Crimes de guerre de l'Allemagne

Crimes de guerre de l'Allemagne

Crimes de guerre de la Wehrmacht

Massacre d'environ 300 prisonniers de guerre polonais par des soldats de la Wehrmacht à Ciepielów le 9 septembre 1939.

Les crimes de guerre de la Wehrmacht sont les crimes perpétrés par les forces armées allemandes traditionnelles au cours de la Seconde Guerre mondiale. Alors que les principaux responsables de l’Holocauste parmi les forces armées allemandes étaient les unités nazies politisées (les Waffen-SS et particulièrement les Einsatzgruppen), les forces armées traditionnelles de la Wehrmacht ont elles-mêmes commis des crimes de guerre, dès le début du conflit, et en particulier sur le front de l’Est dans la guerre contre l’Union soviétique. Le Tribunal de Nuremberg à la fin de la Seconde Guerre Mondiale a décidé que la Wehrmacht n’avait pas le caractère d’une organisation criminelle, mais qu’elle avait commis des crimes au cours de la guerre.

Sommaire

Crimes de guerre

Les crimes de guerre commis par la Wehrmacht incluent notamment:

Invasion de la Pologne

Des unités de la Wehrmacht ont tué plus de 16 000 civils polonais au cours de la campagne de septembre 1939 au moyen d’exécutions de masse, de bombardements de villes ouvertes ou des meurtres. Les crimes de guerre commencèrent littéralement le premier jour de l'invasion. Du 1er au 4 Septembre 1939, on recense au moins 18 massacres de 25 à 700 victimes[1].

Après la fin des hostilités, au cours de l’administration de la Pologne par la Wehrmacht, qui dura jusqu’au 25 octobre 1939, 531 villes et villages furent brûlés. La Wehrmacht se rendit également coupable de 714 exécutions de masse et d’autres crimes. Dans l’ensemble, on estime que 50 000 civils polonais, y compris 7 000 Juifs perdirent la vie.

Conquête de la Belgique (Campagne des 18 jours)

Entre le 25 et le 28 mai 1940, la Wehrmacht commit le Massacre de Vinkt. Des otages furent capturés afin d’être utilisés comme boucliers. Comme l’armée belge continuait de résister, des fermes furent fouillées (et pillées) pour prendre plus d’otages qui devaient être exécutés par la suite. En tout, 86 civils furent exécutés, mais le total des victimes s’élève probablement à 140. Les raisons de ce carnage ne sont pas claires.

Crimes de guerre en URSS

La Wehrmacht eut un rôle actif dans les crimes de guerre en Union Soviétique. La Wehrmacht émis, relaya et appliqua les instructions donnant l'impunité aux troupes pour toute action criminelle contre les prisonniers de guerre et les population civiles. Elle collabora avec les Einsatzgruppen pour l'extermination des populations juives ou la répression des partisans.

On notera par exemple les éléments suivants:

Ordre relatif aux commissaires politiques

L'ordre relatif aux commissaires politiques ordonnait aux troupes d'invasion de ne pas se soumettre aux lois internationales.

L'ordre désignait la guerre contre l'Union Soviétique comme « une guerre entre deux idéologies, pas entre deux États ». Il prévoyait la liquidation immédiate des commissaires politiques de l’Armée rouge et la liquidation ultérieure des soldats soviétiques identifiés comme « imprégnés ou représentants actifs de l'idéologie bolchevique ». Il prévoyait l'exécution des juifs capturés par les unités régulières.

Cet ordre soustrayait enlevait à la justice militaire la responsabilité de juger les infractions punissables commises par des civils ennemis en Union soviétique). Les suspects devaient être déférés à un officier qui déciderait s'ils devaient être ou non abattus. La même décret précisait qu'il n'était pas requis de poursuivre les infractions commises contre des civils par des membres de la Wehrmacht à moins que le maintien de la discipline ne le rende nécessaire. La troupe pouvait donc agir en toute impunité.

L’ordre fut rédigé par le commandement de la Wehrmacht à la demande d’Hitler et distribué aux commandants d’unités. En légitimant ces actions, Ostheer devenait partie intégrante des atrocités nazies à l'est.

Cet ordre fut transmis à tous les échelons du commandement sans refus notoire. Dans leurs mémoires d'après guerre, les généraux allemands tentèrent d'en minimiser l'impact. Erich von Manstein affirme ne pas l'avoir transmis à ses troupes. Guderian affirme ne l'avoir jamais reçu[2] mais les archives de ses unités ont montré que l'instruction a bel et bien été reçue et transmise [3].

L'ordre sur les commissaires fut aboli à l'été 1942, sans que cela change grand chose au comportement et à l'impunité des troupes sur le terrain.[4]

Traitement des prisonniers soviétiques

L'Allemagne avait ratifié en 1929 la troisième Convention de Genève relative au traitement des prisonnier de guerre. Bien que l’URSS et le Japon ne la signèrent pas, l’Allemagne s’obligeait à traiter tous les prisonniers de guerre conformément aux dispositions de la Convention même en l'absence de réciprocité. (Ni l’URSS ni le Japon ne traitèrent les prisonniers de guerre conformément à la convention de Genève. Staline lui-même ne se soucia guère de son propre fils, Yakov Djougachvili, déclinant une offre de l’échanger contre le Général Paulus.)

Alors que les camps de prisonniers créés par la Wehrmacht pour les hommes capturés sur le front de l'Ouest satisfaisaient généralement aux conditions humanitaires prescrites par les accords internationaux, les prisonniers originaires de Pologne et d’URSS étaient emprisonnés sous des conditions significativement plus mauvaises. En décembre 1941, plus de 2,4 millions de soldats de l’Armée Rouge avaient été faits prisonniers. Enfermés mais délibérement affamés et laissés sans soins médicaux contre les maladies ou le froid, on estime que plus de 2 millions d'entre eux moururent la première année de la guerre contre l'URSS.

L’échec des Allemands à atteindre la victoire espérée à l’Est leur fit reconsidérer le traitement des prisonniers: au début de 1942, les prisonniers de guerre des camps de l’Est – essentiellement des Russes – furent considérés comme une source de travail servile et gratuite destinée à permettre à l’industrie de guerre allemande de continuer à fonctionner.

Sur un total de 5,6 millions de soldats soviétiques faits prisonniers sur le front de l’Est, 3,6 millions moururent en captivité [4]

Insurrection de Varsovie en 1944

Près de 13 000 soldats et 250 000 civils furent tués par les forces allemandes au cours de l’insurrection de Varsovie du 1er août au 2 octobre 1944. Il fut fait usage de boucliers humains par les forces allemandes au cours de combats et au cours du massacre de Wola, 50 000 civils furent exécutés pour forcer les Polonais à se rendre.

Massacres de prisonniers de guerre en dehors du front russe

En dehors de la mise à mort délibérée des prisonniers de guerre soviétiques (voir ci-dessus), la Wehrmacht se rendit coupable de crimes de guerre envers les prisonniers sur la plupart des autres fronts, bien que sur une échelle bien moindre.

Les massacres de prisonniers de guerre par des soldats de la Wehrmacht commencèrent lors de la campagne de septembre 1939 en Pologne. Il existe de nombreux cas où des soldats polonais furent tués après avoir été capturés, comme par exemple à Sladow où 250 prisonniers de guerre furent abattus ou noyés, à Ciepielów où environ 300 prisonniers furent tués et à Zambrow où 200 autres prisonniers de guerre furent tués.

Environ 50 officiers britanniques qui s’étaient évadés du Stalag Luft III furent abattus après avoir été repris, et 15 officiers et hommes de l’armée américaine, bien qu’en uniforme, furent fusillés sans jugement en Italie. L’ordre de Hitler sur les Commandos, publié en 1942, contenait une justification pour le meurtre de commandos ennemis qu’ils soient ou non en uniforme.

Les massacres comprennent également celui d’au moins 1 500 prisonniers de guerre français d’origine africaine et ont été précédés de propagande les décrivant comme des sauvages.

Le décret Nuit et brouillard (Nacht und Nebel)

Ce décret, publié par Hitler en 1941 et distribué avec une directive de Keitel, fut applicable dans les territoires conquis à l’Ouest (Belgique, France, Luxembourg, Danemark et Pays-Bas). Ce décret permettait de se saisir des personnes mettant en danger la sécurité de l’Allemagne et de les faire disparaître sans laisser de traces. La directive de Keitel précisait qu'une intimidation efficiente ne pouvait être obtenue que par la peine capitale ou par des mesures interdisant aux proches du criminel et à la population de connaître son sort.

Actions de représailles

Civils grecs massacrés par des parachutistes allemands à Kondomari, en Crète, le 2 juin 1941

Les actions de résistance et les groupes de partisans entraînèrent de nombreuses représailles tout au long de la guerre et dans la plupart des pays occupés. Ces représailles furent le fait de la Wehrmacht quand elle était directement chargée de l'occupation, en coordination avec la Gestapo et les forces de police allemandes, et les éventuels collaborateurs locaux.

Dans certain nombre de pays occupés, la réponse de la Wehrmacht aux attaques des mouvements de résistance était de prendre et d’abattre des otages, parfois jusqu’à 100 otages pour chaque Allemand tué. Dans les ordres donnés quant aux prises d’otages, Keitel avait précisé « il est important que ces derniers incluent des personnalités connues ou des membres de leurs familles. » Un officier de commandement en France déclara que « au plus les otages à abattre seront connus, au plus l’effet sera dissuasif sur les auteurs des méfaits. »

On notera les exemples suivants:

En Italie, des soldats refusant de soutenir la cause allemande ont été massacrés par la Wehrmacht sur l’île grecque de Céphalonie. Des villages italiens ont été rasés et leurs habitants assassinés au cours d’opérations contre les résistants.

En Pologne occupée et en URSS, des centaines de villages furent rayés de la carte et leurs habitants exterminés. En URSS, les partisans soviétiques ou juifs capturés étaient utilisés pour nettoyer les champs de mines.

En Grèce en octobre 41, à la suite de sabotages sur la voie ferrée vers la Bulgarie, 416 civils de 7 villages furent massacrés par des hommes d'une division d'infanterie régulière.[5]

Durant la Bataille de Crète, les parachutistes allemands furent violemment harcelés durant leur progression sur l'île par des partisans et des civils grecs. En représailles plusieurs villages furent détruits et des otages y furent exécutés, comme à Kandanos ou Kondomari où 23 hommes furent fusillés le 2 juin 1941 par une unité de parachutistes commandée par le lieutenant Horst Trebes.

En 1944, les massacres de Marzabotto en Italie et d'Oradour-sur-Glane en France furent le fait de troupes de la Waffen-SS, et non de la Wehrmacht.

Appréciation d’après-guerre

Après la fin de la guerre en 1945, plusieurs généraux de la Wehrmacht émirent une déclaration qui prenait la défense des actions contre les partisans, l’exécution d’otages et l’utilisation de main d’œuvre forcée pour l’effort de guerre. Ils firent en outre valoir que l’Holocauste avait été commis par la SS et les organisations qui lui étaient associées, et que le commandement de la Wehrmacht avait été tenu dans l’ignorance de ce qui se passait dans les camps d’extermination. Selon cette déclaration, la Wehrmacht avait combattu honorablement ce qui donnait l’impression que elle n’avait pas commis de crimes de guerre et n’était pas ternie par ce qui s’était passé.

Un certain nombre d’officiers de haut rang appartenant à la Wehrmacht eurent toutefois à répondre de crimes de guerre devant des tribunaux. Le commandant en chef de l’OKW, le Feldmarschall Wilhelm Keitel et son chef d’état-major Alfred Jodl furent jugés et condamnés pour crimes de guerre par le Tribunal militaire international de Nuremberg en 1946. Tous deux furent convaincus de toutes les charges qui leur étaient imputées, condamnés à la peine de mort et pendus. Alors que le tribunal avait déclaré que la Gestapo, le Sicherheitsdienst et la SS (y compris la Waffen-SS) étaient des organisations criminelles, la Cour ne tira pas la même conclusion en ce qui concerne le haut commandement de la Wehrmacht. Une partie considérable de l’opinion publique allemande considéra que cela avait pour effet de reconnaître que la Wehrmacht n’avait pas joué de rôle dans les crimes de guerre du régime nazi.

Les poursuites à charge des criminels de guerre passèrent au second plan des préoccupations au cours des années 1950 alors que la Guerre froide gagnait en intensité. Les deux Allemagnes devaient recréer des forces armées et ne pouvaient le faire sans les soldats et officiers entraînés ayant précédemment servi dans la Wehrmacht. Les priorités de la guerre froide et les tabous concernant la révision des aspects les plus déplaisants de la seconde guerre mondiale eurent pour effet que le rôle de la Wehrmacht dans les crimes de guerre ne fut pas sérieusement réexaminé avant le début des années 1980. L’idée d’une Wehrmacht étrangère à tout crime fut mise à mal par une exposition organisée par le Hamburger Institut für Sozialforschung (Institut des recherches sociales de Hambourg)[6] intitulée Vernichtungskrieg. Verbrechen der Wehrmacht 1941 bis 1944 (Crimes de la Wehrmacht, Dimensions de la guerre d’extermination 1941-1944)[7]. L’exposition populaire et itinérante, vue par environ 1,2 millions de visiteurs au cours de la dernière décennie démontrait, avec le support de documents écrits et de photographies, que la Wehrmacht avait été « impliquée dans la planification et la mise en œuvre d’une guerre d’annihilation contre les Juifs, les prisonniers de guerre et les populations civiles.» Après des critiques contre des descriptions et légendes incorrectes de certaines des images de l’exposition, la direction de l’Institut des recherches sociales de Hambourg suspendit l’exposition et soumit son contenu à un comité d’historiens allemands. En 2000, le rapport du comité établit que les accusations selon laquelle l’exposition serait fondée sur des documents falsifiés n’était pas fondée, mais que certains documents présentés dans l’exposition n’était pas exacts et que les arguments présentés étaient parfois trop généraux. En revanche, le comité réaffirma la fiabilité de l’exposition.

Les thèses maîtresses de l’exposition au sujet de la Wehrmacht et de la guerre faite à l’Est n’en restent pas moins justes quant aux faits. Il est incontestable qu’en Union soviétique, la Wehrmacht ne s’est pas seulement « empêtrée « dans le génocide des juifs, dans les crimes commis contre les prisonniers de guerre et dans le combat contre la population civile, mais qu’elle y a participé, en jouant tantôt un rôle de premier plan, tantôt d’homme de main. Et il ne s’agit pas ‘d’exactions’ ou ‘d’excès isolés’, mais de mesures qui reposaient sur des décisions des dirigeants militaires les plus hauts placés et des commandants de troupes, aussi bien sur le front que derrière le front[8].

Le comité recommanda que l’exposition soit rouverte sous une forme revue, présentant les documents et, autant que possible, laissant à ses visiteurs le soin de tirer leurs propres conclusions. L’exposition remodelée ouvrit en 2001 et ferma en 2004.

Ce n’est qu’en 2004 qu’une exposition fut présentée sur les crimes de la Wehrmacht en Pologne.

Voir aussi

Références

  1. Berlin 1945, A documentation, page 100, ed. Arenhövel, 1995, 3rd revised edition 2003
  2. Panzer Leader, Guderian, p. 152
  3. Hitler's Army, Bartov, p. 86
  4. Hitler's Army, Bartov
  5. Tribunal de Nuremberg, http://www.aaargh.codoh.info/fran/nuremberg/tmiI/tmiI2.html. Voir aussi Tapping Hitler's Generals p.362, Neitzeil, ed. MBI Publishing, 2007
  6. Hamburger Instistut für Sozialforschung [1]
  7. Vernichtungskrieg. Verbrechen der Wehrmacht 1941 bis 1944 [2]
  8. Crimes de la Wehrmacht, Dimensions de la guerre d’extermination 1941-1944, p. 36 [3]


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