Diogène de Sinope

Diogène de Sinope
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Diogène de Sinope
Philosophe occidental
Antiquité
Diogène par Jean-Léon Gérôme, 1860, Walters Art Museum (Baltimore)

Naissance 413 avant J.-C. (Sinope)
Décès 327 av. J.-C. (Corinthe)
École/tradition cynisme
Principaux intérêts Ascèse, éthique
Influencé par Antisthène, Socrate
A influencé Cratès ainsi qu'un grand nombre de cyniques, les stoïciens, Kierkegaard, Nietzsche, Foucault, Onfray

Diogène de Sinope, en grec ancien Διογένης / Diogénês (Sinope v. 413Corinthe, v. 327 av. J.-C.), aussi appelé Diogène le Cynique, est un philosophe grec de l'Antiquité et le plus célèbre représentant de l'école cynique. Il était aussi le maître de Zénon de Cition et le créateur du mot "cosmopolitisme".

Parmi tous les auteurs cyniques, c'est sur Diogène que la légende a accumulé le plus d'anecdotes et de bons mots, cette foison rendant leur authenticité largement douteuse. Les portraits de Diogène qui nous ont été transmis divergent parfois, le présentant tantôt comme un philosophe « clochard », débauché, hédoniste et irréligieux, tantôt comme un ascète sévère, volontaire, voire héroïque[1].

La masse d'anecdotes légendaires sur Diogène montre en tout cas que le personnage a profondément marqué les Athéniens. Il vivait dehors, dans le dénuement, vêtu d'un simple manteau, muni d'un bâton, d'une besace et d'une écuelle. Dénonçant l'artifice des conventions sociales, il préconisait en effet une vie simple, plus proche de la nature, et se contentait d'une jarre (en grec pithos) pour dormir.

Diogène avait l'art de l'invective et de la parole mordante. Il semble qu'il ne se privait pas de critiquer ouvertement les grands hommes et les autres philosophes de son temps (parmi lesquels Platon). Les apostrophes les plus connues qui lui sont attribuées sont : « Je cherche un homme » (phrase qu'il répétait en parcourant la ville avec sa lanterne), et « Ôte-toi de mon soleil » (en réponse au roi de Macédoine Alexandre, qui était venu lui demander s'il avait besoin de quoi que ce soit).

Sommaire

Vie et mort

Diogenes par John William Waterhouse, 1882, Galerie d'Art de Nouvelle-Galles du Sud (Sydney). L'artiste a représenté la lanterne, le pithos et les oignons dont le philosophe se nourrit

Diogène est le fils d'Icésios[2], banquier de Sinope[3]. À la suite d'une accusation de fabrication de fausse monnaie, son père aurait été jeté en prison et Diogène aurait été contraint de fuir à Athènes — selon d'autres récits, ils auraient fui tous les deux.

Il devient le plus célèbre disciple d'Antisthène, le fondateur de l'école cynique. Selon Sénèque, confirmé par Juvénal (admiratif) et par Lucien de Samosate (moqueur), il vit vêtu d'un manteau grossier (le tribôn), allant pieds nus, dormant dans un pithos, c'est-à-dire une jarre de grande taille[4], ne possédant rien d'autre et ne subsistant que grâce aux contributions de ses auditeurs ou mécènes. Conformément à l'enseignement de son maître, il désirait vivre et se présentait comme un chien (kunos, génitif de kuôn : « le chien », en grec), d'où son autre surnom : Diogène le Chien[5].

Plusieurs anecdotes témoignent de son mépris des richesses et des conventions sociales. Selon Diogène Laërce, il n'hésitait pas à mendier auprès des statues afin de « s'habituer au refus ». Il abandonna même son écuelle après avoir vu un enfant buvant à la fontaine dans ses mains. Lorsqu'on l'interrogea sur la manière d'éviter la tentation de la chair, Diogène aurait répondu « en se masturbant », et aurait ajouté : « Ah, si l'on pouvait ainsi faire disparaître la faim rien qu'en se frottant le ventre ! »

On l'aurait également vu parcourir les rues d'Athènes en plein jour, une lanterne à la main, déclarant à ceux qui lui demandaient ce qu'il faisait : « Je cherche un homme »[6] (parfois traduit « Je cherche l'homme » ou « Je cherche un vrai homme »). Cet « homme » désignerait celui théorisé par Platon, l'idéal de l'humain, et Diogène aurait voulu par là réfuter son existence, ne voyant exister que des hommes concrets. Une autre anecdote rapporte que, Platon ayant défini l'homme comme un « bipède sans cornes et sans plumes », le jour suivant, Diogène se promena dans la ville en tenant à la main un coq plumé aux ergots coupés, et déclarant : « Voici l'homme de Platon ! ».

À la fin de sa vie, il se dirigeait vers Égine en bateau, quand ce dernier fut pris par des pirates. Mis en vente comme esclave à Corinthe, il déclare au marchand qui lui demande ce qu'il sait faire qu'il sait « gouverner les hommes », et qu'il faut donc le vendre à quelqu'un qui cherche un maître. Il est acheté par un riche Corinthien qui admire son indépendance d'esprit, et lui rend la liberté.

La rencontre de Diogène et d'Alexandre (bas-relief de Puget, v. 1860, Musée du Louvre).

C'est à Corinthe que se situe la fameuse rencontre du vieux clochard-philosophe avec le jeune roi de Macédoine, Alexandre le Grand, qui avait conquis la Grèce et l'Asie, et qui lui dit :

- « Demande-moi ce que tu veux, je te le donnerai

- Ôte-toi de mon soleil (Littéralement « Tiens-toi un peu à l'écart de mon soleil» : Μικρὸν ἀπὸ τοῦ ἡλίου μετάστηθι. (Mikròn apò toû hêliou metástêthi.))

- N'as-tu pas peur de moi ?

- Qu'es-tu donc ? Un bien ou un mal ?

- Un bien

- Qui donc, pourrait craindre le bien ? ».

Le même Alexandre aurait avoué un jour : « Si je n'étais Alexandre, je voudrais être Diogène »[7].

La mythologie a eu raison de la vérité concernant la mort de Diogène de Sinope, et il subsiste de nos jours plusieurs versions différentes de la cause de son trépas : il serait mort à cause d'une infection due à la morsure d'un chien[8] auquel il essayait de dérober son os, pour se nourrir.

D'autres sources affirment qu'il serait décédé des suites de l'ingestion d'un poulpe cru, suite à un pari[9], ou même qu'il aurait volontairement arrêté de respirer[10] (acte biologiquement impossible).

Toutes ces versions contribuent à renforcer la légende selon laquelle Diogène serait mort comme il a vécu, d'une manière peu banale, et même subversive. Il meurt en tout cas à Corinthe âgé d'environ 86 ans.

Il avait demandé qu'après sa mort, on jetât son corps à la voirie, mais ses amis lui firent des funérailles magnifiques. On plaça sur son tombeau une colonne surmontée d'un chien en marbre de Paros et sur laquelle on pouvait lire les vers suivants :

« Même le bronze subit le vieillissement du temps,
Mais ta renommée, Diogène, l'éternité ne la détruira point.
Car toi seul as montré aux mortels la gloire d'une vie indépendante
Et le sentier de l'existence heureuse le plus facile à parcourir. »

Œuvre et pensée

« Je cherche l'homme »

C’est en partie à cause de leurs traits scandaleux que les écrits de Diogène tombèrent dans l’oubli quasi total. En effet la Politeia (la République) écrite par Diogène, reprise et appuyée plus tard par la Politeia de Zénon (un stoïcien), s’attaquait à de nombreuses valeurs du monde grec, en admettant, entre autres, la liberté sexuelle totale, l’indifférence à la sépulture, l’égalité entre hommes et femmes, la négation du sacré, la remise en cause de la cité et de ses lois, la suppression des armes et de la monnaie, l'autosuffisance. Par ailleurs Diogène considérait l'amour comme étant absurde : on ne devait s'attacher à personne[réf. souhaitée].

On lui prête aussi le raisonnement suivant : « Tout appartient aux dieux ; or les sages sont les amis des dieux et entre amis tout est commun ; donc tout appartient aux sages ».

Certains stoïciens, pourtant proches du courant cynique de Diogène, semblent avoir préféré dissimuler et oublier cet héritage jugé « embarrassant » [11].

Postérité

Tradition philosophique

Le stoïcien Épictète voit en lui le modèle du sage, qui cherche à s'affranchir des conventions des hommes pour revenir à la nature.

Toutes les anecdotes que l'on raconte de Diogène peuvent ne pas être authentiques. On a sous son nom des Lettres qui sont apocryphes. Elles ont été imprimées dans Epistoles cyntex et traduites en français en 1545 par L. Dupuis.

Cercidas s'exprime ainsi en parlant de lui après sa mort dans ses Méliambes :

« Non il n'est plus le Sinopéen de Jadis,
le fameux porteur de bâton,
au manteau plié en deux, qui mangeait en plein air
il est monté au ciel,
après avoir serré ses lèvres contre ses dents
et mordu en même temps qu'elles sa respiration.
Oui, fils de Zeus tu l'étais vraiment,
Tout autant que chien céleste. »

Tradition picturale

Diogène, détail de l'École d'Athènes de Raphaël.

Diogène est traditionnellement représenté associé à des objets symboliques : l'écuelle, le bâton, la lanterne, la jarre.

Parmi les plus célèbres, on peut citer la représentation de Diogène par Raphaël, dans sa grande fresque du Vatican appelée L'école d'Athènes (1509-1512), mais aussi les tableaux de Jean-Léon Gérôme (1860), de John William Waterhouse (1882) et de D. E. Pugons (1902).

Références

Articles connexes

Bibliographie

Diogène de Jules Bastien-Lepage, 1873
  • L'Ascèse cynique : un commentaire de Diogène Laërce VI, 70-71, Paris, Vrin, 1986.
  • Les Cyniques grecs : lettres de Diogène et Cratès, traduit du grec ancien par Georges Rombi et Didier Deleule ; lecture de Didier Deleule, Paris, Babel, 1998.
  • Le Cynisme ancien et ses prolongements, de M.-O. Goulet-Cazé, R. Goulet éditeurs, Paris, PUF, 1993.
  • Isabelle Gugliermina, Diogène Laërce et le cynisme, Lille, Éditions Universitaires du Septentrion, 2006.
  • Michel Onfray, Cynismes : portrait du philosophe en chien, Paris, Grasset, 1990 (réimpression poche, collection "Biblio essais", Paris, Le Livre de Poche, 1997).
  • Michel Onfray, Les Sagesses antiques, in Contre-histoire de la philosophie, 1, Paris, Grasset, 2006, p. 133-143.
  • Léonce Paquet, Les Cyniques grecs : fragments et témoignages, Paris, Le Livre de poche, 1992.
  • Robert Sabatier, Diogène, Paris, Albin Michel, 2001.
  • Christophe Verselle, Ni Dieu ni maître ! : de Diderot à Nietzsche : anthologie, Paris, Librio, 2007.

Liens externes

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Notes

  1. Emile Bréhier, Histoire de la philosophie, tome I, livre Second, chap. 1.
  2. Ikésios, en grec ancien
  3. Selon une tradition qui remonte à Dioclès (cf. Diogène Laërce)
  4. Ce mot est très souvent traduit en français par tonneau, ce qui constitue une erreur. Pour le stockage et le transport des céréales, du vin, de l'huile..., les Grecs utilisaient non pas le tonneau, récipient dont les Romains ont emprunté l'usage aux Gaulois, mais des jarres en terre cuite. Les représentations antiques de Diogène attestent sans doute possible qu'il s'agit bien d'un récipient de cette sorte. Ce point de détail a échappé à divers peintres et sculpteurs modernes.
  5. Diogène(Cynique) par Diogène Laërce Traduction Robert Genaille, 1933
  6. Diogène Laërce, Vie doctrines et sentences des philosophes illustres Tome 2, Diogène de Sinope, traduction et notes de Robert Grenaille, GF-Flammarion 1965
  7. http://www.apophtegme.com/PHILOSOPHIE/diogene.htm
  8. « Dis-moi, Diogène, quelle mort t’a conduit Aux Enfers ? ce fut la sauvage morsure d’un chien » Inscription sur la statue de bronze qui lui a été érigée
  9. Plutarque rapporte ainsi les faits:« Diogène osa manger un poulpe cru afin de rejeter la préparation des viandes par la cuisson au feu. Alors que beaucoup d'hommes l'entouraient, il s'enveloppa de son manteau et, portant la viande à sa bouche, il dit " C'est pour vous que je risque ma vie, que je cours ce danger» Selon Plutarque
  10. Selon Cercidas de Mégalopolis
  11. Marie-Odile Goulet-Cazé in France Culture - Une vie, une œuvre : Diogène (avec Léonce Paquet et Michel Onfray)


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