- Côme Ruggieri
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Côme Ruggieri Portrait supposé de Côme Ruggieri
Château de Chaumont-sur-LoireNom de naissance Cosimo Ruggieri Naissance ? Décès 28 mars 1615
ParisPays de résidence France Profession Abbé commendataire Activité principale Astrologue et conseiller Signature
Cosimo Ruggieri de son nom d'origine ou Côme Ruggieri ( ? , mort le 28 mars 1615 à Paris), également dénommé Cosme Ruggieri ou Cosme de Rogier selon francisation[1]du patronyme, est un astrologue et conseiller florentin de Catherine de Médicis.
Il serait le fils[2]et le disciple de Ruggieri l'Ancien (« Vecchio Ruggieri »), médecin-astrologue du père de Catherine de Médicis, Laurent II, duc d'Urbin.
Sommaire
Les débuts à la cour de France
Il semblerait que Côme Ruggieri soit apparu à la cour de France en 1571[3]. La modestie de ses moyens l'aurait poussé à rechercher une place dans l'entourage du commandeur Petrucci, ambassadeur en France du prince héritier de Toscane.
Par la suite, sa réputation d'homme « de haute intelligence et assez instruit » le fait remarquer par M. Montmorin, premier écuyer de la reine Élisabeth d'Autriche, qui lui fait enseigner la langue italienne aux pages de l'épouse de Charles IX.
Selon une dépêche en date du 26 avril 1574 de l'ambassadeur Vincenzo Alamanni, successeur du commandeur Petrucci, Côme Ruggieri « faisait profession, entre autres choses, de connaître assez bien l'astrologie et surtout l'astrologie judiciaire, consistant à prédire l'avenir. (...) À cause de cela (...), il arriva, il y a peu de temps, dans un tel crédit près de la Reine mère du Roi, qu'en outre qu'il avait continuellement l'oreille de Sa Majesté (Catherine de Médicis) et savait une infinité de choses de cette façon et d'autres, il fut choisi, il y a peu de mois, pour enseigner la langue toscane au duc d'Alençon, ce dont il tirait de raisonnables profits ».
Une dépêche de Petrucci, datée du 2 septembre 1572, relate une conversation publique à la cour entre Ruggieri et Catherine de Médicis ; la reine mère demande à son astrologue la position à tenir vis-à-vis des huguenots, notamment des princes détenus depuis la Saint-Barthélemy. Quelques jours après le terrible massacre, cet épisode revêt une réelle importance quant à ses possibles conséquences. Il montre que l'avis de Ruggieri était déjà sérieusement pris en compte. Il met ainsi en relief la confiance que la reine portait dès 1572 en son astrologue durant cette période délicate pour la famille royale. Cela laisse ainsi penser que sa présence auprès de la reine mère serait antérieure à 1571.
Le complot de La Môle et Coconas
Les fonctions de Ruggieri lui permettent de frayer avec l'entourage de François, duc d'Alençon, milieu où s'ourdissent les conjurations des Malcontents. Précisément, les fréquentations de l'astrologue lui valent d'être impliqué dans le complot dit de « La Môle et Coconas ».
Dès le 8 avril 1574, Charles IX commence à faire arrêter les conjurés. En dépit des suppliques du duc François d'Alençon et de sa sœur Marguerite, La Môle et ses complices sont enfermés à la Conciergerie puis soumis à « la géhenne » (la torture) pour leur extorquer des aveux.
L'insistance du duc d'Alençon visant à faire libérer ses compagnons, surtout La Môle qui semblait avoir véritablement la faveur du prince, paraît suspecte. Des présomptions d'envoûtement ne tardent pas à surgir, étayées par la découverte dans les affaires de La Môle d'une figurine en cire, présumée réprésenter Charles IX. De surcroît, l'état de santé du roi s'altère gravement à la fin du mois d'avril 1574, ce qui renforce les accusations de sorcellerie. La figurine étant l'œuvre de Ruggieri, celui-ci se retrouve compromis dans l'affaire.
Un ordre d'arrestation est lancé contre lui qui, prévenu, se réfugie le 22 avril 1574 dans la demeure de l'ambassadeur Vincenzo Alamanni, aux portes de Paris. Bien que le diplomate ait consenti à le livrer aux capitaines venus l'arrêter, il parvient à s'enfuir. Soupçonné de complicité, Alamanni s'en défend devant Charles IX et Catherine de Médicis, arguant du fait qu'il avait initialement recueilli Côme sans connaître les accusations portées contre lui[4].
Ruggieri se fait prendre peu de temps après dans la forêt de Saint-Germain, déguisé en paysan. Il est condamné aux galères[5] mais rapidement gracié par la reine mère. Il obtiendra même en 1585 la commende de l'abbaye de Saint-Mathieu (Saint-Mahé, en Bretagne) dont il demeurera paradoxalement l'abbé jusqu'à sa mort.
Les deux principaux protagonistes, La Môle et Coconas, seront, quant à eux, exécutés en place de Grève le 30 avril 1574.
La relative clémence, et surtout la grâce, dont bénéficie Ruggieri dans cette affaire paraissent motivées par les rapports qu'il entretenait avec Catherine de Médicis, voire par l'influence occulte qu'il aurait exercé sur elle. Il aurait également pu jouer un rôle d'espion en sa faveur auprès du duc d'Alençon qui menait l'opposition des Malcontents contre elle et Charles IX. Les revenus substantiels de l'abbaye de Saint-Mathieu seraient alors une forme de remerciement.
Dernière inculpation
En 1598 à Nantes, poursuivi pour avoir attenté à Henri IV en détenant une fois encore une figurine percée au cœur censée représenter le roi, il se défend en affirmant qu'il a contribué à sauver Henri de Navarre lors du massacre de la Saint Barthélemy. Ainsi, il ne va donc pas s'attaquer aujourd'hui à celui dont il avait plaidé la cause hier. Le roi confirme et ordonne sa libération[6].
Fin de vie
Sous la régence de Marie de Médicis, Ruggieri fréquente le cercle du favori italien Concino Concini. Le maréchal d'Ancre et son épouse Léonora Dori « appréciaient ce bel esprit » [7] qui faisait paraître un almanach sous le pseudonyme de Querberus et établissait des horoscopes.
Le décès de Côme Ruggieri, le 28 mars 1615, provoque un incident dans les rues de Paris dans lesquelles sa dépouille est traînée. La raison de cette vindicte populaire se situe dans le renvoi du prêtre et des capucins venus lui porter les derniers sacrements. Ruggieri leur aurait déclaré sur son lit de mort : « Fous que vous êtes, sortez tous, il n'y a d'autres diables que les ennemis qui nous tourmentent en ce monde, ni d'autre dieu que les rois et les princes qui peuvent nous procurer honneurs et richesses ! »[8].
Ces faits sont répandus dans l'opinion par le biais d'un livret intitulé: « Histoires épouvantables de deux magiciens qui ont été étranglés par le diable dans Paris la semaine Sainte ». L'un est Côme Ruggieri, l'autre un dénommé César, une espèce d'escroc, qui faute d'être emporté par le diable se retrouve incarcéré à la Bastille. La publication de ces petits livrets était souvent destinée à discréditer un personnage important. Le maréchal Concini pourrait en avoir été la cible. Aucun nom n'y est explicitement donné, pas même celui de Ruggieri, mais les contemporains pouvaient certainement y associer les intéressés aux faits sans trop de difficultés.
Pour calmer les esprits, attisés par cet évènement et de prétendues pratiques religieuses juives (tel un agneau qui aurait été sacrifié pendant la Pâque), le parlement de Paris remet en vigueur le 10 mai 1615 un édit d'expulsion des juifs datant de 1394. L'extrêmisme religieux et l'intolérance de l'époque associaient fréquemment athéisme, sorcellerie et judaisme.
Il est à noter que l'usage de figurines de cire, dont la technique est reconnue à Ruggieri, déposées dans des cercueils, sera reproché au couple Concini lors de leur procès en 1617[9]. La déposition du dénommé César (Jean du Châtelet), cité au moment de la mort de Ruggieri et détenu à la Bastille depuis lors, sera retenue comme élément à charge. Il était pourtant donné pour mort dans le livret déjà évoqué.
La légende
On prête à Ruggieri un certain nombre de prédictions, bien que les traditions divergent fréquemment quant à l'identité de l'auteur de telle ou telle prophétie. Il est également difficile de déterminer la date exacte de ces prédictions qui auraient donc pu être forgées a posteriori.
Ainsi, Côme aurait prédit à Catherine de Médicis qu'elle mourrait « près de Saint-Germain », ce qui aurait interrompu la construction du Palais des Tuileries (sis près de l'église Saint-Germain-l'Auxerrois) et motivé le chantier d'une autre résidence, à la fin de 1571 ou au début de 1572 : l'Hôtel de la Reine[10]. La reine mère décéda le 5 janvier 1589 au château de Blois et le confesseur appelé pour lui porter l'extrême-onction se nommait Julien de Saint-Germain.
Il s'agit de l'hypothèse la plus ésotérique pour expliquer l'abandon du chantier des Tuileries. D'autres, plus rationnelles, ont aussi été évoquées telles que l'absence de protection du site localisé en dehors de l'enceinte de la ville, l'état des finances royales ou la volonté de la reine mère de laisser le château et le jardin proches du Louvre à son fils, le roi Charles IX[11]. L'arrêt soudain et inattendu des travaux des Tuileries conjugué à la construction d'un nouveau palais, comprenant une colonne astrologique traditionnellement associée à Ruggieri, est probablement l'origine de cette explication.
De nombreux auteurs relatent une prophétie informant Catherine de Médicis des règnes de ses fils et de leur durée. La scène se serait déroulée au château de Chaumont-sur-Loire vers la fin de 1559[12]. Brantôme l'attribue à Nostradamus[13], sans donner plus de détail, alors qu'André Favyn[14] ou Nicolas Pasquier[15] la donne à Ruggieri. Ils diffèrent quant aux instruments utilisés, le premier parlant d'un miroir, le second d'un cercle magique. Le résultat aurait cependant permis de matérialiser une image de chacun des fils de la reine, pivotant sur eux-mêmes, et dont chaque tour aurait représenté une année de règne. Bien évidemment, rien ne vient prouver les faits. La littérature du XIXe siècle [16] s'est aussi emparée de l'histoire pour la rendre encore plus spectaculaire et fantastique. Le passage de Ruggieri à Chaumont-sur-Loire est matérialisé dans le château par une pièce qui porte son nom et par un portrait réputé le représenter.
On rapporte également que la reine allait avec Ruggieri faire des observations astrologiques sur la colonne qui existe encore de nos jours dans le jardin des Halles à Paris, près de la Bourse de Commerce. Seul vestige de ce que fut l'Hôtel de la Reine (devenu "Hôtel de Soissons"), ce monument est appelé « colonne Médicis » (ou « colonne astrologique »).
Ruggieri et le XIX ème siècleLa légende occupant une part importante dans l’histoire de Ruggieri, il est indispensable de l’associer à sa biographie. Au-delà des évènements dont la réalité se retrouve confirmée par des narrations dignes de foi, des faits dont l’origine est mystérieuse jalonnent son existence.
Sans présumer de leur véracité, même si certains sont impossibles en raison de leur chronologie ou parce qu’ils ne cadrent pas avec les textes écrits sur lui par ses contemporains, ils sont nécessaires à la compréhension de l’image que Ruggieri s’est forgé au cours des siècles.
Les auteurs du XIX ème siècle sont largement responsables de cette légende, au premier chef desquels, Honoré de Balzac avec « La confidence des Ruggieri » et « Le secret des Ruggieri ». Ces romans historiques tirés des « études philosophiques » où il traite de Catherine de Médicis, sont le point de départ d’une littérature, nombreuse et variée, qui va dessiner le mythe Ruggieri, en lui donnant un père « Ruggieri le vieux » et un frère « Laurent » dont les noms, ni les existences, ne sont pas incontestablement prouvés.
Pour en mesurer l’impact sur d’autres livres du XIX ème siècle, voici, à titre d'exemple, comment le « Dictionnaire des Sciences Occultes », issu de « L’Encyclopédie Religieuse » publiée par l’abbé Migne en 1848 présente les Ruggieri, à la lettre U - Universités occultes. Il s’agit d’un résumé, quelque peu adapté, des écrits de Balzac :
«UNIVERSITÉS OCCULTES: Il existait un homme à qui Catherine tenait plus qu'à ses enfants : cet homme était Cosme Ruggieri, qu'elle logeait à son hôtel de Soissons, et dont elle avait fait un conseiller suprême chargé de lui dire si les astres ratifiaient les avis et le bon sens de ses conseillers ordinaires. De curieux antécédents justifiaient l'empire que ce Ruggieri conserva sur sa maîtresse jusqu'au dernier moment.
Un des plus savants hommes du XVI è siècle fut certes le médecin de Laurent de Médicis, duc d'Urbin, père de Catherine. Ce médecin fut appelé Ruggieri le Vieux (vecchio Ruggier et Roger l'Ancien chez les auteurs français qui se sont occupés d'alchimie), pour le distinguer de ses deux fils, Laurent Ruggieri, nommé le grand par les auteurs cabalistiques, et Cosme Ruggieri, l'astrologue de Catherine, également nommé Roger par plusieurs historiens français. Ruggieri le Vieux était si considéré dans la maison de Médicis, que les deux ducs Cosme et Laurent furent les parrains de ses deux enfants. Il dressa, du concert avec le fameux mathématicien Bazile , le thème de nativité de Catherine, en sa qualité de mathématicien, d'astrologue et de médecin de la maison de Médicis; trois qualités qui se confondaient souvent.
A cette époque, les sciences occultes se cultivaient avec une ardeur qui peut surprendre les esprits incrédules de notre siècle si souverainement analyseur; mais peut-être verront-ils poindre dans ce croquis historique le germe des sciences positives, épanouies au XIX è siècle, sans la poétique grandeur qu'y portaient les audacieux chercheurs du XVI è lesquels, au lieu de faire de l'industrie, agrandissaient l'art et fertilisaient la pensée. L'universelle protection accordée à ces sciences par les souverains de ce temps était d'ailleurs justifiée par les admirables créations de tous les inventeurs qui parlaient de la recherche du grand œuvre pour arriver à des résultats étonnants.
Aussi jamais les souverains ne furent-ils plus avides de ces mystères. Les Fugger, en qui les Lucullus modernes reconnaîtront leurs princes, en qui les banquiers reconnaîtront leurs maîtres, étaient certes des calculateurs difficiles à surprendre; eh bien ! ces hommes si positifs, qui prêtaient les capitaux de l'Europe aux souverains du XVI è siècle endettés aussi bien que ceux d'aujourd'hui , ces illustres hôtes de Charles Quint, commanditèrent les fourneaux de Paracelse.
Au commencement du XVI è siècle, Ruggieri le Vieux fut le chef de cette université secrète, d'où sortirent les Nostradamus et les Agrippa, qui tour à tour furent médecins des Valois, enfin tous les astronomes, les astrologues, les alchimistes qui entourèrent à cette époque les princes de la chrétienté, et qui furent plus particulièrement accueillis et protégés en France par Catherine de Médicis. Dans le thème de nativité que dressèrent Bazile et Ruggieri le Vieux, les principaux événements de la vie de Catherine furent prédits avec une exactitude désespérante pour ceux qui nient les sciences occultes. Cet horoscope annonçait les malheurs qui, pendant le siège de Florence, signalèrent le commencement de sa vie, son mariage avec un fils de France; l'avènement inespéré de ce fils au trône, la naissance de ses enfants et leur nombre. Trois de ses fils devaient être rois chacun à leur tour, deux filles devaient être reines ; tous devaient mourir sans postérité.
Ce thème se réalisa si bien, que beaucoup d'historiens l'ont cru fait après coup. Mais chacun sait que Nostradamus produisit, au château de Chaumont, où Catherine se trouvait lors de la conspiration de la Renaudie, un homme qui possédait le don de lire dans l'avenir. Or, sous le règne de François II, quand la reine voyait ses quatre fils en bas âge et bien portants, avant le mariage d'Elisabeth de Valois arec Philippe II, roi d'Espagne, avant celui de Marguerite de Valois avec Henri de Bourbon, roi de Navarre, Nostradamus et son ami confirmèrent toutes les circonstances du fameux thème. Cet homme, doué sans doute de seconde vue, et qui appartenait à la grande école des infatigables chercheurs du grand œuvre, mais dont la vie secrète a échappé à l'histoire, affirma que le dernier enfant couronné mourrait assassiné. « Après avoir placé la reine devant un miroir magique où se réfléchissait un rouet sur une des pointes duquel se dessina la figure de chaque enfant, l'astrologue imprimait un mouvement au rouet, et la reine comptait le nombre de tours qu'il faisait; chaque tour était pour un enfant une année de règne. Henri IV mis sur le rouet fit vingt deux tours. L'astrologue dit à la reine effrayée que Henri de Bourbon serait en effet roi de France et régnerait tout ce temps; la reine Catherine lui voua une haine mortelle en apprenant qu'il succéderait au dernier des Valois assassiné.
Curieuse de connaître son genre de mort. Il lui fut dit de se défier de Saint-Germain. Dès ce jour, pensant qu'elle serait renfermée ou violentée au château de Saint-Germain, elle n'y mit jamais le pied, quoique ce château fût infiniment plus convenable à ses desseins, par sa proximité de Paris, que tous ceux où elle alla se réfugier avec le roi durant les troubles. Quand elle tomba malade, quelques jours après l'assassinat au duc de Guise aux États de Blois, elle demanda le nom du prélat qui vint l'assister; on lui dit qu'il se nommait Saint-Germain ; Je suis morte! s'écria-t-elle. Elle mourut le lendemain, ayant d'ailleurs accompli le nombre d'années que lui accordaient tous ses horoscopes.
Cette scène, connue du cardinal de Lorraine, qui la traita de sorcellerie, se réalisait aujourd'hui. François II n'avait régné que ses tours de rouet; Charles IX accomplissait en ce moment son dernier. Si Catherine a dit ces singulières paroles à son fils Henri partant pour la Pologne : — Vous reviendrez bientôt ! il faut les attribuer à sa foi dans les sciences occultes et non à son dessein d'empoisonner le roi. Marguerite de France était reine de Navarre, Elisabeth, reine d'Espagne, le duc d'Anjou était roi de Pologne.
Beaucoup d'autres circonstances corroborèrent la foi de Catherine dans les sciences occultes. La veille du tournoi où Henri II fut blessé à mort, Catherine vit le coup fatal en songe. Son conseil d'astrologie judiciaire, composé de Nostradamus et des deux Ruggieri, lui avait prédit la mort du roi. L'histoire a enregistré les instances que fit Catherine pour engager Henri II à ne pas descendre en lice. Le pronostic et le songe engendré par le pronostic se réalisèrent.
Les mémoires du temps rapportent un autre fait non moins étrange. Le courrier qui annonçait la victoire de Moncontour arriva la nuit, après être venu si rapidement qu'il avait crevé trois chevaux. On éveilla la reine-mère qui dit : Je le savais ! En effet, la veille, dit Brantôme, elle avait raconté le triomphe de son fils et quelques circonstances de la bataille. L'astrologue de la maison de Bourbon déclara que le cadet de tant de princes issus de saint Louis, que le fils d'Antoine de Bourbon serait roi de France. Cette prédiction rapportée par Sully fut accomplie dans les termes mêmes de l'horoscope, ce qui fit dire à Henri IV qu'à force de mensonges, ces gens rencontraient le vrai. Quoi qu'il en soit, si la plupart des têtes fortes de ce temps croyaient à la vaste science appelée magisme par les maîtres de l'astrologie judiciaire, et sorcellerie par le public, ils étaient autorisés par le succès des horoscopes.
Ce fut pour Cosme Ruggieri, son mathématicien, son astronome, son astrologue, son sorcier, si l'on veut, que Catherine fit élever la colonne adossée à la halle au blé, seul débris qui reste de l'hôtel de Soissons. Cosme Ruggieri possédait, comme les confesseurs, une mystérieuse influence dont il se contentait comme eux ; d'ailleurs, il nourrissait une ambitieuse pensée supérieure à l'ambition vulgaire. Cet homme, que les romanciers ou les dramaturges dépeignent comme un bateleur, possédait la riche abbaye de Saint-Mahé, en Basse-Bretagne, et avait refusé de hautes dignités ecclésiastiques ; l'or que les passions superstitieuses de celte époque lui apportaient abondamment suffisait a sa secrète entreprise, et la main de la reine, étendue sur sa tête, en préservait le moindre cheveu de tout mal (1).
(1)M. de Balzac, le secret des Ruggieri. »Notes et références
- Cette francisation en Cosme de Rogier (ou abbé de Roger, ou Rugier, suivant les auteurs) aurait pu être opérée à partir de 1585 pour tâcher de moins heurter les sensibilités en Bretagne. En effet, l'attribution d'un siège breton (commende de l'abbaye de Saint Mathieu) à un italien y était très mal perçue. D'ailleurs, le roi essuyait régulièrement les remontrances des Etats auxquels il répondait qu'ils n'avaient pas lieu de se plaindre parce que les bretons recevaient des monastères et évêchés en France.
- Côme Ruggieri pourrait avoir un frère ainé prénommé Laurent par Balzac dans la confidence des Ruggieri ou Tommaso, plus rarement cité dans d'autres publications. L'existence même de ce frère n'est pas prouvée
- Cette date est surtout donnée par le témoignage du diplomate toscan Vincenzo Alamanni. Pierre Béhar (Les langues occultes..., pp.71-72 et note 24, page 276) reprend cette version. Cependant, Eugène Defrance estime que Ruggieri « était certainement à la Cour de France bien avant cette date » (Catherine de Médicis, ses astrologues..., page 193). Michaud dans sa Biographie universelle écrit p.156 «Ruggieri vint en France à la suite de Catherine de Médicis» (arrivée en 1533 pour son mariage avec le futur Henri II). Ruggieri est également réputé avoir séjourné au château de Chaumont-sur-Loire, dont une chambre porte son nom, avant 1559, date à laquelle cette propriété fut cédée par Catherine de Médicis.
- « XVII. Dépêche de Vincenzo Alamanni à François de Médicis. Paris, 22-26 avril 1574 », Négociations diplomatiques de la France avec la Toscane. Documents recueillis par Giuseppe Canestri et publiés par Abel Desjardins, doyen de la Faculté des Lettres de Douai, tome III, Collection de documents inédits sur l'histoire de France publiés par les soins du Ministre de l'Instruction publique, Première série, Histoire politique, Paris, Imprimerie impériale, 1865, p. 918-923.
- Michel de Castelnau raconte ainsi dans Les Mémoires de messire Michel de Castelnau, Jean Le Laboureur, tome II, : «Catherine de Médicis le voulait voir pendre, et il ne voulut pas; et toute la satisfaction qu'elle eût, fut de le voir à la chaîne, où il n'eut aucune peine que du voyage de Marseille, il y fit des amis qui obligèrent le capitaine de la galère à le loger chez lui, et jamais sa maison ne fut si fréquentée pour sa considération que pour celle de cet illustre forçat, qui en fit une académie de mathématiques et d'astrologie judiciaire, et qui avait un garde, qui semblait plus lui être donné par honneur que pour l'observer, et pour empêcher qu'il n'échappa.». Il réapparut même, peu de temps après, à la cour. Ce fut également sous le règne d'Henri III que la commende de l'abbaye de Saint-Mathieu lui fut concédée. Si La Môle et Coconas payèrent de leurs vies cette affaire, Ruggieri eut un traitement très différent. Sa condamnation ne fut jamais appliquée et elle prit même une tournure surprenante que
- Jean Joseph François Poujoulat, Joseph Fr Michaud Mémoires pour servir à l'histoire de France - Mémoires de J-A de Thou - 1598 et Louis-Gabriel Michaud, Biographie universelle, ancienne et moderne.
- Hélène Ducci, Concini. Grandeur et misère du favori de Marie de Médicis, Albin Michel, 1991, p. 78.
- Mercure François, tome IV, 1615,Suite de l'histoire de notre temps sous le règne du très chrétien roi de France et de Navarre Louis XIII, Paris 1617 (p.55 et 56). Le père François Garasse dit Garassus (1585-1631) reprend l'épisode dans La doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps, ou prétendus tels : contenant plusieurs maximes pernicieuses à la religion, à l'Estat et aux bonnes mœurs, combattue et renversée, Paris, 1624 (Livre 2, Section 8, p.154-157). Dans cet ouvrage de controverse religieuse, Ruggieri est constamment qualifié d' « infâme athéiste » (Livre 8, Section 9, p.1004) mais l'accusation d'athéisme visant à diffamer des personnalités était fréquente dans les pamphlets du temps. Bien que rapportée dans un certain nombre d'ouvrages contemporains évoquant l'astrologue, l'anecdote de sa sortie incroyante - donc forcément diabolique dans l'intention polémique de La doctrine curieuse... - n'est peut-être pas authentique. Dans ce cas, les propos prêtés à Ruggieri ne permettraient pas de déduire sa supposée incroyance, son déisme, son épicurisme ou son « libertinage spirituel ». Sans trancher la question, Jacqueline Boucher émet prudemment l'hypothèse d'une opinion « naturaliste, influencé(e) par la pensée de Padoue, qui n'était pas totalement matérialiste, mais se situait très loin du christianisme » (Histoire et dictionnaire des guerres de religion, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1998, entrée Ruggieri, Cosimo, p. 1257-1258).
- Mercure François - Tome 04 : 1615-1617 / 1617 Proces Conchini / Conchini 14, p. 6, 7 et 8
- Catherine Madoni, « L'hôtel de la Reine » in Paris et Catherine de Médicis, Délégation à l'action artistique de la Ville de Paris, p.108-127.
- Emmanuel Jacquin, « Les Tuileries de Catherine de Médicis » in Paris et Catherine de Médicis, Délégation à l'action artistique de la Ville de Paris, p.87-105.
- [1] Les résidences royales de la Loire, Jules Loiseleur, E. Dentu éditeur, Paris, 1863. Chap. VIII.
- Vie des hommes illustres, Brantôme, Tome 3, p.234
- Histoire de Navarre, André Favyn
- Estienne, à la suite de celles de son père Lettres de Nicolas Pasquier, fils d'
- Sur Catherine de Médicis d'Honoré de Balzac ainsi que La Reine Margot où Alexandre Dumas étoffe le personnage du parfumeur René Bianchi en lui prêtant des dons divinatoires que la légende attribue traditionnellement à Ruggieri. Au XXe siècle, Michel Zévaco saura se souvenir de l'héritage dumassien dans son roman-feuilleton Les Pardaillan où Ruggieri se prénomme "René" et non "Côme". Les exemples les plus notoires demeurent
Publications
- Discours et pronostication très-ample sur la grande conjonction qui s'est faicte des deux plus hautes planettes, le vingt-quatriesme de décembre dernier 1603... avec très-amples prédictions...Avec l'almanach et calandrier, publié sous le pseudonyme de Jean Querberus, C. de Montr'oeil, Paris, 1604.
- Almanach et pronostication pour l'an de grâce bissextil, mil six cens quatre, composé par Jean Querberus (Cosme Ruggieri), C. de Montr'oeil, Paris, 1604.
Sources imprimées
- Mercure François,
- tome IV, 1615, p 46 et 47, Suite de l'histoire de notre temps sous le règne du très chrétien roi de France et de Navarre Louis XIII, Paris, 1617.
- Procès Conchini, tome 04 : 1615-1617 / 1617, Conchini 14 p.6, 7 et 8
- Père François Garasse dit Garassus (1585-1631), La doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps, ou prétendus tels : contenant plusieurs maximes pernicieuses à la religion, à l'Estat et aux bonnes mœurs, combattue et renversée, Paris, 1624.
- Négociations diplomatiques de la France avec la Toscane. Documents recueillis par Giuseppe Canestri et publiés par Abel Desjardins, doyen de la Faculté des Lettres de Douai, tome III, Collection de documents inédits sur l'histoire de France publiés par les soins du Ministre de l'Instruction publique, Première série, Histoire politique, Paris, Imprimerie impériale, 1865 (« XVII. Dépêche de Vincenzo Alamanni à François de Médicis. Paris, 22-26 avril 1574 », p.918-923 ; « XVIII. Dépêche de Vincenzo Alamanni à François de Médicis. Paris, 1er mai 1574 », p.923-925 ; « XX. Dépêche de Vincenzo Alamanni à François de Médicis. Paris, 24 mai 1574 », p.928-929).
- Lettres de Catherine de Médicis publiées par M. Hector de la Ferrière, membre non résidant du Comité des travaux historiques et des sociétés savantes, tome quatrième (1570-1574), Collection de documents inédits sur l'histoire de France publiés par les soins du Ministre de l'Instruction publique, Paris, Imprimerie nationale, MDCCCXCI (« Lettre de Lansac au procureur général La Guesle au sujet de Ruggieri, 26 avril 1574 », p.296, note ; « Lettre de Catherine de Médicis au procureur général La Guesle, 29 avril 1574 », p.297 ; Record office, State papers, France (Ruggieri mis à la Conciergerie), p.303-304, note).
- Dictionnaire historique et critique, Pierre Bayle, 5ème édition, 1740, entrée Ruggeri sur le site de l’ARTFL de Chicago.
- Mémoires pour servir à l'histoire de France - Mémoires de J-A de Thou - 1598 Jean Joseph François Poujoulat, Joseph Fr Michaud. Paris 1838.
Bibliographie
- Francis de Crue, Le Parti des Politiques au lendemain de la Saint-Barthélemy. La Molle et Coconat, Paris, Librairie Plon, 1892. 368 p. (p.174-175, 191-192, 197, 199, 214)
- Eugène Defrance, Catherine de Médicis, ses astrologues et ses magiciens envoûteurs. Documents inédits sur la diplomatie et les sciences occultes du XVIe siècle, Paris, Mercure de France, 1911. 314 p.
- Georges Imann-Gigandet, Ruggieri. Magicien de Catherine de Médicis, Paris, Éditions Fernand Sorlot, collection « Vies romanesques », 1941. 104 p. Biographie romancée.
- Pierre Béhar, Les langues occultes de la Renaissance, Paris, Éditions Desjonquères, collection « La mesure des choses », 1996. 352 p. (cf. chapitre III. « Le talisman de Catherine de Médicis : la magie appliquée », p. 63-89)
- Louis-Gabriel Michaud, Biographie universelle, ancienne et moderne, Louis Gabriel Michaud éditeur, Paris, 1847 (p. 156, 157, 158).
- Prosper Levot, L'abbaye de St Matthieu de Fine-Terre, F. Alégouet, 1884.
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