Congrégationalisme

Congrégationalisme

Le congrégationalisme est un mouvement chrétien, d'inspiration calviniste, né en Angleterre dans la seconde moitié du XVIe siècle. Il s'est ensuite fortement implanté en Amérique du Nord à partir du dix-septième siècle. Le congrégationalisme est également une forme de gouvernance ecclésiale qui est répandu dans plusieurs confessions protestantes ; nous pouvons parler d'églises de gouvernance congrégationaliste.

Sommaire

Histoire

Les défenseurs du congrégationalisme prétendent que les origines de ce système de gouvernance ecclésiale remontent au début de l’église chrétienne [cf. section intitulée les fondements bibliques du congrégationalisme] ; c’est au IIe siècle après J.-C. que le congrégationalisme primitif aurait cédé la place à un système de gouvernance par évêques monarchiques[1].

Plus récemment les églises exerçant une gouvernance de type congrégationaliste retracent leurs origines à la réforme magistérielle et anabaptiste et en particulier aux mouvements séparatistes qui sont issus de la réforme anglaise. En 1523, Martin Luther a écrit le traité « Qu’une assemblée ou communauté chrétienne a le droit et le pouvoir de juger toutes les doctrines, d’appeler, d’installer et de destituer des prédicateurs. » Dans ce traité, Luther étaye le droit et le devoir de la communauté locale de se prendre en charge face à des autorités ecclésiales qui seraient en train de nier le pur Évangile[2]. De tels écrits ont posé les premiers jalons d’une gouvernance ecclésiale de type congrégationaliste, même si les Landeskirchen luthériennes elles-mêmes n’avaient pas instauré ce type de gouvernance[3]. Ensuite le mouvement anabaptiste issu de la réforme zwinglienne à Zurich a peut-être pratiqué une forme du congrégationalisme sans faire de cet aspect de leur théologie un champ de bataille[3]. Le mouvement congrégationaliste tel que nous le connaissons aujourd’hui est né à proprement parler du mouvement puritain, qui était lui-même divers, au sein de l’Église anglicane à partir du début du XVIIe siècle. Ce sont les pères fondateurs des colonies anglaises de l’Amérique qui ont amené avec eux en Nouvelle-Angleterre ce système de gouvernance ecclésiale. Les Églises baptistes qui sont nées parmi les émigrés anglais des Pays-Bas, en Angleterre et dans les colonies anglaises de l’Amérique au XVIIe siècle ont également adopté le congrégationalisme.

La fondation de cette doctrine est attribuée au théologien anglais Robert Brown (1550-1633). Browne, et à sa suite les premiers congrégationalistes, développent l'idée que l'église doit être fondée par une alliance (en anglais un covenant, terme qui désigne l'alliance au sens biblique du terme) passée explicitement par des individus qui s'estiment touchés par la grâce, dans une perspective calviniste.

Le congrégationalisme est ainsi fondé sur une ecclésiologie contractualiste, et démocratique, en ce qu'elle postule que l'église doit être formée par le consentement des chrétiens, et qu'en son sein l'assemblée des fidèles est la seule source du pouvoir (après la parole révélée de Dieu).

On peut faire remonter l'idée d'une formation contractuelle de l'église à plusieurs sources postérieures à la Réforme, notamment aux anabaptistes de Bohême dans les années 1520 et 1530, aux théologiens de la faculté de Heidelberg dans les années 1560, au théologien anglais William Perkins à partir des années 1570, ainsi qu'aux théologiens écossais dans la second moitié du seizième siècle.

Robert Browne est le premier anglais à contester ouvertement la légitimité du dogme anglican, et à prôner pour les véritables chrétiens une séparation de l'Église anglicane, suivie de la formation d'une congrégation sur une base contractuelle. La première congrégation est ainsi formée par Browne et une poignée de ses fidèles, à Norwich en 1581. Browne, nommé initialement pasteur de l'Église anglicane en 1579 à Cambridge, est alors contraint de fuir avec son principal fidèle, Robert Harrisson, à Middelbourg, aux Pays-Bas.

Browne et Harrisson publient depuis Middelbourg, à partir de 1582, une série d'ouvrages, dont leur ouvrage principal A Treatise for Reformation Without Tarrying for Any, publié sous le manteau en 1583, qui peut être tenu pour le manifeste fondateur du congrégationalisme. Browne rentre en Angleterre en 1584. Il est excommunié de l'Église anglicane en 1586, mais cesse finalement toute activité dissidente, et finit sa vie en Angleterre dans la discrétion.

Les idées de Browne se diffusent néanmoins, d'abord en Angleterre. Elles sont en substance reprises par Henry Barrow et John Greenwood, qui publient en 1588 The True Church and False Church, contestation virulente de l'Église anglicane. Il est remarquable que l'ouvrage est publié en Angleterre secrètement alors que Barrow et Greenwood sont emprisonnés depuis 1587. Ils sont exécutés en 1593.

La répression anglicane et monarchique empêche à la fin du seizième siècle le développement du congrégationalisme en Angleterre. C'est donc aux Pays-Bas que cette doctrine prend son essor. D'abord avec les ouvrages de Francis Johnson et de Henry Ainsworth, deux anglais exilés aux Pays-Bas, notamment A Confession of Faith of The People Called Brownists, publié en 1596.

Mais on doit surtout au pasteur anglais John Robinson (1576-1626), et à sa congrégation anglaise exilée à Leyde, d'avoir permis le développement du congrégationalisme en Amérique du Nord. C'est une partie des membres de la congrégation de Leyde qui s'embarque en 1620 à bord du Mayflower, à destination de l'Amérique du Nord, où elle fonde par un contrat social célèbre, le Mayflower compact, la colonie de New Plymouth.

En 1628, ce sont d'autres congrégationalistes, dirigés par John Winthrop, qui quittent l'Angleterre pour fonder la colonie du Massachusetts. Celle-ci est dominée dans les premières années par le célèbre pasteur congrégationaliste John Cotton. En 1636, les paroissiens du pasteur congrégationaliste Thomas Hooker quittent le Massachusetts, et fondent la colonie voisine du Connecticut. Hooker et ses paroissiens adoptent en 1639 la première constitution écrite en Amérique du Nord, les Fundamental Orders du Connecticut.

Premiers auteurs congrégationalistes

Le congrégationalisme comme forme de gouvernance ecclésiale

Le congrégationalisme est une forme de gouvernance ecclésiale pratiqué par de nombreuses églises chrétiennes. Dans ce système de gouvernance, la souveraineté décisionnelle humaine réside en dernier lieu au niveau de la congrégation locale. La congrégation, définie pour la plupart comme des personnes ayant librement choisies de faire partie de l’église locale par un processus public, a le droit et le pouvoir de décider sur des questions de tout genre portant sur sa gestion et notamment sur des questions relatives au personnel, à son financement, à la doctrine et aux pratiques ecclésiales en général[4].

Le congrégationalisme créé donc une indépendance ecclésiale pour l’église locale vis-à-vis d’autre corps ecclésiaux tels que des confessions ou d’autres églises locales. Ce modèle de gouvernance ecclésiale n’est pas monolithique et il se prête à une certaine flexibilité Il peut se pratiquer de différentes manières selon les circonstances de l’église locale : certaines églises prônent une indépendance totale vis-à-vis de tout autre groupement ou autorité ecclésiale, d’autres choisissent la route de l’interdépendance et s’associent librement à d’autres églises locales dans une formation de type confessionnel, dans le but de mettre en commun certaines ressources et d’encourager une attitude de fraternité mutuelle et de vigilance protectrice réciproque.

Au sein de l’église locale elle-même, l’autorité décisionnelle humaine se situe au niveau de la congrégation, mais cela n’empêche pas la coexistence d’autres structures décisionnelles tel qu’un pasteur ou un conseil de pasteurs (anciens) et de diacres, ces derniers étant soumis en dernier lieu aux décisions de la congrégation.

Au sein de la chrétienté, le congrégationalisme se distingue des systèmes de gouvernance épiscopale et presbytéro-synodales. Dans le système épiscopal, une église locale est sujette à l’autorité d’une hiérarchie d’évêques et, dans le système presbytéro-synodal, l’église locale délègue à un synode des représentants ; ce synode peut exercer de l’autorité sur des églises locales.

Les fondements bibliques du congrégationalisme

Les défenseurs du congrégationalisme font appel à une panoplie de textes néo-testamentaires pour étayer ce système de gouvernance ecclésiale : Mt 18.15-20 ; Ac 6.3 ; 13,2-3 ; 15,22 ; 1 Co 5,2 ; 2 Co 2,6 [5] ; Ga 1 ; 1 Th 5,21

Parmi les évangélistes Matthieu est le seul à relater une conversation où Jésus décrit le processus qu’il faut suivre en cas de péché au sein de la communauté chrétienne (Mt 18.15-20). Le processus de discipline décrit semble être de nature communautaire et il semble nécessiter l’accord de tous les membres d’une église (Mt 18,17) et l’église à laquelle le texte fait référence semble être une église locale. Plusieurs textes dans les Actes des Apôtres semblent conférer à l’église locale en tant que corps local le droit de choisir leurs leaders et leurs représentants (Ac 6,3 ; 13,2-3 ; 15,22). Dans les écrits de l’apôtre Paul à l’église de Corinthe, Paul ordonne à l’église locale tout entière d’exercer de la discipline ecclésiale (1 Co 5,2 & 2 Cor 2,6). Dans sa première lettre aux Thessaloniciens l’apôtre Paul exhorte l’église locale de tester des prophéties, la tâche n’étant pas restreinte à des ministres seulement. De même dans Galates 1 Paul fait appel à toute l’église d’être responsable pour l’enseignement qu’elle reçoit et de refuser tout enseignement contraire à l’évangile qu’il avait lui-même prêché précédemment parmi eux.

Églises congrégationalistes en Europe francophone

En France, Belgique et Suisse les églises qui pratiquent le congrégationalisme sont le plus souvent des Églises protestantes évangéliques, encore que le congrégationalisme ne soit pas pratiqué par toutes les églises protestantes évangéliques. Sur la scène mondiale, le congrégationalisme est particulièrement présent dans le mouvement pentecôtiste qui en plein essor en Afrique et en Amérique latine.

Notes et références

  1. C.O. OWEN & R.S. NORMAN (Editeurs), Perspectives on Church Government – Five views on Church polity, Broadman and Holman, Nashville, 2004, p.172.
  2. M. LUTHER, Œuvres, tome IV, Qu’une assemblée ou communauté chrétienne a le droit et le pouvoir de juger toutes les doctrines, d’appeler, d’installer et de destituer des prédicateurs. , Labor et Fides, Genève, 1958, p.84.
  3. a et b C.O. OWEN & R.S. NORMAN (Editeurs), Perspectives on Church Government – Five views on Church polity, Broadman and Holman, Nashville, 2004, p.174.
  4. C.O. OWEN & R.S. NORMAN (Editeurs), Perspectives on Church Government – Five views on Church polity, Broadman and Holman, Nashville, 2004, p.157.
  5. C.O. OWEN & R.S. NORMAN (Editeurs), Perspectives on Church Government – Five views on Church polity, Broadman and Holman, Nashville, 2004, cf. p.159-169.

Voir aussi

Bibliographie

  • Henry Barrow, The Writings of Henry Barrow, G. Allen and Unwin Ltd., 1966. The True Church and False Church (1588), avec John Greenwood, in The Writings of John Greenwood, Together with the Joint Writings of Henry Barrow and John Greenwood, 1587-1590, éd. de Leland H. Carson, G. Allen and Unwin Ltd., 1962.
  • Robert Browne et Robert Harrisson, The Writings of Robert Harrison and Robert Browne, éd. de A. Peel et L. Carson, Londres, 1953.
  • Champlin Burrage, The Early English Dissenters, 2 vols., Cambridge University Press, 1912.
  • Jean Delumeau et Thierry Wanegffelen, Naissance et affirmation de la Réforme, Presses universitaires de France, 1965.
  • H. M. Dexter, Congregationalism of the Last Three Hundred Years, as seen in its litterature, Londres, Hodder et Stoughton, 1880.

Articles connexes

  • London Missionary Society

Wikimedia Foundation. 2010.

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