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Dictature du prolétariat
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Syndicalisme révolutionnaireModifier Dictature du prolétariat est une expression inventée par Auguste Blanqui, et parfois employée par Karl Marx pour désigner la phase transitoire de la société étant selon lui appelée à remplacer les régimes oligarchiques et capitalistes, que Marx qualifiait de dictatures de la bourgeoisie.
Ce concept est au cœur de vifs débats concernant notamment ses modalités de mise en œuvre. Des courants politiques se revendiquant de l’héritage de Marx considèrent que la dictature du prolétariat serait une phase de transition nécessaire vers une société communiste. Les régimes bolchéviques ont justifié leur forme de gouvernement par cette notion, qui est également utilisée par les adversaires du marxisme dans le but de discréditer ce dernier.
Sommaire
Le concept chez Marx et Engels
Citations du concept
L’expression Dictature du prolétariat est très peu utilisée par Marx. L'historien Boris Souvarine précise que « Marx n’évoque explicitement et à sa façon que deux fois la dictature temporaire du prolétariat, non d’un parti quel qu’il soit, et incidemment, cinq lignes dans une lettre privée, autant dans ses notes critiques sur le programme social-démocrate de Gotha ». Cela « tient en quinze lignes dans les 38 gros volumes in-octavo des œuvres de Marx et Engels (en russe) »[1]. L'expression reste totalement absente de ses principaux textes : Le Capital, le Manifeste communiste, L'Idéologie allemande, Manuscrits de 1844, etc. Marx ne l'a également jamais employée au cours de ses huit années de militantisme au sein de la Première Internationale.
Friedrich Engels juge que la Commune de Paris de 1871 était la première application de la dictature du prolétariat[2].
Interprétations
- Définition de dictature
Le terme « dictature » fut choisi pour souligner que le capitalisme consisterait en la « dictature de la bourgeoisie », celle d'une seule classe sociale qui détient tout le pouvoir politique et économique (que ce soit sous la forme politique du régime parlementaire ou de la dictature telle qu'on l'entend aujourd'hui). Pour renverser cette classe, la classe des gens d'aucune classe - les prolétaires - devait prendre dans un premier temps tout le pouvoir, pour supprimer la division de la société en classes.
Le mot "dictature" choque parfois aujourd'hui. Cependant, le philosophe et militant trotskiste Daniel Bensaïd souligne que « Les mots n’ont pas aujourd’hui le même sens qu’ils pouvaient avoir sous la plume de Marx. À l’époque, la dictature, dans le vocabulaire des Lumières, s’opposait à la tyrannie ; elle évoquait une vénérable institution romaine : un pouvoir d’exception délégué pour un temps limité, et non pas un pouvoir arbitraire illimité. »[3]
- Une démocratie directe
Le concept est ainsi présenté comme se rapprochant de la démocratie directe.
Il y a toutefois deux spécificités[réf. nécessaire] : la dictature du prolétariat nécessite une révolution prolétarienne préalable qui passe par la prise du pouvoir populaire. D'autre part, le pouvoir serait la propriété d'une seule classe sociale, d'où un problème de discrimination.
- La Commune de Paris de 1871
Friedrich Engels juge la Commune de Paris comme une application de la dictature du prolétariat. Ainsi, avec cet exemple, cette « dictature » se présenterait comme organisée de façon démocratique avec des élus mandatés au suffrage universel et révocables.
La question des régimes léninistes
La constitution de la Russie (future Union soviétique), en 1918, s’est revendiquée comme étant une application pratique de la dictature du prolétariat. Toutefois, ce terme sera enlevé dans la constitution révisée de 1936. La position soviétique a longtemps été défendue par les principaux partis se réclamant du communisme à travers le monde (car financés par l’URSS). Cette position a été affaiblie par les révélation du rapport Khrouchtchev en 1956, entraînant la multiplication des positions communistes critiques dans les années 1960-1970.
Très tôt cependant, des théoriciens et militants des divers courants marxistes ont considéré que l'utilisation par Lénine puis par Staline du concept de "Dictature du prolétariat" constituait en fait une trahison de Marx et une propagande contraire à la réalité. Ils ont affirmé dès sa création que l'URSS n'était ni une dictature du prolétariat, ni un « État socialiste », mais une dictature sur le prolétariat, le terme capitalisme d'État étant également employé.
L'historien et militant Boris Souvarine, opposant au stalinisme depuis les années 1920, estime ainsi que « Marx et Engels l’entendaient dans un sens absolument contraire à celui qu’il acquiert dans le léninisme, puis dans le stalinisme. (..) , si l’on s’y réfère, contredit entièrement l’interprétation arbitraire incluse dans le léninisme et transmise dans le stalinisme ».[1].
La marxiste révolutionnaire Rosa Luxemburg écrit dès septembre 1918 que le pouvoir bolchevik est « une dictature, il est vrai, non celle du prolétariat, mais celle d'une poignée de politiciens, c'est-à-dire une dictature au sens bourgeois »[4].
En 1920 lors du Congrès de Tours, le marxiste réformiste Léon Blum se prononce pour la dictature du prolétariat, mais qualifie la politique léniniste de « dictature sur le prolétariat ».
Les communistes de conseils allemands (marxistes révolutionnaires) font de même dans les années 1920.
Le Cercle communiste démocratique dénonce en 1931 la « dictature sur le prolétariat » en URSS[5].
Pour le Groupe des Communistes Internationaux (néerlandais) : « Ce qui existe en Russie est un capitalisme d’État. Ceux qui se réclament du communisme doivent aussi attaquer ce capitalisme d’État » [6]. « Le bolchévisme, capitalisme d’État et dictature des bureaucrates » selon le marxiste conseilliste Otto Rühle[7].
Charles Rappoport dénonce dans ses Mémoires « la dictature "à la Staline" d'une clique de bureaucrates sur le prolétariat »[8].
Ces analyses sont corroborées par celles des marxistes mencheviks en exil : Salomon Schwarz dénonce le capitalisme d’État en URSS[9] ; Théodore Dan parle de « dictature jacobine du bolchévisme » qui « n’est pas une dictature de la classe ouvrière », ainsi que de « capitalisme industriel d’État », qui selon lui « contredit d’une façon si évidente la doctrine de Marx »[10].
Ces analyses sont confirmées par la suite par ces différents courants, et sont rejointes dans les années 1960 par de nouveaux courants marxistes comme l’Internationale situationniste.
Notes et références
- ↑ a et b Boris Souvarine, Le Stalinisme, Spartacus, 1964, page 9.
- ↑ En 1891, dans sa préface à La Guerre civile en France, Engels écrit : « Eh bien, messieurs, voulez-vous savoir de quoi cette dictature a l'air ? Regardez la Commune de Paris. C'était la dictature du prolétariat. » Introduction à La Guerre Civile en France, 1891
- ↑ Daniel Bensaïd, Marx débordait son temps et anticipait sur le nôtre, site alencontre, janvier 2007.
- ↑ Rosa Luxemburg, La révolution russe.
- ↑ La Critique sociale n°2, juillet 1931
- ↑ Rätekorrespondenz, février 1937
- ↑ Otto Rühhe, Fascisme brun, fascisme rouge, 1939, Spartacus, p. 65 ; voir aussi le chapitre « Dictature sur le prolétariat », pages 37 à 41
- ↑ Charles Rappoport, Une vie révolutionnaire 1883-1940, MSH, p. 158
- ↑ Salomon Schwarz, Le Combat Marxiste n°12, 1934
- ↑ Théodore Dan et J. Martov, La Dictature du prolétariat, Ed. de la Liberté, 1947[réf. incomplète]
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