Combats de Plancenoit

Combats de Plancenoit
Assaut sur Plancenoit (Ludwig Elsholtz, 1843, huile sur toile)

Plancenoit a joué un rôle essentiel au cours de la bataille de Waterloo. Pris et repris à plusieurs reprises par les Prussiens et les Français, le village a été le théâtre de combats acharnés et terriblement sanglants. C'est également sur le territoire de cette ancienne commune que se trouve le beau monument de l'Aigle blessé, dédié aux morts français de la bataille et situé à l'endroit approximatif le fameux "dernier carré" de la garde impériale aurait combattu.


Sommaire

La "bataille" de Plancenoit

Lorsque laube du 18 juin 1815 se lève, la quarantaine de maisons de Plancenoit déborde littéralement de soldats français. Cest que la veille au soir, alors quils ont combattu aux Quatre-Bras ou quils ont marché des kilomètres, les malheureux, affamésils avaient depuis longtemps épuisé la ration de pain quils avaient reçu le 15 au matin – , trempésil pleuvait à seau depuis le 17 à 14 h 30 –, qui passaient par ont vu dans ce petit village un abri dautant plus providentiel que la population sétait enfuie dans les bois environnants.

Le village est évacué dans le début de la matinée du 18. On devine létat lamentable dans lequel se trouvent les maisons désertéesJusque vers 18 h, Plancenoit ressemblera à un village abandonné au milieu de nulle part.

Peu après 16 h, on aperçut les premiers cavaliers prussiens sortir du bois de Paris. Pendant ce temps, à couvert, la 15e brigade de Losthin sétait formée au nord du chemin de Plancenoit et la 16e (Hiller) au sud. Le tout est couvert par 32 pièces dartillerie.

Laxe principal de lattaque prussienne est donc perpendiculaire au front principal français et est représenté par le chemin de Lasne à Plancenoit. Cest dailleurs le clocher de léglise de Plancenoit qui constitue le point de mire pour les soldats prussiens.

Néanmoins, Blücher, toujours prudent, fait détacher trois bataillons sur sa droite afin de protéger son flanc droit (dans lordre les 2/18 R.I., 3/3 Landwehr Silésie et 1/18 R.I.). Ces unités prennent la direction du château de Fichermont et du hameau de Smohain. De même, à gauche, les 3/15 R.I. et 3/1 Landwehr de Silésie se dirigent vers la ferme Hannotelet. Ajoutons que les deux escadrons de von Falkenhausen sont toujours disposés dans la vallée de la Lasne vers Maransart. Lattaque du 4e corps est donc parfaitement protégée sur ses deux flancs.

Lintention de Blücher est parfaitement claire : il sagit de pousser jusquà la chaussée et de couper la retraite à lennemi. En même temps, en poussant quelques bataillons vers Smohain, on donnera la main à Wellington. On sest parfois demandé pourquoi les Prussiens étaient si tardivement intervenus sur le champ de bataille. Et on a cru y répondre en disant que cest à la méfiance de Gneisenau quil fallait attribuer ce prétendu retard. Mais nous savons que dès 13 h 30, lorsque la grande batterie se déchaîna, Gneisenau était fixé ; que, dautre part, Gneisenau était encore à Wavre à ce moment, occupé à régler la marche des 2e et 3e corps ; que Blücher était avec Bülow et que cest donc lui qui ordonna lattaque du 4e corps, avant même quil soit entièrement réuni. Cest aux difficultés du passage de la Lasne que Blücher attribue son retard (relatif). La plupart des sources prussiennes confirment ce point de vue. Müffling suggère même que lon attendit les batteries de 12 pour engager franchement le combat. Quoi quil soit, les auteurs prussiens sont unanimes : on nattendit pas que le 4e corps fût au complet pour se lancer dans la bagarre et cela est au fait que Wellington semblait en grande difficulté. Damitz va même jusquà écrire : « Les nombreux rapports que le feld-maréchal [Blücher] recevait du duc de Wellington montraient assez que celui-ci était à la dernière extrémité. Les forces de Napoléon se voyaient distinctement vers Belle-Alliance : à chaque instant elles pouvaient rompre la ligne ébranlée des Anglais[1] ».

Trois batteries prussiennes ouvrirent le feu sur la cavalerie française à la limite de leur portée. Selon Müffling, ce tir avait plutôt pour but davertir Wellington que les Prussiens entraient dans la bagarre . Thurn und Taxis confirme[2] . Si tel est bien le cas, leffet fut complètement manqué. Dans son Memorandum de 1842[3], le duc précise que le premier avis quil reçut des mouvements de Blücher lui parvint à 18 h par un message arrivé de sa droite qui lui signalait quà ce moment, on apercevait dans le lointain, derrière la droite de lennemi, la fumée dun tir dartillerie quon supposait avoir lieu à PlancenoitIl est vrai quà 16 h 30, déferlaient sur la ligne alliée les grandes charges de cavalerie françaises et, que dans la fumée et le vacarme de la bataille, de il se tenait, Wellington aurait été bien en peine dapercevoir quoi que ce soit du côté de Plancenoit.

Canon prussien[4]

Au tir dartillerie prussien, Domon fit avancer un de ses régiments de chasseurs dans lintention manifeste de charger les batteries ennemies et, sans doute aussi, de laisser le temps au 6e corps de se déployer. À la vue de cette manœuvre, « le 2e hussards silésiens, le 2e de Landwehr de Neumark et les escadrons de la 16e brigade traversèrent les intervalles de linfanterie et vinrent se former en bataille, les hussards à gauche du chemin, la Landwehr de Neumark à droite, les 2 escadrons silésiens en arrière. Cette masse de 10 escadrons refoula sans peine les 4 premiers escadrons de Domon, mais elle dut plier à son tour devant les 8 autres. » Les cavaliers prussiens repassèrent derrière leur artillerie et leur infanterie. Domon, emporté par son élan se trouva donc complètement à découvert et dut reculer face au feu denfer que dirigeaient contre eux les canons de Blücher et les fantassins de Losthin bien postés . Il passa en réserve, démasquant linfanterie du 6e corps.

Malgré la faiblesse de son artillerie, Lobau sut lutiliser à bon escient et les artilleurs français eurent la satisfaction de mettre hors de combat la moitié de la 14e batterie du 1er lieutenant Hensel. Malgré tout, encouragées par la maigreur du feu dartillerie français, les brigades Losthin et Hiller sortirent résolument du bois et marchèrent à lennemi. À son tour, Lobau, qui ne désirait pas subir le choc passivement, porta son corps en avant et repoussa brièvement lennemi. Il était 17 h 30.

Cet incontestable succès neut pourtant aucun effet : voilà que du bois, surgissaient maintenant les 13e (von Hake) et 14e (von Ryssel) brigades. Toute la cavalerie du prince Guillaume suivait de près et deux batteries supplémentaires furent mises en œuvre. La résistance était presque impossible : Lobau alignait maintenant ses 6 500 hommes contre plus de 30 000 hommes du 4e corps prussien. À limpossible, nul nest tenu, dit-on. Et pourtant, Lobau sen tint à limpossible et offrit un très solide front aux attaques prussiennes.

Tentative denroulement par le village : première prise de Plancenoit

Gneisenau, arrivé sur ces entrefaites, compritet en avisa Blücherque sobstiner à attaquer de front Lobau ne servait à rien et quil valait mieux essayer de le tourner à gauche (vers le sud). En conséquence de quoi, la 16e brigade (Hiller) appuya à gauche, directement appuyée par la 14e (von Ryssel). La 13e brigade (von Hake) vint prendre la place de la 16e à gauche de la 15e (Losthin). Deux bataillons de Hake furent détachés sur la droite et reprirent les extérieurs du château de Fichermont. Pendant ce temps-, les huit batteries prussiennes (59 pièces) pilonnaient le corps de Lobau. Celui-ci, dont la position devenait intenable, commença à redouter sérieusement dêtre enroulé par sa droite. Il recula calmement et son corps exécuta une manœuvre excessivement difficile dans ces conditions. En effet, alors que jusquici, chacune des deux divisions était en colonnes par division à distance de section, tout en reculant, elles se déployèrent de sorte à former la ligne sur trois rangs. Du nord au sud, le long de ce qui constitue aujourdhui le chemin de Plancenoit et le chemin de Camuselle, était déployée la 20e division dans lordre suivant : le 2/107 R.I., le 1/107 R.I., le 2/10 R.I., le 1/10 R.I., le 2/5 léger, le 1/5 léger et le 2/84 R.I.. Un bataillon (le 1/84 R.I.) prit position dans le village de Plancenoit, près de léglise, tandis quautour, les 2/27 R.I., 1/27 R.I., 1/11 R.I., 1/5 R.I., et 2/5 R.I., se postaient le long des haies ou des murs, y cherchant une forte position défensive. En deuxième ligne, dans le village, se trouvaient les 2/11 R.I. et 3/11 R.I. Ainsi le village était-il défendu par léquivalent dune brigade. Tout cela se fit sous le feu des batteries prussiennes qui avançaient progressivement.

Eléments de la Landwehr prussienne (juin 2005)

Plancenoit nest absolument pas un village facile à défendre : il constitue, selon lexpression consacrée, un « nid à obus ». Cest dire si les cinq ou six batteries dartillerie prussiennes sen donnèrent à cœur joie. Vers 18 h, les Prussiens passèrent à lattaque générale. Au nord, le long des chemins, la division Losthin précédée dune nuée de tirailleurs monta à lassaut de la 20e division qui tint assez bien sa position mais qui commença à céder lentement le terrain. Cest sur le village que sexerça la pression principale des Prussiens : en première ligne, par la division Hiller soutenue par la division Ryssel. En peu de temps, malgré une résistance acharnée, le village tomba aux mains des Prussiens qui sy retranchèrent.

Pas de doute : si les Prussiens restaient , ils étaient à même de menacer la ligne de retraite de larmée française. Déjà, des boulets prussiens tombaient sur la chaussée de Bruxelles était stationnée lultime réserve, la Garde. Napoléon fit donc appeler le général Duhesme et lui donna lordre de reprendre le village.

La jeune garde reprend Plancenoit

Le général Duhesme reçoit donc, peu après 18 h, de la bouche de lempereur lui-même, lordre de reprendre le village de Plancenoit.

Entre 18 h 30 et 18 h 45, sébranle donc la jeune garde qui était jusque- stationnée le long de la chaussée. Elle marche le long de ce nous nommons maintenant la rue du Champ de Bataille et la rue de la Bâchée. En tête marchent les 2e et 1er bataillons du 1er tirailleurs puis les 1er et 2e bataillons du 1er Voltigeurs, les 1er et 2e bataillons du 3e Tirailleurs, les 1er et 2e bataillons du 3e Voltigeurs. On a fort peu de détails sur cet assaut. Il semble bien toutefois que le 1/1 Tirailleurs se dirigea vers le nord du village et le 2/1 Tirailleurs vers le sud. Le reste, soutenu ou précédé par les 27e, 11e et 5e de ligne, sengouffra dans le village dont ils chassèrent les Prussiens sans grosse difficulté. Après avoir reculé, la 16e brigade prussienne fut reformée et renforcée par le général von Hiller. Trois colonnes de 2 bataillons chacune furent constituées ; à droite, les 1/15 R.I. et 2/15 R.I. (major Wittig) ; au centre, les 1/1 Silésiens et 2/1 Silésiens (major Fischer) ; à gauche les 1/2 Silésiens et 2/2 Silésiens (Lt-col Blandowsky), soutenus en deuxième ligne par 2 bataillons de la 14e brigade (1/2 R.I. et 1/1 Poméraniens). Cependant, au nord, la 13e brigade (Hake) vint soutenir la 15e (Losthin), toujours aux prises avec le gros de Lobau.

Les tirailleurs et voltigeurs de la garde sétaient retranchés à leur tour dans le village et dans le cimetière et accueillirent ce nouvel assaut avec vigueur. Quelques pièces dartillerie les soutenaient.

Les Prussiens semparent de Plancenoit pour la deuxième fois

Les Prussiens, à la tête desquels Gneisenau était venu se mettre personnellement, ne se laissent pas arrêter, reprennent pied dans le cimetière et continuent leur progression dans le village ils prennent deux canons et un obusier à lennemi. Mais les Français se sont barricadés dans les maisons d ils tirent à bout portant sur les Prussiens mal protégés. La situation devient très vite impossible à gérer et les Prussiens se retirent lentement. Mais ils se reforment aussitôt, se voient renforcés par le 2/2 R.I. et le 2/1 Poméraniens, repartent à lassaut et reprennent la plus grosse partie du village. Daprès le général Pelet, qui, avec la vieille garde, se trouvait non loin de la chaussée, la jeune garde « était poussée, et les hommes filaient sur les derrières ». Autrement dit, ils prenaient la poudre descampettePelet, de sa propre initiative, envoya 50 hommes vers les premières maisons de Plancenoit qui, en venant de la chaussée, étaient assez éloignées du village et bien séparées, pour arrêter les fuyards. Ce quils narrivèrent sans doute pas à faire complètement, puisque Pelet dut envoyer un second détachement quil dut placer lui-même.

Intervention de la vieille garde

Cependant, vers 19 h 15, lorsquil aperçoit que le village est sur le point de retomber aux mains de lennemi, Napoléon ordonne au général Pelet de prendre la tête du 1er bataillon du 2e chasseurs de la garde et du 1er bataillon du 2e grenadiers de la garde et daller donner un coup de main à la jeune garde et aux bataillons de ligne pour sassurer solidement du village. Le fait que lempereur nhésite pas à engager deux bataillons de sa vieille garde en dit long sur limportance quil accordait à la possession du village.

Le général Morand, commandant des Chasseurs de la gardeà moins que ce ne soit lempereur lui-mêmeordonna au général Pelet : « Allez avec votre 1er bataillon à Plancenoit, la jeune garde est toute renversée. Soutenez-la. Tenez vos troupes réunies et en main ; si vous abordez lennemi, que ce soit avec une seule division (deux compagnies) et à la baïonnette. »

Au pas de charge, les grenadiers du 2e bataillon (Golzio) du 2e régiment de grenadiers de la garde nettoyèrent le village de tout ennemi et continuèrent à pourchasser les Prussiens à plus de 500 mètres au-delà, jusquaux batteries prussiennes, un moment abandonnées. Cependant, cette masse, désorganisée par sa charge même, se vit à son tour charger par des hussards silésiens qui refoulèrent les grenadiers. À leur tour, ces hussards furent chargés par les lanciers de Subervie, bientôt appuyés par plusieurs escadrons de Domon, eux-mêmes bientôt chargés par le régiment de hussards prussiens no 8.

Mais le village de Plancenoit était repris par les Français.

Cest à ce moment que Napoléon, rassuré sur sa droite, et qui venait dapprendre la prise de la Haye-Sainte, crut quil était temps de donner le coup définitif aux Anglo-Hollandais et mit en branle la charge de la garde impériale sur le centre-droit de Wellington.

Fifre et tambours de la garde (juin 2005)

Cependant, les artilleurs prussiens reprirent leurs postes et noyèrent le village de Plancenoit dans un océan de feu.

Les 14e et 16e brigades prussiennes qui avaient pris le village puis qui lavaient reperdu étaient épuisées et mirent du temps pour se reformer. Pendant ce temps, les 13e et 15e brigades se heurtaient toujours à la résistance acharnée du corps de Lobau. La cavalerie du prince Guillaume de Prusse sétait chargée de remplir le vide laissé entre les deux ailes du 4e corps, mais il était dans la plus inconfortable des positions, bombardé par lartillerie française qui lui causa dimportants dégâts. À 19 h donc, aux dires de Gneisenau, la bataille était indécise. Cest un euphémismeEn effet, à ce moment, les Prussiens étaient bloqués devant Plancenoit et la ligne anglaise faisait entendre de sinistres craquements.

Chute définitive de Plancenoit

Vers 20 h, une colonne dassaut prussienne monte vers le village. Le 2r régiment poméranien est en tête de colonne et se dirige vers léglise. Il se heurte au mur du cimetière que les Français ont garni de tirailleurs ainsi dailleurs que les fenêtres des maisons environnantes. En face deux, les granges et les étables de la ferme Cuvelier dissimulent la réserve française derrière des volutes de fumée, mais, par le fait même, empêche leur intervention.

Les Prussiens, vu les importantes pertes subies devant léglise, réalisent que cette attaque frontale nest pas la bonne méthode. Il sen suit que le major Witzleben bifurque à gauche, avec le 25e R.I., rejoint les tirailleurs qui occupaient le bois de Virère et prend la rue La Haut. Le major Keller, avec les deux bataillonsles 1/15 R.I. et 1/1 Silésiensavait longé la Lasne et vint appuyer le major Witzleben. Après un combat acharné, ces deux groupements nettoient le sud du village et sont en mesure de remonter vers la place par deux petites ruelles, dont lune porte aujourdhui le pittoresque nom de rue alGatte. Dès lors, la place et le cimetière sont pris entre deux feux. Aerts écrit quun bataillon de la jeune garde se fit massacrer dans le cimetière. Il semble pourtant que ce soit le 1er bataillon du 2e chasseurs de la vieille garde qui ait été le dernier à quitter le cimetière, non sans y subir des pertes très sévères.

Dès lors, les Français, toute cohérence oubliée, évacuèrent le village vers 20 h 30 et furent pris dans la déroute générale comme dans un engrenage.

Bilans

Ainsi donc, pour prendre Plancenoit, ce furent quelque 35 000 Prussiens qui furent engagés tandis que laile droite française compta au plus 13 000 hommes. En dautres termes, 43 bataillons prussiens furent opposés à 25 bataillons français. Adkin, parlant des combats de Plancenoit écrit que, du fait que ce combat rapproché sest situé dans des espaces construits, « la bataille absorba des troupes comme une éponge absorbe leau  ». Ce type de combat urbain ne permettait pas aux Prussiens dutiliser leurs forces dun coup, mais seulement par petits paquets, ce qui rendait la défense du village dautant plus aisée quil était possible de se poster derrière les murs et les haies. Cest lutilisation massive et successive de troupes fraîches opposée à des défenseurs toujours un peu plus fatigués qui permit finalement aux Prussiens de lemporter.

Les pertes humaines furent considérables. Il est impossible davoir un décompte exact des morts et des blessés du côté français. Les seuls chiffres que lon puisse utiliser sobtiennent en soustrayant de leffectif au début de la campagne, celui donné par les revues de troupes faites entre les 23 et 26 juin.

Tenant compte des désertions survenues après le 18 juin, on peut donc évaluer les pertes françaises à Plancenoit à environ 6 000 tués, blessés ou disparus. Gravement blessé à la tête durant cette journée, le général Duhesme fut fait prisonnier par les prussiens et transporté dans une maison de Genappe il expira.

Du côté prussien, les statistiques sont plus précises. La 5e brigade (Tippelskirch), la dernière à être intervenue dans la bataille, ne perdit que 350 hommes ; la 13e brigade (Hake) perdit 1 000 hommes ; la 14e (Ryssel), 1 400 hommes ; la 15e (Losthin), 1 800 hommes ; la 16e (Hiller) 1 800 hommes. Soit un total de 6 350 hommes. Le nombre total de Prussiens impliqués dans le combat de Plancenoit étant denviron 30 000 hommes, cela nous donne 21 % de pertes.

LAigle blessé

L'Aigle blessé de Gérôme(détail)

Ce beau monument, situé sur le territoire de Plancenoit, au croisement de la chaussée de Charleroi et du chemin de Plancenoit, à quelques centaines de mètres au sud de la Belle-Alliance, représente un aigle blessé, levant une aile percée par la mitraille, tenant dans une serre un drapeau, lautre dressée dans un mouvement de défense autant que de défi. Cette sculpture est due à Jean-Léon Gérome qui mourut quelques mois avant linauguration du monument. Linitiative de lérection de ce mémorial est due à lhistorien Henry Houssaye qui rallia à son idée le comte Albert de Mauroy et Gustave Larronet. Les trois hommes commencèrent par acheter un petit terrain de 100 m², quils offrirent à la société militaire La Sabretache, laquelle ouvrit une souscription en vue dériger le monument. Jusque-, aucun monument navait célébré la mémoire des combattants français de 1815. Aussi nest-il pas difficile de comprendre lengouement que suscita lérection et linauguration du mémorial. Cest en effet une foule de plus de 100 000 spectateurs qui, le 28 juin 1904, assista au dévoilement du monument. Pour loccasion, les stations de chemin de fer bruxelloises délivrèrent 57 000 ticketsJamais autant de monde navait été réuni sur le champ de bataille depuis le 18 juin 1815. Singulier contraste avec linauguration quasi clandestine de la butte du Lion en 1826 !…

Le temps était magnifique et dans la matinée, la foule se pressa dans la petite église de Plancenoit pour assister à une messe de Requiem chantée en lhonneur des morts français de Waterloo. A 14.00 hrs, les trains spéciaux occupés par les personnalités quittèrent la gare du Midi pour rallier la gare de Braine-lAlleud, les dignitaires montèrent dans le tramway vicinal pour rejoindre le carrefour de Mont-Saint-Jean. , ils changèrent pour prendre un autre vicinal en direction de Plancenoit. A la Belle-Alliance, les invités se formèrent en cortège, précédé dun détachement de la Gendarmerie en grand uniforme et dun orchestre militaire. On remarquait dans lassistance le représentant du roi Léopold II, le général Bruylant, le ministre de France à Bruxelles, M. Gérard, M. Henry Houssaye, très reconnaissable à sa grande barbe noire, et le célèbre peintre de batailles, M. Edouard Detaille. Les enfants des écoles étaient nombreux, brandissant des petits drapeaux belges et français. Autour du monument sétaient rassemblés des descendants de combattants de 1815. Il y avait , entre autres, le petit-fils du comte de Lobau, qui tint à déposer lépée de son grand-père au pied du monument, le baron Durutte et deux descendants du général Duhesme. Au premier rang, une petite dame âgée attirait les regards. Il sagissait de Mme Thérèse Dupuis, âgée de 103 ans, qui, à lâge de 13 ans, avait assisté au passage dans lun et lautre sens des troupes de Napoléon. La vieille dame, quoique particulièrement fêtée par les autorités officielles, mais vaincue par la fatigue et lémotion, ne put assister à lentièreté de la cérémonie et se retira discrètement.

Lorchestre militaire interpréta plusieurs marches de lépoque impériale puis Edouard Detaille prit la parole. Le monument fut alors dévoilé et Henry Houssaye lut un beau discours. Plus tard, lhistorien avoua que cela avait été le plus beau jour de sa vie. L’ « Aigle blessé », alors quil nétait encore quun projet, suscita les plus vives polémiques. On reprocha à Houssaye de vouloir célébrer une bataille la France avait été vaincueA quoi, lhistorien répondit quil ne sagissait pas de rappeler une bataille qui avait été une défaite mais le sacrifice des héros qui avaient donné leur vie pour la Patrie.

Inauguration du monument en 1904

Après la guerre de 14, les mouvements wallingants entreprirent de venir chaque année déposer une gerbe au pied du monument. La première de ces manifestations eut lieu en 1928 et réunit quatorze personnesLes pèlerinages à Waterloo revêtirent une importance de plus en plus grande quand, à la fin de l'entre-deux-guerres, la Belgique choisit de rompre l'alliance avec la France au bénéfice d'une politique dite des mains libres ou de neutralité qui est à l'origine de la Question royale. En 1937 par exemple Georges Truffaut prenant la parole au pèlerinage de Waterloo, combattit lamnistie. Il dénonça aussi la minorisation des Wallons au Parlement belge et les visées impérialistes flamandes sur les communes francophones de la frontière linguistique. Enfin, cest avec véhémence que Truffaut dénonça la politique de neutralité pratiquée par le gouvernement.

La tradition veut que c'est à cet endroit que le 18 juin 1940 ait été fondé le mouvement de résistance Wallonie libre.

Le « Dernier Carré »

Une autre polémique se fit jour : pourquoi l’« Aigle blessé » est-il situé à lendroit il se trouve ? La plupart des guides touristiquesdu moins ceux qui y font allusionsituent le monument à lendroit « résista le général Cambronne et le dernier carré de la Garde impériale[5]  ». A quoi, Jacques Logie répond sèchement : « Il est inexact de prétendre que lAigle Blessé ait (sic) été érigé à lemplacement du dernier carré de la Garde[6] ». Malheureusement, il ne nous dit pas pourquoi et cette laconique réplique sent un peu son argument dautoritéTâchons donc de prendre les choses dans lordre et de déterminer de quoi on parle quand on évoque ce « dernier carré ».

Il semble bien que ce soit Victor Hugo, une fois de plus, qui ait consacré cette expression. Relisons la page des Misérables il en est question :

«  Quelques carrés de la garde, immobiles dans le ruissellement de la déroute comme des rochers dans de leau qui coule tinrent jusqu'à la nuit. La nuit venant, la mort aussi, ils attendirent cette ombre double, et, inébranlables, sen laissèrent envelopper. Chaque régiment, isolé des autres et nayant plus de lien avec larmée rompue de toutes parts, mourait pour son compte. Ils avaient pris position, pour faire cette dernière action, les uns sur les hauteurs de Rossomme, les autres dans la plaine de Mont-Saint-Jean, , abandonnés, vaincus, terribles, ces carrés sombres agonisaient formidablement. Ulm, Wagram, Iéna, Friedland, mouraient en eux. »

«  Au crépuscule, vers neuf heures du soir, au bas du plateau de Mont-Saint-Jean, il en restait un. Dans ce vallon funeste, au pied de cette pente gravie par les cuirassiers, inondée maintenant par les masses anglaises, sous les feux convergents de lartillerie ennemie victorieuse, sous une ef-froyable densité de projectiles, ce carré luttait. Il était commandé par un officier obscur nommé Cambronne. A chaque décharge, le carré diminuait, et ripostait. Il répliquait à la mitraille par la fusillade, rétrécissant continuellement ses quatre murs. De loin les fuyards, sarrêtant par moment essoufflés, écoutaient dans les ténèbres ce sombre tonnerre décroissant. »

«  Quand cette légion ne fut plus quune poignée, quand leur drapeau ne fut plus quune loque, quand leurs fusils épuisés de balles ne furent plus que des bâtons, quand le tas de cadavres fut plus grand que le groupe vivant, il y eut parmi les vainqueurs une sorte de terreur sacrée autour de ces mourants sublimes, et lartillerie anglaise, reprenant haleine, fit silence. Ce fut une espèce de répit. Ces combattants avaient autour deux comme un fourmillement de spectres, des sil-houettes dhommes à cheval, le profil noir des canons, le ciel blanc aperçu à travers les roues et les affûts ; la colossale tête de mort que les héros entrevoient toujours dans la fumée au fond de la bataille, savançait sur eux et les regardait. Ils purent entendre dans lombre crépusculaire quon chargeait les pièces, les mèches allumées pareilles à des yeux de tigre dans la nuit firent un cercle autour de leurs têtes, tous les boute-feu des batteries anglaises sapprochèrent des canons, et alors, ému, tenant la minute suprême suspendue au-dessus de ces hommes, un général anglais, Colville selon les uns, Maitland selon les autres, leur cria : Braves Français, rendez vous ! Cambronne répondit : Merde [7]! » »

Sans vouloir pousser lanalyse de texte jusquà lexagération, il nous faut dabord observer que le premier paragraphe de cet extrait concerne les derniers carrés de la garde tandis que les deux derniers, par un effet assez saisissant de « zoom » ne concernent plus que celui d Cambronne lança sa fameuse apostrophe. Pour Victor Hugo, donc, le dernier carré est celui se trouve Cambronne. Or il semble bien que Cambronne nait jamais prononcé le moindre mot, historique ou non, digne dêtre retenu.

Une seule certitude à ce stade : il sagissait dun bataillon de la garde impériale à pied.

Nous pouvons déjà commencer par écarter la division de la Jeune Garde. Vers 18.00 hrs, le 18 juin, elle est en effet envoyée pour renforcer la défense de Plancenoit et y restera jusquà la déroute finale.

Nous pouvons également éliminer le 1er bataillon du 1er Chasseurs (Duuring) qui est commis à la garde des bagages de lempereur et qui restera au Caillou toute la journée. Le soir de la bataille, il fera retraite en bon ordre jusquà Fleurus, couvrant la retraite de larmée mais ne sera jamais impliqué dans la bataille elle-même. Ce ne peut donc pas être lui qui se fait massacrer à la Belle-Alliance ou à hauteur de Rossomme.

Le 1er bataillon du 2e Grenadiers et le 1er bataillon du 2e Chasseurs doivent également être exclus : ils viennent soutenir la Jeune Garde à Plancenoit vers 19.15 hrs.

A partir dici, la tâche est un peu moins aisée.

Nous savons que cinq des six régiments de la Moyenne Garde participèrent à lassaut final de la Garde contre le centre-droit de Wellington.

En effet, quoique formé en carré comme les autres bataillons, le 2e bataillon du 3e Grenadiers (Belcourt) resta en réserve des autres. Furent donc impliqués dans cet assaut final de gauche à droite :

  • Le 4e Chasseurs (Agnès)
  • Le 2/3 Chasseurs (Angelet)
  • Le 1/3 Chasseurs (Cardinal)
  • Le 4e Grenadiers (Lafargue)
  • Le 1/3 Grenadiers (Guillemin)

A larrière, nous avons, outre le 2/3 Grenadiers (Belcourt) qui reste en réserve entre la Haye Sainte et Hougoumont, trois bataillons de la Vieille Garde :

  • Le 2/1 Chasseurs (Lamouret). Cest le carré dans lequel se trouve Cambronne.
  • Le 2/2 Chasseurs (Mompez)
  • Le 2/2 Grenadiers (Golzio).

Enfin, plus loin encore, lélite de lélite, les deux bataillons du 1er Grenadiers (Petit) restent de part et dautres de la route de Charleroi un peu avant Rossomme. Ils constituent vers 19.30 hrs la dernière réserve générale de Napoléon

Après léchec du dernier assaut français, toutes les unités de première ligne sont mises en déroute. Seul le 4e Chasseurs (Agnès) résiste un peu plus longtemps que les autres, mais finit également par prendre la fuite. Lattaque générale anglo-néerlandaise ne rencontre alors devant elle que les quatre unités de deuxième ligne. A ce moment, le 2/3 Grenadiers (Belcourt), qui se trouve le plus à gauche, est très sévèrement accroché par la cavalerie de Vivian et subit de lourdes pertesplus de 200 hommes sur un effectif de 580. Formé en un semblant de triangle sur deux rangs, il recule aussi vite quil peut vers la Belle-Alliance sous la pression de la cavalerie et de linfanterie britannique qui surgit dHougoumont. Lorsquil atteint la Belle-Alliance, le major Belcourt donne lordre de tirer une dernière salve et disperse ses derniers hommes pour gagner larrière. Il sagit donc pour ceux-ci dun sauve-qui-peut.

Entre-temps, la brigade Adam et le bataillon dOsnabrück de la 3e division hanovrienne (Hew Halkett) nont donc plus devant eux que trois carrés : (Lamouret, Mompez et Golzio). Ceux-ci reculent en bon ordre. Mais bientôt, le 2e bataillon du 1er Chasseurs (Lamouret), dans lequel se trouve Cambronne, est désintégrécest sans doute à ce moment que Cambronne est fait pri-sonnieret le lieutenant Martin qui porte lAigle du 1er régiment de Chasseurs doit trouver refuge dans le carré du 2/2 Chasseurs (Mompez). Pendant ce temps, le 4e Grenadiers, dont le commandant (Lafargue) est mortellement touché, vole en éclat. Tous ses officiers sont tués ou blessés. Les survivants trouvent provisoirement refuge dans le triangle de Belcourt. Ne restent plus à ce moment que le 2/2 Chasseurs (Mompez) et le 2/2 Grenadiers (Christiani) qui recueil-lent tous les survivants quils peuvent et font vivement retraite, dans un ordre très relatif, vers les deux carrés du 1er Grenadiers.

Postés entre la Belle-Alliance et Rossomme, les deux bataillons de ce régiment délite, le 1er Grenadiers, ne bougent pas dun pouce et protègent la retraite précipitée de leurs camarades survivants. Placées sous les ordres du général Petit, ces « vieilles moustaches », les authentiques grognards, ont toujours été les piliers de larmée française. Quatre hommes sur cinq étaient décorés de la Légion dhonneur et beaucoup avaient connu vingt-cinq campagnes. Cétait le seul régiment de la Garde dont les tenues étaient uniformément réglementaires. Au moment tout sécroulait, ses deux bataillons formèrent un solide carrétrès précisément à lendroit se trouve l’ « Aigle blessé » – et fournirent un refuge provisoire à lempereur et au reste de son état-major. Le carré de ce régiment débordait dailleurs de réfugiés en tous genres : officiers, état-major, soldats de tous rangs et de toutes provenances, musiciens, etc. De telle sorte que lon a pu écrire quil était formés de quatre côtés de dix rangs.

Mais il devint évident que les Prussiens, débouchant de Plancenoit, nallaient pas tarder à lui couper la retraite, le 1er Grenadiers se redivisa en deux carrés et entama une retraite calme vers Rossomme. Lun des deux bataillons marcha le long de la route et lautre à travers champs. Cest au cours de cette retraite que Napoléon, accompagné de ce qui subsistait de son état-major et dun escadron de service abandonna ses grenadiers et galopa jusquau Caillou se tenait toujours le 1er bataillon du 1er Chasseurs, avant de filer vers Genappe sans demander son reste. Arrivé au Caillou en bon ordre, le 1er Grenadiers fut rejoint par ce 1/1 Chasseurs et, en sa compagnie, poursuivit sa retraite en bon ordre, malgré les attaques incessantes des poursuivants prussiens, jusquà deux kilomètres environ de Genappe afin de couvrir la fuite de lempereur.

A cet endroit, quand il devint évident que Napoléon était loin, le général Petit fit rompre les carrés et prendre la formation en colonne. Cette colonne poursuivit sa route jusquà Fleurus.

Ainsi donc, si lon sen tient aux faits, la seule unité française qui quitta le champ de bataille de Waterloo en ordre parfait fut le 1er régiment de Grenadiers. Tout le reste de larmée française nétait que désordre et confusion. Il est donc tout à fait évident que le dernier carré que décrit Victor Hugo ne peut pas être celui du 1er Grenadiers. Ce qui ne retire rien à sa gloire : retraiter efficacement et en bon ordre est aussi glorieux que de se faire inutilement hacher sur place.

Cela dit, qui reste-t-il pour revendiquer le titre de « Dernier Carré » ? Si lon sen tient au récit de Hugo, aucun homme naurait survivrePeut-être, en examinant le pourcentage de pertes, trouverons-nous la solution de notre problème. La statistique que nous allons examiner a été établie le 26 juin 1815, lorsque purent enfin être passés en revue les survivants de la garde. Les blessés et les fugitifs ne sont donc pas pris en ligne de compte.

Effectif et pertes de la Garde impériale
Unités Eff. au 18 juin Eff. au 26 juin Eff. au 26 juin (en p.c.)
1er Grenadiers 1 280 644 50
2e Grenadiers 1 090 374 34
3e Grenadiers 1 164 201 16
4e Grenadiers 520 100 17
3e Chasseurs 1 062 165 15
4e Chasseurs 841 244 29


Ainsi quon le voit les pertes de la Vieille et de la Moyenne Garde furent considérables. Tout cela nest cependant rien en comparaison de celles de la Jeune Garde : les régiments les moins atteints furent le 1er Voltigeurs et le 3e Tirailleurs avec 16 p.c. de présents au 26 juin. Le plus diminué fut le 1er Tirailleurs avec 8 p.c. seulement de présents. Ce furent donc les combats de Plancenoit qui savérèrent les plus meurtriers.

Malheureusement, nous ne possédons pas la ventilation de ces chiffres par bataillons, ce qui nous aurait été bien utile

Remarquons dabord que le 1er Grenadiers fut relativement le plus épargné. Nous savons pour-quoi : jamais directement engagé contre lennemi, il se retira en bon ordre.

Le tableau nous montre que lunité la plus touchée fut le 3e Chasseurs. Mais nous savons que les deux bataillons de ce régiment montèrent tous deux à lassaut de la ligne anglo-néerlandaise et quils furent mis en déroute. Les pertes élevées de ce régiment sont donc explicables.

Vient ensuite le 3e Grenadiers dont un seul bataillon, le 1er, monte à lassaut de ligne alliée. Si les pertes totales du régiment sétablissent à 84 p.c., on peut raisonnablement déduire que le pourcentage du bataillon qui monte à lassaut est le plus élevé et doit sétablir, comme celui du 3e Chasseurs à 85 p.c. Cest lors de la retraite consécutive à lavancée des troupes de Wellington, que le second bataillon du 3e Grenadiers subit donc le pourcentage le plus élevé de ses pertes, surtout si nous le comparons à celui du 2e bataillon du 2e Chasseurs dont 53 p.c. des hommes revinrent vivants.

Les cinq bataillons de la Garde qui sont montés à lassaut de la ligne alliée ont été désintégrés. Ils ne peuvent prétendre au titre de « Dernier Carré ». En nous tenant aux chiffres, deux bataillons seulement, tenus dabord en deuxième ligne, ont subi des pertes très lourdes : le 2e bataillon du 1er Chasseurs (Lamouret) – se trouvait Cambronneet le 2e bataillon du 3e Grenadiers (major Belcourt). Cest donc parmi ces deux unités quil faut rechercher le prétendant à lhonneur de se dire le dernier carré

Or nous savons que le bataillon de Lamouret se désintégra avant le carré du 2e bataillon du 2e Chasseurs (Mompez) puisque le lieutenant Martin, son porte-aigle, trouva refuge dans cette dernière unité. Et nous savons que les débris de ce bataillon trouvèrent refuge dans un carré du 1er Grenadiers. Ce nest donc pas non plus le 2/2 Chasseurs à qui doit revenir la palme. Ne reste plus en lice que 2e bataillon du 3e Grenadiers du major Belcourt.

Il ne faut pas chercher très loin lexplication de ce fait : elle est strictement géographique. Au moment les cinq bataillons qui sont montés à lassaut refluent en désordre, le bataillon du major Belcourt, placé en deuxième ligne, est le plus éloigné de la chaussée de Charleroi. Très brutalement accroché par les fantassins alliés qui surgissent de Hougoumont et par la cavalerie de Vivian, ils refluent en bon ordre vers les carrés du 1er Grenadiers. Ils subissent cependant de très sévères pertes et leur formation devient assez improbableun vague trianglemais cela reste une formation cohérente. Arrivé à proximité du 1er Grenadiers, le major Belcourt, à court de moyen, ordonne une dernière salve et engage ses hommes à rallier le 1er Grenadiers qui entame sa retraite.

Donc, même si cela tient à quelques minutes, cest bien le 2e bataillon du 3e régiment de Grenadiers de la garde impériale qui, en dehors du 1er Grenadiers, resta le dernier à maintenir sa cohérence dans la bataille.

Cela dit, ce bataillon se dissout-il ? Un coup dœil sur la carte montre que le 1er Grenadiers réunit ses deux bataillons en un seul grand carré précisément à lendroit a été érigé l’ « Aigle blessé »… Cest donc que le major Belcourt disperse ce qui reste de son bataillon.

Le choix par Houssaye de lemplacement du monument nest nullement le fruit du hasard et cest Logie, comme chaque fois quil est péremptoire, qui se trompe.

Cela dit, Houssaye et son petit comité nont pas voulu célébrer la mémoire dun seul bataillon mais, ainsi que lindique linscription portée sur le monument, celle de tous les « derniers combattants de la Grande Armée ».

Ajoutons à cela quen 1990, une plaque fut scellée au pied de l’ « Aigle blessé », dédiée : « A tous les officiers, sous-officiers et soldats de lescadron polonais tombés à Mont-Saint-Jean le 18 juin 1815 ». Cest peut-être le moins pompeux de tous les monuments qui parsèment le champ de batailleCe nen est pas le moins émouvant.

Autres monuments et souvenirs

Le curieux qui voudrait reconstituer le trajet de larmée prussienne peu avant quil ne débouche sur le champ de bataille, descendrait à Lasne par la rue de la Gendarmerie, franchirait la rivière sur un petit pont, gagnerait la rue de lÉglise, la traverserait, remonterait par la ruelle des Béguines ou le chemin du Ruisselet vers lallée des Chênes du Tram quil prendrait à gauche jusquà une fourche. , sil voulait suivre le chemin pris par le corps de von Bülow, il prendrait la rue du Vieux Monument quil suivrait jusquau moment elle devient un chemin de terre qui le conduirait au Bois Paris. Le long de cette ruelle, il apercevrait :

  • le monument dédié au comte von Schwerin dont nous avons touché un mot. Il se compose dun soubassement cubique, sur lequel est posée une colonne à base octogonale. Linscription porte : « Wilhelm, Graf von Schwerin, Koenigh Preus Obrist und Ritter. Gefallen, dem Siege am Juni 1815, In des fremde fûr die Heimath. » ; ce que lon peut traduire par « Guillaume, comte de Schwerin, colonel du roi de Prusse et chevalier. Tombé lors de la victoire de 1815, à létranger pour la Patrie. » La comtesse von Schwerin, qui est à lorigine de lérection de ce monument, pour entretenir la mémoire de son mari, faisait annuellement don au curé de Lasne dune somme de 100 florins pour ses œuvres. Elle fit également don de deux cloches à léglise paroissiale. Nous ignorons si ce sont ces mêmes cloches qui sonnent encore dans le clocher de léglise de Lasne reconstruite en 1881.

En poursuivant son chemin à travers ce qui reste du Bois Paris, le visiteur ne tardera pas à apercevoir devant lui le clocher de léglise de Plancenoit et atteindra :

  • le monument prussien, un peu dissimulé par des arbres sur sa droite. Construit dès 1819, ce monument est lœuvre de larchitecte Schinkel. Il sagit dune flèche gothique de fer posé sur un soubassement de pierre. Au sommet, une croix rappelant la décoration de la Croix de Fer instituée en 1813 par le roi Frédéric-Guillaume III. Une inscription en lettres gothiques dorée porte « Die gefallenen / Helden ehrt dankbar König und / Vaterland. / Sie ruhn in Frieden. / Belle Alliance / den 18. Juni 1815. » ; « Aux héros tombés, le Roi et la Patrie reconnaissants. Ils reposent en paix. Belle-Alliance, 18 juin 1815. » Rappelons que les Prussiens appelèrent la bataille de Waterloo « Bataille de la Belle-Alliance » La tradition veut que le monument ait été établi sur une petite hauteur d une batterie française fit subir de lourdes pertes aux troupes prussiennes.

En novembre 1832, les soldats français en route pour Anvers sen prirent au monument, arrachant la croix de fer qui le surmonte. Le maréchal Gérard, qui avait commandé le 4e corps darmée en 1815 et qui sétait confronté aux Prussiens à Wavre, fit cesser ce vandalisme et fit rétablir la croix sur le monument. Un peu plus tard, on établit une belle grille en fer forgé autour du monument, dans lespoir déviter de telles déprédations. On ne sait si cest cet épisode qui donna naissance à la légende qui veut que les mêmes soldats du corps expéditionnaire français sen soient pris au lion de la butte, lui tordant la queuece qui est rigoureusement impossible puisque le lion est en fonte

Le monument prussien fut restauré en 1944on devine par qui… – et en 1965, à loccasion du 150e anniversaire de la bataille.

  • Non loin de , sur la droite, au milieu dun petit terre-plein au carrefour des chemins du Lanternier et de Camuselle, une stèle a été érigée en hommage à la jeune garde : « EN CE LIEU / LE 18 JUIN 1815 / A 5 HEURES DU SOIR / LA JEUNE GARDE / DE / LEMPEREUR / SOUS LES ORDRES / DU GENERAL COMTE / DUHESME / SOPPOSA GLORIEUSEMENT / AUX PRUSSIENS / DU / GENERAL BÜLOW. »
  • Poursuivant notre chemin, nous arrivons en face de léglise. Sur sa façade, à gauche, on voit une plaque dédiée au lieutenant Louis : « AU LIEUTENANT M. LOUIS / 3E TIRAILLEURS DE LA GARDE / NE A JODOIGNE LE 3. 4. 1787 / TOMBE A PLANCENOIT LE 18. 6. 1815 / FOND. NAPOLEON / A.F.E.W. » Daprès le général Couvreur, Médard-Joseph Louis fit campagne avec Napoléon de 1808 à 1815 et, pour être précis, ne tomba pas à lennemi le 18 juin 1815, mais fut porté disparu . La nuance est peut-être fort ténue mais elle mérite dêtre mentionnée.
  • A droite du portail, une autre plaque : « DANS CE VILLAGE / DE PLANCENOIT / SEST ILLUSTREE LE 18 JUIN 1815 / LA JEUNE GARDE DE LEMPEREUR / NAPOLEON / COMMANDEE PAR / LE GENERAL COMTE DUHESME / QUI Y FUT MORTELLEMENT BLESSE / SOCIETE BELGE DÉTUDES NAPOLEONIENNES / 1965 »
  • Sur un autre mur de léglise, on trouve encore une plaque : « EN CES LIEUX, LE 18 JUIN 1815 / LES 1E ET 2E COMPAGNIES DU 8E REGIMENT DARTILLERIE A PIED / DU COLONEL CARON / ONT APPUYE DE LEURS FEUX EFFICACES LE 6E CORPS DARMEE FRANÇAIS. » La première compagnie appartenait à la 19e division Simmer et était placée sous le commandement du capitaine Parisot, tandis que la 2e compagnie, sous le capitaine Paquet, appartenait à la 20e division Jeanin. Ces deux batteries étaient composées chacune de 6 canons de 6 livres et deux obusiers de 5, 5 pouces. Il est impossible de déterminer avec exactitude quelle était la position de ces deux batteries mais il est plus que vraisemblable que lune delles, sans doute la 2e, se situait sur le monticule a été érigé le monument prussien.
  • A lintérieur de léglise, à gauche, à côté de lautel de la Vierge, une autre plaque, bien plus ancienne, porte linscription : «  A LA MEMOIRE DE / JQUES CLES ADRE TATTET / LIEUTENANT DARTILLERIE DE LA / VIEILLE GARDE / MEMBRE DE LA LEGION DHONNEUR / TUE AU DEBUT DE LA BATAILLE / DU 18 JUIN 1815 / A LAGE DE 22 ANS » Nous navons pas trouvé trace de ce jeune officier, mais tout porte à croireà commencer par le texte même de la plaquequil nest pas mort dans le village de Plancenoit.
  • Si lon quitte la place de Plancenoit, par le chemin du Lanternier, au sud, et la rue du Mouton, nous trouvons, non loin du croisement de cette rue avec la rue Haut, une nouvelle stèle frappée de laigle impérial, qui vient nous rappeler le souvenir du 5e régiment de ligne : « EN CE LIEU / LE 18 JUIN 1815 / LE 5E REGIMENT / DE LIGNE DU / COLONEL ROUS-SILLE / DIVISION SIMMER / SOPPOSA HEROÏQUEMENT / AU CORPS PRUSSIEN / DU GENERAL / VON BÜLOW / A.F.E.W./ FONDATION NAPOLEON. » Le 5e régiment dinfanterie de ligne restera célèbre dans lhistoire pour avoir été celui dont un bataillon, au défilé de Laffrey, refusa de faire feu sur lempereur.

Ainsi donc, dans le village de Plancenoit, outre l'Aigle blessé, il y a six stèles ou plaques gravées en souvenir des soldats de Napoléon pour un seul monument dédié aux morts prussiens. Et lon constate que, à une exception près, toutes ces plaques ont été érigées par des associations consacrées au souvenir napoléonien.

Notes et références

  1. DamitzGeschichte des Felzuges von 1815 in den Niederland und Franreich, 2 vol. – Berlin, Posen & Bromberg, 1837-1838.
  2. Thurn und TaxisAus drei Feldzügen 1812 bis 1815Leipzig, 1912
  3. WellingtonSuppl. Despatches (894), t. X, p. 515 : Memorandum on the battle of Waterloo, by Field Marshal The Duke of Wellington. Ce texte, daté du 24 septembre 1842, a été écrit en réponse à louvrage de Clausewitz. Très étrangement, il na été utilisé que par de très rares auteurs.
  4. Photo prise au "Bivouac Napoléonien" de 2006.
  5. Brabant wallon, au fil des jours et des saisons, - Lasne, ARC, 1998, p. 161.
  6. Jacques Logie, Évitable défaite, p. 137.
  7. Victor HugoLes MisérablesVerviers, Gérard, coll. Marabout géant n° 139, vol 1, s.d., p. 308-309

Bibliographie

  • Victoires, conquêtes, désastres, revers et guerres civiles des Français, par une société de mili-taires et de gens de lettres, tome XXIV, Paris, C.L.F. Pancoucke, éditeur, 1821
  • Mark Adkin, The Waterloo Companion, Londres, Aurum Press, 2005.
  • Winand Aerts, Waterloo. Opérations de larmée prussienne du Bas-Rhin, pendant la campagne de Belgique en 1815, depuis la bataille de Ligny jusquà lentrée en France des troupes prussiennes, Bruxelles, Spineux, 1908
  • Carl von Clausewitz, La campagne de 1815 en France, trad. Niessel, Paris, Librairie Chapelot et Cie, 1900.
  • Carl von Damitz, Geschichte des Felzuges von 1815 in den Niederland und Franreich, 2 vol., Berlin, Posen & Bromberg, 1837-1838.
  • Jean H. Frings, Dictionnaire de la bataille de Waterloo, Braine-lAlleud, Les Guides 1815, 1995
  • David Hamilton-Williams, Waterloo. New perspectives. The great battle reappraised, London, Arms ans Armour, 1993
  • Peter Hofschröer, 1815The Waterloo Campaign. The German Victory : from Waterloo to the fall of Napoleon, Londres, Greenhill Books, 1999
  • Henry Houssaye, 1815, t. 2 : Waterloo, Paris, Christian de Bartillat, éditeur, 1987.
  • Jacques Logie, La campagne de 1815, Bruxelles, Racine, 2003
  • Émile Marco de Saint-Hilaire, Histoire anecdotique, politique et militaire de la Garde impériale, Paris, Eugène Penaud et Cie, éditeurs, 1847 (1846)
  • Général Freiherr Friedrich Carl Ferdinand von Müffling, Esquisse de la bataille de Waterloo, accompagnée des dépêches officielles du Feld-Maréchal Duc de Wellington, du Feld-Maréchal Blücher et de réflexions sur les batailles de Ligny et de Waterloo, avec plans de la bataille de Ligny et de Waterloo, Waterloo, H. Gérard, 1866
  • Napoléon, Mémoires pour servir à lHistoire de France, 2e éd.(t. IX) – Paris, Librairies Bossange et Dufour, 1830
  • Georges Speeckaert et Isabelle Baecker, Les 135 vestiges et monuments commémoratifs des combats de 1815 en Belgique, Waterloo, Relais de lHistoire a.s.b.l., 1990
  • Tarlier et Wauters, La Belgique ancienne et moderne. Géographie et Histoire des Communes belges. Vol. 2 : Province de Brabant, arrondissement de Nivelles, canton de Genappe, Bruxelles, Decq et Duhent, 1859
  • Adolphe Thiers, Histoire du Consulat et de lEmpire, t. XX - Paris, Lheu-reux et Cie, éditeurs, 1862.
  • Prinz August von Thurn und Taxis, Aus drei Feldzügen 1812 bis 1815, Leipzig, 1912
  • Wellington, Supplementary Despatche, t. X.

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Combats de Plancenoit de Wikipédia en français (auteurs)

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