Comics Code Authority

Comics Code Authority

Le Comics Code Authority (CCA) est une organisation de régulation du contenu des comic books publiés aux États-Unis. Les éditeurs adhérents soumettent leurs publications futures au CCA qui vérifie leur compatibilité avec un ensemble de règles, le Comics Code. Les comics jugés conformes obtiennent le droit d'afficher le sceau d'approbation du CCA sur leur couverture. À son apogée, le CCA constituait de fait un comité de censure des comics. En 2011, l'organisation n'existe plus[1] après que son influence se fut considérablement restreinte[2].

Sommaire

Origines et débuts

En 1954, les comics sont sur la sellette aux États-Unis. Le psychiatre Fredric Wertham vient de publier Seduction of the Innocent, un livre violemment opposé au genre, qu'il accuse entre autres d'être à l'origine de la délinquance juvénile. Le livre obtient un large écho, créant l'inquiétude chez de nombreux parents dont les enfants sont amateurs de comics. Dans le même temps, une commission d'enquête sénatoriale dirigée par Estes Kefauver s'intéresse elle aussi aux comics comme cause possible de la délinquance juvénile. Ayant interrogé Wertham à titre d'expert, la commission reprend largement ses thèses dans ses conclusions. Elle ne préconise aucune action précise, mais recommande fortement aux éditeurs de comics de « s'amender ». Plusieurs éditeurs interprètent ce conseil comme la menace d'une future législation gouvernementale de contrôle des comics. Ils décident alors de prendre les devants en se regroupant en une association, la Comics Magazine Association of America, qui crée à son tour le Comics Code Authority (CCA). Le CCA se définit comme un organisme d'auto-régulation chargé de veiller à l'application dans les comics d'un code de bonne conduite, le Comics Code. Les éditeurs membres s'engagent à soumettre au CCA leurs comics préalablement à toute parution, et à ne les publier qu'une fois son approbation obtenue.

Dans sa forme d'origine[3], le code impose entre autres les règles suivantes :

  • Toute représentation de violence excessive et de sexualité est interdite.
  • Les figures d'autorité ne doivent pas être ridiculisées ni présentées avec un manque de respect.
  • Le bien doit toujours triompher du mal.
  • Les personnages traditionnels de la littérature d'horreur (vampires, loup-garous, goules et zombies) sont interdits.
  • La publicité pour le tabac, l'alcool, les armes, les posters et cartes postales de pin-ups dénudées ne doivent pas apparaître dans les magazines.
  • La moquerie ou les attaques envers tout groupe racial ou religieux sont interdits.

L'instauration du CCA est critiquée des deux côtés du débat sur les comics. Wertham estime la mesure insuffisante, ne faisant pas confiance à un organisme qu'il juge trop proche des éditeurs. William Gaines, éditeur des EC Comics dont les plus grands succès sont consacrés à l'horreur ou au crime, se plaint des clauses interdisant l'utilisation de mots tels que horror ou crime dans les titres. De fait, la plupart des titres EC périclitent puis disparaissent dans les années suivantes, à l'exception de Mad, titre que sa formule magazine dispense d'obtenir l'approbation du CCA.

Même si le CCA n'a théoriquement aucune autorité sur les éditeurs non-membres, il devient progressivement de plus en plus difficile de publier des comic books sans son approbation, de nombreux distributeurs refusant de vendre les publications non approuvées. Une exception importante est l'éditeur Dell Comics qui refuse de rejoindre le CCA, arguant que ses comics n'ont nul besoin de vérification étant déjà « sains » dès le départ. Dell peut se permettre cette attitude de par la réputation familiale bien établie de ses publications (notamment des séries dérivées des personnages de Walt Disney) et de la part importante du marché qu'il représente à l'époque, mais ce n'est pas le cas de nombreux éditeurs plus modestes qui font faillite. D'une manière générale, la variété de la production de comics diminue considérablement avec l'instauration du code. Les éditeurs ne se risquent plus à publier autre chose que des histoires directement destinées aux enfants, faisant fuir le lectorat adulte. Ceci renforce l'association classique du medium comics avec un divertissement pour enfants, préjugé qui reste aujourd'hui encore très présent dans les esprits.

Évolution

À la fin des années 1960 apparaissent les comics underground, qui abordent des thèmes explicitement interdits par le code. Ces comics sont distribués hors des circuits traditionnels : ils sont notamment vendus dans les head shops, des magasins psychédéliques qui se développent avec la culture hippie. Les gérants de ces magasins sont indifférents à l'approbation du CCA, bien au contraire la vente de comics non approuvés est pour eux un argument commercial. Les comics underground sont ainsi hors d'atteinte des foudres du comité, ce qui constitue une première limitation à sa toute-puissance.

En 1971, le directeur de Marvel Comics, Stan Lee, est contacté par le Department of Health (équivalent américain du ministère de la santé) qui lui demande de réaliser un comic book sur les dangers de la drogue. Lee accepte et écrit une histoire de Spider-Man dans laquelle un ami de Peter Parker devient dépendant de pilules. Le scénario décrit clairement la consommation de drogue comme dangereuse pour la santé physique et morale, mais le CCA refuse d'approuver ces numéros, le code interdisant strictement toute référence même négative à la drogue. Marvel décide de sortir quand même ces épisodes sans le sceau d'approbation du CCA, et obtient un accueil public et critique très favorable. Le CCA est par contre critiqué pour sa rigidité.

De même, le personnage de Morbius est introduit dans Spider-Man : il s'agit d'un personnage qui a été modifié à l'image d'une chauve-souris comme Spider-Man à l'image d'une araignée. Morbius a tous les traits d'un vampire sans être explicitement présenté comme tel. Le CCA ferme les yeux sur ce contournement de ses standards.

Ces affaires créent un climat favorable à un relâchement des standards, et, également en 1971, le code est modifié, pour autoriser non seulement la représentation de la consommation de narcotiques à condition qu'elle soit présentée sous un jour négatif, mais également les histoires de vampires, goules, et loup-garous, « lorsqu'elles sont traitées dans la tradition de Frankenstein, Dracula, et autres travaux littéraires de haute qualité écrits par des auteurs tels que Edgar Allan Poe, Saki, Arthur Conan Doyle et autres auteurs respectés dont les œuvres sont lues dans les écoles du monde entier. ». Les zombies, manquant de caution littéraire, restent prohibés, mais au milieu des années 70, Marvel parvient à contourner l'interdiction en appelant « zuvembies » des adorateurs morts-vivants de super-vilains haïtien. La mise à jour de 1971, même si elle conserve au code son côté « moralisateur » représente un assouplissement significatif de la censure imposée par le CCA. Ainsi, dès la même année DC Comics peut publier un numéro de Green Lantern consacré aux problèmes de drogue du héros Speedy (acolyte de Green Arrow) comportant un dessin de seringue sur la couverture, et ce avec l'approbation du CCA.

Au cours des années suivantes, le code continue à évoluer avec le changement des mentalités dans la société américaine. Ainsi en 1989, les homosexuels sont ajoutés aux groupes que les comics ne doivent pas dénigrer, alors que la version initiale du code interdisait toute référence à l'homosexualité considérée comme une perversion. Néanmoins l'influence du CCA diminue de façon continue au cours du temps. Un facteur important expliquant ce déclin est le développement de nouveaux circuits de distribution, liés aux comic shops, des librairies spécialisées dans les comics. Face à leurs concurrents les newsstands (maisons de la presse), ces établissements tentent d'attirer le public en offrant un choix beaucoup plus importants de titres, y compris les titres non approuvés par le CCA. Ces nouveaux commerces entraînent une baisse du marché des newsstands, seuls points de vente où le sceau d'approbation du CCA reste obligatoire.

L'importance du CCA diminue encore avec l'apparition dans les années 80 et 90 d'une nouvelle génération de maisons d'édition (entre autres Fantagraphics, Image Comics, Dark Horse Comics). Ces éditeurs qui visent souvent un lectorat plus adulte ne rejoignent pas le CCA et ne lui soumettent même pas leurs ouvrages, distribuant uniquement leurs produits dans les comic shops. Les éditeurs membres du CCA eux-mêmes, en particulier Marvel et DC, lancent des collections destinées au public adulte qui ne cherchent pas à respecter les directives du code. Par exemple dans les années 1990, le label Milestone de DC soumettait ses publications au CCA, mais les publiait quel que soit le résultat, se contentant de placer le sceau du CCA sur les numéros approuvés. En 2001, Marvel se retire du CCA pour lancer son propre système de classification indiquant à quel profil de lecteur s'adresse chaque comic book. En 2006, parmi les éditeurs importants seuls DC et Archie Comics continuent à travailler avec le CCA, et dans le cas de DC uniquement pour les séries de super-héros de l'univers DC et celles de son label Johnny DC destiné aux enfants. En janvier 2011, le Comics Code disparaît car DC puis Archie annoncent qu'ils ne soumettront plus aucun de leurs comics et qu'ils ne verseront plus la somme nécessaire au CMAA pour avoir le droit de sigler leurs comics. Faute de fonds l'association qui gérait le Code est dissoute[1]. Toutes ses archives sont données au département juridique de DC Comics[4].

Notes et références

  1. a et b [1] The Comics Code Authority - DEFUNCT Since 2009? par Vaneta Rogers In Newsrama du 24 janvier 2011
  2. (en) Vaneta Rogers, « Archie dropping comic code authority seal in february », dans Newsarama, 21 janvier 2011 [texte intégral (page consultée le 23 janvier 2011)] 
  3. (en) Texte du Comics Code de 1954
  4. [2] John Goldwater, the Comics Code Authority, and Archie par R.C. Harvey In The Comics Journal. 28 juillet 2011

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