- Chauffeurs d'Orgères
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Les Chauffeurs d'Orgères désignent une bande de criminels qui sévit en Beauce de 1785 à 1792.
Sommaire
Histoire
Les Chauffeurs d'Orgères se rattachent à la tradition de banditisme sous l'Ancien Régime, commencée dans la région par la bande de Hulin vers 1760.
Hulin
Hulin se démarque des malfaisants qui l'ont précédé, en ce qu'il ne prétend pas être un pauvre en quête de denrées essentielles ou des moyens de se les procurer : il s'affirme bandit, recherche la richesse, s'organise en conséquence, et soigne sa réputation de perce-bedaine par des actes plus outrés que ses prédécesseurs.
Jean Renard dit "Poulailler"
Les rescapés de la bande de Hulin s'intègrent alors à la bande de Jean Renard, lui-même un natif d'Ouarville qui a brigandé en Beauce et en Sologne pendant plus de 10 ans déjà à cette date. Expert dans son domaine, il est surnommé "Poulailler" en référence au sujet d'intérêt préféré des renards dont il porte le nom. Il ne manque pas d'une certaine allure, arborant une perruque de marquis, coiffé d'un feutre retapé à la militaire, chaussant des éperons. Il porte aussi sous sa tunique un baudrier qui supporte une panoplie de flibustier : paire de pistolets chargés, poignard à longue lame, sabre d'officier de cavalerie ; et à la bretelle un mousquet chargé. Le lieutenant général de police Louis Thiroux l’appréhende fin 1785[1], suite à quoi les versions diffèrent quant aux modalités de sa mise à mort : par l'estrapade ou un traitement similaire à Dourdan[2], ou pendu à Longjumeau où il avait commis un de ses crimes[1].
Robillard
Robillard succède brièvement à Poulailler, choisissant de s'établir sur la région de Montargis dont la grande forêt lui semble propice à des retraites sures. Il sera supplicié à la roue sur le martroi de Montargis le 13 septembre 1783, et 70 de ses complices exécutés à sa suite ou envoyés aux galères[1].
Fleur-d’Épine
Conséquemment à la mort de Jean Renard dit "Poulailler" et au rapide passage de Robillard, c'est le fils de Poulailler, dit Fleur-d’Épine, qui prend la relève à la tête de la bande. Il installe son quartier général dans la forêt de Boisseaux, à 30 km au nord-est d'Orgères-en-Beauce, et dispose de nombreux souterrains et retraites secrètes annexes dans les bois d'alentour. Les activités s'inscrivent dans le quadrilatère Orléans - Chartres - Etampes - Pithiviers. L'association dispose d'au moins 400 hommes de main, dont un quart de femmes, tous plus ou moins au ban de la société; mais aussi d'une logistique avec ses officiers, prêtres, instituteurs... Fleur-d’Épine recrute des vagabonds affamés pour hommes de main, des colporteurs pour espions dont le travail les met en contact avec un large éventail de gens, et des cabaretiers pour receleurs. Les troubles de la Révolution facilitent ses menées criminelles : prétendant suivre des aspirations politiques, Fleur-d'Épine se lie avec des conspirateurs royalistes vers qui le portent ses goûts plus raffinés que ses congénères. Car il a hérité des goûts de son père, préférant aux sans-culottes les Incroyables dont il emprunte les extravagances vestimentaires.
Il est pris en juillet 1792 dans une gargote d'Angerville, où trahi par son habillement à tendance aristocratique il est contrôlé par un groupe de "chasse-coquins" qui découvre alors le butin que lui et ses acolytes transportent : ils revenaient d'une attaque à main armée en Seine-et-Oise. Jamais il n'avait sévi aussi loin de sa base. Emprisonné à Versailles en juillet 1792, il finit égorgé au cours des massacres de Septembre de la même année[1].
"Beau-François"
Les principaux membres de la bande s'assemblent alors en conseil extraordinaire dans les bois de Liffermeau (près de Oison), et décident de donner le commandement de la bande au premier lieutenant de Fleur-d'Epine, surnommé Beau-François[1], ou encore général Fin-Fin[3].
Beau-François maintient un certain mystère autour de sa personne. Son vrai nom est inconnu. Il possède plusieurs passeports, tous falsifiés, sous des noms différents pour le même signalement : François Pelletier, né à Saint-Maixent en Poitou de Jacques Pelletier et Suzanne Andine ; Jean Anger, né à Pezou canton de Morée en vallée du Loir ; François Girodot, ce dernier étant l'identité qu'il utilise le plus. Il a débuté dans la bande de Fleur-d’Épine comme espion, sous couvert de sa profession : être marchand de peaux de lapin l'amenait à visiter de nombreuses fermes. En 1788, au jour anniversaire de ses débuts dans la bande de Fleur-d’Épine, il s'est 'marié' à Marie-Rose Bignon, dite Belle_Rose, dont il aura un enfant. Une fois élu chef il se reconvertira dans la vente de dentelle, toujours comme colporteur. Lui aussi a tendance à soigner sa mise - mais il est tatoué sur l'épaules des trois lettres "GAL" pour "galérien". Il possède une force physique remarquable, dont le juge Fougeron notera en marge d'un document :
"(... cet homme), le plus fort que j'aie vu de ma vie. (...) Ses poignets avaient 6 pouces de diamètre ; il a cassé en notre présence et sans effort des menottes de fer d'un pouce carré." (un pouce carré est approximativement égal à 6 centimètres carrés)[1]Beau-François va pousser plus loin l'organisation de la bande : rapidement il installe son quartier général dans les bois de la Muette du canton de Boisseaux. De nouvelles bases secondaires sont établies en de multiples endroits : les bois de Lifferneau, de Saint-Escobille [2]... Leur territoire est divisé en districts, en imitation de la Chambre des Députés[1]. L'association dispose d'au moins 400 hommes de main, dont un quart de femmes, tous plus ou moins au ban de la société; mais aussi d'une logistique avec son prêtre (un François Lejeune qui a reçu en même temps son inspiration et son ordination en volant une soutane) ; un chirurgien (Baptiste, de Tours, se présentant comme barbier-perruquier et guérisseur) ; un magister (Nicolas Tincelin, ex-clerc de procureur royal devenu charretier, enseignait aux nouvelles recrues les arts de la détrousse et du perce-bedaine, et la parlance appropriée : il connaissait 5 ou 6 termes d'argot pour chaque mot académique) ; et un "enseignant pratique" de ces mêmes arts (le père Elouis, octogénaire qui se disait héritier de Cartouche et dont la contribution la plus reconnue à sa confrérie est d'avoir remis au goût du jour local la torture de brûlage de pieds)[1].
Les pingres comme ils s'appelaient eux-mêmes, sévissent dans la région de 1792 à 1798. Ils attaquent par groupes de plusieurs dizaines d'individus les châteaux ou fermes isolées. Ils pillent, violent et tuent avec une cruauté qui remplit d'effroi la population. On estime leurs méfaits à plusieurs centaines d'assassinats. Les activités s'étendent sur sept départements, particulièrement en Eure-et-Loir et dans le Loiret.
En juillet 1797, Beau-François est arrêté avec un de ses adjoints à la foire d'Étampes. Ils sont condamnés à 14 ans de fers, mais arrivent à s'évader début août.
La maréchaussée renforce sa vigilance et le maréchal des logis Vasseur se met en campagne. Le 30 janvier 1798, il arrête un membre de la bande qui lui offre de faire prendre toute la bande. Le 3 mars, Beau-François est arrêté avec ses six derniers lieutenants.
Il faut 18 mois au juge Paillard pour rédiger l'acte d'accusation. Le nom de brigands d'Orgères provient de ce que l'un des plus horribles assassinats de la bande fut commis sur un Mr Fousset, cultivateur au hameau de Milhouard, commune de Pourpry, canton d'Orgères ; et de ce que les premières informations sur la bande furent réunies devant le juge de paix de ce canton[3].
Hormis les bandits morts au cours des rafles ou en prison, il reste 82 prévenus, dont 37 femmes, qui comparaissent devant le tribunal de Chartres. Le procès est l'un des plus longs dans l'histoire de la jurisprudence de l'époque. Le 23 Thermidor de l'an IX[3], huit hommes et onze femmes sont acquittés ; vingt hommes et trois femmes sont condamnés à mort, et les autres à des peines allant de 30 ans de fers à 2 ans d'emprisonnement. Plusieurs se suicident avant le jugement[3]. Aucune grâce n'est accordée et les condamnés montent sur l'échafaud le 12 vendémiaire an IX (4 octobre 1800).
Beau-François a, une fois de plus, réussi à s'échapper au cours de l'instruction. Il sera arrêté le 1er frimaire de l'an IX (22 novembre 1800) dans les Deux-Sèvres et fusillé sur place avec une bande de dix brigands, détrousseurs de diligences.
Références
- Les Chauffeurs!, par Gérard Boutet. Ed. jean-Cyrille Godefroy, Paris, 1991.
- Histoire de Chartres et de l'ancien pays chartrain: avec une description statistique du département d'Eure et Loir, Volume 2, par V. Chevard, maire de Chartres. Ed. Durand-Letellier, Chartres, An X (1801).
- M. l'abbé C. Bernois, « Méréville et la révolution française (1789-1815) », dans Annales de la Société Historique & Archéologique du Gâtinais, t. vingtième, Bourges, Éd. Maurice, 1902, 25 cm, XI 384 p. (notice BNF no FRBNF32694033g), p. 292 disponible sur Gallica.
Voir aussi
Bibliographie
- P. Leclair, Histoire des brigands, chauffeurs et assassins d'Orgères (1799), rééd. La Bibliothèque, coll. « Les Bandits de la Bibliothèque », Paris, 2006.
- Gérard Boutet, Les Chauffeurs!. Ed. jean-Cyrille Godefroy, Paris, 1991.
Liens internes
- Chauffeurs
- Beau-François, téléfim
Liens externes
Catégories :- Français condamné pour crime
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