Crise de 1929 en France

Crise de 1929 en France

Grande Dépression en France

Évolution du PIB de quelques pays entre 1929 et 1939

Cet article décrit la Grande Dépression en mettant l'accent sur ce qui se passe en France et décrit les conséquences de la dépression sur la France[Quand ?].

La France est une des principales victimes de la crise économique née en 1929 aux États-Unis. De 1929 à 1939 la production industrielle augmente de 20% en Angleterre, de 16% en Allemagne, de 10% dans lensemble du monde et diminue de 1% en Italie, de 11% aux États-Unis et de 24% en France[1].

Jouant un rôle international de premier plan en 1928, la France ne dispose plus en 1939 que déquipements vieillis. Sa population pour la première fois baisse, les décès lemportant sur les naissances en 1936 (41.183.000 contre 41.228 en 1931). Son patrimoine immobilier sétiole. Alfred Sauvy explique : « De 1929 à 1938 la production par habitant baisse de 10% soit autant que de 1910 à 1920 période ravagée par une guerre destructrice »[2]. Le recul économique a précédé leffondrement militaire de la Bataille de France en 1940.

Sommaire

La situation avant la crise

Situation générale

La France en 1929, à laube dune des pires crises économiques de lépoque moderne, est au sommet de sa puissance. Elle a vaincu lAllemagne et dirige les forces alliées comme première puissance militaire mondiale[réfnécessaire]. Elle dispose dun grand empire colonial. Partout les élites parlent le français, langue de la diplomatie et de la culture internationale. La vie intellectuelle et littéraire en France donne sa tendance au monde entier. Ses entrepreneurs et ses savants sont en bataille sur tous les fronts de la nouveauté : automobile ; aviation ; TSF ; téléphonie ; publicité ; cinéma ... Sa vie politique depuis les troubles de 1924 est largement apaisée même si un bouillonnement assez radical traverse diverses parties du spectre intellectuel et politique, aussi bien à gauche quà droite.

Ses faiblesses sont réelles mais largement masquées. Léconomie est encore largement agricole et le secteur ne voit pas sa productivité augmenter. Lindustrie sépanouit derrière de fortes protections douanières. Lempire colonial coûte cher et commence à réclamer plus dautonomie. Surtout, sa démographie, déjà ruinée par une pratique malthusienne généralisée au XIXe siècle, a été tragiquement frappée par la guerre de 1914. Des générations de femmes ne trouvent pas de maris et travaillent. Limmigration, 2 millions dimmigrants de 1921 à 1931, permet de compenser certains manques. Mais la pyramide des âges commence à prendre les formes arrondies dun pays dont la population vieillit.

Situation économique

Les années 1920 ont été marquées par les querelles sur les dettes interalliées et les dommages de guerres réclamés à lAllemagne. Le plan Dawes, amendé par le plan Young, a théoriquement mis fin à lirritante question des réparations. La France, qui a été le lieu du champ de bataille et a connu dimmenses destructions, sest largement relevée. Surtout, la dévaluation Poincaré de 1928 a donné à léconomie un avantage de prix qui lui permet une excellente conjoncture. La production est à lindice 127 pour une base 100 en 1913. Le rythme de la croissance annuelle a été de 5% entre 1924 et 1929, ce qui est supérieur aux résultats du Royaume-Uni et des États-Unis. On compte moins de 1000 chômeurs en France en 1929.

Le Franc-or est rétabli, même si les accords de Gênes de 1922 ont créé un système de Gold Exchange Standard les rôles principaux sont tenus par la livre, maîtresse du commerce international depuis le XIXe siècle, et le dollar des États-Unis qui commence à la supplanter.

Un observateur objectif verrait la France en début dannée 1929 comme un leader mondial, certes affaiblie par les pertes de la guerre et concurrencée par la montée de nouvelles puissances économiques comme les États-Unis, mais en plein rétablissement et prête à continuer à jouer les premiers rôles. Et ce dautant plus que le Royaume-Uni doit faire face aux difficultés dune déflation provoquée par le rétablissement à un niveau trop élevé de la livre par Winston Churchill, que lAllemagne connaît des troubles politiques graves et que la révolution Russe a ruiné une bonne partie de lEurope à lest. En extrême orient la Chine est dépecée. Le Japon est actif et belliqueux mais reste marginal dans le concert des nations. Le Moyen Orient voit la Turquie se créer dans la violence mais partout ailleurs les puissances coloniales tiennent le terrain. René Rémond écrit dans Notre siècle 1918-1988, au chapitre « 1930 : un apogée ? » : « Le prestige de la France parmi les nations est à son zénith ». La France est sûre delle-même et de ses valeurs : la terre « qui ne ment pas » ; lépargne ; le travail ; le patriotisme. « Les manuels dhistoire de 1930 présentent la IIIème République comme son achèvement et son point dorgue » (op. cit., p.135).

Du Vendredi noir à la dévaluation de la Livre

Les Français accueillent la crise boursière qui frappe les États-Unis, coutumière de laventurisme en matière monétaire et financière, avec la plus grande hauteur. Et il est vrai que rien ne vient ralentir lexpansion française jusquà un évènement crucial qui va tout faire basculer : la dévaluation anglaise.

À la fin de lété 1931, la crise « anglo saxonne » parait terminée et devoir suivre le scénario de 1921 : une reprise nest pas encore perceptible mais partout les indices dune stabilisation saffichent : les prix de détail ne baissent plus aux États-Unis et les cours des matières premières ont cessé leur chute libre. Après une nuit dramatique du 19 au 20 septembre 1931, la Livre est décrochée de lor avec les trois conséquences gravissimes relevées par Alfred Sauvy (Histoire économique de la France entre les deux guerres Fayard1967: « Les conséquences de cette dévaluation ont une immense portée :

  • Avec la répudiation des dettes interalliées et des réparations
  • Elle enfonce léconomie mondiale dans une crise sans précédent d sortira la seconde guerre
  • Elle place en porte à faux la France dont les dirigeants et lopinion sont loin de comprendre la marche des évènements.

Tout se passe comme si la livre était restée la même et que les autres monnaies aient entrepris la folle gageure de se revaloriser dun quart ou dun tiers ».

Le Royaume-Uni est toujours le pivot de toute léconomie mondiale et Londres la place financière qui gouverne toute la finance internationale. À lautomne 1931 la production industrielle a baissé de 17%, les prix de gros de 28%, les prix de détail de 8.5%, la bourse de 51% (moins 60% si on prend le plus haut). « En France comme dans le monde 1931 est vraiment lannée noire ». Le chômage est avec 190 000 demandeurs demploi. Le gouvernement du moment réagit par un plan de dépenses alimenté par des « crédits spéciaux » : la loi du 28 décembre 1931 prévoit 3.476 millions de dépenses nouvelles financées par la même somme en obligations du trésor.

Seule bonne nouvelle, le coût de la vie a baissé de 10% et le niveau de vie nest pas affecté. Lor rentre (fuyant Londres). La France reste en bonne position par rapport au reste du monde. Fin 1931, la baisse de la production industrielle sur la moyenne de 1929 est de :

  • 42% en Allemagne
  • 37% aux Etats-Unis
  • 33% en Belgique
  • 27% en Italie
  • 23% en France.

En revanche la dévaluation permet à lAngleterre de repartir dun bon pied. La production industrielle est en hausse de 10% et le chômage baisse de 300 000 unités.

La perspective des élections générales de 1932 congèle la vie politique en France et le budget de 1932 est largement déficitaire, ce qui nest pas admissible pour lopinion publique de lépoque. Le 6 février 1932, le gouvernement Laval tombe, premier acte dune accélération de linstabilité gouvernementale qui va marquer toute la période jusquà la guerre de 1940. Les élections envoient à la chambre une majorité pour lancien « cartel des gauches » qui est même plus forte que celle de 1924. Le nouveau gouvernement ne prend aucune mesure significative. Mais lactivité se redresse au milieu de 1932 sans que personne ne sen aperçoive vraiment. Il aura fallu un an pour digérer les conséquences de la dévaluation de la livre. En juin 1933, la production industrielle est à 91 contre 77 en juin 1932. La production dacier est passée pendant la même période de 466 000 tonnes à 586 000. Lindice du chômage qui avait culminé à 132 en août 1932 revient à 124.

La dévaluation du dollar et la rechute dans la dépression

Le détachement du dollar vis-à-vis de lor a lieu le 19 avril 1933. Le cours du dollar en francs tombe de 25.50 à cette date à 18.25 en juillet. La dévaluation a un effet bénéfique pour les États-Unis dont la production industrielle passe de lindice 54 en mars à 91 en juillet.

Mais pour la France et ses partenaires du « bloc- or », le coup est très dur. Leurs prix sont désormais 25 à 30% plus haut sur le marché mondial. Le retournement de conjoncture est général dès lété 1933 et les déficits publics commencent à nouveau à enfler en même temps que tous les indices fléchissent. Les gouvernements chutent les uns après les autres et on fait appel à un revenant « lermite de Tournefeuille », Gaston Doumergue, chargé de remettre de lordre dans la république en danger à un moment la rue commence à bouger à la suite de l'affaire Stavisky. Il engage le pays dans une forme de déflation par une suite de décrets lois (4 avril et 14 avril 34) et une réforme fiscale en mai. Ils prévoient une réduction des effectifs de fonctionnaires et la baisse des salaires nets par linstauration dun prélèvement de 5%. Les pensions des anciens combattants sont diminuées.

Paul Reynaud se singularise en opposant déflation et dévaluation. Notant que toute laffaire est liée au différentiel des prix entre la France et les marchés internationaux, il propose une dévaluation adaptée pour rétablir les équilibres sans passer par les souffrances de la déflation. En attendant, tous les indices sont à la baisse. Le 8 novembre 1934 le gouvernement Doumergue tombe et le nouveau gouvernement Flandin est opposé pour des raisons idéologiques à toute dévaluation. Ce nest pas le cas ailleurs. Le gouvernement belge se résout à dévaluer de 28% le 2 avril 1935. Une fois encore lopération et favorable au pays qui dévalue et défavorable aux autres.

La France se trouve dans une situation de plus en plus intenable. Le 31 mai le cabinet Flandin est mis en minorité.

La grande déflation après les décrets-lois Laval et la reprise paradoxale de 1935 et 1936

La frénésie de décrets-lois

Le gouvernement Laval (le quatrième, qui sinstalle en juin 1935) est contraint de légiférer par décrets-lois, droit quil obtient dès son investiture. Lobjectif est clair : résister par tout moyen à une dévaluation et sortir de « la crise de spéculation » par une déflation effective, rigoureuse et annoncée. « Les pouvoirs exceptionnels que le gouvernement a obtenus vont lui permettre de mettre fin définitivement à une crise qui na que trop durée, sil réussit à mettre en œuvre une véritable politique de déflation » indique Jean Tannery, le gouverneur de la Banque de France[3].

29 décrets lois sont promulgués le 16 juillet 1935. Ils ont pour but de réduire les dépenses publiques drastiquement (-10%) en baissant autoritairement le coût de la dette, les salaires des fonctionnaires, les diverses subventions tout en augmentant massivement les impôts : la tranche haute est majorée de 50%. Simultanément les prix de nombreux produits et le prix services (loyers, énergie électrique) sont baissés de 10%. Le prix au Kg du pain passe de 1.65 F à 1.51 F en août. Les intérêts d'emprunts publics et privés pourront être convertis. Le plan nest pas sans courage ni sans cohérence et un économiste de gauche comme Alfred Sauvy admet quil avait une chance de réussir. Mais il note que la perspective des élections générales prévues dans neuf mois ne lui donne pas les chances politiques du succès.

Un second train de mesures (61 décrets) est pris par décret le 8 août. Elles étendent le dispositif et dans certain cas en atténue les effets. Le troisième train sort des cartons le 30 octobre (317) et contient des mesures tous azimuts portant aussi bien sur la formation des chômeurs, lorganisation de la recherche scientifique, la réforme des assurances sociales, la suppression des heures supplémentaires etc.

Les 400 décrets sont évidemment très mal accueillis par les intéressés qui voient la perte de revenu nominal et pas les baisses de prix et la hausse possible de leur pouvoir dachat. Ils se nomment « les amputés » en référence aux grands blessés de la guerre de 1914.

La reprise de 1935-1936

À lété 1935, tous les indicateurs passent au vert. La production industrielle dans les douze mois suivant hausse de 11.5% , la production dacier dépasse 600.000 tonnes, la première fois depuis 1931, la durée du travail saccroît en même temps que lemploi salarié. Les prix sont à la hausse, alors quon visait la baisse. Le mouvement a commencé avant même les décrets loi qui ne peuvent donc être à lorigine de ces résultats. La cause principale est dans le gonflement du bilan de la Banque de France qui passe de 7.051 millions en juillet 1935 à 17.333 en mai 1936. Alors que les décrets lois sont déflationnistes, la politique de la Banque centrale est inflationniste et crée de la liquidité à tout va. La contradiction entre les deux politiques nest pas réellement comprise. Elle porte en elle des pressions de plus en plus grandes sur la monnaie. Et surtout les améliorations ne sont pas perçues alors que les élections générales approchent.

Du front populaire à la dévaluation de septembre 1936

Les résultats des élections voient une certaine stabilité de la droite (qui gagne un siège) et surtout un effondrement du centre (les radicaux) au profit de lextrême gauche. Les radicaux et radicaux socialistes avec les socialistes divers perdent 109 sièges au profit de la SFIO (49 sièges et du PC (62 sièges). Avec 345 voix, la droite et les radicaux sont majoritaires sur les 614 sièges de la chambre des députés. Mais les radicaux rejoignent le gouvernement Léon Blum qui est constitué le 4 juin sans les communistes qui pratiqueront le soutien sans participation.

La déclaration d'investiture de Léon Blum aborde la question de la dévaluation : « Le pays na pas à attendre de nous ni à redouter de nous que nous couvrions un beau matin les murs des affiches blanches de la dévaluation ». Le 9 juin sont lancés les textes sur les conventions collectives, les deux semaines de congés payés et la remise en cause des décrets lois sur les salaires des fonctionnaires. En même temps, les accords de Matignon sont signés pour permettre un déblocage des usines. Ils prévoient notamment une hausse de salaire ne pouvant dépasser théoriquement 12%, mais qui sera plus importante. Thorez, le leader communiste, ayant déclaré « quil faut savoir terminer une grève », lactivité repart. La pression des évènements, de la CGT et du parti communiste conduit cependant le gouvernement à prendre une mesure qui ne figurait pas dans le programme de gouvernement établi entre radicaux et socialistes (même si elle était dans le programme propre du Parti Socialiste: les quarante heures hebdomadaires. Des mesures structurelles sont prises en grand nombre (réforme de la Banque de France les quarante mille propriétaires remplacent les « 200 familles » à lassemblée générale ; office du blé ; nationalisation des industries de guerre ; scolarité obligatoire jusquà 14 ans).

Les effets immédiats sont décourageants : la productivité baisse en même temps que lactivité (lindice de la production industrielle passe de 87 en mai à 81 en septembre). Le chômage sétend. Alors quen mai 1936 on comptait 1100 chômeurs de moins quen mai 35, il y a 34 000 chômeurs de plus en septembre 36. Les prix à la consommation senvolent sur un rythme annuel de 17.5% , deux fois plus vite que les prix de gros. La loi du 19 août instaure un contrôle des prix. Les actions sont en valeur au tiers de leur valeur nominale de 1929. Les émissions de valeurs nouvelles sont très faibles. Lencaisse or de la banque centrale passe de 62.828 en avril 1936 à 52 630 millions en août. Les billets sont échangés en or et lor part à létranger. Le 26 septembre le Franc Poincaré a vécu : la dévaluation est annoncée, comprise entre 25 et 35%. Le bloc or suit. Le franc suisse est dévalué de 30% ; la Hollande dévalue de 22%.

Lasphyxie de la reprise par la réduction du temps de travail

Comme partout, la dévaluation provoque une reprise rapide. La production industrielle remonte à 91 en décembre (+12% en trois mois). Le trafic dans les ports passe de 130 à 139. Le chômage passe de 756 000 à 588 000 : lennui cest que ces chiffres, fruit dun calcul rétrospectif, ne sont pas connus des contemporains. Le cours des rentes se redresse passant de 68,70 à 75 entre septembre et décembre. Les prix sont en forte hausse. Lindice des prix à la consommation base 100 en mai 36 passe à 117,8. Selon Alfred Sauvy (opus cité: « de brillantes perspectives souvrent pour lindustrie française maintenant qua sauté la chaîne dor qui lamarrait ».

À partir de la fin de lannée 1936 est appliquée la loi sur les quarante heures. Elle est générale trois mois plus tard. La « semaine des deux dimanches » sinstalle. Elle est appliquée avec rigueur sans aucune dérogation. Leffet est immédiat. La production qui culmine à 94 en mars recule à 89 en juin. Tous les indices sont à la baisse. Le déficit commercial a doublé par rapport à juin 1935. La hausse des prix est très forte (sur un an on aboutit à 48% sur les prix de gros et 26% pour les prix de détail). Lavantage de la dévaluation commence à se perdre. Les menaces sur le Franc reviennent. Léon Blum dans son discours à la chambre du 23 mars 1937 évoque : « la balance des changes brusquement retournée, la confiance évanouie, largent rare, les menaces de grèves ». En juin les difficultés saccumulent. Léon Blum demande les pleins pouvoirs et ne les obtient pas. La gouvernement démissionne.

La montée vers la guerre

De Chautemps à Blum 2

La dévaluation qui suit le départ de Léon Blum redonne momentanément des couleurs à lactivité qui en décembre 1937 est revenue à 91.7 contre 89 en juin. La France nest pas encore touchée par le retournement de la conjoncture mondiale : lindice de la production industrielle aux États-Unis passe de 103 en juin 1937 à 76 en décembre, une chute équivalente à celle de 29-30. La SNCF est nationalisée en août 1937. 1938 commence très mal et poursuit en les aggravant les tendances récessives de léconomie. La production industrielle passe à lindice 83. Le trafic ferroviaire baisse. Le chômage grimpe en particulier le chômage partiel qui explose (en mai 35% des travailleurs sont au chômage partiel). Le programme dun second gouvernement Blum est repoussé en mars 1938. Le Front populaire a vécu. Les quarante heures ont tué la reprise permise par la dévaluation et étouffé léconomie.

Daladier

Le 10 avril 1938, Édouard Daladier forme son gouvernement et dévalue aussitôt et une nouvelle fois la monnaie le 4 mai. Lidée est de relever la production. LAllemagne de Hitler est désormais une menace immédiate. On détend malheureusement trop peu la contrainte sur le temps de travail tout en lançant par décrets-lois de très nombreuses réformes orientées vers laccroissement de la production. La dépense budgétaire est portée à 23.7% du PIB. Les bons de la défense nationale refont leur apparition. Larrivée de Paul Reynaud aux finances donne une accélération à des réformes desprit libéral qui desserrent le carcan du contrôle des prix et des quarante heures. Les décrets lois quil prépare sont mal accueillis au sein même du cabinet mais son promulgués par Daladier en novembre. Ils provoquent une tentative de grève générale qui est brisée par la réquisition.

La reprise de 1938-1939

Le plan Reynaud fonctionne. La reprise de lactivité est forte et générale. La durée de travail passe de 39,2 heures en octobre 1938 à 41,9 en juillet 1939. La reprise passe largement inaperçue. Elle est de toute façon trop faible pour permettre de faire face aux défis du moment. La guerre éclate. Une page économique marquée par une régression de 10 ans se ferme sur des perspectives qui savéreront sinistres.

Les orientations politiques et économiques de l'après-guerre

À la Libération, l'urgence de la reconstruction du pays dans l'immédiat après-guerre impose à la France des orientations primordiales en matière économique et sociale mais certaines des mesures qu'elle prend alors sont directement issues des leçons tirées de la crise économique de dix ans qu'elle a traversée avant la guerre.

Correction du manque dinformation et de formation économique

Dès avant la fin de la période, des voix sélèvent un peu partout pour constater le manque dinformation économique. La plupart des évolutions ne sont pas constatées clairement. Elles sont encore moins comprises. Ce mouvement mène à la Libération à la refonte de lensemble du système statistique national avec la création de lINSEE. Constatant que le personnel politique est économiquement inculte et fonctionne sur des a priori doctrinaux et que lobservation des faits et le commentaire sur les faits sont quasiment inexistants, les études de formation à la fonction publique sont revues, notamment à lInstitut dEtudes Politiques pour fournir une formation économique plus poussées au futur cadre administratif et politique de la nation. À cette occasion, priorité est donnée aux thèses keynésiennes.

La crise vaudra à la France son seul "Nobel" de l'économie, Maurice Allais, qui explique lors de son allocution le 19 octobre 1993, quand il reçoit l'épée d'académicien, sa passion, ses centres d'intérêts en économie en ces termes : « Ma passion pour l'économie, je la dois aux circonstances, aux questions posées par la Grande Dépression dans le monde et par les troubles sociaux de 1936 en France".

Correction de linstabilité parlementaire

29 gouvernements se succéderont en dix ans, avec une durée moyenne de 5 mois entre 29 et loccupation :

  • Gouvernement Aristide Briand (1) du 29 juillet 1929 au 22 octobre 1929
  • Gouvernement André Tardieu (1) du 3 novembre 1929 au 17 février 1930
  • Gouvernement Camille Chautemps (1) du 21 février 1930 au 25 février 1930
  • Gouvernement André Tardieu (2) du 2 mars 1930 au 4 décembre 1930
  • Gouvernement Théodore Steeg du 13 décembre 1930 au 22 janvier 1931
  • Gouvernement Pierre Laval (1) du 27 janvier 1931 au 13 juin 1931
  • Gouvernement Pierre Laval (2) du 13 juin 1931 au 12 janvier 1932.
  • Gouvernement Pierre Laval (3) du 14 janvier 1932 au 6 février 1932.
  • Gouvernement André Tardieu (3) du 20 février 1932 au 10 mai 1932.
  • Gouvernement Édouard Herriot (3) du 3 juin 1932 au 14 décembre 1932
  • Gouvernement Joseph Paul-Boncour du 18 décembre 1932 au 28 janvier 1933
  • Gouvernement Édouard Daladier (1) du 31 janvier 1933 au 24 octobre 1933
  • Gouvernement Albert Sarraut (1) du 26 octobre 1933 au 24 novembre 1933
  • Gouvernement Camille Chautemps (2) du 26 novembre 1933 au 27 janvier 1934
  • Gouvernement Édouard Daladier (2) du 30 janvier 1934 au 7 février 1934
  • Gouvernement Gaston Doumergue (2) du 9 février 1934 au 8 novembre 1934
  • Gouvernement Pierre-Étienne Flandin (1) du 8 novembre 1934 au 31 mai 1935
  • Gouvernement Fernand Bouisson du 1er juin 1935 au 4 juin 1935
  • Gouvernement Pierre Laval (4) du 7 juin 1935 au 22 janvier 1936
  • Gouvernement Albert Sarraut (2) du 24 janvier 1936 au 4 juin 1936.
  • Gouvernement Léon Blum (1) du 4 juin 1936 au 21 juin 1937
  • Gouvernement Camille Chautemps (3) du 29 juin 1937 au 14 janvier 1938
  • Gouvernement Camille Chautemps (4) du 18 janvier 1938 au 10 mars 1938
  • Gouvernement Léon Blum (2) du 13 mars 1938 au 8 avril 1938
  • Gouvernement Édouard Daladier (3) du 12 avril 1938 au 11 mai 1939
  • Gouvernement Édouard Daladier (4) du 11 mai 1939 au 14 septembre 1939
  • Gouvernement Édouard Daladier (5) du 14 septembre 1939 au 20 mars 1940
  • Gouvernement Paul Reynaud du 22 mars 1940 au 16 juin 1940
  • Gouvernement Philippe Pétain du 16 juin 1940 au 11 juillet 1940

Même si la volatilité des chefs a été partiellement compensée par une certaine stabilité aux postes clefs, la réflexion sur la nécessité dun changement des règles de fonctionnement du régime parlementaire finit par simposer en 1958.

Marginalisation de la banque centrale

La crédibilité de la Banque de France sort au plus bas de la période. Des réorganisations profondes auront lieu à la Libération et le Trésor prendra désormais la main sur tout le secteur bancaire et financier. Il faudra de longues années avant que la réputation de la Banque centrale ne soit restaurée, à partir de la présidence de M. Baumgartner.

Craintes des dévaluations compétitives

Les dévaluations font un temps du bien aux uns mais en déstabilisant les autres. Au total tout le monde est perdant. La leçon sera retenue à Bretton Woods les changes seront définis comme fixes avec des variations concertées.

Promotion de la « technostructure »

Dans la foulée de mouvements comme « X-crise », la haute fonction publique, effarée par lincurie parlementaire davant guerre entend prendre une place plus grande dans la politique elle-même. Le mouvement prendra son essor avec la promotion politique dInspecteurs des Finances comme Félix Gaillard et Bourgès Maunoury sous la Quatrième République et trouvera son débouché sous la Cinquième République avec la promotion politique de générations dénarques qui sempareront progressivement de tous les leviers de commandes.

Interventionnisme économique systématique

La passivité gouvernementale de lavant guerre et les résultats épouvantables de la période, même sils nont pas nécessairement été bien compris, justifieront après guerre une montée systématique de la dépense publique et de linterventionnisme gouvernemental dans tous les recoins de la vie économique. Les dépenses publiques passeront de 20% du PIB en 1924 à 56% en 2007.

La prise de conscience des nécessités de la démographie

Il ne sera plus possible d'oublier la démographie. La France mettra en place une politique nataliste qui portera ses fruits durablement après guerre. Son axe principal est la loi 46-1835 du 22 août 1946 lançant les allocations familiales. La loi portera rapidement ses fruits la natalité pour 1000 habitants passant de 14 pour 1000 en 1938 à 18 pour mille en 1956 [4].

Une optique productiviste

En réaction à la situation d'avant-guerre, l'après-guerre sera entièrement orientée vers la production. Le langage volontariste et productiviste sera dominant pendant longtemps, symbolisé par la "mystique du Plan" [5] ou son "ardente obligation" (Général de Gaulle). Préparé en 45 et appliqué en 46 le Plan Monnet crée un Conseil du plan et un Commissaire Général au Plan (voir commissariat général du plan). Les objectifs sont sans ambiguïtés : accroître la production ; améliorer les rendements. Il sera suivi pour des périodes successives de quatre ans par le Plan Hirsch (54-57), le troisième plan (58-61), le quatrième plan (62.65) et le cinquième plan (66-70). Le revenu disponible par habitant évalué en dollars 1938 était de 216 en France en 1938 et de 437 en 1956, soit un doublement. Par comparaison les mêmes chiffres pour le Royaume-Uni indiquaient un recul de 465 en 38 à 422 en 56. Pour les États-Unis on passe pour la même période de 521 à 955. Le changement de mentalité en France a donc conduit à un rattrapage par rapport aux États-Unis et le dépassement du Royaume-Uni[6].

Notes et références

  1. Alfred Sauvy, Histoire économique de la France entre les deux guerres, édition ?, page ?
  2. Alfred Sauvy, op. cit., édition ?, page ?
  3. Exposé du 16 juin à Bâle à la Banque des règlements internationaux
  4. Documents Economiques - THEMIS - PUF 1958
  5. LA MYSTIQUE DU PLAN une oeuvre de BAUCHARD PHILIPPE paru en 1963 aux éditions ARTHAUD
  6. J F Jeanneney -pour Documents économiques - Thémis - Puf

Voir aussi

Bibliographie

  • Alfred Sauvy, « Histoire économique de la France entre les deux guerres» 3 tomesFayard - 1967
  • Serge Berstein, Pierre Milza, Histoire de la France au XXe siècle siècle, tome II 19301945, chapitre I « La crise économique et sociale en France (19301935) » (ISBN 2870279957)
  • Barry Eichengreen, The Origins and Nature of the Great Slump Revisited, The Economic History Review p. 213-239, mai 1992.
  • René Rémond n « Notre siècle 1918-1988».
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  • Crise des années 1930 — Grande Dépression  Pour la crise économique de 1873 à 1896, voir Grande Dépression 1873 à 1896. Évolution du PIB de quelques pays entre 1929 et 1939 La Grande Dépression, dite aussi crise de 1929, est la période de l …   Wikipédia en Français

  • Crise mondiale de 1929 — Grande Dépression  Pour la crise économique de 1873 à 1896, voir Grande Dépression 1873 à 1896. Évolution du PIB de quelques pays entre 1929 et 1939 La Grande Dépression, dite aussi crise de 1929, est la période de l …   Wikipédia en Français

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