- Corps réel clos
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En mathématiques, un corps réel clos est un corps totalement ordonné F tel que tout élément positif soit un carré et que tout polynôme de degré impair à coefficients dans F ait au moins une racine dans F.
Le corps des réels, le corps des réels calculables (au sens de Turing) et le corps des nombres réels algébriques sont des corps réels clos.
Sommaire
Caractérisation des corps réels clos
Un corps réel clos est un corps commutatif vérifiant une des conditions suivantes :
- Il existe un ordre sur F en faisant un corps totalement ordonné tel que, pour cet ordre, tout élément positif de F est un carré dans F, et tout polynôme de degré impair à coefficients dans F admet au moins une racine dans F.
- F n'est pas algébriquement clos, mais sa clôture algébrique est une extension finie de F.
- F n'est pas algébriquement clos, mais l'extension F(√-1) est algébriquement close.
- Il existe un ordre sur F qui ne peut être étendu à aucune extension algébrique de F.
- Il existe un ordre sur F pour lequel le théorème des valeurs intermédiaires est vrai pour tout polynôme sur F.
La démonstration de ces équivalences n'a rien de simple ; celle de l'implication 1 ⇒ 3 (attribuée par Nicolas Bourbaki à Euler et Lagrange) est donnée dans l'article consacré au théorème de d'Alembert-Gauss.
Théorème d'Artin-Schreier
Emil Artin et Otto Schreier (en) ont démontré en 1927[1] que pour tout corps totalement ordonné K, il existe un corps réel clos algébrique sur K et dont l'ordre prolonge celui de K. Cette extension, unique à isomorphisme près, est appelée la clôture réelle de K.
Théorie des corps réels clos
La théorie des corps réels clos est une théorie du premier ordre dont les symboles non logiques sont les constantes 0 et 1, les opérations arithmétiques +, ×, et la relation ≤ ; les formules sont construites à partir des formules atomiques via les connecteurs ⋀, ⋁, ⇒, et les quantificateurs ∀, ∃ ; les axiomes sont ceux qui expriment que la structure est précisément un corps réel clos.
Cette théorie admet l'élimination des quantificateurs, c'est-à-dire qu'il est possible, à partir d'une formule avec quantificateurs, de trouver une formule sans quantificateurs, avec les mêmes variables libres, et équivalente (c'est-à-dire que l'équivalence logique des deux formules, celle avant élimination et celle après élimination, se déduit des axiomes). Il existe des algorithmes qui mettent en œuvre cette élimination. Le premier, dû à Alfred Tarski[2], a une complexité non élémentaire, c'est-à-dire qui n'est pas bornée par une tour d'exponentielles , et a donc un intérêt principalement historique.
James Davenport (en) et Joos Heintz ont montré en 1988 que le problème est intrinsèquement complexe : il existe une famille Φn de formules avec n quantificateurs, de longueur O(n) et de degré constant, telle que toute formule sans quantificateur équivalente à Φn doit mettre en œuvre des polynômes de degré et de longueur , avec les notations asymptotiques O et Ω.
Le logiciel QEPCAD et la fonction Reduce de Mathematica 5[3], par exemple, proposent des implémentations d'algorithmes d'élimination des quantificateurs pour les corps réels clos.
En raison de l'existence d'algorithmes d'élimination des quantificateurs, la théorie des corps réels clos est décidable : à partir de toute formule close, on peut obtenir algorithmiquement une formule équivalente sans quantificateurs ni variables libres, donc facilement décidable.
Une autre conséquence de l'élimination des quantificateurs (indépendamment du fait qu'elle soit réalisable algorithmiquement) est que cette théorie est complète, donc tout corps réel clos a la même théorie du premier ordre que .
Références
- (de) E. Artin et O. Schreier, « Algebraische Konstruktion reeller Körper », dans Hamb. Abh., vol. 5, 1927, p. 85-99, traduction en français par le groupe de travail : « Aux sources de la Géométrie Algébrique Réelle » de l'IRMAR
- Alfred Tarski, A Decision Method for Elementary Algebra and Geometry, University of California Press, 1951 ; repris dans Quantifier Elimination and Cylindrical Algebraic Decomposition mentionné en bibliographie
- Mathematica documentation for Reduce, What's new in Mathematica 5: Reduce
Bibliographie
- (en) Chen Chung Chang (en) et Howard Jerome Keisler (en), Model Theory, Elsevier, 3e éd., 1990 (ISBN 978-0-444-88054-3)
- (en) Harold Garth Dales et W. Hugh Woodin, Super-Real Fields, Clarendon Press, 1996 (ISBN 978-0-19853991-9)
- (en) Computational Real Algebraic Geometry, Bhubaneswar Mishra, Handbook of Discrete and Computational Geometry, CRC Press, 1997 (Postscript version) ou p. 743 de l'édition 2004 (ISBN 1-58488-301-4)
- (en) Saugata Basu, Richard Pollack et Marie-Françoise Roy, Algorithms in real algebraic geometry, Springer, Algorithms and computation in mathematics, 2003 (ISBN 540330984) [lire en ligne]
- (en) Bob F. Caviness, Jeremy R. Johnson, éditeurs, Quantifier elimination and cylindrical algebraic decomposition, Springer, 1998 (ISBN 3211827943)
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Real closed field » (voir la liste des auteurs)
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