- Droit de cuissage
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Le droit de cuissage, ou droit de jambage, est une coutume prétendue qui aurait permis à un seigneur d'avoir des relations sexuelles avec la femme d'un vassal ou d'un serf la première nuit de ses noces. Ce « droit » aurait été dérivé du droit de quitage, ayant réellement existé, qui obligeait un serf devant marier sa fille en dehors du fief de son seigneur à donner au dit seigneur trois sous en échange de son autorisation symbolique du mariage[1].
Ce droit de cuissage, avec le sens qu'on lui donne aujourd'hui, fut évoqué pour la première fois chez le jurisconsulte Jean Papon, qui aurait conféré aux seigneurs du Moyen Âge, soit le droit de passer une jambe nue dans le lit de la mariée, soit celui de consommer le mariage. Aux XVIIIe et XIXe siècles, des écrivains et historiens comme Voltaire dans son Essai sur les mœurs ou Jules Michelet, ont accrédité cette thèse.
En réalité, nul n'a jamais retrouvé mention de cet usage dans le droit positif français, ni dans les coutumes de France, ni dans les archives publiques du contentieux civil ou fiscal[2]. Au contraire, on trouve des condamnations de seigneurs punis pour avoir abusé de leur position d'autorité pour commettre des abus sexuels[3].
Sommaire
Histoire
Voltaire, dans le Dictionnaire philosophique, à l'article « Cuissage ou Culage, droit de prélibation, de marquette, etc. », se montre lui-même sceptique et convient que des grands ont pu jadis imposer la coutume par la force, mais ajoute : « Remarquons bien que cet excès de tyrannie ne fut jamais approuvé par aucune loi publique. Si un seigneur ou un prélat avait assigné par-devant un tribunal réglé une fille fiancée à un de ses vassaux pour venir lui payer sa redevance, il eût perdu sans doute sa cause avec dépens[4]. ». La version libertine du « droit de cuissage » a été utilisée pour servir de thème à des œuvres littéraires galantes du XVIIIe siècle comme L’Innocence du premier âge en France ou histoire amoureuse de Pierre Le Long et de Blanche Bazu ; suivie de La Rose ou la fête de Salency, de Louis-Edme Billardon de Sauvigny, 1765. Elle est ensuite reprise dans un but idéologique afin de dénigrer l'Ancien Régime et son système féodal[5], par exemple dans le Mariage de Figaro de Beaumarchais. Ainsi est né le mythe du droit de cuissage.
Situation contemporaine
De nos jours, l'expression est largement utilisée, souvent de manière crédule, parfois en guise de métaphore. Ainsi dira-t-on qu'un supérieur s'est arrogé un droit de cuissage sur une employée quand il a abusé de sa position hiérarchique pour parvenir à assouvir une envie sexuelle. De tels abus sont maintenant considérés comme des délits graves puisqu'ils constituent des cas de harcèlement sexuel sur le lieu de travail (sollicitation de rapport sexuel au travail sous peine de sanction) ou de viol.
Bibliographie
- Alain Boureau, Le Droit de cuissage. La Fabrication d'un mythe, XIIIe – XXe siècle, Albin Michel, coll. « Évolution de l'humanité », 1995 (ISBN 2226076344) ;
- Guy Breton, Les Beaux Mensonges de l'histoire, chap. 4, « Le droit de cuissage », Le Pré aux Clercs, 1999
- Jacques Antoine Dulaure, Des divinités génératrices ou du culte du phallus chez les anciens et les modernes, Dentu, Paris, 1805, 427 pp. (pp.275-278). Réédité in Coll. Les maîtres de l'amour, Bibliothèque des curieux, 1924, (pp. 199 et s.)
- Marie-Victoire Louis, Le Droit de cuissage, France, 1860–1930, éd. de l'Atelier, coll. « Patrimoine », 1994 (ISBN 270823062X) (lire le texte).
- Louis Veuillot, Le Droit du seigneur au Moyen Age, L'Harmattan, Paris, 2009[6]
Notes
- Quid.fr, 2007, Histoire de France / Féodalité.
- XIIIe – XXe siècle, 1995, Editions Albin Michel, ISBN 2-226-07634-4, Alain Boureau, Le Droit de cuissage. La Fabrication d'un mythe,
- Grands jours d'Auvergne d' Esprit Fléchier, ou la biographie du Marquis de Sade Voir par exemple "Mémoires sur les
- http://www.zetetique.ldh.org/cuissage.html, le droit de cullage n'avait rien à voir avec ce qu'on appelle aujourd'hui cuissage, mais était un contrôle du seigneur sur le mariage hors-seigneurie. Il serait associé au cuissage pour des raisons d'homonymie uniquement. Selon
- Droit de cuissage et autres gaillardises. « La controverse a vraiment pris corps au XIXe siècle et on pourrait la résumer par l'affrontement opposant les libéraux et anticléricaux - tenants de l'existence du droit de cuissage, et donc ses pourfendeurs -, aux catholiques, pour certains royalistes, avides de réhabiliter l'honneur du système féodal. L'enjeu ? Politique évidemment, puisque dénigrer l'Ancien Régime en dénonçant ses abus, sa barbarie et son oppression revenait, implicitement, à louer la République. » Lire sur le Blog Dalloz, qui émane du grand éditeur juridique,
- téléchargeable sur Gallica
Articles connexes
- Promotion canapé (mœurs)
- Promotion canapé : film racontant l'histoire de femmes usant de leurs charmes pour grimper dans la hiérarchie.
- Braveheart : film sur la révolte de William Wallace, attribuant au droit de cuissage la raison de cette révolte.
Liens externes
- Le droit de cuissage, un malentendu qui a la vie dure, par Paul-Eric Blanrue du Cercle zététique
- Droit de cuissage et devoir de l'historien, par Geneviève Fraisse, article paru dans Clio 3 (1996).
- Le droit de cuissage et autres fariboles sur historia-nostra.com (fr)
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