- Affaire du compte japonais de Chirac
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Affaire du compte japonais de Jacques Chirac
L'affaire du compte japonais de Jacques Chirac est une affaire politico-financière française qui se développe lentement depuis le début des années 2000. Elle porte sur l'existence supposée d'un compte occulte de Jacques Chirac à la banque japonaise Tokyo Sowa Bank (東京相和銀行, Tōkyō Sowa Ginkō?). Une vérification des autorités bancaires, effectuée à la demande de l'ancien président français, à l'automne 2007, a cependant montré l'absence de compte au nom de Jacques Chirac à la TSB[1].
Sommaire
DGSE
Un document interne de la DGSE de 1996 fait état de l'existence du compte bancaire de Jacques Chirac au Japon, crédité de 300 millions de francs en 1996. Cette note de la DGSE est un message secret classé « urgent réservé » et envoyé par le chef de poste de la DGSE à Tokyo au siège des services à Paris le 11 novembre 1996. Elle fut rendue publique dans le livre Machinations des journalistes Laurent Valdiguié et Karl Laske (Denoël, novembre 2006).
Il résume les informations obtenues d'un informateur baptisé du sobriquet « Jambage ». La banque Tokyo Sowa voulait faire des affaires en France et la DGSE en examinait la probité. « Jambage paraît sincèrement penser que cette banque n'est pas, du fait de sa présidence actuelle, fréquentable et il ne veut pas y toucher », dit encore le message.
Enquête de Gilbert Flam
En 2001, à la veille de l’élection présidentielle française, Gilbert Flam, magistrat détaché à la DGSE (ancien collaborateur du ministre socialiste Georges Sarre et époux d'une élue socialiste de la mairie de Paris), a ouvert une enquête au Japon pour vérifier des soupçons d'existence de comptes bancaires appartenant à Jacques Chirac à la Tōkyō Sowa Ginkō et les liens pouvant exister entre Jacques Chirac et Shōichi Osada.
Cette enquête aurait été considérée par Jacques Chirac comme une manipulation politique qui aurait été commanditée par Lionel Jospin dans le but de lui nuire à la veille de l’élection présidentielle.
Gilbert Flam affirme qu'il n'y a eu aucune enquête de la DGSE sur des comptes supposés de Jacques Chirac. L'enquête n'aurait porté que sur Shōichi Osada qui voulait investir en France.
Après la réélection de Jacques Chirac et du gouvernement Raffarin, en 2002, le directeur de la DGSE Jean-Claude Cousseran et Gilbert Flam ont été limogés.
Enquête du général Philippe Rondot
Le 19 avril 2006, dans Le Canard Enchaîné, Nicolas Beau affirmait qu'un classeur au nom de Gilbert Flam sur « d'hypothétiques comptes bancaires de Chirac au Japon », avait été saisi chez le général Philippe Rondot dans le cadre de l'affaire Clearstream 2.
Le classeur renfermait l'enquête interne menée par le général Rondot en 2002. Il a eu ce document en sa possession car il a mené en 2001 une enquête interne sur les services secrets pour savoir s'ils avaient enquêté sur Jacques Chirac, à la demande de ce dernier.
Philippe Rondot a conclu plutôt négativement et estimé que les investigations sur la Tokyo Sowa Bank se justifiaient. Interrogé par les juges le 28 mars 2006, le général Rondot a confirmé dans un premier temps l'existence d'un compte Chirac et donné une précision. « À ma connaissance, ce compte avait été ouvert en 1992 », a-t-il dit sur procès-verbal. Plus tard, il est revenu sur ces propos dans la presse.
Selon Le Canard enchaîné du 23 mai 2007, des documents nouveaux saisis chez le général Rondot accréditeraient l'existence du compte bancaire en question. Il s'agit d'une chemise intitulée « affaire japonaise », de deux autres appelées « PR1 » et « PR2 » (pour « président de la République »), contenant des messages de la DGSE et de relevés bancaires japonais. Des notes évoquent l'ancien président de la Polynésie française Gaston Flosse, ami de Jacques Chirac. Le parquet de Paris aurait tenu une réunion lundi 21 mai 2007 pour examiner les conséquences possibles de ces éléments nouveaux[2],[3],[4].
Démentis
La Présidence de la République a déclaré au mois de mai 2006 que Jacques Chirac n'avait jamais eu de compte à la Tokyo Sowa Bank. Elle a évoqué une « campagne de calomnies » remontant à 2001 « dont il a été établi qu'elles étaient sans aucun fondement ». Le 14 novembre 2006, la Présidence oppose à nouveau « un démenti catégorique ».
Secret de l'instruction
Une procédure contre X a été ouverte en 2006 sur instruction du ministre de la Justice, Pascal Clément, visant des articles de presse parus entre le 14 avril et le 12 mai 2007. Le juge Thomas Cassuto cherche à savoir qui a envoyé par télécopie au Canard Enchaîné en mai 2006 un procès-verbal d'interrogatoire du général Philippe Rondot effectué dans l'enquête sur les faux listings de la société Clearstream (Affaire Clearstream 2). Philippe Rondot y évoquait l'existence d'un compte bancaire de Jacques Chirac au Japon, crédité de sommes colossales.
Le 11 mai 2007, le juge Thomas Cassuto s'est présenté avec des policiers au siège du Canard Enchaîné mais les rédacteurs présents ont dit ne pas pouvoir ouvrir la porte de la rédaction, qui était fermée à clé, en l'absence du directeur ou des administrateurs. Il a dû renoncer devant l'opposition des journalistes qui ont refusé de lui donner les clefs de la rédaction[5].
Jean-Pascal Couraud
Le journaliste Jean-Pascal Couraud, surnommé JPK, a disparu à Tahiti le 15 décembre 1997. Selon certains témoignages, il enquêtait sur des transferts de fonds suspects entre Robert Wan, homme d'affaires tahitien proche de Gaston Flosse, et Jacques Chirac[6],[7]. le tribunal de Papeete a conclu au suicide et prononcé un non-lieu en octobre 2002. En 2004 l'enquête a cependant été rouverte suite au témoignage d'un ancien membre du GIP (Groupe d'intervention de la Polynésie, l'ancien service d'ordre personnel de Gaston Flosse), affirmant avoir assisté à l'assassinat de Jean-Pascal Couraud par des membres du GIP, avant de se rétracter[8]. En décembre de la même année, la famille du journaliste a déposé plainte contre X avec constitution de partie civile pour assassinat et complicité[8].
En juin 2007, pendant l'instruction, Me Jean-Dominique des Arcis, l'avocat de Jean-Pascal Couraud, a fait part d'une « note circulant à Papeete en 1998-1999, faisant état de transferts de fonds par Robert Wan à Jacques Chirac »[6].
Le 4 juin 2008, le juge d'instruction Jean-François Redonnet, du tribunal de grande instance de Papeete, a procédé à une perquisition dans les locaux de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) à Paris. Le juge Redonnet a voulu vérifier l'existence du compte japonais de Jacques Chirac. Il s'est fait remettre à la DGSE dix-sept documents classifiés et placés sous scellés, liés aux activités de la Tokyo Sowa Bank[9]. Le 5 juin 2008, le juge Redonnet s'est rendu au cabinet de Jean Veil, avocat de Jacques Chirac pour placer sous scellés une enquête réalisée auprès de l'ex-Tokyo Sowa Bank et commandée par l'avocat. Cette enquête concluait à l'inexistence du compte japonais. Christian Charrière-Bournazel, bâtonnier de Paris, s'est opposé à la remise de ce document. En effet, un avocat ne peut être délié du secret professionnel, même par son client[6].
La commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN), saisie par le ministère de la défense pour se prononcer sur la déclassification de ces documents, a émis un avis favorable pour seize des dix-sept documents le 2 octobre 2008[8],[9]. Le 21 octobre 2008, Hervé Morin a levé le secret défense[10].
Un deuxième avis le 4 décembre 2008 est favorable à la déclassification d'onze documents, à celle partielle de deux documents, mais défavorable à la déclassification de treize autres documents de la DGSE[8].
Le 18 juin 2009, la CCSDN se réunit après avoir été saisie par le ministère de la Défense le 4 juin à la suite d'une demande du juge du 24 février, et donne un troisième avis, défavorable à la déclassification de trois documents de la DGSE[8].
Notes et références
- ↑ Le Point, 31 janvier 2008
- ↑ Article sur Yahoo News, Rondot interrogé sur un compte japonais de Chirac
- ↑ Clearstream: Rondot interrogé sur un compte japonais de Chirac, Reuters, 22 mai 2007
- ↑ Le compte japonais de Jacques Chirac refait surface, nouvelobs.com, 23 mai 2007 [1]
- ↑ Clearstream : perquisition avortée au siège du Canard enchaîné, nouvelobs.com, 11 mai 2007 [2]
- ↑ a , b et c "Compte japonais" de Jacques Chirac : perquisition à la DGSE, le Monde, 6 juin 2008
- ↑ Pascal Riché, Disparition de JPK à Tahiti : Gaston Flosse sur la défensive, Rue 89, 16 janvier 2009
- ↑ a , b , c , d et e Compte présumé de Chirac au Japon: pas de documents déclassifiés sur Aujourd'hui le Japon, AFP. Mis en ligne le 8 juillet 2009, consulté le 8 juillet 2009
- ↑ a et b Compte présumé de Chirac au Japon: avis favorable à la déclassification de documents sur Aujourd'hui le Japon, 19 octobre 2008, AFP. Mis en ligne le 19 octobre 2008, consulté le 20 octobre 2008
- ↑ « Morin lève le secret défense sur le compte secret de Chirac au Japon », Le Monde, 22 octobre 2008
Liens externes
- « Compte Chirac, l’amnésie des services secrets français », Bakchich, 22 octobre 2008.
- « L'existence du compte de Chirac au Japon se confirme », nouvelobs.com, 8 novembre 2006
- « Nous pouvons désormais enquêter sur les sources de financement », Entretien avec Nicolas Beau, nouveobs.com, 8 novembre 2006
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