet à rendre, en général, correctement compte de la réalité. Il ne possède pas les moyens techniques daffirmer que, ici, et maintenant, elle ment ou dit la vérité. Chemin faisant, lexpert se fait, sans doute, une « intime conviction », mais ce nest pas cela quon lui demande et, ni juridiquement ni éthiquement il ne peut en faire état. En effet, une personne peut, ici et maintenant, mentir tout en étant le reste du temps tout à fait « crédible ». Par ailleurs, une malade mentale, délirante, peut ne pas être considérée comme généralement crédible, et avoir été, effectivement, dans la réalité, victime dune agression. Se pose également à cet égard la question des entretiens avec les enfants, notamment les plus jeunes. La sacralisation de la parole de lenfant a fait oublier ces dernières années ce que Piaget rappelait : lenfant, jusquà 7 ou 8 ans, ne vit pas dans un monde construit comme celui de ladulte et il faut méthode et expérience pour entendre et bien comprendre ce quil veut dire. Lexamen dun enfantcomme celui dun adulte dailleursnest pas le simple recueil dune « parole », mais lobservation dun comportement global, gestes, souffle, regard, etc. Ce nest pas manquer de respect vis-à-vis des petits enfants que de rappeler que chez eux la frontière entre le monde interne de limaginaire, de la peur et du désir et le monde de la réalité extérieure nest pas bien solide (ni chez bien des adultes aussi dailleurs). Il ne sagit pas de « mensonge ». Mais voilà pourquoi lexpert psychologue, dont la mission est déclairer la Justice sur la dynamique dune personnalité, son histoire, sa structure, son mode dêtre se trouve encore dans la situation paradoxale de jouer un rôle de « petit juge ». Et il le devient, bien souvent à son corps défendant. L'expert a cependant tout à fait le droit de se déclarer incompétent face à certaines questions du juge et de dire, en motivant sa position, quil ne peut répondre à certaines questions. Tout bien considéré, malgré les écueils rencontrés en chemin, lapproche psychologique de certains justiciables demeure une démarche positive et ne peut que contribuer à lhumanisation de la justice.

Conclusion

Les différents aspects des expertises psychologiques font, depuis plusieurs années lobjet de discussions et concertations tant entre professionnels quauprès de la Chancellerie la place et la spécificité du psychologue, à concrétiser par la rémunération décente dun travail long et difficile, ne sont pas toujours très bien évaluées. La commission parlementaire mise en place après laffaire dOutreau a également travaillé sur la place des expertises de personnalité dans le procès pénal. À lheure actuelle, en ce qui concerne le psychologue, on peut insister sur la nécessité dune formation spécifique pour les experts qui devraient, au préalable, pour accéder à ces fonctions posséder une sérieuse expérience clinique. Ces formations existent sous forme de diplômes universitaires, mais elles sont encore relativement rares, et ne sont pas exigées pour accéder aux fonctions dexpert (quelle que soit, dailleurs, son domaine et sa spécialité). Quelques formations sorientent actuellement vers une pluridisciplinarité, soit quelles réunissent, dans le même D.U. (de criminologie), juristes, avocats et psychologues, soit quelles sorientent vers un D.U. inter-université, dispensé à la fois par luniversité de Droit et celle de Sciences humaines, un master européen étant, à plus longue échéance, en projet. Il faut également souligner limportance du dialogue entre experts et magistrats. Ce dialogue est à poursuivre au quotidien et ces échanges permettront une meilleure compréhension mutuelle pour le plus grand bien du justiciable.

Notes et références

  1. Décret no 90-255 du 22 mars 1990 fixant la liste des diplômes permettant de faire usage professionnel du titre de psychologue, complété par le décret no 2005-97 du 3 février 2005.
  2. L'Article 157 du Code de procédure pénale. décrit la manière dont sont choisis les experts : « Les experts sont choisis parmi les personnes physiques ou morales qui figurent sur la liste nationale dressée par la Cour de cassation ou sur une des listes dressées par les cours d'appel dans les conditions prévues par la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires. A titre exceptionnel, les juridictions peuvent, par décision motivée, choisir des experts ne figurant sur aucune de ces listes. »
  3. Par exemple le DU Expertise judiciaire, psychiatrique et psychologique proposé par l'université Claude Bernard Lyon 1 (page de présentation du DU).

Bibliographie

Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article : Ouvrage utilisé comme source pour la rédaction de cet article

  • Colette Duflot, L'expertise psychologique : Procédures et méthodes, Dunod, coll. « Action Sociale », 1999, 200 p. (ISBN 978-2100042227) 

Annexes

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