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Abréviation
Une abréviation (du latin brevis, « court », abrégé en "Abr."), est le raccourcissement d'un mot ou d'un groupe de mots, représentés alors par une lettre ou un groupe de lettres issus de ce mot. L'abréviation consiste donc toujours en une suppression, plus ou moins importante. Par exemple, c'est-à-dire peut s'abréger en c.-à-d., nous en ns, etc. Il existe plusieurs méthodes pour abréger des groupes de mots, dont les plus courantes sont la siglaison ou l'acronymie. Le point autre que celui de fin de phrase est souvent l'indice d'une abréviation. Il s'utilise quand la dernière lettre du mot abrégé est elle aussi supprimée : monsieur s'abrège en M. et maître en Me (e étant bien la dernière lettre du mot). Si l'abréviation finit la phrase, le point abréviatif et le point final se confondent.
Sommaire
Abréviations médiévales
Le parchemin coûtant cher, les abréviations abondent dans les manuscrits occidentaux, surtout après le haut Moyen Âge. Elles sont la poursuite, et l'aboutissement, des abréviations antiques. Les abréviations médiévales peuvent être de plusieurs natures :
- contraction : une ou plusieurs lettres d'un mot sont omises mais la première et la dernière sont conservées. Un titulus (trait suscrit plus ou moins horizontal et droit, ancêtre du tilde) peut signaler ce fait ; les contractions sont, de loin, plus fréquentes au Moyen Âge que pendant l'Antiquité, qui préférait la suspension. Elles se rencontrent très souvent pour les nomina sacra (« noms sacrés »).
- Exemples : ihs xps → Iesus Christos (« Jésus-Christ ») ; l'on trouve fréquemment un mélange de lettres latines et grecques dans les nomina sacra : h, x et p sont des adaptations des lettres onciales (η, ê), (χ, kʰ) et (ρ, r) ; omps → omnipotens (« tout puissant »), etc. On utilise rarement la contraction pure en français car on lui préfère soit la contraction par lettre suscrite, soit la suspension (voir plus bas) ;
- lettre suscrite : le mot est tronqué par contraction (on ne garde que la ou les premières lettres) et la finale (ou les finales) est écrite en hauteur, dans un petit format.
- Cette méthode s'est particulièrement bien conservée dans nos usages. Qu'on songe à des abréviations modernes comme 1er, vº (et non v° ; lire verso), Dr (Docteur), Mme, etc. En français, le point abréviatif ne peut suivre les contractions ;
- suspension : la finale (une ou plusieurs lettres) d'un mot (ou d'une syllabe) est omise. Souvent, un point abréviatif suit l'élément (mot ou syllabe) abrégé, deux points l'entourent, ou bien le titulus le surmonte, parmi de nombreux autres signes (dont le deux-points ou encore le point-virgule) ; la suspension de n et m finals (puis en fin de syllabe) est très fréquente et indiquée par le titulus (qui, dans cette fonction, donne le tilde ; il est parfois surmonté d'un point pour m suspendu). Par extension, on nomme suspension toute abréviation dans laquelle la dernière lettre du mot est absente ;
- Exemples : a.d. → anno Domini, .n. → enim (« en effet »), ē → est (« [il / elle] est »), deb; → debet (« [il / elle] doit »), etc. → et cetera, dominū → dominum (« Seigneur » accusatif), etc. Cette méthode d'abréviation est encore très vivace en français (cf., etc., M.) ;
- logogrammes et symboles divers : des mots ou des syllabes entières peuvent être remplacés par un signe unique, que ce soient des ligatures (cf. esperluette) ou des lettres modifiées (barrées, surmontées de symboles, du titulus et autres signes). Les notes tironiennes ont fourni un grand nombre d'abréviations de ce type, qui abondent surtout dans les manuscrits de droit .
Le paléographe est souvent confronté à une pléthore d'abréviations, rendues complexes par le fait qu'elles ne sont pas normalisées avant le XIIe siècle (elles forment ensuite un système cohérent) et qu'elles abondent entre le XIIIe et le XVe.
Le dictionnaire d'A. Capelli « Dizionario di abbreviature latini ed italiani », Milan, 1912, recense de très nombreuses abréviations médiévales latines. Vous pouvez le consulter sur les sites des universités de :
Quelques-unes des abréviations les plus significatives pour l'histoire de l'orthographe sont décrites ci-dessous.
X (-us)
Dans les manuscrits médiévaux en ancien français, on trouve souvent la lettre x utilisée comme signe d'abréviation pour la suite de lettres -us après voyelle et en fin de mots, alors très fréquente. Par exemple, ce qui est écrit chevax doit être lu chevaus /ʧəvaus/, qui a évolué ensuite en /ʃəvo/ (par monophtongaison de [au] et simplification de l'affriquée /ʧ/). Cette habitude s'est ensuite perdue mais certains mots fréquents qui s'écrivaient au cas régime pluriel avec ce x (issu de plusieurs origines, dont la plus courante est la vocalisation d'un /l/ devant consonne suivi de la désinence -s) l'ont conservé alors que leur graphie a été adaptée aux usages actuels.
Le mot cheval se déclinait, en ancien français, ainsi :
- singulier :
- cas sujet : cheval-s → chevau-s (vocalisation du /l/) écrit chevax ;
- cas régime : cheval ;
- pluriel :
- cas sujet : cheval ;
- cas régime : cheval-s → chevau-s écrit chevax.
Comme les formes à s'être conservées sont celles du cas régime, les plus fréquentes, l'on a actuellement le couple suivant : (un) cheval ~ (des) chevaus. On écrit cependant ce pluriel (comme dans nombre de noms en -al de même origine), -aux par réfection analogique : x n'étant plus compris comme un raccourci pour -us, étant une consonne par ailleurs souvent muette en fin de mots (croix, voix), on a ajouté un u après le a pour faire correspondre la prononciation [o] avec le digramme habituel au. De fait, l'orthographe chevaux est redondante puisqu'elle revient à chevauus. Une réforme utile, serait d'enfin écrire chevaus. (également applicable à tous les mots français en ux) [1]
L'utilisation de -x pour -us dans les manuscrits français est tellement courante que les éditions critiques et philologiques modernes la reproduisent le plus souvent. L'influence de cette graphie dans l'orthographe française explique aussi le maintien de cet usage.
Le terme -us était parfois abrégé par un 9 placé en exposant à la fin du mot, par exemple (plus).
L'usage du tilde, des lettres barrées et de la cédille
Les moines copistes puis les premiers imprimeurs ont utilisé le tilde, essentiellement sur les voyelles, pour abréger certains groupes de lettres. Ainsi :
- a tilde, ã = « an » (banquets) ;
- e tilde, ẽ = « en » ou « em » (ancienne) ;
- i tilde, ĩ = « in » (ineptement) ;
- o tilde, õ = « on » ou « om » (hommes) ;
- u tilde, ũ = « un » ou « on » (aucun) ;
- n tilde, ñ = « neu » (seigneur) ;
- p tilde, p̃ = « pre » (premiere) ;
- q tilde, q̃ = « que » (desquels) ;
- r tilde, r̃ = « tr » (l(e)tres).
Certaines lettres barrées servaient aussi d'abréviations :
- p barré = « par » ou « per » (par escript) ;
- q barré = « qui » (qui).
À noter enfin les rares :
- p cédille, ̧p = « pro » ou « pre » (profitables) ;
- e ogonek (ou cédille inversée), ę = « æ » (græc).
Ces abréviations, très courantes jusqu'au milieu du XVIe siècle, ont disparu progressivement. Les voyelles tildées ont toutefois perduré jusqu’à la fin du XVIIe siècle.
Symboles abréviatifs préservés dans les écritures modernes
Parmi les nombreux symboles issus de ligatures ou de signes diacrités que l'on utilisait dans les manuscrits, certains se sont maintenus dans les écritures modernes. Les plus importants, étant maintenant intégrés dans quasiment toutes les langues et leurs écritures sont le point d'exclamation ("!", abréviation de interjectio) et le point d'interrogation ("?", abréviation de questio). On peut aussi compter à ce titre l'esperluette ("&", ligature de et) ainsi que le croisillon ("#", abréviation de numerus, « numéro », soit N surmonté d'un titulus).
Typologie des systèmes abréviatifs
- Abréviation : Raccourcissement du mot ou des mots et, éventuellement suppression de voyelles : Exemple : mes. pour message. Mlle pour Mademoiselle
- Acronyme : Abréviation dont le résultat forme un mot prononcé sans l'épeler. Exemple SIDA ou CAF
- Siglaison : consiste à prendre les initiales de plusieurs et les accoler ensemble. Exemple Gaz de France → GDF ou G.D.F. (selon charte rédactionnelle du support)
- Initiales : procédé équivalent à la siglaison mais limité aux noms propres : Exemples : PPDA pour Patrick Poivre d'Arvor, JJSS pour Jean-Jacques Servan-Schreiber ou DSK pour Dominique Strauss Kahn, JFK pour John Fitzgerald Kennedy et Jean-François Kahn.
- Troncation : mot tronqué en début ou en fin et, éventuellement, terminé par la voyelle o. C'est la forme la plus courante pour la construction de diminutif. Exemple : prolo pour prolétaire, pitaine pour capitaine ou Canto pour Eric Cantona
- Mot-valise : Réunion d'une syllabe ou d'une lettre débutant un mot avec la fin d'un autre mot. Exemple : aldol pour aldéhyde + alcool ou Bollywood pour Bombay + Hollywood
- Réticence de plume : Consiste à masquer les lettres d'un mot, en général ordurier, par un signe de ponctuation qui est souvent le point : Exemple M.... pour Merde
- Mot forme : La forme caractéristique de l'objet que le mot décrit est intégrée au mot et évite l'emploi d'une syllabe (surtout en anglais) : Exemple : T-shirt au pour Tee-shirt (chemise en forme de T) ou V-neck pour le col en V
- Phonétique : Très usité en téléphonie mobile (SMS) il consiste à remplacer syllabes ou mots par des signes ayant la même sonorité : Exemple C pour c'est, 2 pour de ou A+ pour à plus tard
Voir aussi
Articles connexes
- Abréviation (solfège)
- Acronymie
- Alphabet latin
- Linguistique
- Liste d'abréviations courantes en français
- Sigle
Liens externes
- Abréviations, sigles & acronymes
- Dictionnaire des abréviations françaises au Moyen Âge et à l'époque moderne
- Le jargon français - Roland Trique
Notes et références
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