Corn laws

Corn laws

Corn Laws

Les Corn Laws étaient une série de textes réglementaires adoptés au Royaume-Uni entre 1773 et 1815 pour encadrer le commerce des céréales. On désigne cependant le plus souvent par ce terme le dernier de ces textes, le Corn Law Act de 1815, qui interdisait toute importation de céréales lorsque les cours passaient en deçà d'un certain seuil.

Le caractère protectionniste de cette législation en fit une cible de choix pour les libéraux britanniques qui souhaitaient que le pays s'engage résolument dans la voie du libre échange. Réunis dans une Ligue pour l'abolition des lois sur le blé (Anti-Corn Law League), ils lancèrent dès 1838 une vaste campagne de propagande pour s'assurer le soutien de l'opinion et obtinrent finalement gain de cause en 1846 par l'intermédiaire de Sir Robert Peel.

Sommaire

Une volonté protectionniste

Notamment du fait du blocus continental institué par Napoléon, les producteurs céréaliers britanniques bénéficièrent au début du XIXe siècle sur leur marché domestique d'un quasi monopole, suivi d'une rapide augmentation des prix (car l'offre de grains s'étant raréfiée, ceux-ci s'échangeaient à des prix plus élevés). Avoisinant pendant la guerre les 90 à 100 shillings le quarter, le prix du blé culmina même à 127 shillings en 1812. Cependant, avec la fin des guerres napoléoniennes et du blocus, et dans un contexte de récoltes particulièrement bonnes, il chuta, en 1814, à 74 shillings par quarter de blé[1].

Si les prix se maintenaient à ces bas niveaux, les fermiers qui s'étaient engagés, sur la base des prix élevés du temps de guerre, à verser des loyers élevés aux grands propriétaires dont ils louaient la terre, risquaient de se retrouver dans l'incapacité de respecter leurs engagements, grevant d'autant les revenus des grands propriétaires[Note 1].

Face à cette situation, les représentants du landed interest, souvent issus de l'aristocratie, utilisèrent les relais dont ils disposaient au Parlement britannique pour faire voter une loi préservant leurs intérêts : en 1815, le gouvernement Tory de Lord Liverpool fit voter la Corn Law. Si le prix de gros moyen du blé descendait en dessous de 80 shillings le quarter[Note 2], toute importation de blé étranger au Royaume-Uni était interdite[2]. En décourageant l'importation de blé, cette réglementation protectionniste abritait les producteurs britanniques de la concurrence extérieure[3], en particulier des colonies (comme l'Irlande)[réf. nécessaire].

Cette politique de protection de l'agriculture nationale par des protections douanières fortes ne constituait pas une nouveauté au Royaume-Uni. Cette tradition, qui remontait au XVIIe siècle et s'était exprimée récemment en 1791 et 1804[4], reposait sur une vision mercantiliste de l'économie. Si le libéralisme avait triomphé dans l'économie intérieure, Actes de Navigation, barrières douanières et monopole des compagnies commerciales avaient permis à l'économie britannique de se développer à l'abri de la concurrence étrangère. Comme le souligne François Bédarida, « c'est dans le cadre rigide du protectionnisme que s'est opérée la révolution industrielle, ainsi que la grande expansion commerciale qui l'a accompagnée »[3]. En outre, ces taxes douanières fortes (elles correspondaient à un tiers de la valeur des importations nettes[5]) et portant sur un grand nombre de produits[Note 3], avaient l'avantage de fournir à l'État britannique une bonne part de ses recettes fiscales : en 1840, 46 % des recettes du budget correspondent à des droits de douanes[3].

Les conséquences de ces lois

Le Corn Law Act fit débat dès son instauration en 1815, mais les polémiques rebondirent à son propos dès le début de la crise économique en 1836[3], même si sa responsabilité dans la crise économique des années 1830-1840 fut probablement négligeable[6]. Il s'agit pour les partisans du libre échange de faire valoir les avantages de leur doctrine, censée notamment, si elle était appliquée, garantir un meilleur niveau de vie aux populations ouvrières en faisant baisser le prix du blé et donc du pain[Note 4], maintenu artificiellement élevé par le refus de la concurrence étrangère. En outre, selon eux, les Corn laws réduisaient d'une part les prix de revient des industriels en les contraignant à payer des salaires trop élevés[7], d'autre part la capacité des classes populaires à consacrer une part importante de leur budget à d'autres dépenses que celles liées exclusivement à leur subsistance, ce qui limitait « l'élargissement du marché intérieur pour les produits manufacturés »[8].

En revanche, et cela explique leur réticence face à toute réforme en la matière, le système institué par les Corn Laws était profitable à l'aristocratie : il y avait davantage de fermiers prêts à louer des terres pour les exploiter que de terres disponibles. Les seigneurs pouvaient dès lors obtenir des loyers plus élevés, car les fermiers soumis à la concurrence proposaient le prix maximal qu'ils pouvaient supporter pour la location des terres.

La remise en cause des Corn Laws

Article détaillé : école de Manchester .
Richard Cobden

Le combat contre les Corn Laws a notamment été mené par Richard Cobden, qui créa dans ce but en septembre 1838, avec quelques autres industriels radicaux de Manchester, une Anti-Corn Law Association qui devint au mois de mars de l'année suivante Anti-Corn Law League (ACLL). En quelques mois, l'ACLL lança une campagne de propagande particulièrement efficace qui rencontra un écho étonnant dans la classe moyenne : « à bien des égards, l'agitation libre-échangiste a constitué la contrepartie bourgeoise du chartisme ouvrier »[9], un moyen pour la bourgeoisie radicale britannique de défendre ses intérêts face aux revendications ouvrières et au conservatisme des élites issues de l'aristocratie comme le soulignait Cobden lui-même : « pour beaucoup d'entre-nous, nous sommes entrés dans la lutte avec l'idée que nous avions un intérêt de classe bien défini dans l'affaire »[10].

Des réunions furent organisées dans les principales villes britanniques, parfois même avec une fréquence hebdomadaire à Londres. Le succès public des conférences organisées dans tout le pays et le nombre important de souscripteurs permirent à l'ACLL de financer de nombreux livres, brochures et tracts.

L'abolition des Corn Laws

Suite aux différentes pressions exercées à l'encontre de ces lois, et à une conjoncture économique difficile (notamment la Grande famine en Irlande de 1845), les Corn Laws furent abolies par le gouvernement de Robert Peel le 15 mai 1846. On perçut dès cette époque le caractère symbolique -et décisif- de cette victoire pour les partisans d'un libre-échange qui s'établit par la suite durablement au Royaume-Uni.

Notes et références

Notes

  1. Le Royaume Uni se caractérise par cette époque par une distinction forte entre la propriété de la terre d'une part, son exploitation d'autre part : les grands propriétaires divisent leur bien entre différents fermiers (tenants) locataires qui les exploitent.
  2. « Prix considéré comme rémunérateur mais qui était en fait fort élevé. » Crouzet 1978, p. 145
  3. En 1840, 1146 produits différents relevaient d'une taxation douanière, même si un petit nombre d'entre-eux contribuaient à l'essentiel des recettes douanières. Crouzet 1978, p. 118
  4. Le pain représentait alors la nourriture de base des ouvriers, et l'achat de produits alimentaires représentait 40 à 50 % de leurs dépenses totales, voire davantage. François Bédarida, L'essor de la puissance anglaise : 1760-1832, Hatier, 1972, p. 157

Références

  1. Crouzet 1978, p. 144
  2. Philippe Chassaigne, Lexique d'histoire et de civilisation britannique, Ellipses, 1997, p. 64
  3. a , b , c  et d Bédarida 1974, p. 53
  4. Crouzet 1978, p. 145 n24
  5. Crouzet 1978, p. 118
  6. Gilbert Bonifas, Martine Faraut, Pouvoirs, classes et nation en Grande-Bretagne au XIXe siècle, Masson, 1993, p. 32
  7. Crouzet 1978, p. 119n46
  8. Crouzet 1978, p. 119
  9. Bédarida 1974, p. 54
  10. Cité par Bédarida 1974, p. 54

Bibliographie

  • François Bédarida, L'Angleterre triomphante 1832-1914, Hatier, Paris, 1974, 224 p. 
  • François Crouzet, L'économie de la Grande Bretagne victorienne, Sedes, Paris, 1978, 370 p. 

Annexes

Articles connexes

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