Charles Hubert Millevoye

Charles Hubert Millevoye

Charles Hubert Millevoye, né à Abbeville (Somme) le 24 décembre 1782 et mort à Paris le 26 août 1816, est un poète français .

Biographie

La mélancolie maladive fut le caractère de son talent. Il s’essaya à la poésie sur les bancs du collège, eut même quelques pièces de vers imprimées dans des recueils locaux, et vint à Paris pour achever ses études à l’École centrale, qui remplaçait alors le collège des Quatre-Nations (1798). Après avoir commencé son droit, puis être entré en qualité de commis chez un libraire, il se tourna décidément vers la littérature. A dix-huit ans, il publia un petit recueil de vers : Poésies (1800, in-8o), dont les meilleures pièces sont : les Plaisirs du poëte et le Passage du Saint-Bernard. Son goût et la nature même de son talent le portaient vers les concours académiques ; l’Académie de Lyon couronna son épître sur le Danger des romans (1804) et l’Académie française une série de poèmes : l’Indépendance de l’homme de lettres (1806), les Embellissements de Paris, le Voyageur (1807), la Mort de Rotrou (1811), Goffin ou le Héros liégeois (1812) ; l’Invention poétique fut couronnée par l’Académie d'Angers et Belzunce ou la Peste de Marseille fut désigné pour un des prix décenneaux. Ce genre n’était cependant pas la vraie veine poétique de Millevoye ; il réussit beaucoup mieux dans l’élégie. Son deuxième recueil, qui contenait l’Amour maternel, la Demeure abandonnée, le Bois détruit, la Promesse, le Souvenir, le Poète mourant et la Chute des feuilles, est l’expression la plus complète de son talent. Millevoye avait de la sensibilité ; il aimait la nature, se plaisait à exprimer les émotions simples, à composer des tableaux touchants. Les cordes mélancoliques de l’âme humaine ont été touchées depuis par des mains plus puissantes ; cependant, quelques-unes de ses pièces méritent de rester. La Chute des feuilles serait un petit chef-d’œuvre sans ce fatal oracle d’Epidaure invoqué bien mal à propos. Millevoye a déparé d’oripeaux mythologiques ses meilleures inspirations. Ce poète, si tendre et qui apparaît, dans ses vers, si détaché des choses d’ici-bas, ne dédaignait pas non plus assez les encouragements officiels. Son Passage du Saint-Bernard et un poème sur la Bataille d’Austerlitz lui valurent une pension et d’assez riches cadeaux. Millevoye, qui possédait par lui-même quelque aisance, aimait la vie élégante et même un peu fastueuse. Jean-Baptiste Sanson de Pongerville dit qu’il se hâtait de convertir en chevaux de luxe, en voitures, en ameublements somptueux, les effets de la munificence impériale. Sa santé chancelante s’épuisait dans le tourbillon du monde et dans les émotions qu’il demandait à des amours de contrebande. Au milieu de la société brillante où il vivait, il rencontra un attachement sérieux ; mais la main de celle qui en était l’objet lui fut refusée, le père déclarant qu’il « aimait mieux voir sa fille morte que femme d’un homme de lettres. » La jeune fille mourut de langueur et Millevoye, en proie à la plus sombre tristesse, alla se confiner à Ville-d'Avray où il composa, sous les titres de Huitaines et Dizaines, deux recueils d’élégies.

En 1807, Napoléon lui commanda un poème sur ses campagnes d’Italie et lui fit proposer d’aller, aux frais de l’État, recueillir ses inspirations sur les lieux mêmes. Millevoye refusa, ne se sentant pas assez de souffle pour écrire une épopée ; il se contenta de composer un petit poëme à allusions, Charlemagne à Pavie (1808). Au reste, l’infériorité de Millevoye est sensible dès qu’il aborde la grande poësie ; ce poëme est médiocre ; la Peste de Marseille ne vaut guère mieux ; Alfred, roi d’Angleterre, poème en quatre chants, et la Rançon d’Egild, où il veut lutter avec les épopées scandinaves, sont au-dessous du médiocre. Une petite composition dans le genre des fabliaux, Emma et Eginard, fut très-goûtée sous l’Empire ; c’est un modèle du genre sentimental et troubadour, tout à fait passé de mode actuellement. Le poète est plus à son aise dans la Sulamite, ode érotique imitée du fameux Cantique des cantiques et dans quelques élégies imitées des Grecs, où l’on aperçoit comme un reflet d’André Chénier. Il a aussi traduit avec talent quelques fragments des Eglogues de Virgile, différents morceaux de l’Iliade, et même il s’est amusé à mettre en vers quelques Dialogues des morts de Lucien. On a trouvé dans ses papiers les manuscrits de trois tragédies, Antigone, Saül et Ugolin ; mais Millevoye n’avait rien de ce qui constitue le poète tragique.

Le pensionné impérial ne crut pas devoir se taire quand vint la Restauration ; il composa un poème, la Fête des martyrs (1815, in-8o), destiné à pleurer Louis XVI et Marie-Antoinette. Ce fut sa dernière production. Les médecins lui avaient ordonné le séjour de la campagne ; à Vincennes, où il s’était retiré, il se maria ; peu de temps après, il fit une violente chute de cheval et se luxa la cuisse. A peine remis de cette grave blessure, il tomba tout à fait aveugle et quelques jours de là il mourut pendant que sa femme lui faisait la lecture. Il n’avait que trente-quatre ans. Ses Œuvres, composées de morceaux choisis retouchés avec soin, ont été recueillies par lui-même (1814-1816, 5 vol. in-8°).

Charles Hubert Millevoye avait épousé à Abbeville le 31 août 1830 Marguerite-Flore Delattre dont un seul enfant, Charles-Alfred, né à Abbeville le 9 octobre 1813, mort à Sadroc le 6 juin 1891 qui fut magistrat, chargé de l'organisation judiciaire de la Savoie en 1860. De son mariage le 7 juin 1845 à Paris avec Irma Malvina Leclerc-Thouin, Charles-Alfred eut trois fils dont Lucien Millevoye (Grenoble 1850-Paris 1918) député d'Amiens de 1882 à 1893 et de Paris de 1898 à 1918, directeur du journal "La Patrie".

Voir aussi : D'Alauze Charles-Hubert.

Source

  • Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, Nimes, 1990, réimpression
  • Paul Rouet.-La famille du poète Millevoye/ Bulletin de la Société d'Emulation d'Abbeville, 1983.
  • Laurent Fels, "Millevoye : Élégies", in In-fusion : revue littéraire, Asnières-sur-Seine, 2008, n°1 p. 19-36.

Sur les autres projets Wikimedia :


Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Charles Hubert Millevoye de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Поможем решить контрольную работу

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Charles-Hubert Millevoye — Charles Hubert Millevoye, né à Abbeville (Somme) le 24 décembre 1782 et mort à Paris le 26 août 1816, est un poète français . Biographie Son enfance fut débile et de précoces infirmités développèrent en lui cette mélancolie… …   Wikipédia en Français

  • Charles Hubert Millevoye — (* 24. Dezember 1782 in Abbeville; † 26. August 1816) war ein französischer Dichter. Charles Hubert Millevoye studierte die Rechte, wurde aber dann Buchhändler und hat sich durch zahlreiche Dichtungen, von denen mehrere akademische Preise… …   Deutsch Wikipedia

  • Charles Hubert Millevoye — (4 December 1782 12 August 1816)[1] was a French poet. First taught by an uncle, he later studied with M. Bardoux, a professor in the College of Abbeville. His father died when he was 13 years old, and he was then sent by his family to Paris to… …   Wikipedia

  • Millevoye — Charles Hubert Millevoye (* 24. Dezember 1782 in Abbeville; † 26. August 1816) war ein französischer Dichter. Charles Hubert Millevoye studierte die Rechte, wurde aber dann Buchhändler und hat sich durch zahlreiche Dichtungen, von denen mehrere… …   Deutsch Wikipedia

  • Hubert Goffin — et son fils à Ans, œuvre de l artiste liégeois Oscar Berchmans. Hubert Goffin (1771 1821) sauva de nombreux ouvriers mineurs lors d une inondation du charbonnage de Beaujonc du 28 février 1812 …   Wikipédia en Français

  • MILLEVOYE (C. H.) — MILLEVOYE CHARLES HUBERT (1782 1816) À cheval sur deux siècles, Millevoye est le type du poète de transition: il fait le joint entre le classicisme déclinant et l’aube du romantisme. Sa courte carrière commence en 1800: à peine quinze ans plus… …   Encyclopédie Universelle

  • Millevoye — (spr. Millwoah), Charles Hubert, geb. 1782 in Abbeville, war erst Jurist, dann Buchhändler u. st. 1810 in Paris. Er schr.: Les plaisirs du poëte, Par. 1801; Passage du grand St. Bernard de Rotrou, ebd. 1808z Poésies fugitives, ebd. 1802; L… …   Pierer's Universal-Lexikon

  • Millevoye — (Millwoa), Charles Hubert, geb. 1782 zu Abbeville, gest. 1816, französ. Dichter, bedeutend in der Lyrik und in dem Lehrgedichte, weniger im Epischen; beste Stücke: »Lʼamour maternel« u. »Belzunce ou la peste de Marseille«. (Gesammelte Werke,… …   Herders Conversations-Lexikon

  • Милльвуа — (Charles Hubert Millevoye, 1782 1816) французский поэт. Окончив курс в коллеже, был приказчиком в книжном магазине. В 1801 г. вышел его первый сборник; в 1804 и 1806 гг. он получил академические премии за поэмы (в форме посланий) Sur le Danger… …   Энциклопедический словарь Ф.А. Брокгауза и И.А. Ефрона

  • Liste der Biografien/Mil–Min — Biografien: A B C D E F G H I J K L M N O P Q …   Deutsch Wikipedia

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”