Droit de la chasse en France

Droit de la chasse en France

En droit français, la chasse est définie comme un prélèvement artificiel sur la faune terrestre. La loi dite Verdeille définit l'acte de chasse comme « tout acte volontaire lié à la recherche, à la poursuite ou à l'attente du gibier ayant pour but ou pour résultat la capture ou la mort de celui-ci » (article L.420-3 du Code de l'environnement).

Sommaire

Histoire du droit de la chasse sous l'ancien régime

L'ouverture de la Chasse, peinture de Buss reproduite en estampe dans Les Musées chez soi

En France au Moyen Âge et sous l'Ancien Régime, la chasse est un plaisir de gentilhomme et un privilège seigneurial (exemple : droit de garenne) : l'ordonnance de Charles VI de 1396 met fin à des siècles d’une relative tolérance de la chasse pour les roturiers qui bénéficient du droit coutumier.

« Que dorénavant aucun noble de notre royaume, s’il n’est privilégié ou s'il n’a aveu ou expresse commission d’une personne qui la puisse donner, ou s’il n’est personne d’Eglise, ou bourgeois vivant de ses possessions et rentes, ne s’enhardisse de chasser, ni de tendre aux bêtes grosses ou menues, ni aux oiseaux, en garenne ou au dehors, ni de tenir pour ce faire, chiens, furets, cordes, lacs, filets ou autres harnais. »

— Extrait de l’ordonnance du 10 janvier 1396

Les rois sont grands chasseurs et entretiennent des équipages importants. Être admis aux chasses du roi est un des plus grands honneurs de la Cour. Les droits des seigneurs comportent certaines limites. Il leur est interdit, sauf permission royale, de chasser le cerf et la biche ou de chasser à moins d’une lieue des « plaisirs du roi »[1].

Le seigneur haut-justicier a ce droit dans l'étendue de sa haute-justice, le seigneur local dans sa seigneurie. Les roturiers n'ont pas ce droit sauf s'ils ont acheté un fief, une seigneurie on une haute-justice (ordonnance sur les eaux et forêts de 1669). Les seigneurs ecclésiastiques, les dames hautes-justicières, les nobles âgés sont tenus de faire chasser afin de réduire le surplus de gibier nuisible aux cultures (ordonnance de juillet 1701). Ce droit seigneurial, justifié par l'entraînement militaire que le roi exige de ses nobles, n'est pas toujours exclusif : à certaines périodes, des bourgeois ou hoberaux anoblis peuvent chasser ; les habitants des provinces annexées conservent le privilège du droit de chasse ; les provinces frontalières gardent leur permis de port d'arme pour aider l'État en cas d'invasion et ont également le droit de chasse[2].

Les braconniers sont craints surtout à cause de l'éventualité du port d'arme. Les contrevenants sont sévèrement punis. Avant le XVIIe siècle, la braconnerie est relativement tolérée : les études archéologiques des fosses à déchets montrent que les paysans chassaient le cerf et le chevreuil à l'arc ou le sanglier piégé dans des fosses. L'édit de 1601 prévoit l'amende et le fouet pour la première infraction, le fouet et le bannissement pour la première récidive, les galères et la confiscation des biens à la seconde récidive, la mort en cas de troisième récidive. L'ordonnance de 1669 écarte la peine de mort. Les gardes-chasses n'ont pas le droit au fusil.

Pour permettre l'existence du gibier, il est interdit de moissonner avant la Saint-Jean, d'enlever les chardons, d'enclore par des murs les terres. Il faut planter des haies d'"épines" auprès des forêts royales. Il est interdit de détruire les lapins sauf sous la direction des agents des eaux et forêts (les capitaineries).

Afin de protéger le travail des paysans et les récoltes, les chasseurs ne doivent pas passer dans les terres ensemencées et lorsque les céréales sont en "tuyaux". Les vignes sont interdites de chasse du 1er mai jusqu'aux vendanges. Mais ces interdictions sont peu observées. Le droit de chasse est un des plus haïs par les paysans.

Droit de la chasse

En France, la liberté de chasser est liée au droit de propriété depuis la Révolution française (le droit de chasse était l'un des privilèges aboli par la Révolution). Ce n'est pas pour autant un droit fondamental, ni au sens de la jurisprudence française, ni au sens de la Convention européenne des droits de l'homme.

La « démocratisation » du droit de chasse à la Révolution va entraîner une chasse généralisée avec l'accord tacite des propriétaires. Il n'était pas question à l'époque de protéger les espèces ni de maintenir les équilibres naturels : la Révolution voit en effet l'extermination du gibier[3]. Napoléon Ier décide alors en 1810 de juguler cette extermination en mettant en place des « passeports de chasse » et « permis de chasse »[4], ce qui rend la démocratisation du droit de chasse rampante et développe le braconnage au XIXe siècle. Le 3 mars 1844, le Parlement français adopte une loi qui constitue encore, à l'heure actuelle, le fondement de l'organisation de la chasse dans son ensemble[5].

Les mouvements de protection de la nature se développant depuis les années 1970, la nécessité de sauvegarde de l'environnement, patrimoine naturel, a peu à peu émergé. Le permis de chasse est obligatoire en 1976.

Néanmoins, la loi du 10 juillet 1964, dite « loi Verdeille », a au contraire renforcé le droit de chasse en France : cette loi crée les ACCA (Associations Communales de Chasse Agréées) et AICA (Associations Intercommunales de Chasse Agréées) qui obligent les propriétaires de terrain de moins de 20 hectares à y adhérer et permet de chasser sur leur territoire sans leur consentement. Cette loi a été une première fois condamnée par le tribunal de grande instance de Périgueux comme étant contraire à la Convention européenne des droits de l'homme. Cette jurisprudence indiqua qu'il fallait instaurer un droit de non-chasse dans certaines réserves naturelles.

Mais il faudra attendre la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) dans son arrêt Chassagnon c/ France du 29 avril 1999 pour que le législateur français reconnaisse un droit de non-chasse. C'est ce qu'introduit la loi du 26 juillet 2000 relative à la chasse. Cette loi reprend la formulation de la Cour, qui fondait sa décision sur les convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse de chacun (référence indirecte à la liberté de penser). La loi exige également que la chasse s'exerce dans des conditions compatibles avec les usages non appropriatifs de la nature et du respect du droit de propriété (article L.420-1 du Code de l'environnement). Cette dernière disposition a été supprimée par la suite (loi du 30 juillet 2003).

Le droit de chasse permet de mettre en œuvre certaines mesures de protection ou de gestion de l'environnement. Dans ce but, le législateur et l'administration :

  • instaurent un territoire de chasse,
  • fixent des périodes de chasse,
  • prévoient de protéger et de gérer le gibier,
  • encadrent la vente des produits de la chasse
  • et imposent un permis de chasse.

Territoire de chasse

Réserve de chasse

Cette notion a été prévue par la loi dite Verdeille, qui avait pour objectif une meilleure organisation de la chasse par la création d'un territoire de chasse suffisamment important.

Cette loi différencie le droit de chasse et le droit de propriété. Cette différenciation résulte de la volonté que la chasse reste une activité accessible à tous.

Cette loi a créé la création d'associations communales et intercommunales de chasse agréées (ACCA et AICCA). Il ne peut y avoir au plus qu'une association par commune. Leur constitution est obligatoire dans 28 départements et facultative dans les autres. Dans ce dernier cas, il faut l'accord de 60% des propriétaires regroupant 60% du terrain communal pour que soit créée une ACCA.

Ces associations ont pour objet de favoriser le développement du gibier, la destruction des animaux nuisibles, la répression du braconnage et l'éducation cynégétique de leurs membres. Elles sont régies par la loi du 1er juillet 1901 sur les associations et l'agrément est donné par le préfet de département.

Seuls pouvaient s'opposer à l'intégration de leur territoire dans le territoire de l'association les propriétaires de plus de 20 hectares, cas de la grande majorité (ceux qui n'en faisaient pas la demande ou dont le terrain avait une superficie inférieure se voyaient donc dans l'obligation de laisser les chasseurs pénétrer sur leur terrain afin de chasser et devaient obligatoirement adhérer à l'association). Cette disposition a été supprimée par la loi du 26 juillet 2000.

De nombreuses requêtes ont été déposées contre ces dispositions devant la Cour européenne des droits de l'homme. La Cour a condamné la France en estimant que cette loi portait atteinte à la liberté d'association (qui prévoit également le droit pour toute personne de ne pas s'associer), au principe de non-discrimination et au droit de propriété.

La loi du 26 juillet 2000 prévoit aujourd'hui que les ACCA et AICCA sont créées pour 5 ans et que les terrains dont les propriétaires ont manifesté leur opposition à la chasse par conviction personnelle ne sont pas intégrés dans le territoire de l'association. Ainsi, cette loi a instauré un « droit de non-chasse » (articles L.420-2 et suivants du Code de l'environnement). Ce droit suit une procédure spéciale :

  • Le propriétaire doit adresser une lettre avec accusé de réception au préfet, qui doit contenir :
    • une déclaration d'opposition à l'exercice de la chasse au nom de ses convictions personnelles (aucune justification n'étant exigée), par laquelle il renonce à la pratique de la chasse sur l'ensemble des terrains qui lui appartiennent (même si certains n'intéressent pas l'ACCA dont il dépend, car hors de la commune)
    • un titre de propriété (voire un droit d'usage pour l'affermage) : seul le propriétaire a un droit de chasse (à l'exclusion des locataires), il est donc le seul à pouvoir avoir un droit de non-chasse
    • un plan de la situation de sa propriété et un plan du cadastre
  • Le préfet statue dans les 6 mois suivant la demande (lorsque le dossier est complet)

Le propriétaire, lorsque la demande est acceptée, est alors tenu à certaines obligations et interdictions :

  • obligation de placer l'ensemble de ses terrains chassables sur le territoire de l'ACCA intéressée en tant que droit de non-chasse
  • interdiction de demander un permis de chasse
  • obligation de procéder à la signalisation de ses terrains par des panneaux informant de ce droit de non-chasse
  • interdiction de considérer le passage des chiens courants sur ses terrains comme un acte de chasse
  • obligation de procéder ou faire procéder à la destruction des nuisibles et à la régulation des espèces présentes sur son fonds qui vont occasionner des dégâts.


Ainsi, un propriétaire s'était plaint de la dévastation de ses cultures par des sangliers ; ceux-ci avaient été sortis des réserves de chasse par les chasseurs pratiquant un agrainage (appâts à l'aide de nourriture). Dans son arrêt du 18 septembre 2003, la 2e chambre civile de la Cour de cassation, bien qu'ayant rendu pour partie responsable la fédération de chasse, a également reconnu la responsabilité du propriétaire, qui s'était réservé le droit de chasse (le droit de non-chasse entraînant ainsi de facto la responsabilité du propriétaire en cas de dégâts causés par des animaux nuisibles).

Périodes de chasse

Les différentes périodes de chasse sont données dans une liste éditée par le préfet de chaque département. Pour chaque espèce, il y a une ouverture et une fermeture c'est-à-dire une date à partir de laquelle on peut chasser ce gibier et une date à laquelle la chasse pour ce type de gibier est terminée, interdite. Ces périodes de chasse peuvent changer d'une année à l'autre selon les conditions de la faune. Les périodes de chasse peuvent aussi être perturbées par le temps (neige, orage...) mais dans tous les cas c'est le préfet qui décide de ces conditions.

Encadrement de la vente des produits de la chasse

La vente de gibier de plume se fait rare depuis l'arsenal restrictif de 1978 interdisant le colportage de la bécasse. Les règlements communautaires ont aussi apporté l'interdiction de la vente du gibier « en peau ». Finis les étalages de perdreaux alignés, la gigue de chevreuil entière à la devanture des traiteurs.

Permis de chasser

Toute personne souhaitant aujourd'hui chasser doit posséder un permis de chasser validé par une fédération départementale de chasseurs.

Depuis 1978, l'obtention du permis de chasser est soumise à la participation à deux journées de formation et à la réussite d'un examen théorique et d'un examen pratique, organisés par l'ONCFS avec le soutien des fédérations départementales des chasseurs, auprès desquelles les candidats doivent s'inscrire.

L'examen théorique

Après une journée obligatoire de formation et d'entraînement (examen blanc), les candidats se présentent à l'examen. Il se présente sous la forme de 21 questions à choix multiples, dont 2 éliminatoires, sur des sujets relevant des pratiques de chasse, de la réglementation, de la cynophilie, des espèces animales et de la sécurité. Le candidat doit obtenir un minimum de 16 bonnes réponses, et ne faillir à aucune des questions éliminatoires.

L'examen pratique

En cas de réussite à l'examen théorique et après une journée obligatoire de formation et d'entraînement, les candidats doivent réussir l'examen pratique. Il se déroule en trois parties et le candidat est jugé essentiellement sur le respect des règles de sécurité.

  • parcours de chasse simulé avec tir à blanc

Le candidat effectue un parcours muni de son fusil à canon lisse et de quelques cartouches chargées à blanc. Des plateaux d'argile colorés ou non lui sont lancés et il doit prendre la décision de tirer si les conditions de sécurité (habitation, haie, distances…) sont respectées et si l'espèce peut être chassée (couleur du plateau). Durant le parcours, le candidat doit également franchir des obstacle (fossé, clôture) en toute sécurité (déchargement de l'arme).

  • tir à plomb sur plateaux d'argiles en situations, maniement et transport de l'arme

Si le candidat n'a pas été éliminé à l'étape précédente, il passe une épreuve avec des cartouches chargées à plomb, dans des situations de chasse. Des plateaux, colorés ou non, représentant des espèces protégées ou chassables, sont envoyés en champ libre ou en direction d'obstacles éliminatoires (silhouettes, habitation,…). Le candidat doit choisir de tirer ou non. Il n'est pas jugé sur la qualité du tir.

Il doit vérifier l'état de son arme avant de la recharger, puis terminer par un démontage complet et une mise en situation de transport en véhicule, dans le respect de la réglementation.

  • tir à l'arme rayée sur cible mouvante (balles en plastique)

Le candidat est mis en situation d'une chasse en groupe, en battue. Il est posté, équipé d'une carabine de chasse à canon rayé et de deux balles à ogive en plastique. Il est jugé sur le strict respect des règles de sécurité concernant le chargement/déchargement de l'arme (orientation des canons, assurance), le tir à proprement parler (angles et distance de tir) et la sûreté d'une manière générale (vêtement fluorescent, signalement verbal au groupe,…)

L'examen pratique est également noté sur 21 points

En cas de réussite lors de ces deux épreuves, le candidat se voit remettre son permis de chasser, valable à vie. Il devra, pour pouvoir chasser (même sur sa propriété), le valider dans une fédération de chasseurs départementale. La validation implique le paiement d'une cotisation, variable selon les départements et le type de validation choisie (petit et/ou grand gibier , chasse départementale ou nationale).

Notes et références

  1. Trois lieues lorsqu'il s'agit du chevreuil et du sanglier
  2. Histoire de la chasse émission La fabrique de l'histoire du 24 février 2011
  3. Guy de Laporte, Chasse à courre : fastes de la vénerie princière à Chantilly au temps des Condés et des Orléans, 1659-1910, Renaissance Du Livre, 2004, 362 p. [lire en ligne], p. 42 
  4. Décret impérial concernant la fourniture et le prix des passe-ports et permis de port d'armes de chasse[PDF]
  5. Andrée Corvol, Histoire de la chasse, éditeur Perrin, 2010

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Droit de la chasse en France de Wikipédia en français (auteurs)

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