Edme-Samuel Castaing

Edme-Samuel Castaing
Edme-Samuel Castaing

Edme-Samuel Castaing, à Alençon en 1796 et guillotiné le 6 décembre 1823, est un célèbre empoisonneur[1] français, considéré comme le premier meurtrier connu à assassiner à laide de morphine[2].

Biographie

Castaing était le plus jeune des trois fils dun Inspecteur général des Forêts[3]. Il fit ses études secondaires à Angers il se montra un élève très brillant.

Castaing fut reçu médecin à la faculté de Paris en juillet 1821. Ambitieux et dévoré de lardent désir de faire fortune, il était doué dun caractère ardent et dune fermeté quil poussait jusquà la ténacité. Il parvint à force dapplication à modifier et à corriger son naturel, de façon à faire succéder une grande douceur à la pétulance et à lopiniâtreté quil avait montrées dans sa première jeunesse.

Sétant adonné à létude des poisons, surtout des poisons végétaux, de nombreuses expériences faites sur des animaux lui avaient acquis la certitude que ces sortes de poisons ne laissent pas de traces. Vers 1817, il fut accueilli avec amitié dans la famille dun riche notaire de Paris, du nom de Ballet.

Décrit comme dévoré dambition et menant, au grand désespoir de ses parents, une vie très libertine, il avait eu deux enfants avec la veuve dun juge. Sa très mauvaise situation financière fut encore aggravée par le fait quil dut rembourser en 1820 un emprunt de 600 francs effectué par un de ses amis en 1818 pour lequel il sétait porté garant[3].

La famille Ballet se composait, en 1821, de six personnes : le père, la mère, un oncle, une fille mariée, et deux fils, Auguste et Hippolyte, tous deux avocats. Cétait surtout avec ces deux derniers, plus jeunes que lui et sur lesquels il avait un grand ascendant, que Castaing avait contracté amitié.

La mort vint bientôt toucher cette famille : M. et Mme Ballet moururent à cinq mois lun de lautre. Loncle mourut quelque temps après. Une fort belle fortune échut alors aux enfants. Dès cet instant, une plus grande intimité sétablit entre eux et Castaing. Hippolyte surtout, menacé dune phtisie pulmonaire, sattacha davantage à un ami qui pouvait lui être dautant plus utile par ses connaissances en médecine. Il mourut le 3 octobre 1822, dans les bras de Castaing, lorsque un brusque accident morbide lemporta en quatre jours laissant 260 000 francs à partager entre son frère Auguste et leur sœur.

Castaing, qui avait soigné Hippolyte et un autre médecin firent une autopsie qui révéla que le patient était mort dune pleurésie tuberculeuse[3]. Dix-sept jours avant la mort dHippolyte, Castaing avait acheté dix grains dacétate de morphine[3].

Hippolyte avait confié à plusieurs personnes lintention de déshériter son frère : après son décès lon ne trouva aucun testament dans sa succession, et Castaing était en possession de cent mille francs. Des témoins déposèrent que cette somme fut donnée par Auguste Ballet pour prix du testament de son frère. Auguste aurait expliqué que cet argent avait été versé comme pot-de-vin au notaire chargé de la succession pour détruire un testament fait par Hippolyte qui favorisait sa sœur[3]. Cependant, le 10 octobre, Castaing plaça 66 000 francs en banque, le 11, il envoya 30 000 francs à sa mère et le 14 il donna 4 000 francs à sa maîtresse[3].

Le 1er décembre 1822, Auguste, 24 ans, bien portant, fit un testament qui faisait de Castaing son légataire universel. Ce testament fut déposé chez un notaire le 29 mai 1823.

Le même jour, Auguste et Castaing allèrent ensemble à Saint-Cloud et descendirent à lauberge de la Tête noire, ils occupèrent une chambre à deux lits. Le lendemain au soir, Castaing demanda du vin chaud, dans lequel il mit du sucre et des citrons quil avait achetés, puis il quitta la chambre. Quand il rentra, son ami avait bu une partie du vin qui lui avait été versé, et lavait trouvé très mauvais, très amer.

Auguste passa une nuit fort agitée : il eut des coliques, ses jambes enflèrent ; le matin, il ne put quitter le lit. Castaing au contraire, qui était resté seul auprès de son ami, se fit ouvrir les portes à quatre heures du matin, pour faire, disait-il, un tour de parc, mais dans la réalité pour aller à Paris acheter chez un pharmacien douze grains démétique, et chez un autre un demi-gros dacétate de morphine. Revenu à Saint-Cloud vers huit heures, son premier soin fut de demander du lait froid pour Auguste. Le malade prit le lait, et fut saisi de violents vomissements et de grandes coliques. On se débarrassa sur-le-champ de toutes les déjections. Auguste mourut.

Tout le monde fut frappé de stupeur en voyant ce jeune homme terminer sa vie, au milieu de circonstances si extraordinaires, par une mort si subite et si effrayante. La justice informa. Lautopsie offrit les mêmes circonstances et donna lieu aux mêmes observations chez lun et lautre frère ; elle noffrit toutefois aucune trace de substances vénéneuses. Plusieurs médecins célèbres déclarèrent que la mort avait pu être occasionnée par des causes naturelles, comme il était possible aussi quelle fût le résultat dun empoisonnement par lacétate de morphine. Le docteur Chaussier alla jusquà affirmer positivement que la mort navait pas été causée par le poison; car, disait-il, ou le malade lavait rejeté, et alors le décès ne devait pas sensuivre ; ou il ne lavait pas rejeté, et dans ce cas les substances vénéneuses se seraient retrouvées; car il ne sétait pas écoulé assez de temps pour quelles fussent absorbées.

Castaing fut gardé en prison à Paris pendant les cinq mois que dura lenquête. Les trois premiers jours, Castaing simula la folie mais, très rapidement ensuite, il retrouva tous ses esprits. Il fut ensuite incarcéré à la prison de Versailles[3].

Son procès commença devant la Cour dassises de Paris, le 10 novembre 1823, et dura huit jours[3].

Castaing fut défendu par deux avocats, Roussel, un de ses anciens camarades décole et Pierre-Antoine Berryer[3]. Berryer fit part au tribunal de sa propre expérience de la morphine expliquant quil avait mis deux milligrammes de morphine dans une cuiller à soupe de lait et quil avait trouvé cela tellement amer quil avait le recracher.

Castaing, interrogé sur le motif qui lui avait fait acheter des poisons, répondit que cétait pour empoisonner des chiens et des chats dont le bruit lincommodait, et avait surtout troublé son ami. On lui demanda lemploi quil avait fait de ces poisons : il dit que, ne sen étant pas servi, en voyant les soupçons qui sélevaient contre lui, il les avait jetés dans les latrines ; mais ils ne furent pas retrouvés. En conséquence de tous ces faits et de toutes ces circonstances accablantes, il fut accusé davoir,

  1. attenté à la vie dHippolyte Ballet  ;
  2. davoir, de complicité avec Auguste Ballet, détruit son testament;
  3. enfin davoir attenté à la vie dAuguste Ballet, dont il était légataire universel.

Le jury délibéra deux heures. Acquitté sur le premier chef de cette accusation, il fut condamné sur les deux autres.

Lorsque le Président de la cour dassises lui demanda sil avait quelque chose à ajouter, Castaing déclara :

Non, monsieur, non, je nai rien à dire contre lapplication de la peine qui me frappe ; je saurai mourir, quoiquil soit bien malheureux de mourir, plongé dans la tombe par des circonstances aussi fatales que celles je suis. On maccuse davoir lâchement assassiné mes deux amis, et je suis innocentOh ! oui, je le répète, je suis innocent ! Mais il y a une Providence, il y a quelque chose de divin en moi, et ce quelque chose ira vous trouver, Auguste, Hippolyte. Oh ! oui, mes amis, oh ! oui, mes amis, oui, je vous retrouverai, et je regarde comme un bonheur daller vous rejoindre. Après laccusation qui a pesé sur moi, rien dhumain ne me touche. Maintenant, je nimplore pas la miséricorde humaine, je nimplore que ce qui est divin ; je monterai courageusement sur léchafaud : lidée de vous revoir mencouragera ! oh ! mes deux amis, elle réjouira mon âme, au moment même je sentiraiHélas ! il est plus facile de comprendre ce que je sens que dexprimer ce que je nose prononcer

Puis, dune voix plus faible :

Vous avez voulu ma mort, messieurs ; je suis prêt à mourir, me voici.

Après le rejet de son pourvoi en cassation et une tentative de suicide ratée (un de ses amis lui avait apporté du poison caché dans une montre), Castaing fut exécuté à Paris le 6 décembre 1823. Arrivé au pied de léchafaud, il tomba à genoux, et resta près de quatre minutes en prière. Il neut pas la force de se relever, et deux aides de lexécuteur furent obligés de le soutenir pour laider à monter sur léchafaud.

Référence

  • Procès complet dEdme-Samuel Castaing, docteur en médecine, Paris, Pillet Ainé, 1828.
  • Alexandre Dumas, Mes Mémoires, chap. XCI, Lauberge de la Tête-Noire. [1]
  1. [http://opioids.com/narcotic-drugs/chapter-2.html The Story of Opium
  2. Jack Mingo, "Doctors Killed George Washington - Hundreds Of Fascinating Facts From The World Of Medicine", Conari Press, 2001, p. 104
  3. a, b, c, d, e, f, g, h et i http://infomotions.com/etexts/gutenberg/dirs/etext96/rcrim10.htm Henry Brodribb Irving, "A Book of Remarkable Criminals"

Sources

  • Ferdinand Hoefer, Nouvelle Biographie générale, t. 9, Paris, Firmin-Didot, 1855, p. 77-9.

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Edme-Samuel Castaing de Wikipédia en français (auteurs)

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