Cronos (dieu)

Cronos (dieu)

Cronos

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Statue de Cronos au cimetière de Staglieno

Dans la mythologie grecque, Cronos (en grec ancien Κρόνος / Krónos, fils d'Ouranos (le Ciel) et Gaïa (la Terre), est le roi des Titans et le père de Zeus. Il est souvent confondu avec son homophone Chronos (grec Χρόνος / Khrónos), divinité primordiale du temps dans les traditions orphiques. Il a été assimilé à Saturne dans la mythologie romaine.

Sommaire

Mythe

Succession d'Ouranos

Fils d'Ouranos (le Ciel) et Gaïa (la Terre), Cronos appartient à la première génération des dieux ; il est le plus jeune des Titans, les douze enfants divins possédant une apparence normale[1].

Homère et Hésiode[2] le nomment « le dieu aux pensers fourbes[3] » ou « à l'esprit retors[4] » (ἀγκυλομήτης / ankulomētēs, littéralement « recourbé »), terme qui s'applique peut-être originellement à sa faux[5]. Hésiode ajoute qu'il hait son père, lequel voue les mêmes sentiments à ses enfants, sans que l'on sache si cela s'applique seulement à ses enfants difformes — les Cyclopes et les Hécatonchires — ou à l'ensemble de sa progéniture[6]. Dès leur naissance, il les emprisonne dans le sein de leur mère. Furieuse, Gaïa fabrique une faucille en acier et demande à ses enfants de l'aider à se venger, mais seul Cronos répond à l'appel[7]. Placé en embuscade, il attaque Cronos alors que celui-ci vient se coucher avec Gaïa, et de sa faux, lui tranche les testicules, qu'il jette à la mer. Ouranos leur donne alors le nom de « Titans » parce que, précise Hésiode, ils ont tendu le bras trop haut et parce que l'avenir saura en tirer vengeance[8]. Ouranos et Gaïa avertissent également Cronos qu'il sera détrôné à son tour par son propre fils[9].

Hésiode n'indique pas que Cronos assume le pouvoir à la mort de son père, même s'il mentionne par ailleurs qu'il règne parmi les Immortels[10]. En revanche, des sources plus tardives indiquent qu'une fois libérés, les Titans accordent le trône à leur frère, dont la première mesure est de jeter dans les profondeurs du Tartare ses frères difformes, les Cyclopes et les Hécatonchires[11].

Succession de Cronos

Cronos dévorant l'un de ses enfants, par Rubens

Cronos épouse sa sœur Rhéa. N'oubliant pas la prophétie de ses parents, il dévore chacun de ses enfants au fur et à mesure qu'ils naissent : Hestia, Déméter et Héra, puis Hadès et Poséidon sont ainsi avalées par Cronos[12]. Lorsque arrive le sixième, Rhéa, sur le conseil de sa mère Gaïa, cache l'enfant en Crète et le remplace par une pierre que Cronos engloutit directement[13].

L'enfant ainsi épargné est Zeus. Il grandit loin de ses parents, et une fois parvenu à l'âge adulte, veut libérer ses frères et sœurs. Avec Gaïa, il s'arrange pour les faire recracher à son frère — Hésiode ne précise pas comment, mais des sources tardives précisent que c'est Métis, déesse de la ruse, qui offre à Cronos un émétique[14]. Celui-ci vomit alors tout ce qu'il avait ingurgité jusque là, y compris la pierre qui l'a abusé, que Zeus place ensuite à Delphes[15]. Une variante orphique veut que, sur suggestion de Nyx, Cronos ait été drogué avec du miel, attaché puis castré à son tour[16]. En tout état de cause, il finit jeté dans le Tartare, tandis que Zeus Déméter, Hestia, Héra, Poséidon et Hadès gagnent les cimes du mont Olympe.

Zeus libère les Hécatonchires et les Cyclopes du Tartare et, en récompense, reçoit de ces derniers le trait de foudre, qui lui sert à vaincre les Titans[17]. Dans une version plus ancienne du texte d'Hésiode, les Hécatonchires repoussent les Titans jusqu'aux tréfonds de la Terre, où ils les enchaînent. Cronos partage le sort des vaincus au Tartare[18]. Dans une autre œuvre d'Hésiode, les Travaux et les Jours, on apprend que Zeus accorde aux héros de vivre dans les îles des Bienheureux, aux confins de la Terre ; un vers interpolé ajoute qu'ils séjournent « loin des Immortels, et Cronos est leur roi[19] ». Un autre passage interpolé ajoute : « car le père des dieux et des hommes a dénoué ses liens, et aux héros fixés au bout du monde octroyé honneur et gloire[20] ».

Amours et postérité

Initialement limitée aux six premiers Olympiens, la postérité de Cronos devait s'étoffer chez les auteurs récents.

Ainsi, le poète crétois Épiménide, fait-il naître Aphrodite, les Moires et les Euménides de ses amours avec Evonymé, tandis qu'une tradition isolée lui attribue la paternité des Dactyles par la muse Calliope. Les Hymnes orphiques lui reconnaissent également celle du dieu phrygien Sabazios et divers scholiastes lui donnent encore pour fille la nymphe Plouto, amante de Zeus et mère de Tantale. Enfin, Eustathius lui reconnaît un septième enfant par Rhéa en la personne du dieu guerrier Enyalios, plus généralement considéré comme un fils d'Arès (voire comme un simple surnom de ce dernier).

Le Catalogue des Femmes attribué à Hésiode fait état de son adultère avec l'Océanide Philyra. Surpris par Rhéa, Cronos se métamorphosa aussitôt en cheval, aussi Philyra, le terme venu, donna-t-elle naissance sur le Mont des Tilleuls au Centaure Chiron (motif notamment repris par le pseudo-Apollodore, Apollonios de Rhodes, Ovide et Hygin). De Cronos et de Philyra naquirent encore Dolops (pseudo-Hygin, Fables, Préface) et le roi de Libye Aphros, ancêtre des peuples carthaginois et libyens (Suidas, Aphroi).

A cette liste viennent encore s'ajouter les enfants attribués à Cronos par les traditions à caractère évhémériste. Ainsi, Philon de Byblos, dans son Histoire des Ouranides, prétend qu'ayant épousé Rhéa, Cronos aurait simultanément pris pour maîtresses deux de ses sœurs de cette dernière, Dioné et Aphrodite ou Astarté, puis engendré avec cette dernière Pothos, l'un des dieux de l'Amour.

Dans la tradition orphique

La tradition orphique présente un personnage assez différent de celui de la tradition hésiodique, assimilé à la divinité du temps Chronos. Dans la version la plus ancienne, Cronos fait partie, avec Ouranos, Zeus et sans doute Dionysos, des quatre divinités primordiales issues de Nyx, la nuit. Dans le Timée de Platon, Cronos y est le fils de d'Océan et de Téthys, eux-mêmes enfants d'Ouranos et Gaïa[21]. Dans les Rhapsodies orphiques, plus récentes, Phanès ou Métis émerge le premier et règne sur le monde ; Nyx lui succède, puis Ouranos, puis Cronos. Celui-ci a la souveraineté à la fois sur le ciel et la terre ; son règne correspond à l'Âge d'or.

Culte

Cronos occupe une place faible dans le culte. Des fêtes lui sont consacrées à Athènes, les Kronia, qui voient un renversement de l'ordre social. Les esclaves sont invités par leurs maîtres à un banquet et peuvent faire la fête à travers toute la cité. Dans les cités ioniennes, Cronos donne son nom à un mois, le Kronion, équivalent du Scirophorion attique.

Étymologie

Plusieurs étymologies ont été suggérées, notamment « l'Avaleur »[22], mais sans rencontrer de consensus[23]. Dès l'Antiquité, on rapproche son nom de l'homophone Chronos (grec Χρόνος / Khrónos, mais cette étymologie populaire ne repose sur aucune base linguistique[23].

Attributs

  • Ses attributs : La faux, le sablier.

Sources

Notes

  1. Hésiode, Théogonie [détail des éditions] [lire en ligne], 131-138.
  2. Par exemple Homère, Iliade [détail des éditions] [lire en ligne], II, 205 et Théogonie, 137.
  3. Traduction de la Théogonie par Paul Mazon.
  4. Traduction de l'Iliade par Eugène Lasserre.
  5. Cité par Pierre Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Klincksieck, Paris, 1999 (édition mise à jour) (ISBN 2-252-03277-4) à l'article ἀγκ-.
  6. Gantz, p. 10.
  7. Théogonie, 160-172.
  8. Par rapprochement entre Τιτᾶνες, « Titans » et τιταίνοντας « tirant », étymologie populaire sans fondement. Chantraine à l'article Τιτᾶνες.
  9. Théogonie, 163.
  10. Théogonie, 491.
  11. Apollodore, Bibliothèque [détail des éditions] [lire en ligne], I, 1, 4-5.
  12. Dans la version orphique, seuls les mâles sont avalés, frag. 58 Kern.
  13. Théogonie, 463-491.
  14. Apollodore, Bibliothèque, I, 2, 1.
  15. Pausanias, Description de la Grèce [détail des éditions] [lire en ligne], X, 24, 6.
  16. Frag. 154 Kern.
  17. Théogonie, 687-712.
  18. Théogonie, 851.
  19. Théogonie, 169a. Extrait de la traduction de Paul Mazon.
  20. Théogonie, 169b-e. Extrait de la traduction de Paul Mazon.
  21. Platon, Timée, 40d-e.
  22. Cité par Lévêque et Séchan, p. 62, note 19.
  23. a  et b Chantraine à l'article Κρόνος.

Bibliographie

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  • Luc Brisson, « La figure du Kronos orphique chez Proclus », Revue de l'histoire des religions 4 (2002), L'orphisme et ses écritures. Nouvelles recherches, p. 435-458 [lire en ligne]
  • (en) Timothy Gantz, Early Greek Myth, Johns Hopkins University Press, 1993 [détail de l’édition], tome 1, p. 10-11 et 41-51.
  • Pierre Lévêque et Louis Séchan, Les Grandes divinités de la Grèce, Armand Colin, coll. « l'Ancien et le nouveau », Paris, 1990 (ISBN 2-200-37211-6)


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