Union d'Aix (1382-1387)

Union d'Aix (1382-1387)

Union d'Aix (1382-1387)

Jeanne Ire de Naples (1326-1382), dite la reine Jeanne, reine de Naples et comtesse de Provence. Ses droits sur la Provence puis sa mort occasionnèrent une guerre de succession appelée guerre de l'Union d'Aix.

L’Union d’Aix, créée en 1382, était une confédération de villes provençales. Elle soutint le parti de Charles Duras contre celui du capétien Louis Ier d'Anjou lors des troubles qui suivirent la capture puis mort de la reine Jeanne, comtesse de Provence. A la suite des choix ambigus de celle-ci, désignant comme successeur au comté, Louis Ier d'Anjou, une guerre civile s'installait en Provence jusqu’à la reconnaissance du nouveau comte, Louis II, le fils de Louis Ier. La défaite de l'Union d'Aix assit définitivement la Seconde dynastie d'Anjou sur le comté de Provence (1387) et entraîna la dédition de Nice à la Savoie (1388).

Sommaire

Origines

Charles III de Naples, dit Charles de Duras (Enluminure hongroise de 1488).

Des héritiers successifs

En 1370 à Naples, Jeanne sans enfants désigne Charles de Duras, son cousin, comme son héritier. Mais Jeanne va bientôt s'aliéner Charles. En effet, avec l'accord du pape Grégoire XI, elle épouse le 25 mars 1376 le capitaine Othon de Brunswick, ce qui, en dépit du rôle effacé (prince consort) de ce dernier, irrite Charles III qui se rapproche de Louis de Hongrie, ennemi de la reine Jeanne. Sur les conseils du pape d'Avignon Clément VII à qui elle fait appel, elle se tourne alors vers le capétien Louis, comte d'Anjou et deuxième fils de Jean II roi de France, qui déjà en 1367-1368 avait eu des visées sur la Provence. En échange de l'aide qu'il doit lui apporter, elle l'adopte le 29 juin 1380, à la place de Charles de Duras.

La reine Jeanne prisonnière

Château Neuf de Naples
Château de l'Œuf - Naples

Dans ces conditions, Charles III n'hésite plus et en novembre 1380 descend vers Naples à la tête d'une armée composée surtout de Hongrois. Othon de Brunswick ne peut arrêter les troupes de Charles qui franchissent les frontières du royaume de Naples le 28 juin 1381. Un mois plus tard, le 16 juillet 1381, Charles pénètre dans Naples et assiège la reine retirée dans le Château-Neuf où, privée de secours, Jeanne doit capituler le 25 août 1381. Elle est alors placée en détention au Château de l'Œuf, puis à celui de Nocera. Louis d'Anjou se décide enfin à agir et descend en Provence.

L’Union d’Aix

Naissance du mouvement

Le 22 février 1382, lorsque Louis d'Anjou se rend à Avignon pour recevoir le serment des seigneurs et des villes de Provence, la communauté d'Aix refuse de le reconnaitre[1]. Louis met le siège devant la ville mais l'abandonne en juin pour partir en Italie avec son armée. C'est le début d'une guerre civile en Provence.

La cité d’Aix-en-Provence prend la tête des mécontents. Le premier syndic Bertrand de Jouques prend l’initiative d’une confédération connue sous le nom d’Union d’Aix qui se déclare en faveur de Charles de Duras. Barral de Pontevès, devient Gouverneur et Capitaine Général des comtés de Provence et de Forcalquier pour les Ligueurs de l’Union[2]. L’Union d’Aix est donc une confédération qui se forme entre cette ville et de nombreuses autres cités provençales, dont Nice, en faveur de Charles de Duras contre la seconde maison d'Anjou.

Face à elle, Arles et surtout Marseille intéressée par la fourniture de bateaux et d’équipements destinés à l’expédition de Louis[3], seules villes importantes, rejoignent curieusement Louis Ier, leur ennemi de la veille[4]. Il faut souligner qu’à ces conflits politiques s’ajoute un contexte religieux troublé. Le Grand Schisme de l’Église catholique, avec les Angevins choisissant le pape d'Avignon Clément VII et les Duras celui de Rome Urbain VI, cristallise en effet les oppositions en Provence.

La mort de la reine exacerbe les tensions

Louis Ier part d'Avignon à la tête d'une puissante armée le 30 mai 1382 pour secourir la reine prisonnière. Mais celle qu'il veut secourir est déjà morte assassinée. En effet Charles, pensant qu'il ne pourrait résister à Louis d'Anjou, avait fait transférer la reine au Château de Muro où il la fait assassiner, probablement par étouffement afin de faire croire à une mort naturelle, le 27 juillet 1382. L'annonce de la mort de la reine Jeanne exacerbe les tensions en Provence. De 1382 à 1387, la confusion est à son comble. Chaque belligérant essaye de tirer parti de la situation en fonction de ses intérêts et des rapports de forces fluctuant au gré des évènements.

Les opérations des partisans de Louis Ier

Le 8 mars 1383, Louis d’Anjou lança un appel à tous les peuples des pays où régnait la Reine Jeanne pour prendre les armes et à courir sus à cette cité rebelle et très inique [Aix-en-Provence] ainsi que celles qui font partie de l’Union.

En mars et d’avril 1383 Marseille, la cité fidèle, attaque les galères de l’Union, puis met le siège devant Châteauneuf-les-Martigues. Elle s’empare d’Auriol puis raye le Sarret de la carte[5]. Le 25 mars 1383, Foulques d’Agoult, donne ordre à son vice-sénéchal Louis de Trian, vicomte de Tallard d’attaquer son adversaire qui tient le parti d’Aix[6]. La France intervint le 18 mai 1383 quand Aimery de Maignac, évêque de Paris et émissaire de Charles VI, annonce devant le Conseil de Ville de Marseille que pour faire face à la présence des troupes de Balthazar Spinola, le sénéchal carliste qui vient de débarquer en Provence, le roi soucieux de défendre les intérêts de sa parente la Reine Jeanne a ordonné à Enguerrand d’Eudin, son sénéchal de Beaucaire, d’entrer dans le comté. Il demande aux Marseillais de l’aider à bouter cette armée carliste hors de Provence. Le 24 juin, Marseille envoie 200 arbalestiers à Enguerrand d’Eudin au siège de Saint-Cannat, puis à celui d'Aix où le sénéchal de Provence décide de faire appel à la cavalcade[7]. Mais dès les premières chaleurs de l’été une nouvelle épidémie de peste se déclenche en Provence et oblige à lever le siège en septembre 1383. Marseille organise alors le blocus du port de Bouc, son rival.

Le 8 mars 1384, Louis d’Anjou, par lettres patentes, fait transférer à Marseille le siège de la Cour royale à cause de l’infidélité d’Aix.

Les opérations des partisans de l'Union

De son côté, après être intervenu en Provence orientale avec les troupes de Balthazar Spinola, Charles Duras s’allie avec les Tuschins pour dévaster la Provence arlésienne. Au printemps 1384, le chef tuschin, Étienne Augier plus connu sous le nom de Ferragut, s’installe dans les Alpilles et fait régner la terreur jusqu'au Rhône et Arles qu'il prend dans la nuit du 24 juillet[8] avec des complicités internes. Le viguier de la ville est tué. Après quelques heures de troubles, les habitants se révoltent contre les Tuschins et les chassent de la cité. Le lendemain, une répression sévère est menée contre leurs partisans[9].

La mort de Louis Ier

Louis II d'Anjou

Louis d'Anjou meurt le 20 septembre 1384 sans avoir pu terminer la reprise du royaume de Naples. Sa mort dans le royaume de Naples alors qu’il combattait Charles de Duras renforce la position de la confédération qui persiste dans son opposition à Louis II d'Anjou, fils aîné et héritier de Louis 1er, et à la reine Marie de Blois mère et tutrice du jeune roi.

La reine-mère Marie, accompagné de son fils Louis II, vient s'établir à Avignon d'où elle continue la guerre et les transactions. Car l'hésitation est sensible dans les villes qui soutiennent la maison d'Anjou. Ainsi Arles, prudente, ne s’engage qu’après plusieurs mois d’atermoiements et ne se décide à accueillir dans ses murs Marie de Blois et Louis II son fils que le 7 décembre 1385[10]. Après avoir négocié des contreparties et établi une nouvelle convention, Arles reconnaît alors ce dernier comme son nouveau seigneur.

La mort de Charles de Duras et la fin de l'Union

Mais après le massacre de Charles de Duras en Hongrie, au mois de juillet 1386, l'Union d'Aix perd insensiblement la meilleure partie de ses forces et finit par traiter avec la seconde maison d'Anjou, c'est-à-dire avec la reine Marie et le roi Louis II, alors à peine âgé de dix ans.

En 1387, Aix-en-Provence qui avait fait traîner les négociations, finit par se rallier à la maison d’Anjou, laissant les partisans des Duras en minorité. La guerre de l'Union d'Aix s'achève ainsi par la victoire de Marie de Blois et assoit définitivement l'installation de Seconde dynastie d'Anjou sur le comté de Provence. Mais ce succès est plus diplomatique que militaire dans la mesure où la victoire angevine s'est faite plus par des accords et des concessions que par les armes.

Epilogue : la dédition de Nice à la Savoie

Article détaillé : Dédition de Nice à la Savoie.

D’une façon inattendue, la Provence à l’est du Var, c’est-à-dire le pays niçois, se retrouve seule face aux partisans des Anjou, maintenant très nombreux grâce aux avantages substantiels distribués généreusement par ces derniers. Ladislas de Duras, jeune roi de Naples chassé de sa capitale par une révolte, se révèle incapable d’aider ses derniers partisans.

Au début 1388, devant la menace angevine et l’incapacité des Duras à les défendre, les édiles de la Provence orientale envoient une délégation auprès de Ladislas pour demander de l’aide. Il leur est répondu que le roi de Naples ne peut les aider et qu’en conséquence, il permet aux Niçois de se donner au seigneur qu’il leur plait, et qui peut assurer leur protection, à condition qu’il ne soit pas un adversaire des Duras. Les édiles choisissent le comte de Savoie Amédée VII, dit « le comte rouge », qui se met immédiatement en marche pour Nice, saisissant l’aubaine d’ouvrir ses États montagnards sur un port méditerranéen. Il arrive à l’abbaye de Saint-Pons, aux portes de Nice, le 27 septembre. Le lendemain 28 septembre 1388, est rédigé par devant notaire le pacte de « dédition » aux termes duquel le comte de Savoie s’engage à gouverner et protéger Nice et sa viguerie. Ce document finalise la Dédition de Nice à la Savoie.

Voir aussi

Bibliographie

  • Édouard Baratier (sous la direction de) - Histoire de la Provence - Editions Privat, 1969
  • Jean-Pierre Papon, Jules Frédéric Paul Fauris de Saint-Vincens - Histoire générale de Provence
  • Louis Stouff, Arles au Moyen Age
  • A. Venturini - La guerre de l’Union d’Aix (1383-1388), in 1388. La dédition de Nice à la Savoie, Actes du colloque international de Nice, Paris, 1988.
  • Noël Coulet - L’Union d’Aix dans l’historiographie provençale (XVIe-XVIIIe siècle), Provence Historique, 40, fasc. 162, 1990.
  • G. Xhayet - Partisans et adversaires de Louis d’Anjou pendant la guerre de l’Union d’Aix, Provence Historique, 40, fasc. 162, 1990.

Notes et références

  1. Étienne Charles Rouchon-Guigues, Louis Saudbreuil - Résumé de l'histoire de l'état et comté souverain de Provence ici
  2. D’après l’abbé Papon, les Ligueurs affiliés à l’Union d’Aix, auraient souhaité avoir comme comte-roi le jeune Charles VI. Cette explication à posteriori est loin d’être satisfaisante. Ce qui est avéré est que face à une situation confuse le Conseil du jeune roi de France et singulièrement ses oncles de Bourgogne et de Berri lui firent prendre la décision de mettre sous sa protection les Provençaux qui se réclamaient de Duras contre son oncle d’Anjou.
  3. Édouard Baratier (sous la direction de) - Histoire de la Provence, page 194
  4. Louis avait essayé en 1368-1370 de s'emparer de la Provence et à cette occasion les villes de Marseille et d'Arles s'y étaient farouchement opposées.
  5. Ce fut le 13 mars 1383, que les galères de Marseille attaquèrent celles de Toulon et Hyères. Le siège de Châteauneuf-lès-Martigues débuta le 28 mars et ne dura que trois jours. Auriol, cité carliste, fut prise par les Marseillais le 22 avril. Ils purent dès lors se rabattre sur le Sarret. Cette petite ville, entourée de murailles et fortifiés par son castellas, s’était déclarée en faveur de Charles de Duras. Elle fut assiégé et prise par les Marseillais qui l’anéantirent. Les habitants du Sarret, rescapés du massacre, s’installèrent près de l’Huveaune où ils fondèrent Roquevaire.
  6. Journal de Jean le Fèvre, op. cité, en l'absence de précision de l'évêque de Chartres on peut penser qu'il s'agissait soit de Barral de Pontevès soit de Balthazar Spinola, sénéchal de Naples.
  7. Le terme de cavalcade désignait l'armée d’ost
  8. Jean-Pierre Papon, Jules Frédéric Paul Fauris de Saint-Vincens - Histoire générale de Provence, page 255 ici
  9. Louis Stouff, Arles au Moyen Age, page 101 :
    Cinq nobles sont décapités place du Setier (l'actuelle place du Forum), vingt et un individus sont pendus, trois sont noyés dans le Rhône, les biens d'un certain nombre de personnages sont confisqués.
  10. Le 7 décembre, la ville se rallie à Marie de Blois et à Louis II lors d'une assemblée générale de 300 chefs de familles arlésiens devant le palais comtal.


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