Chambre des introuvables

Chambre des introuvables

Chambre introuvable

Lors de la seconde Restauration, la nouvelle chambre des députés élue les 14 et 22 août 1815 est restée célèbre sous le nom de «Chambre introuvable», expression attribuée à Louis XVIII pour dire quil naurait pu en rêver une qui fût plus favorable à son trône. Cependant la monarchie va très vite être confrontée à une Chambre plus royaliste que le roi, qui va tenter à la fois déprouver son pouvoir et de fonder les libertés du parlement sur des lois répressives. La session parlementaire souvre le 7 octobre, et avec elle débute un épisode bref mais très dense politiquement, jusquà la dissolution de la Chambre le 5 septembre 1816.

Sommaire

Lultracisme de la chambre : des convictions contre-révolutionnaires

La Terreur blanche se déchaîne à lété 1815 après Waterloo et la chute de Napoléon, contre les bonapartistes et les anciens révolutionnaires dans lOuest et surtout le Midi de la France. La passion religieuse sajoute à la passion politique, dressant les catholiques fanatiques contre les protestants qui sétaient montrés en grande majorité favorables à la Révolution et à lEmpire. Des bandes royalistes, connues sous le nom de « verdets » en raison de la cocarde verte quils portaient (la couleur du comte dArtois, chef des ultras), sarmèrent et terrorisèrent le pays ils trouvaient de nombreuses sympathies. En effet la conscription était très impopulaire dans le Midi : à Marseille, à la nouvelle de Waterloo, le peuple se souleva et massacra des bonapartistes et danciens mamelouks de la garde impériale (25 juin) ; à Toulouse, le général Ramel, qui avait tenté de désarmer les verdets, fut assassiné (15 août) ; le maréchal Brune, passant à Avignon, fut tué et son cadavre jeté dans le Rhône.

La majorité ultra de la Chambre est lexpression plus ou moins affirmée dune certaine nostalgie de lAncien Régime : une société hiérarchisée fondée sur la religion catholique et la séparation en ordres. Pour réussir la contre-révolution, les ultras veulent effacer lhéritage révolutionnaire ; la Charte du 4 juin 1814 évoquant à ce titre les évènements de la révolution par de « funestes écarts » ayant « interrompus la chaîne du temps ». La Chambre multiplie alors les actes de rupture symbolique avec le passé révolutionnaire : le divorce est remis en cause, le régicide est interdit, un long calendrier de cérémonies funèbres pour célébrer les malheurs de lAncien Régime invite les français à lexpiation des crimes révolutionnaires, à commencer par la mort de Louis XVI le 21 janvier 1793.

La composition de la chambre : la domination dune jeune noblesse

La Chambre nest pas constituée de vieux émigrés désireux de revenir à lAncien Régime. Sur les 381 députés qui composent la Chambre au début de lété 1816, on trouve 197 bourgeois dorigine et 8 anoblis de lEmpire, contre seulement 176 nobles de lAncien Régime ; il y a 73 émigrés ; la plupart dentre eux avaient accepté des fonctions militaires ou civiles sous lEmpire. Parmi les bourgeois, on compte 91 hommes de loi, magistrats et avocats et 25 négociants ou industriels. De plus, les députés sont relativement jeunes par rapport aux autres assemblées. En effet, elle ne compte que 45 sexagénaires, et 130 députés ont moins de 45 ans, ce qui signifie quils avaient moins de 20 ans au déclenchement de la Révolution et ont mal connu les privilèges de la noblesse antérieurs à cette époque. Chose remarquable également, il ny a pas un ecclésiastique dans cette chambre si soucieuse des intérêts catholiques. Enfin, ce sont, en grande majorité, des hommes nouveaux dans la politique : seuls 61 ont siégé dans de précédentes assemblées. Ce sont autant de caractéristiques qui expliquent limpulsivité et la maladresse de cette Chambre.

Les premières lois de la chambre ou larmature légale de la Terreur blanche

La première Restauration avait laissé les structures administratives et militaires de lEmpire, ce qui explique la facilité avec laquelle Napoléon avait pu semparer à nouveau du pouvoir. Dès lors, il apparaît primordial pour la Chambre de punir les coupables qui s'étaient démasqués lors des Cent-Jours, et déliminer impitoyablement les fonctionnaires peu sûrs. Decazes, ancien conseiller de la famille Bonaparte et proclamé royaliste, va prendre une grande part à la préparation comme à lapplication de mesures de représailles. Dans cette élan dépuration furent votées coup sur coup quatre lois qui sont lexpression de la Terreur blanche légale : loi de sûreté générale (29 octobre) ; loi sur les discours et les écrits séditieux (9 novembre) ; rétablissement des cours prévôtales (27 décembre) ; loi damnistie (12 janvier 1816).

La première, présentée par Decazes, permettait demprisonner sans jugement tout individu suspecté de comploter contre la famille royale ou contre la sûreté de lEtat. Elle était la transcription contemporaine des lettres de cachet.

La loi du 9 novembre distinguait deux types de délits :

  • dune part les paroles ou les actions tendant au renversement du gouvernement ou constituant une menace contre la vie du roi ou de la famille royale : ces actes conduiraient leurs auteurs en cours dassises en attendant la mise en place des cours prévôtales ; ils seraient passibles de déportation.
  • dautre part : les actes ou les manifestations séditieuses qui étaient de nature à affaiblir le respect à lautorité royale comme les chansons, les cris de "vive lempereur" ou encore lexhibition des insignes tricolores, etcTous ces délits relèveraient des tribunaux correctionnels et pourraient être punis dun emprisonnement dun mois à 5 ans et dune amende pouvant aller jusquà 20000 francs.

Les cours prévôtales, rétablies par la loi du 27 décembre, nétaient pas une nouveauté. LAncien Régime avait eu ses juridictions prévôtales et Napoléon les avait utilisées pour mettre fin à la Chouannerie. Installées dans chaque département, elles étaient constituées de quatre magistrats civils, mais le rôle de juge dinstruction et de procureur était confié à des prévôts militaires. Leurs sentences sappliquaient aux crimes politiques qui avaient un caractère de violence publique et de flagrant délit, comme les réunions séditieuses ou les rebellions à mains armées. Elles devaient juger sans assistance de jury, sans appel possible et leurs sentences étaient exécutoires dans les vingt-quatre heures.

La discussion de la loi damnistie devait donner lieu à la première divergence entre la majorité de la Chambre et le gouvernement. Cette majorité pensait que lordonnance du 24 juillet nannulait pas la compétence de la Chambre en ce qui concernait la recherche et la punition des coupables des Cents-jours. Par son droit dinitiative indirecte la chambre examina en comité secret plusieurs propositions à soumettre au roi. Le bruit de ces discussions répandu dans le public provoqua une grande crainte, dabord par leur aspect secret et ensuite à propos des catégorie touchées par cette loi. Finalement le gouvernement réussit à faire repousser les exceptions à lamnistie demandée par la commission de la Chambre, mais il dut accepter lexil des régicides. Avec cette loi se trouvait complété larsenal des répressions.

Dissolution de la Chambre

La Terreur blanche légale mise en place par la chambre et ses lois répressives échappèrent à linfluence du roi et du gouvernement. La chambre était devenu plus royaliste que le roi. Au-delà de la soif dordre, il nexistait pas de projet politique cohérent, et les ultras ne parviennent pas à reconquérir lopinion. Leur hargne et leur esprit de vengeance inquiétaient plus quils ne rassuraient, car ils attisaient la haine et la colère dans les départements désireux dun retour au calme. Lapplication des lois répressives dépendant en grande part des autorités locales, elle présenta des variations considérables dun département à lautre. Néanmoins une enquête récente portant sur 70% des tribunaux ordinaires enregistre 3746 condamnations politiques pour la période de juillet 1815 à juin 1816 ; le total pourrait donc se situer autour de 5000. En décembre 1816, on dénombre 3382 arrestations. Cette épuration légale aboutit à larrestation de plusieurs généraux de lEmpire : La Bédoyère, les frères Faucher, Mouton-Duvernet ou encore Ney ; et au bannissement des anciens conventionnels ayant voté la mort de Louis XVI.

Deux votes, en 1816, saccompagnent de tumultueux débats. Le vote du budget, le 7 avril, pose le problème de dettes héritées de lEmpire, aggravées par les coûts de loccupation étrangère. Le ministre des Finances propose de les résorber par des obligations gagées sur la vente de quatre cent mille hectares de forêts ayant appartenu jadis à lÉglise. Cest une idée doublement scandaleuse pour les ultras, puisquelle veut faire payer au roi légitime les guerres de celui quils appellent lusurpateur, et cela avec des biens volés lors de la Révolution au clergé. Le gouvernement doit donc renoncer à la vente des forêts. La loi électorale sur les modalités de renouvellement de la Chambre et sur le seuil fiscal qui définit lélecteur est l'autre affrontement vif de la période. La majorité, attachée à labaissement de ce seuil, voulait contrebalancer linfluence de la riche bourgeoisie en courtisant des votes populaires.

Le gouvernement du duc de Richelieu se hâta de se débarrasser de cette Chambre devenue ingouvernable en faisant clore la session, le 29 avril. La décision de renvoyer la Chambre fut prise au milieu du mois daoût et lordonnance signée le 5 septembre. Cette dernière fit avorter en France létablissement dun régime parlementaire : la majorité royaliste se disposait à fonder un régime la volonté du parlement simposait au ministère et au roi lui-même.

Bibliographie

  • Francis Demier, La France du XIXe siècle,1814-1914, Paris, Seuil, coll. "Points-Histoire", 2000, 602 p.
  • François Furet, La Révolution 1770-1880, Histoire de la France, Hachette
  • Guillaume Bertier de Sauvigny, La Restauration, 3ème édition, Flammarion, coll. "Histoire", 1974, 506 p
  • Emmanuel de Waresquiel, Benoît Yvert,Histoire de la restauration 1814-1830, Naissance de la France moderne, Perrin, coll. "Tempus", 2002, 499 p.

Source

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