Edward thompson

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Edward Palmer Thompson

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Edward Palmer Thompson (3 février 1924 - 28 août 1993) est un historien britannique, spécialiste de l’histoire sociale et culturelle du Royaume-Uni et particulièrement du monde ouvrier. Socialiste, militant pacifiste et « intellectuel "engagé" »[1], il est un des principaux historiens britanniques d'inspiration marxiste de la seconde moitié du XXe siècle[2].

Sommaire

Biographie

Ancien membre actif du Parti communiste de Grande-Bretagne au lendemain de la guerre, il le quitta en 1956 pour protester contre l’intervention soviétique en Hongrie. Il joua un rôle important dans la Nouvelle gauche britannique (« New Left ») à partir des années 1960.

Travaux

Cet historien progressiste s’éleva contre l’histoire économique et sociale quantitative (inspirée par Ernest Labrousse). Son maître livre sur la formation de la classe ouvrière anglaise (The Making of the English Working Class, 1963, révisé en 1968 et 1980) a exercé une influence exceptionnelle sur toute une génération d’historiens aux États-Unis et en Europe[3].

Il préconise une prise de distance avec une historiographie privilégiant l’histoire des organisations (partis, syndicats), afin de recentrer la recherche sur les acteurs « d’en bas », les ouvriers « réels ». Cette histoire « par en bas » (« history from below ») dont Thompson est le précurseur trouve un écho favorable après les évènements de Mai 68. Au-delà de l’intérêt pour les « prolétaires », ce sont toutes les victimes de l’histoire (femmes, immigrés, minorités ethniques, homosexuels…) qui deviennent des acteurs de l’histoire. Ainsi, Thompson affirme que dans la réalité, seuls les individus existent, que l’expérience est toujours première par rapport au contexte, qu’il n’y a pas de structures, mais seulement des processus. Pour Roland Marx, Thompson « a démontré avec éclat, à propos des travailleurs anglais des années de la révolution industrielle, la capacité d'un marxiste de dénoncer les errements idéologiques de soi-disant disciples de l'auteur du Capital, de refuser les a priori théoriques et, s'agissant du thème majeur des classes, de ne pas professer des stéréotypes partisans sous le prétexte d'une prétendue efficacité politique »[1].

En effet, rejetant l'idée que la classe sociale existerait par elle-même dans le cadre d'une superstructure aux fondements exclusivement économiques, Thompson historicise le phénomène et définit la classe sociale comme un processus historique où les rapports humains tiennent toute leur place : « ce phénomène apparaît lorsque des hommes partageant des expériences et une identité commune les articulent entre-eux et par opposition à d'autres hommes possédant des intérêts différents »[4]. Ces expériences communes « se traduisent en termes culturels et s'incarnent dans des traditions, des systèmes de valeur, des idées et des formes institutionnelles »[5] et entraînent ainsi chez ces individus l'émergence d'une « conscience de classe ». Le conflit avec les individus ne partageant pas ces intérêts et cette culture commune sont évidemment centraux dans la formation de cette identité de classe, mais Thompson a souligné la place tenue par les facteurs culturels dans un processus qui reste historique[4].

Par ailleurs, E. P. Thompson a consacré de nombreux articles, qui ont fait date[6], à propos des conséquences, pour la classe ouvrière, de l'industrialisation et de la formation du capitalisme : résistances (luddisme), discipline imposée au travail et économie morale de la foule. Pour E. P. Thompson, l’émeute rurale est en effet le vecteur d’une politique latente, d’une culture et d’une morale ordinaire fruit du bon sens des gens de peu. En quelque sorte, le but de Thompson à travers son concept d’« économie morale de la foule », est quelque peu similaire à celui de sauver le luddisme de « l’énorme condescendance de la postérité » qu’il retrouve aussi bien du côté d’une histoire économique obsédée par la construction d’indicateurs scientifiques de la croissance, que d’une histoire ouvrière soucieuse de montrer l’essor et la gloire des « vrais » représentants de la classe ouvrière[7].

« Ses travaux auront démontré la nécessité d'associer, dans l'étude d'un groupe social, les méthodes de disciplines très diverses : de l'économie, des diverses sciences sociales et religieuses, de la psychologie individuelle et collective, de la critique littéraire » relève encore Roland Marx[1].

Pour l'historien Rohan McWilliam, « c'est un fait indiscutable que Thompson a défini les paradigmes et fixé le programme des historiens qui travaillent sur les XVIIIe siècle et XIXe siècle anglais, quel que soit leur degré d'accord avec les conclusions de ses travaux »[8].

Publications

Sur les autres projets Wikimedia :

  • William Morris : Romantic to Revolutionary, Londres, Lawrence & Wishart 1955.
  • “The moral economy of the English crowd in the eighteenth century”, Past & Present, n°50, 1971, p. 76-136.
  • Warwick University Limited, Harmondsworth, Penguin, 1971.
  • Open Letter to Leszek Kolakowski, 1974.
  • Whigs and Hunters : The Origin of the Black Act, Londres, Allen Lane, 1975.
  • (dir) Albion's Fatal Tree : Crime and Society in Eighteenth Century England, Londres, Allen Lane, 1975.
  • The Poverty of Theory and Other Essays, Londres, Merlin Press, 1978.
  • Writing by Candlelight, Londres, Merlin Press, 1980.
  • Protest and Survive, Londres, Penguin, 1980.
  • Zero Option, Londres, Merlin Press, 1982.
  • The Heavy Dancers, Londres, Merlin Press, 1985.
  • Double Exposure, Londres, Merlin Press, 1985.
  • Star Wars, Londres, Penguin, 1985.
  • Avec D. Smith (dir), Prospectus for a Habitable Planet, Penguin Books, 1987, 240 p.
  • La formation de la classe ouvrière anglaise, Gallimard-Le Seuil, Paris, 1988 (1re éd. originale : Londres, 1963).
  • Avec Florence Gauthier et Guy-Robert Ikni, La Guerre du blé au XVIIIe siècle : la critique populaire contre le libéralisme économique au XVIIIe siècle, Montreuil, 1988.
  • The Sykaos Papers, Londres, Bloomsbury, 1988 (roman de science-fiction).
  • Customs in Common : Studies in Traditional Popular Culture, Londres, Merlin Press, 1991.
  • Making History: Writings on History and Culture, 1994.
  • Witness Against the Beast : William Blake and the Moral Law, 1993.
  • The Romantics : England in a Revolutionary Age, 1997.
  • The Collected Poems, 1999.
  • Temps, discipline du travail et capitalisme industriel, La Fabrique, 2004 (1re éd. originale : 1993).

Articles connexes

Bibliographie

  • (en) Harvey J. Kaye and Keith McClelland (dir), E.P.Thompson: Critical Perspectives, Londres, Polity Press, 1990.
  • (fr) Bernard Aspe, « Thompson et le problème de la conscience », Alice, n°2, 1999 [lire en ligne]

Notes et références

  1. a , b  et c Roland Marx, « Edward Palmer Thompson 1924-1993 », Universalia 1994, Encyclopædia Universalis, 1994, p. 582.
  2. Peter Childs, Mike Storry, Encyclopedia of Contemporary British Culture, Taylor & Francis, 1999, p. 532.
  3. Danièle Hervieu-Léger, « Thompson (Edward P.) La Formation de la classe ouvrière anglaise », Archives de Sciences Sociales des Religions, Année 1988, Volume 66, Numéro 2 p. 330-330.
  4. a  et b Rosalind Crone, « Comprendre la Grande-Bretagne du XIXe siècle à travers le prisme changeant de l'histoire culturelle », Revue d'histoire du XIXe siècle, n° 37, 2008, p. 40.
  5. Edward P. Thompson, The making of the English Working Class, Londres, Victor Gollanz, 1963, p. 9.
  6. James Thompson, « Des histoires contestées : l'histoire sociale de la Grande-Bretagne au XIXe siècle », Revue d'histoire du XIXe siècle, n°37, 2008, p. 16
  7. Clément Homs, « L’historien du luddisme, Edward P. Thompson, et l’"économie morale de la foule". », août 2006. [lire en ligne] [pdf]
  8. « What is indisputable [...] is the way which Thompson shaped the paradigms and established the agenda for historians of 18th- and 19th-century England, whether or not they agreed his work. », conclusion de la notice rédigée par Rohan McWilliam dans Kelly Boyd (dir), Encyclopedia of Historians and Historical Writing, tome 2, Taylor & Francis, 1999, p. 1189.
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