Dédition de nice à la savoie

Dédition de nice à la savoie

Dédition de Nice à la Savoie

La dédition de Nice à la Savoie est une charte du 28 septembre 1388 qui scelle le rattachement de Nice à la Savoie avec la création des « terres neuves de Provence » (de la Maison de Savoie) qui, en 1526, deviendront Comté de Nice. Loriginal de cette charte a été perdu et le titre provient dune copie du XVIe siècle intitulée Dedizione della città e vicaria di Nizza ad Amedeo VII conte di Savoia[1].

Le terme dédition est un terme juridique qui caractérise la soumission volontaire d'un peuple ou d'une commune à un souverain. Une dédition se réalise par l'établissement d'un contrat écrit établissant les droits et obligations de chacun.

Les 34 articles du texte de la dédition de 1388 font ressortir que le premier souci des Niçois est d'obtenir protection contre la maison d'Anjou et ses alliés locaux, les comtes de Vintimille et de Tende. Il s'agit d'une protection militaire et juridique. Il y a, ensuite, le souhait de préserver les privilèges de la ville et le désir d'obtenir de la maison de Savoie de nouveaux avantages (installation de la capitale de la Provence à Nice ou concession de facilités portuaires) qui avaient déjà été promis par les Duras.

Les causes de la dédition

Article détaillé : Union d'Aix (1382-1387).

Le 22 mai 1382, Jeanne Ire, reine de Jérusalem et de Sicile, du duché de Pouille et de la principauté de Capoue, comtesse de Provence et de Forcalquier, plus connue sous le nom de Reine Jeanne, périssait assassinée. Bien que mariée quatre fois, elle navait aucun successeur direct. En 1372, elle avait désigné pour son héritier son cousin Charles, duc de Duras (ou Durazzo, aujourd'hui Durrës en Albanie), puis en 1380, revenant sur son choix, elle avait adopté le duc dAnjou, Louis Ier, lun des frères du roi de France Charles V. À la mort de la reine, chacun se prétendit héritier et les troupes des prétendants saffrontèrent dans un conflit long et douloureux, les guerres de l'Union d'Aix. Après la mort des deux protagonistes, le conflit fut poursuivi par leurs épouses en qualité de régentes de leurs fils mineurs.

La Provence était elle-même déchirée entre les deux parties, Marseille tenant pour les Anjou et Aix-en-Provence se déclarant pour les Duras. La majorité des communes, dont Nice, étaient également favorables aux Duras. À ces troubles politiques vint sajouter encore le Grand Schisme de lÉglise catholique, les Angevins choisissant le pape d'Avignon Clément VII et les Duras celui de Rome, Urbain VI.

En 1387, en suite dun retournement de situation, Aix-en-Provence se rallia à la maison dAnjou, laissant les partisans des Duras en minorité. Dune façon inattendue, la Provence à lest du Var, cest-à-dire le pays niçois, se retrouva seule face aux partisans des Anjou, maintenant très nombreux grâce aux avantages substantiels distribués généreusement par ces derniers. Ladislas de Duras, jeune roi de Naples chassé de sa capitale par une révolte, se révéla incapable daider ce qui restait de ses partisans ; plusieurs seigneurs des montagnes niçoises avaient d'ailleurs rendu hommages à Louis II dAnjou.

Au début de lannée 1388, Georges de Marle, sénéchal de Louis II, concentra des troupes autour de Nice pour investir la cité. Voyant cela, les édiles envoyèrent une délégation auprès de Ladislas de Duras pour demander de laide. Il leur fut répondu que le roi de Naples ne pouvait les aider et quen conséquence, il permettait aux Niçois de se donner à tel seigneur quil leur plairait, et qui pourrait assurer leur protection, à condition quil ne fût pas un adversaire des Duras. Au retour de la délégation et après délibération, il fut décidé de choisir le comte de Savoie Amédée VII, dit « le comte rouge », lequel avait oeuvré secrètement pour se faire "choisir". Dès réception de lambassade niçoise, celui-ci se mit immédiatement en marche pour Nice, saisissant laubaine douvrir ses États montagnards sur un port méditerranéen.

Amédée VII arriva à labbaye de Saint-Pons, aux portes de Nice, le 27 septembre et le Conseil des Quarante donna mandat aux quatre Syndics daller demander la protection de la Savoie. Le lendemain 28 septembre 1388, était rédigé par devant notaire le pacte de « dédition » aux termes duquel le comte de Savoie sengageait à gouverner et protéger Nice et sa viguerie. Lacte maintenait pour le roi Ladislas la possibilité de récupérer son domaine dans les trois ans à venir, à condition de rembourser au comte de Savoie tous les frais par lui exposés dans cette affaire. À défaut, la cession deviendrait définitive et les habitants seraient tenus de prêter serment dhommage et fidélité.

Trois ans plus tard, Ladislas étant incapable de rembourser les dépenses dAmédée VII, le pays niçois revenait définitivement, et jusquen 1860, à la Savoie en prenant le nom de « terres neuves de Provence » puis « comté de Nice », le mot « comté » ayant un sens administratif et non féodal puisquil ny eut jamais de comte de Nice, hormis Louis XIV au cours des brèves périodes durant lesquelles il occupa la ville (1691-1696, 1703-1706). Les quatre vigueries constituant le futur comté de Nice étaient celles de Nice, Puget-Théniers, Sospel et val de Lantosque, et Barcelonnette, cette dernière s'étant dès 1385 placée sous la protection des comtes de Savoie.

Le texte des trente-quatre articles de la Dédition

Le texte original a été traduit par Eugène Cais de Pierlas (inLa ville de Nice pendant le premier siècle de la domination des princes de Sa voie”, Turin 1898, page 35.)

1.Le comte de Savoie promet de gouverner et de protéger Nice et sa viguerie à ses propres frais contre quiconque voudrait sen emparer et surtout contre la comtesse dAnjou et les seigneurs de Tende et de la Brigue.

2.A la requête des syndics de Nice il sengage à faire son possible pour reprendre à la maison dAnjou les autres villes et terres des comtés de Provence et de Forcalquier et les réduire sous la bannière de lempereur et la sienne.

3.Si le roi Ladislas dans lespace de trois ans pourra (sic) rembourser au comte les dépenses quil aura faites pour loccupation et la garde des dites terres et qui seront évaluées sur simple assertion du prince, celui-ci devra lui remettre les terres quil a occupées.

4.Le comte promet que pendant ces trois années doccupation, ou après, il ne cèdera ni vendra la ville et la viguerie de Nice soit à la duchesse dAnjou soit au roi de France ou à tout autre seigneur, hormis toutefois au roi Ladislas.

5.La ville de Nice jure dobéir pendant ces trois années au comte et à ses officiers comme elle le faisait aux comtes de Provence et de lui laisser la jouissance des rentes de la ville et de la viguerie dont jouissaient les anciens souverains malgré cela la ville ne sera pas tenue à lui prêter lhommage, mais le prince sera libre de recevoir celui des citoyens qui voudraient le faire.

6.Le comte soblige pour lui et ses héritiers à annuler toute vente ou donation quil pourrait faire de fiefs ou autres biens domaniaux, autant dans la ville que dans la viguerie.

7.Le comte accordera libre passage à toute personne et surtout aux Niçois qui par mer ou par terre désireraient porter des secours dhommes, darmes ou de vivres au roi Ladislas.

8.Le comte défendra le passage à toutes personnes voulant combattre le roi Ladislas ou semparer de nos domaines.

9.Le comte promet que si dans lespace de trois ans le roi Ladislas sera (sic) à même de lui rembourser tous les frais de loccupation et de la garde de toutes les villes et terres dépendantes de ce dernier et qui se sont mises ou se mettront sous sa protection et que ledit comte refuse le remboursement et la restitution de ces domaines, dans ce cas les habitants, de leur propre mouvement et sans être coupables de rébellion, pourront se soustraire à la domination des comtes de Savoie, et retourner à celle de Ladislas.

10.Le comte ne pourra, dans les jugements criminels et civils, transporter quelque personne que ce soit dun lieu à un autre, ou dune juridiction à une autre, à moins que les droits du comte fussent directement atteints.

11.La ville de Nice et sa viguerie pourront conserver les gabelles et les impôts établis pour les nécessités de la guerre et qui lui appartiennent, ou les abolir, mais les impôts dus à la cour seront payés au comte.

12.Dans le cas le comte réussirait à semparer de tout le comté de Provence et de Forcalquier, il établira dans la ville de Nice la résidence du sénéchal et des autres grands officiers, ainsi que cela se pratiquait pour la ville dAix sous la reine Jeanne ce privilège cependant ne dépendra que du bon plaisir du comte.

13.Le comte promet daccorder des lettres de marque et de représailles contre toute personne étrangère qui refuserait de rendre justice à un habitant de Nice, selon lusage dItalie.

14.Le comte conservera à Nice la gabelle du sel et livrera le sel aux habitants au prix habituel de 2 sous et demi par setier en temps de guerre le prix en sera fixé par le comte et les syndics de Nice.

15.Le comte promet de naccorder ni paix ni trêve à la duchesse dAnjou sans lavis des Niçois et ce pendant tout le temps quelle visera à la conquête des comtés de Provence et de Forcalquier.

16.Pendant la période de temps susindiquée le comte ne pourra empêcher aucun Niçois de porter aide ou secours au roi Ladislas, excepté cependant le cas cela fut de préjudice au comte ou à la ville.

17.Jamais à lavenir le comte nobligera directement ou indirectement les Niçois à marcher contre le roi Ladislas, excepté dans le cas celui-ci fit la guerre contre le comte de Savoie ou contre une ville dépendante de lui.

18.Si les Niçois se déclareront en faveur dun des papes, le comte tâchera dobtenir de lui la levée de toute excommunication qui aurait pour objet lusurpation de biens ou revenus religieux ou la destruction de châteaux, maisonnées ou autres édifices religieux.

19.Le comte sengage à chasser de leurs domaines, par voie de conquête ou déchange, les comtes de Vintimille seigneurs de Tende et de la Brigue, afin dassurer la liberté de communication entre Nice et le Piémont.

20.Le comte accorde franchise et immunité de tout droit de rivage et de quarantaine aux étrangers qui apporteront à Nice des denrées de ravitaillement cela pourtant selon le bon plaisir du comte.

21.Le comte promet que sil acquerra (sic) dautres terres dans les comtés de Provence et de Forcalquier, au juge de Nice seront dévolues les premières appellations soit civiles que criminelles, pour les terres en deçà de la Siagne, ainsi que pour celles des vallées de Barcelonnette, de Saint Etienne, de la viguerie de Puget-Théniers et du bailliage de Sigale cette juridiction sera exclusivement de la compétence du juge de Nice par privilège perpétuel, même dans le cas la cour suprême ne sétablirait pas à Nice, ou que cela parût préférable pour lavantage général du pays.

22.Le comte fera restituer les biens, fiefs et châteaux situés dans le district de Nice aux personnes de la ville auxquelles on les aurait confisqués à cause des guerres qui ont eu lieu entre le roi Ladislas et le duc dAnjou.

23.Dans le cas le dit comte ne parviendrait pas à conquérir le reste de la Provence, il ne permettra pas que les habitants de la viguerie de Nice qui ont été rebelles au roi Ladislas, ont marché contre la ville et agi à son détriment, puissent y retourner et conserver leurs biens, sauf bien entendu les droits de leurs créanciers.

24.Lorsque la ville de Nice se sera prononcée en faveur dun des papes, le comte tâchera dobtenir de lui quil affranchisse les maisons situées dans la ville et qui relèvent de labbaye de Saint Pons, en donnant à celle-ci, à titre de compensation, un ou plusieurs des châteaux qui appartiennent aux seigneurs rebelles à Ladislas et qui par ce moyen parviendraient au pouvoir du comte.

25.On établira dans la dite ville une casana, ainsi quil y en a lusage dans plusieurs régions dItalie.

26.Comme il arrive que les négociants débarquent à Nice des balles de marchandises quils destinent à être ensuite expédiées dans les régions dorient, doccident ou du nord, les seuls citoyens de Nice auront le droit de recevoir ces marchandises, pour que le profit leur en soit exclusivement dévolu.

27.Sur la demande des syndics le comte de Savoie ordonne quon annulera toutes les enquêtes et procès criminels dont est déjà saisie la cour de Nice, ou qui pourraient sy commencer à cause des derniers événements en signe de nullité on brûlera les registres et cartulaires de ces procès, sauf pourtant les droits que pourraient avoir les personnes lésées et les bans auxquels les coupables seraient tenus.

28.Si le comte ajoutera (sic) dautres conquêtes à celles quil vient de faire, il tâchera dobtenir quon restitue aux bénéficiaires les droits dont ils auraient été privés.

29.Sur la demande présentée par le comte de Savoie quon ait à lui livrer la forteresse de Nice et les autres châteaux de la viguerie en force du protectorat qui lui a été conféré, il a été convenu que Jean Grimaldi seigneur de la baronnie de Beuil et les syndics décideraient si cétait le cas ou non de faire cette livraison.

30.Les syndics de Nice, au nom de leurs mandataires, promettent par serment que pendant les trois années suivantes ils obéiront au comte et que celui-ci exercera sur eux le mère et mixte empire, la haute et basse juridiction et jouira de tous les honneurs et de tous les revenus le tout comme sous le régime des anciens comtes de Provence. Les publications se feront au nom dudit comte et vicaire impérial.

31.A lexpiration des trois années, si le roi Ladislas ne pourra (sic) pas rembourser le comte, Nice et sa viguerie feront acte dhommage et de fidélité audit comte.

32.Le comte alors sera tenu à confirmer à la ville et viguerie de Nice, tous les privilèges qui leur ont été jadis octroyés par la reine Jeanne et les rois Charles et Ladislas.

33. Dans le cas pourtant le roi Ladislas pendant les trois années ci-dessus parvînt à un degré tel de puissance, quil pût rembourser tous les frais en question et que le comte après avoir restitué les territoires occupés se trouvât engagé dans une guerre avec la duchesse dAnjou ou ses descendants, dans ce cas la viguerie de Nice serait tenue à lui donner, à titre de subside et durant la guerre, les revenus de toute sorte que la cour royale avait jadis le droit de percevoir.

34. Dans les cas le roi Ladislas vendît ou cédât au comte ses droits sur la viguerie, celle-ci aussitôt lui en prêtera un hommage formel.

Références

  1. Laurent Ripart, « La dédition de Nice à la maison de Savoie - Analyse critique d'un concept historiographique », Cahiers de la Méditerranée, Vol. 62, 2001.
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