Danseuses de delphes

Danseuses de delphes

Danseuses de Delphes

Les Danseuses de Delphes

Les Danseuses de Delphes, également connues sous le nom de Colonne aux acanthes, sont trois figures en haut-relief surmontant une colonne d'acanthes trouvées près du sanctuaire d'Apollon pythien à Delphes. Elles sont conservées au Musée national archéologique de Delphes. L'œuvre a inspiré à Claude Debussy le premier de ses Préludes.

Sommaire

Description

Les fragments sont mis au jour entre mai et juillet 1894 sur les terrasses à l'Est et au Nord-Est du temple d'Apollon[1]. Les fouilleurs reconstituent rapidement ce qui s'avère être une colonne d'une hauteur totale de 13 mètres environ, composée de cinq tambours et d'un chapiteau d'acanthes surmonté d'une prolongation de la tige, à laquelle s'adossent trois figures féminines hautes de 1,95 mètre[2], habillées d'un chitoniskos (tunique courte) et portant un kalathos[3]. Les pieds nus, suspendues en l'air et le bras levé, elles ressemblent à des danseuses, d'où le nom qui leur a été donné.

Les scellements du sommet du chapiteau et la forme concave de la partie supérieure du fût, au niveau de la tête des Danseuses[4], ont permis de comprendre que l'ensemble servait de support à la cuve d'un trépied colossal, probablement en bronze, dont les pieds reposaient sur le chapiteau[5], encadrant ainsi chaque statue.

Datation

Première datation : avant 373 av. J.-C.

Les fragments ayant été découverts dans le même remblai que les restes des frontons du temple archaïque, on croit d'abord que le monument appartient à la même période — c'est-à-dire avant le tremblement de terre de 373 av. J.-C. —, datation haute qui paraît peu compatible avec le style des statues, qui relève plus de la période 335-325 av. J.-C.

Datation basse : vers 340-330 av. J.-C.

En 1963, la publication plus précise des différents lieux de découverte des fragments montre que ces derniers n'ont en fait pas de lien avec les restes du temple archaïque. On fait alors le lien entre la colonne et d'autres éléments trouvés au même endroit :

  • une base inscrite en calcaire ;
  • une fondation en poros (sorte de tuf) ;
  • deux blocs inscrits en calcaire, l'un blanc et l'autre gris.

Le piédestal porte l'inscription ΠΑΝ, marque de l'entrepreneur Pankratès d'Argos, dont l'activité est attestée par les comptes des naopes (commissaires) de Delphes de la période 346-345 av. J.-C.[6]. En outre, la base se trouve adossée au monument de Daochos, un ex-voto daté précisément entre 336-335 av. J.-C. et 333-332 av. J.-C.[7], et le téménos de Néoptolème, contemporain. Les deux blocs sont interprétés comme les première et troisième marches d'un socle à triple degré, dont la seconde marche serait manquante, reposant sur la fondation. Le bloc blanc porte un reste de dédicace mentionnant comme dédicant le peuple athénien ; la forme des lettres et les autres éléments permettent de dater l'ensemble à l'Hellénistique Ancien.

L'hypothèse Vatin : en 375

En 1983, l'épigraphiste Claude Vatin[8] lit sur le bloc gris une inscription mentionnant le nom de l'archonte athénien éponyme, Hippodamas, et de l'archonte delphique Léocharès, ce qui placerait en fait la dédicace en 375 av. J.-C., année de la victoire navale contre Sparte du stratège Timothée à Alyzeia. L'Athénien aurait donc consacré les Danseuses après sa victoire ; endommagées par la suite — peut-être par le tremblement de terre de 373 av. J.-C. —, elles auraient été érigées de nouveau 50 ans plus tard, après que la colonne et le support ont été réparés. Enfin, Vatin lit sur le bloc gris la signature du sculpteur Praxitèle, ce qui remonterait l'ensemble de la chronologie généralement admise pour sa carrière.

« Sous l'archontat de Léocharès à Athènes, et celui d'Hippodamas à Athènes, les Athéniens et leurs alliés, sur le butin pris aux Lacédémoniens, ont consacré à Apollon Pythien le trépied et les jeunes filles.
Œuvre de Praxitèle[9]. »

L'historien de l'art Antonio Corso a confirmé ces observations[10], mais aucun autre spécialiste n'a été en mesure de trouver une inscription à l'endroit indiqué[11]. Ensuite, les faces nord et est de la base et du socle de la Colonne ne sont que grossièrement finies, signifiant que leur adossement respectivement à l'ex-voto de Daochos et au téménos de Néoptolème était prévu dès le départ. Enfin, sur le plan stylistique, le rendu des feuilles d'acanthes placerait la Colonne entre le Philippéion d'Olympie et le monument de Lysicrate à Athènes, c'est-à-dire avant 334 av. J.-C.[12].

Interprétation

Le dédicant étant le peuple athénien, on a proposé de voir dans les danseuses les trois filles de Cécropsautochtone à demi-serpent, premier roi légendaire de l'Attique — et d'Aglauros. Dans l’Ion d'Euripide[13], le chœur les décrit en train de danser sur le flanc Nord de l'Acropole, non loin du Pythion, point de départ de la voie sacrée reliant Athènes à Delphes. Les Aglaurides seraient donc représentées ici en tant que personnification de la terre arable, l'acanthe symbolisant leur rôle dans la croissance des végétaux[14].

Autres

Claude Debussy a intitulé le premiers de ses Préludes pour piano, publiés en 1910 chez Durand, "Danseuses de Delphes". Il n'avait jamais vu le groupe sculpté, mais le connaissait par une reproduction. Il s'agit d'une pièce lente, de type sarabande, les trois temps de la pièce pouvant évoquer la colonne circulaire et les trois corés.

Notes

  1. Première mention de la découverte : BCH 18 (1894), p. 180. Première étude : Th. Homolle, « Les danseuses de Caryatis et la colonne d'acanthe », BCH 21 (1897), p. 603-614. Croissant & Marcadé, op. cit., p. 87.
  2. Boardman op. cit., pl. 15.
  3. Un kalathos est originellement une mesure à grain. Associé aux mystères d'Éleusis, il est employé comme coiffure de divinités comme Déméter et Sarapis.
  4. Croissant & Marcadé, op. cit., p. 86.
  5. Pasquier, op. cit., p. 85.
  6. Ridgway, op. cit., p. 23.
  7. Ridgway, op. cit., p. 46.
  8. Claude Vatin, « Les Danseuses de Delphes » dans Comptes rendus des séances de l'Académie des inscriptions et belles-lettres (CRAI), Paris, 1983, p. 26-40.
  9. Traduction de Marion Muller-Dufeu, La Sculpture grecque. Sources littéraires et épigraphiques, éditions de l'École nationale supérieure des Beaux-Arts, coll. « Beaux-Arts histoire », Paris, 2002 (ISBN 2-84056-087-9) , no 1497, p. 517.
  10. Prassitele, Fonti Epigrafiche e Lettarie, Vita e Opere, tome I : Fonti epigrafiche, Fonti Letterarie dall'Età dello Sculttore al Medio Imperio, IV sec. a.C.-circa 175 d.C., De Lucca, 1988, p. 15-17 et The Art of Praxiteles. The Development of Praxiteles' Workshop and his Cultural Tradition until the Sculptor's Acme, 364-361 BC, Rome, l'Erma di Breitschner, 2004, p. 115-125.
  11. Pasquier, op. cit., p. 86 ; Croissant & Marcadé, p. 90.
  12. Ridgway, op. cit., p. 25.
  13. Ion [détail des éditions] [lire en ligne] (v. 493-500).
  14. Croissant & Marcadé, p. 88.

Bibliographie

  • John Boardman (trad. Christian-Martin Diebold), La Sculpture grecque du second classicisme [« Greek Sculpture: the Late Classical Period »], Thames & Hudson, coll. « L'Univers de l'art », Paris, 1998 (édition originale 1995) (ISBN 2-87811-142-7) , p. 27 et pl. 15.
  • Francis Croissant et Jean Marcadé, « La colonne des Danseuses », Guide de Delphes. Le musée, École française d'Athènes, coll. « Sites et monuments », IV, 1991 (ISBN 2-86958-038-X), p. 84-90.
  • Alain Pasquier, « Praxitèle aujourd'hui ? La question des originaux », Praxitèle, catalogue de l'exposition au musée du Louvre, 23 mars-18 juin 2007, éditions du Louvre & Somogy, 2007 (ISBN 978-2-35031-111-1), p. 85-86.
  • (en) Brunilde Sismondo Ridgway, Hellenistic Sculpture, vol. I : The Styles of ca. 331-200 B.C., University of Wisconsin Press, Madison, 2001 (ISBN 0-299-11824-X) , p. 22-26.
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