Donjon de Vincennes

Donjon de Vincennes

Château de Vincennes

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Le château de Vincennes est une forteresse située sur la commune de Vincennes, à l’est de Paris, en France. Il fut érigé du XIVe siècle au XVIIe siècle. Il est le plus vaste château fort royal français subsistant et, par la hauteur de son donjon, 52 mètres, il est la plus haute forteresse de plaine d’Europe.

Château de Vincennes, vue d’ensemble du sud-ouest
Façade sud-est sur les douves

Sommaire

Situation géographique

La forteresse est située à proximité de la capitale, à environ 8 km (soit deux heures de marche à pied) de l'Île de la Cité.

Contrairement à la majorité des châteaux forts, elle n'est pas implantée sur une butte, une colline ou sur le haut d'une falaise mais sur un plateau calcaire. Elle n'est pas à proximité d'une rivière, juste d'un petit cours d'eau, le ru de Montreuil, ruisseau descendant du plateau de Montreuil (Seine-Saint-Denis), qui alimentait les douves dont le trop-plein se dirigeait ensuite vers Paris et se jetait dans le lac de Saint-Mandé.

Au Moyen Âge, époque de la construction, le site était couvert par une forêt giboyeuse. Depuis le XXe siècle, il est urbanisé. Il ne reste de la forêt que le bois de Vincennes.

Architecture

Vue du château de Vincennes sous Charles V.
Gravure de Pierre Nicolas Ransonette.

Cette forteresse a plus l'apparence d'une vaste cité fortifiée ou d'une résidence royale fortifiée[1] que d'un château fort.

Si ce château n'est à l'origine qu'un simple manoir, il a très tôt vocation à abriter, pendant de longues périodes, la famille royale avec toute sa domesticité, une partie de l'administration du royaume et l'armée nécessaire pour sa défense. Il est composé d'un long mur d'enceinte, flanqué de trois portes et de six tours de 42 mètres de hauteur, qui se développe sur plus d'un kilomètre et qui protège un espace rectangulaire de plusieurs hectares (330 x 175 m). La place ainsi protégée est occupée par le donjon, des bâtiments civils, administratifs et militaires et une chapelle. Au Moyen-Âge, l'ensemble permettait de vivre sur place à plusieurs dizaines de milliers de personnes.

Le donjon a été conçu pour abriter le roi de France en cas de danger. Il est à lui seul une place forte. De larges douves, un châtelet et deux pont-levis assurent sa défense. Le niveau le plus bas sert de réserve d'eau et de vivres. Le premier et le deuxième étage sont les appartements royaux. Les trois autres niveaux supérieurs accueillent les domestiques et les militaires.

Histoire

L'époque médiévale

Miniature des Très Riches Heures du duc de Berry. La chasse ou le mois de décembre montrant le Château de Vincennes[2].
Vue des fossés et de la Tour de la Reine (XIVe siècle). Un saule pleureur marque l'emplacement où fut fusillé le duc d'Enghien. Aquarelle anonyme ca 1820[3].

Le simple pavillon de chasse, aménagé par Louis VII vers 1150 dans la forêt de Vincennes, devint au XIIIe siècle un manoir que firent édifier Philippe Auguste et Saint Louis. C'est de Vincennes que partit Saint Louis pour une croisade dont il ne revint pas. Au milieu du Moyen-Âge, Vincennes fut plus qu'une forteresse militaire : Philippe III (en 1274) et Philippe IV de France (en 1284) s'y marièrent et trois rois du XIVe siècle y moururent : Louis X (1316), Philippe V (1322) et Charles IV (1328). Vers 1337, Philippe VI de Valois décida de fortifier le site en construisant un donjon à l'ouest du manoir. Charles V naquit dans cette forteresse, en fit sa résidence, le siège de son gouvernement et de sa haute administration. Il fit effectuer les travaux décidés par Philippe VI[4], y ajoutant l'enceinte monumentale avec ses portes et ses tours. Les travaux durèrent deux générations.

Par ailleurs, les reliques de la couronne d'épine qui étaient conservées à Vincennes ayant été transférés à la Sainte-Chapelle de Paris, les travaux d'édification d'une nouvelle chapelle furent confiés à Raymond du Temple et débutèrent en 1379. La Sainte-Chapelle de Vincennes devait recevoir un fragment de la relique demeuré à Vincennes. À la mort du roi en 1380, Charles VI donna l'ordre de poursuivre les travaux qui furent plusieurs fois interrompus. Lorsque Louis XI fit sa résidence de Vincennes, il quitta les appartements royaux aménagés dans le donjon pour un pavillon neuf édifié dans un angle de l'enceinte.

De la Renaissance à la Restauration

La résidence royale

Les travaux de construction et d'embellissement du château se poursuivent sous les Valois. François Ier fit réaménager le pavillon construit par Louis XI pour y résider lors de ses séjours dans la capitale. Henri II, qui avait transféré à Vincennes le siège de l'ordre de Saint-Michel, confia l'achèvement des travaux de la Saint-Chapelle à son architecte favori, Philibert Delorme et la chapelle put enfin être inaugurée en 1552. En février 1574, la cour se réfugia au château de Vincennes où Charles IX, gravement souffrant, décéda le 30 mai dans les appartements royaux du donjon. Le roi de Navarre et le prince de Condé, assignés en résidence à la cour, deviennent les hôtes forcés du château.

Le jeune Louis XIII fut installé à Vincennes dans l'ancien pavillon de Louis XI après l'assassinat de son père, Henri IV et y passa une partie de sa jeunesse.

Le château devint ainsi la troisième résidence royale. Louis XIV se trouvait à Vincennes lorsque, le 13 avril 1655, il se rendit selon les historiographes « en habit de chasse » au parlement de Paris, faire lit de justice pour imposer ses édits fiscaux[note 1].

Il fut envisagé de remplacer les pavillons construits par Marie de Médicis. L'architecte Louis Le Vau construisit pour Louis XIV les ailes (abusivement qualifiées de « pavillons ») du Roi et de la Reine. Il érigea l'aile de la Reine [-Mère] en 1658 et l'aile du Roi en 1661. Le cardinal de Mazarin y décèda le 11 mars 1661 et sa dépouille fut exposée dans la Sainte-Chapelle.

Les travaux de reconstruction furent cependant abandonnés car Versailles concentrait alors tous les efforts. Le château conserva cependant quelques exemples du style Louis XIV précoce dans les grands appartements. Le jardiner Le Nôtre s'y exerça également en aménageant des jardins à la française et les abords du bois de Vincennes, en face de la nouvelle entrée du sud, marquée par une porte monumentale en « arc de triomphe ».

La prison

Le donjon fut aménagé en prison d'État (pour les prisonniers de haute naissance). Sa capacité ne lui permettait pas d'héberger plus de quatorze détenus. Le cardinal de Retz alla y méditer sur la Fronde dans l'ancienne chambre de Charles V. Nicolas Fouquet, qui avait lancé l'architecte Le Vau, eut également droit aux honneurs de la prison de Vincennes, à la suite à son procès de 3 ans (1664) et avant son transfert dans la Place forte royale de Pignerol.

Le château fut définitivement délaissé comme résidence royale lorsque le Roi s'installa à Versailles (vers 1670). Louis XV n'y séjourna que quelques mois (il y fut envoyé à la mort de son arrière-grand-père Louis XIV, en septembre 1715, l'air y était jugé plus sain qu'à Versailles ; le régentPhilippe d'Orléans – l'emmena ensuite à Paris). Louis XVI n'y fit aucun séjour. Au XVIIIe siècle, il hébergea la Manufacture de porcelaine de Vincennes, qui devint plus tard celle Sèvres. Le donjon resta prison d'État. Y furent internés Voltaire, le marquis de Sade (huit ans), Mirabeau et Diderot (seulement quinze jours).

Malgré le changement de régime, le donjon retrouvera sa destination au XIXe siècle. Seules les conditions pénitentiaires vont radicalement se durcir. Ainsi, suite aux journées des 23 au 25 février 1848, y séjourneront de nombreux républicains de gauche comme Barbès, Blanqui et Raspail (qui y sortira à la faveur de son élection au parlement et dont les écrits témoignent de son séjour dans l'ancienne chapelle de Charles V).

L'arsenal

En 1796, le château fut converti en arsenal, abritant depuis lors la section historique de l'armée. Il fut profondément remanié à cette époque. Les restes du pavillon de chasse initial datant de l'époque de Saint Louis, furent détruits. On construisit de nouveaux bâtiments militaires qui existent encore aujourd'hui. En 1804, le duc d'Enghien fut fusillé dans les douves du château sur l'ordre de Napoléon.

Nommé gouverneur du château par Napoléon, le général Pierre Daumesnil le défendit avec acharnement lors de l'occupation de Paris par les troupes russes et prussiennes en 1815. Ces dernières, qui voulaient s'emparer de l'arsenal du château, se heurtèrent à une résistance acharnée. Avec moins de 200 hommes, le général refusa de se rendre, insensible aux pressions et aux tentatives de corruption, bravant le siège du fort durant plus de cinq mois. Il finit par capituler sur ordre de Louis XVIII mais sortit de la forteresse en brandissant le drapeau tricolore.

L'époque moderne

Mur nord et entrée principale du château

La porte massive de sortie du donjon provient de la Prison du Temple, détruite par Napoléon. L'empereur fut également à l'origine de l'étêtage des différentes tours d'enceinte du château. Le parc fut remanié au XIXe siècle dans le goût des jardins anglais. Napoléon III confia à Viollet-le-Duc le soin de restaurer la chapelle et le donjon et légua administrativement les 9,95 km2 du bois de Vincennes à la Ville de Paris.

Le 15 octobre 1917, ce fut au tour de Mata Hari d'être fusillée pour espionnage dans les fossés de la forteresse de Vincennes.

Lors de la Seconde Guerre Mondiale, le château servit brièvement de quartier général à l'état major du Général Maurice Gamelin, en charge de la défense de la France contre l'invasion allemande de 1940. Le 2 août 1944 trois divisions de la Waffen SS en retraite du front de Normandie s'installèrent dans les lieux. Le 20 août 1944, 30 otages y furent à leur tour exécutés par les forces nazies qui détruisirent trois dépôts de munitions installés dans des casemates au moment de la libération de Paris, dans la nuit du 24 au 25 août. L'incendie provoqué dura alors près de huit jours.

En 1964, Charles de Gaulle, alors Président de la République, forma le projet de quitter le Palais de l'Élysée, qu'il jugeait trop enclavé dans Paris, sans perspective sur la capitale et pas assez prestigieux pour accueillir le chef de l'État. Il choisit le château de Vincennes comme nouveau logis présidentiel, mais l'opération fut abandonnée au profit d'autres priorités.

Le renouveau contemporain

Le donjon du château de Vincennes après la restauration des années 2000.

Le château de Vincennes relève à la fois du ministère de la Culture — c'est un monument historique — et du ministère de la Défense — le château abrite le Service historique de la défense (SHD). Depuis 1988, un vaste programme de rénovation a été entrepris. Les importants travaux du donjon se sont achevés en 2007 après une consolidation générale de sa structure[5] et la réouverture au public des appartements royaux. En 2008-2009, la chapelle royale a également subi une importante restauration (nécessitée par la tempête de 1999). Elle ouvre à nouveau ses portes au public le 15 mai 2009.

Depuis plusieurs années, les élus locaux tentent d'accélérer le renouveau du site, notamment en obtenant une réorganisation de la gouvernance actuelle du château et en développant le mécénat. C'est ainsi qu'est née à l'initiative de la ville de Vincennes, l'Association pour le rayonnement du château de Vincennes, présidée par Françoise Sampermans.

Le 13 janvier 2009, le président de la République annonce son attention de créer un musée de l'Histoire de France. Le lendemain, Laurent Lafon, maire de Vincennes fait part du souhait de Vincennes d'accueillir, au sein du château, le futur musée[6].

Accès

Notes et sources

Notes

  1. La légende veut qu'il ait déclaré à cette occasion « l'État, c'est moi », épisode contesté par François Bluche. Dans sa biographie du « roi soleil », cet historien démontre que, s'il a bien imposé l'enregistrement de ces édits en rentrant de Vincennes, il n'a pu prononcer cette phrase

Références

  1. Expression retenue par le ministère de la culture française sur les documentions touristiques.
  2. Source: Musée Condé, Chantilly
  3. Source: Bibliothèque Nationale, Paris.
  4. Selon les monuments nationaux
  5. La reprise de la structure intérieure, tout entière appuyée sur une colonne centrale, nécessita la mise en place d'un « corset » constitué par l'échafaudage extérieur.
  6. Voir le site de l'association

Liens internes

Liens externes

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48°50′34″N 2°26′09″E / 48.84278, 2.43583

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