- Décomposition des idéaux premiers
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En théorie algébrique des nombres, le théorème fondamental de l'arithmétique, valable sur les entiers relatifs, peut ne plus être vrai si on considère des entiers algébriques à la place. Toutefois, le théorie des anneaux de Dedekind montre que ce théorème peut être remplacé par un résultat plus faible : l'existence et l'unicité de la factorisation des idéux premiers.
Une extension (finie) de corps de nombres (algébriques ou p-adiques, qui sont de caractéristique nulle) L/K étant donnée, la question de la décomposition des idéaux premiers (ou ramification des idéaux premiers) de OK dans l'extension est : quelle est la factorisation dans OL d'un idéal premier de OK ?
Après l'étude de la ramification en chaque idéal premier considéré isolément, il est souvent intéressant de considérer les propriétés de ramification comme des propriétés sur l'extension considérée : ceci mène aux notions d'extension ramifiée et non ramifiée ou d'extension décomposée.
Sommaire
Premières définitions
Plus précisément, soit I un idéal premier de OK. Alors, il existe des idéaux premiers Ji de OL tels que :
Les idéaux Ji sont dits appelés idéaux premiers de OL au-dessus de I. On emploie la terminologie suivante :
- L'idéal I est dit non décomposé s'il n'y a qu'un idéal premier de OL au-dessus de lui (c'est-à-dire g=1), et décomposé sinon. Dans le cas d'un corps de nombres p-adiques, le fait que l'anneau d'entiers soit local, fait qu'il ne peut pas y avoir de décomposition.
- Il est dit non ramifié si toutes les puissances ei valent 1 ; et ramifié sinon. Les nombres ei sont appelés indices de ramification.
Relation fondamentale
La factorisation écrite ci-dessus suit la loi suivante :
où n=[L:K] désigne le degré de l'extension considérée. Pour comprendre fi, il faut étudier les corps résiduels adaptés au problème : k=OK/IOK et li=OL/JiOL. Ces quotients sont bien des corps, en tant que quotient d'un anneau par un idéal maximal. Par ailleurs, on peut vérifier que li/k est une extension finie de corps finis (par exemple, dans le cas où K est le corps des nombres rationnels, on retrouve pour k un corps fini de la forme Z/pZ) : le degré [li:k] est le coefficient fi, appelé degré d'inertie.
La loi énoncée ci-dessus se montre grâce au théorème des restes chinois :
En effet, le degré de l'extension vérifie [L:K]=dimkOL/IOL, et d'autre part, on a eifi=dimkOL/JiOL. Les dimensions considérées ici sont des dimensions d'espaces vectoriels sur le corps résiduel k.
On a alors les notions suivantes :
- L'idéal est dit totalement ramifié s'il n'est pas décomposé, et que le seul degré d'inertie est 1 : .
- L'idéal est dit totalement décomposé s'il est non ramifié et que tous les degrés d'inertie valent 1 : .
Sur les extensions
Une extension est dite extension non ramifiée si aucun idéal premier ne ramifie. Elle est dite extension totalement décomposée si chaque idéal premier y est totalement décomposé. Il sera souvent intéressant de considérer des extensions non ramifiées sauf pour un nombre spécifié d'idéaux : par exemple, on dira souvent par abus de langage qu'une extension L/K est non ramifiée en dehors de p si les idéaux premiers de K, au-dessus de l'idéal premier de l'anneau des entiers relatifs engendré par p (c'est-à-dire au-dessus de p), sont les seuls à être éventuellement ramifiés dans L/K. De même, une extension est p-décomposée si tous les idéaux de K au-dessus de p sont totalement décomposés dans L/K.
Le corps de classes de Hilbert d'un corps de nombres est par exemple l'extension abélienne non ramifiée maximale de ce corps. La théorie des corps de classes permet d'étudier en profondeur de telles extensions.
Calcul
Pour calculer effectivement la décomposition (degrés d'inertie, indices de ramification, et idéaux au-dessus), il faut se ramener à nouveau aux corps résiduels. Plus précisément, pour un idéal premier, dont on suppose de plus qu'il est premier au conducteur de l'anneau OK[t], où t est un générateur de l'extension L/K (c'est-à-dire L=K(t)), on obtient :
Théorème
Soit L = K(t) une extension finie de corps de nombres, P le polynôme minimal de t dans , et I un idéal premier de K, qui soit premier au conducteur de . Si :
est la factorisation en polynômes irréductibles de l'image du polynôme P dans l'anneau de polynômes (à coefficients dans le corps résiduel, fini) , alors, on a :
où , pour Pi un relevé du polynôme dans .
Remarques
Il existe des algorithmes de factorisation des polynômes dans les corps finis, donc le calcul des décompositions des idéaux premiers est possible. Toutefois, les calculs deviennent rapidement impraticables quand le degré de l'extension augmente.
Article connexe
L'article Décomposition des idéaux premiers dans les extensions galoisiennes traite le cas d'une extension galoisienne. La structure supplémentaire apportera des propriétés de symétrie entre les différents indices de ramification.
Bibliographie
Pierre Samuel, Théorie algébrique des nombres [détail des éditions]
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