Etienne Jean Panis

Etienne Jean Panis

Étienne-Jean Panis

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Étienne-Jean Panis, né à Paris le 7 février 1757 et mort à Marly-le-Roi le 22 août 1832, est un révolutionnaire français.

Les débuts

Étienne-Jean Panis appartenait à la bourgeoisie parisienne[1], né dans le quartier du Marais où il demeura quelque temps, rue Saint-Paul. Il avait reçu une instruction révélant ses origines bourgeoises puisqu’il connaissait les auteurs classiques et était capable de réciter des vers d’Horace, Virgile ou Ovide. Bien des années plus tard, il confiait encore à Decazes : « Monseigneur, je fus le jeune ami de Rousseau, du duc de Nivernois, des d’Ormesson et d’une foule de cœurs semblables ».

Recommandé par son oncle qui était sous-caissier à la Trésorerie royale administrée conjointement par Savalette de Lange et Laborde, il fut employé un temps, en 1774, à la Trésorerie. On dit qu’il fut surpris en flagrant délit de détournement de fonds dans l’exercice de ses fonctions[2] et qu’il fut renvoyé.

Le 17 janvier 1777 Panis épousait à Paris Marie-Josèphe-Claire Santerre, fille de brasseur[3], qui lui donna plusieurs enfants. Par ce mariage, il devint le beau-frère du général Antoine Joseph Santerre, partageant avec lui, pendant la Révolution, les mêmes stratégies tortueuses, où l’intérêt personnel n’était jamais absent.

En 1784, Panis rencontra le marquis de Travanet, banquier de jeux de la reine Marie-Antoinette et familier du duc d’Orléans. Ce seigneur anobli de fraîche date était un spéculateur avisé qui, dans les dix années précédant la Révolution, avait accumulé une fortune colossale. Il était ainsi administrateur et actionnaire principal de la Compagnie des eaux de Paris, avec les financiers Palteau de Veymerange, le Couteulx de Canteleu ou Étienne Delessert, qui étaient tous hostiles à la monarchie absolue. Ces industriels ne juraient que par le libéralisme sans entraves, et le système politique anglais leur paraissait être le modèle à suivre. Pour ce qui le concerne, le marquis de Travanet avait, dit-on, un revenu dépassant les 300 000 livres.

On ignore précisément pour quel motif, probablement comme secrétaire, Panis lui demeura attaché à partir de 1786, jusque sous la Terreur, époque à laquelle il occupait encore, rue de Grammont, à l’angle avec le boulevard, un appartement dans un corps de bâtiment d’un des hôtels particuliers de Travanet. de par ses fonctions de secrétariat, il se rendait fréquemment à Viarmes où le marquis homme d’affaires avait une somptueuse résidence de campagne[4]. Le marquis de Travanet est, avec le comte de Saint-Simon et quelques autres, un des « inventeurs » de la bande noire, nébuleuse regroupant des individus qui profitèrent des confiscations de biens immobiliers émanant du clergé et des émigrés pour les morceler, les revendre en tout ou partie, mais surtout pour démanteler les anciennes abbayes ou les châteaux, afin de disperser au plus offrant les matériaux de construction. C’était une source de profit énorme, qui explique les enrichissements spectaculaires réalisés pendant la Révolution.

Panis et son beau-frère le général Santerre envisagèrent eux aussi la Révolution comme une carrière et une occasion unique de s’enrichir, ce qu’ils firent assurément. À l’exemple de Travanet, ils fréquentèrent le Palais-Royal, rebaptisé « Palais-Égalité » où se retrouvaient les membres de la « bande noire », tous ceux du moins qui avaient pu acquérir dans de bonnes conditions, qui une abbaye, qui un château et son domaine, d’autres biens encore. En l’absence de travail systématique sur le sujet, on peut simplement nommer quelques-uns des possesseurs d’abbaye, tels Rovère, Bertrand Barère de Vieuzac, le marquis de Travanet ou Maximilien Radix de Sainte-Foix, ou quelques heureux propriétaires de châteaux magnifiques, tels Merlin de Thionville, Albitte, le marquis de Hippolyte sanguin de Livry qui acheta l'énorme domaine du Raincy, Antoine Joseph Santerre ou Panis. En fait la liste est très longue parmi les élus du peuple ou par ceux que leur pouvoir sur les autres citoyens mettaient en état d’intervenir efficacement sur le cours des ventes aux enchères.

Membre de la Commune du 10 août

À l’époque de la première invasion des Tuileries, émeute suscitée et coordonnée entre autres par son beau-frère le général Antoine Joseph Santerre, Panis était, avec son ami Sergent, admninistrateur de police, une situation lui avait permis de renseigner Santerre, le 20 juin 1792, sur les moyens d’entrer par effet de surprise au château.

Quelques semaines plus tard, à la veille de l’attaque décisive - celle du 10 août - qui devait renverser la monarchie en France, Panis avait fait remettre 500 paquets de cartouches à balle, provenant de l’Arsenal, aux fameux bataillon des Marseillais qui entraîna l’émeute[5]. La distribution des cartouches s’échelonna entre le 25 juin et le 9 août 1792[6].

Lorsque le Conseil général de la commune insurrectionnelle fut installée, Panis demanda avec la plus grande urgence à son beau-frère Santerre, promu général commandant de la garde nationale, d’assurer dès le 12 août 1792 la protection du Comité de police et de surveillance auquel il appartenait, par l’envoi d’une garde rapprochée de vingt hommes[7]. Il obtint aussi l'arrestation de deux de ses collègues jugés royalistes, les sieurs Samson du Perron et Vignier qu'il fit envoyer en prison et les remplaça par les citoyens Jourdeuil et Duplain.

Accusé dès le 7 septembre 1792, en tant qu’administrateur du département de police et de surveillance de la Commune provisoire du 17 août, d’avoir provoqué puis favorisé avec son beau-frère Antoine Joseph Santerre, commandant de la garde nationale, le déroulement des massacres de septembre 1792 par diverses mesures co-signées généralement avec son collègue Antoine François Sergent, il lui fut surtout reproché d’avoir été crapuleux et d’avoir détourné, avec Antoine François Sergent, des biens provenant des massacrés[8]. Son collègue Sergent - élu comme lui à la Convention lors de sa formation à la fin du mois de septembre suivant, ce qui leur conféra à tous les deux une sorte d’immunité -, fut d’ailleurs rebaptisé « Sergent Agathe » à cause d’une très belle bague, qu’il avait au doigt et qui provenait d’un cadavre.

Panis a joué un rôle essentiel dans le déroulement des massacres. Il fut établi par la suite que cette participation à ces événements dramatiques ne fut pas désintéressée. Il en est de même d'Antoine François Sergent, du citoyen Duffort ou encore de Didier Jourdeuil[9] . Leur autre collègue Pierre Jacques Duplain[10] fut ressenti avec Panis pour remplacer au poste d’administrateurs les citoyens Samson du Perron et Vignier qui furent arrêtés et massacrés quelques jours plus tard. Tous furent interrogés dans le cadre de la Commission des douze mise en place par les Girondins. Antoine Joseph Santerre, fut pour sa part, accusé d'avoir qui a désobéi aux ordres - qu’il affecta de ne pas avoir reçus, si bien qu'il n’interposa pas ses troupes - réitérés du maire de Paris Jérôme Pétion d'arrêter les massacreurs et de protéger les prisonniers sans défense de l’Abbaye, de la Force, du Châtelet, de Bicêtre, de la Salpêtrière et des Carmes.

La fortune de Panis

On soupçonnait que la fortune de Panis s’était accrue dans des proportions démesurées à la suite de ses indélicatesses, soit qu’il eût favorisé à prix d’argent l’évasion de quelques victimes, soit qu’il se fût réservé une part dans le butin. Il est certain qu’il toucha au moins 100 000 livres que lui versa le marquis de Jean-Joseph de Laborde, par l’entremise de la duchesse de Grammont, pour laisser s’enfuir, le 27 août 1792, son gendre Tristan de Noailles, prince de Poix[11], qui avait été arrêté au lendemain de la prise du château des Tuileries. Il lui fut aussi reproché d’avoir emporté de l’argenterie[12]. Les accusations de vol sont très nombreuses, malaisées à vérifier à chaque fois. Elles étaient de notoriété publique et certains papiers conservés par Jean-Marie Hérault de Séchelles en disent long sur la réputation de Panis que certains historiens ont maladroitement cherché à laver de tout soupçon.

Bien qu’il bénéficiât d’appuis puissants, Panis était sur le point de rendre des comptes à la Commission des Douze mise en place par les Girondins lorsque ceux-ci furent renversés par un coup de force contre la Convention nationale, initié par lex Exagérés de la Commune assistés par la force armée du général Hanriot, et mis en accusation le surlendemain (2 juin 1793)[13].

Entré au Comité de sûreté générale, Panis fut accusé par Héron, un des agents dudit Comité, d’avoir abusé de ses fonctions et rançonné les personnes qu’il était chargé de poursuivre. Il lui reprochait aussi ses relations avec le marquis de Travanet, Melle Demailly – la maîtresse de Bertrand Barère de Vieuzac – et autres contre-révolutionnaires très dangereux à ses yeux. Panis fut exclu du Comité de sûreté générale après qu’il eut été établi qu’il avait soustrait une somme de 100 000 livres pour laisser s’enfuir le député Julien de Toulouse, son ancien collègue du Comité de sûreté générale. Grâce à la protection particulière de Bertrand Barère de Vieuzac, Étienne Jean Panis ne fut jamais sérieusement inquiété. On lui conseilla seulement de se tenir en retrait des affaires et de ne pas s’exposer à la colère de Maximilien de Robespierre.

Panis est devenu l’heureux propriétaire de l’immense domaine des marquis d’Everly, et du château de ce nom, bâti par Cherpitel, provenant des Mortemart. Appartenant de fait à la bande noire comme le marquis de Travanet et autres personnages pour qui la Révolution fut un fabuleux objet de spéculations en tous genres, Panis fit démanteler ce château magnifique à l’époque du Directoire, alors que le vent de la Terreur semblait tourner, et il vendit les matériaux avant de louer les parcelles du domaine[14].

Les papiers de Camille Desmoulins

Après l’exécution de Camille et de Lucile Desmoulins, Mme Duplessis, mère de cette dernière, était devenue folle de douleur et elle s’était retirée à Bourg-la-Reine, pour se consacrer à l’éducation de son petit-fils, Horace Desmoulins. Panis fut chargé par ceux-là mêmes qui étaient la cause de la mort du couple Desmoulins de s’insinuer auprès d’elle, et il prétendit l’aider dans sa tâche. Par Mme Duplessis, dont il avait fini par capter la confiance, Panis eut accès aux papiers qui avaient échappé aux perquisitions et il persuada Mme Duplessis du rôle de Robespierre dans l’assassinat de ses enfants. Le 9 thermidor sembla lui donner raison comme à tous ceux qui avaient souffert de la terreur et qui étaient dupes de l’entreprise de diabolisation de l’Incorruptible.

Panis s’empressa de classer et recopier une partie des papiers laissés par Camille Desmoulins, notamment les manuscrits du no 7 du Vieux Cordelier qu’il expurgea, modifia et falsifia pour en proposer une édition controuvée. Il se plut chez Mme Duplessis, et s’occupa finalement des intérêts matériels de cette dame sur laquelle il avait fini par exercer un empire extraordinaire. C’est à la même époque, d’ailleurs, qu’il se sépara de son épouse Claire Santerre[15].

Pendant la Convention et jusqu’au Directoire, Panis n’eut de cesse de s’élever, à la tribune comme ailleurs, contre la part de responsabilité qu’on lui attribuait dans les massacres de septembre. Sous la Restauration, ses protecteurs étaient morts ou dispersés et, à nouveau désigné du doigt, notamment dans la Gazette de France du 13 octobre 1814, il se hâta de protester sous la forme d’une petite brochure[16] contre ce qu’il appelait une calomnie. D’après lui, Jean-Paul Marat était lui seul seul l’auteur de la circulaire du 3 septembre enjoignant la province à imiter Paris ; à l’entendre, c’était Marat qui l’avait rédigée et signée pour tous ses collègues du comité, et comme ceux-ci hasardaient quelques représentations il [Marat] leur avait répondu :

« Oui, j’ai signé pour vous tous et s’il y a un jean-foutre qui ne soit pas content, je le fais lanterner ce soir. »

En ce qui concerne Marat, Panis fait erreur ou cherche à tromper son monde. Le 18 septembre 1792, le Comité de surveillance ayant été mandé devant le conseil général de la Commune pour y répondre de sa conduite depuis le 10 août, comme on lui reprochait précisément d’avoir pris Marat comme collaborateur, Panis défendit celui-ci dans les termes suivants empruntés au procès-verbal même de la séance :

« Jamais Marat, dans le sein du comité, n’a eu d’influence particulière, jamais son avis n’a prévalu sur celui d’aucun autre patriote ».

La fin

Panis, comme l’avait fait Santerre son beau-frère, fit passer toute sa fortune sur la tête de ses enfants « pour ne pas prêter à la médisance » [17]. Plus tard, les fils de Panis semblent s’être plus moins détournés de leur père qui avait une réputation épouvantable. Ils devinrent les propriétaires de société industrielles prospères tandis que leur père, qui n’avait plus rien à son nom, vivotait d’une modique pension que lui allouait Louis XVIII. Il mourut à Marly le 25 janvier 1838.

Notes et références

  1. Et non du Périgord !
  2. Papiers Harault de Séchelles
  3. Née en 1755 à Paris, elle est morte le 25 janvier 1838.
  4. AN, Minutier, étude du notaire Brelut de la Grange
  5. Revue rétrospective, 2e série, tome I, p.327
  6. Revue rétrospective op. cit., p.349-351 (Registre journal tenu par Claude-François Prévost)
  7. AN, F7/4426
  8. Nomination par le Conseil général de la Commune de commissaires chargés d’examiner les plaintes contre M. Panis (7 septembre 1792). Extraits des procès verbaux de la commune de Paris tirés des papiers P.-G. Chaumette, AN, T604
  9. Didier Jourdeuil jusqu’alors huissier sans fortune devint soudainement l’heureux propriétaire de biens locatifs très importants à Paris, entre autres le couvent des Filles du Saint-Sacrement rue Cassette
  10. Pierre Duplain, un aristocrate lyonnais, fondateur du premier système de messagerie, propriétaire d’une librairie à Paris, joua lui aussi un rôle important dans cette tragédie passait sous le Directoire, de l'avis de Barras pour être un agent de l’Angleterre, co-organisateur du soulèvement de Lyon en 1793
  11. Époux de Nathalie de Laborde qui fut aimée de Chateaubriand.
  12. AN, DIII/356
  13. Arrêté du conseil général de la Commune statuant sur les dépôts du Comité de surveillance, déclarant qu’il y a eu bris de scellés, violation, dilapidations de dépôts, fausses déclarations et autres infidélités, et chargeant le procureur de la Commune de dénoncer à l’accusateur public les citoyens Panis, Sergent, Lenfant, Cally, Duffort et Leclerc… le 10 mai 1793, AN, F/7/4685
  14. AN, Minutier central, étude XCIII/258, 14 prairial an XII
  15. Charles Vellay, le numéro VII du « Vieux Cordelier », Le Puy, 1908 et Revue d’Histoire révolutionnaire, 1912, p.116
  16. Défense légitime, Paris, 20 octobre 1814, slnd, 8°, 8 p.
  17. Raymonde Monnier, Santerre, p. 46

Bibliographie

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