- 60 jours de prison
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60 jours de prison est un récit de Sacha Guitry publié en 1949.
Sommaire
Résumé
Le 23 août 1944, à 11 heures du matin, deux hommes, revolver au poing, font irruption chez Sacha Guitry. Sans même lui laisser le temps de s’habiller et de prendre quelques affaires, avec trois autres soldats ils le conduisent, à pied, en pyjama, à la mairie du VIIe arrondissement. C’est ainsi que commence une douloureuse incarcération qui va durer 60 jours.
Éditions
- 1949 : Edition L’Élan - 664 pages - broché - In-8 (19 X 14,5 cm) - Fac-similé du manuscrit, illustré par des croquis de l’auteur.
- 1955 : Réédition : Raoul Solar - 261 pages - broché - in-4 - illustré par des croquis de l’auteur.
Contexte
En 1939, Sacha Guitry, dont la candidature est soutenu par René Benjamin, entre à l’Académie Goncourt. En 1940, tandis que Paris est occupé par les Allemands, Sacha demande et obtient l’autorisation de rouvrir le théâtre de la Madeleine. À partir du mois de juillet, il y joue Pasteur. Il jouera ainsi pendant les quatre ans d’occupation différentes pièces dont il est l’auteur sans toutefois autoriser qu’elles soient jouées en Allemagne. En cette période d'occupation, les théâtres jouent souvent à guichet fermé, et les acteurs et auteurs dramatiques gagnent bien leur vie. Les malheurs de son pays ne le laissent toutefois pas indifférent et il interviendra pour faire libérer douze personnes, parmi lesquelles Tristan Bernard, sa femme et son fils, incarcérés parce qu’ils sont juifs. Guitry lui-même et Charles Trenet, qui joue dans ses pièces, seront eux-mêmes, à tort, accusés d'être juifs. Guitry lutte parfois contre la censure allemande pour essayer de faire jouer ses pièces, jugées trop patriotiques. Il participe également à de nombreux galas en faveur du Secours national. Lorsque, en août 1944, Paris se soulève contre les Allemands, il est immédiatement arrêté et passera deux mois au dépôt, au Vél d'Hiv, puis à Drancy, avant que ses avocats, Paul Delzons et Georges Chresteil, le fasse libérer. C’est en 1947, qu’il obtiendra enfin un non-lieu. « J’aurai préféré un procès », écrit-il.
La première partie de son récit, intitulée Quatre ans d’occupation, qui couvre la période 1940-1944, a été publiée en 1947.
Récit
Le récit est dédicacé à Henri Jadoux, son ami fidèle qui illustra Le Théâtre et l’amour, Ils étaient neuf célibataires et Et voici des vers.
Dans la préface, l’auteur explique que cet ouvrage est réellement le journal de sa détention, écrit de façon illisible pour le cas où il tomberait entre les mains de ses geôliers, qu’il a recopié pour le rendre lisible sans rien en changer, la publication sous forme de fac-similé étant destinée à le rendre plus réaliste et plus vivant. On peut toutefois supposer que le texte en a été légèrement remanié pour éviter ce qui pourrait se retourner contre lui ou pour y ajouter cet humour guitriesque dont il n’eut sans doute pas le cœur à user au fond de son cachot. Ce récit est fait de petits événements, la plupart sans importance, mais très pénibles. C’est ainsi que l’auteur a vécu cette situation, surpris de l’abandon de ses amis qui craignaient, en le soutenant, d’être soupçonnés à leur tour.
Sacha Guitry se réjouit des nouvelles qui annoncent l’arrivée de Patton et des troupes et l’arrivée prochaine des alliés à Paris. Son ami Albert Willemetz lui conseille d’écrire une lettre dans laquelle il se justifiera à l’avance des accusations qu’on ne manquera pas de porter contre lui. Ce que Sacha finit par faire sans enthousiasme. Arletty l’appelle, elle veut fuir la capitale, mais l’auteur lui conseille de n’en rien faire. Lorsqu’il sera arrêté, il souhaitera cependant n’avoir pas su la convaincre. Le 3 août, il dîne avec quelques amis gaullistes, résistants de la première heure qui ne parlent pas d’exercer des vengeances.
Le 23 août 1944, deux jeunes hommes armés d’un revolver font irruption dans son bureau et lui crient de lever les mains. Sans lui laisser le temps de prendre autre chose que son portefeuille et deux paquets de cigarettes, cinq hommes armés - il se demande bien pourquoi car il n’a nullement l’intention de s’enfuir et n’est pas dangereux - l’emmènent à pied dans Paris, vêtu d’un pyjama dont la veste est à fleurs et le bas jaune ; il porte un chapeau de paille et des mules aux pieds. C’est à la mairie du VIIe qu’il est conduit, dans la salle des mariages qu’il connaît pour s’y être marié. « Va-t-on me marier de force ? », se demande-t-il. Il y a là une douzaine de personnes parmi lesquelles Paul Chack. Parmi les femmes, l’une d’elle, élégante, qui vient d’être tondue, se présente, c’est la fille d’un de ses amis intimes. Pendant son transfert au dépôt, un jeune FFI l’interroge : "C’est vrai que vous êtes coupable, monsieur Guitry ?" "Ha, je vous jure bien que non !". Il était visiblement navré de me savoir coupable, ce gosse et il m’a cru tout de suite quand je lui ai dit que je ne l’étais pas. Voila ce que j’appelle un juge impartial.
Au dépôt, on lui annonce qu’il va être jugé le lendemain matin et exécuté aussitôt. Il demande pourquoi, l’homme en blouse blanche lui répond : Allons vous le savez aussi bien moi". C’est ainsi que j’apprends qu’il n’en sait rien lui-même. À la fouille, on lui retire « ses bijoux, son argent, sa montre, son portefeuille, l’adresse d’un encadreur, trois photos d’une même personne, un permis de circuler en automobile, un carnet de chèques, une lettre de son père, un portrait de Renan et une lettre cachetée qui contient une lettre intime », que l’homme à la blouse blanche décachette et lit. Il est gardé par des sœurs qui sont bien gentilles, la supérieure lui donne en cachette une tablette de chocolat. Fréquemment, des curieux viennent le voir par le judas et lui disent des bêtises ou des insanités : « Hé ! Salopard, tu es moins bien ici que chez toi ! », ou bien « Avez-vous des nouvelles d’Hitler, monsieur Sacha Guitry », ou bien encore « Vous ne l’écouterez plus, mesdames ! ». On le met ensuite dans la même cellule que Jérôme Carcopino, ancien ministre du gouvernement Darlan, Lépinard, et un noir, ministre d’Haïti, qui ne cesse de réclamer les 70 000 francs qu’on lui a volés. Guitry est certainement le détenu le plus visité, sans doute parce que le plus célèbre. Des soldats américains viennent le voir et, pour le photographier, l’emmènent dehors sous le regard effaré du directeur de la prison. Le 28 août on l’emmène au Vél d’hiv. La foule qui se presse contre les barrières à l’entrée de la prison est menaçante, un des détenus est lardé de coups de canif par une femme et Sacha reçoit un coup de poing sur la nuque et un coup de pied dans les reins, un des jeunes gardiens assène un coup de matraque sur les cheveux blancs de Carcopino. Au Vél d’hiv, ils attendent toute la journée sans manger dans les fauteuils des gradins. Vers une heure du matin on les fait descendre sur la pelouse - ou ce qui en tient lieu - du vélodrome. Un lot de femmes, deux cents, trois cents, peut-être davantage, hélas ! arrive alors. Plusieurs sont tondues, quelques-unes blessées, mais toutes pleurent. Ceux qui sont déjà là, se précipitent pour les réconforter et celles qui ont des foulards les donnent aux tondues pour cacher leur crâne nu. La nuit tandis qu’il s’efforce de dormir, Sacha voit son voisin, M. Rogues, directeur des usines Renault, prendre son canif, couper sans un mot sa couverture en deux et lui en tendre la moitié. Le bon saint Martin du Vél d’hiv. L’étape suivante est Drancy, le parcours qu’il a suivi est curieusement celui que les Allemands employaient avant d’envoyer les malheureux israélites à Dachau ou à Buckenval. Les chefs du camp sont deux FFI, l’un espagnol, l’autre russe. Sacha partage sa cellule avec Jean Berthelot, et M. Rogues. Au colonel, « qui sert probablement dans la forfanterie », venu l’interroger sur la qualité de la nourriture, Sacha répond : « Détestable, monsieur, et cependant insuffisante. » Un Américain qui vient faire une visite à l’écrivain, qui avec une barbe de quinze jours ressemble plus à un clochard qu’à un auteur de théâtre, lui dira : « Eh bien ! Écoutez, franchement ce n’est pas pour cela que nous nous sommes battus. » Le 3 septembre, M. Rogues est libéré et il lègue à Sacha son matelas pneumatique. Pensant que ce lit est bénéfique, Sacha l’offre à Maurice Dollfus qui vient d’arriver, « un ami de quarante ans ». Et le lendemain, Dollfus est libéré, lui aussi. Le 4 septembre, deux jeunes détenus vont aider des FFI qui viennent d’acheter une voiture qui ne démarre pas, à la réparer?. Cela va prendre plus d’une journée. Les deux lascars font un essai en tournant sans arrêt dans la cour et, lorsque les portes s’ouvrent pour laisser entrer la voiture cellulaire qui amène de nouveaux prisonniers, il filent à l’extérieur de la prison et disparaissent. On ne les reverra plus. Enfin, le 10 octobre, une lettre de son avocat, maître Paul Delzons, un ami de longue date, un des seuls à ne pas l’avoir abandonné, réconfortante, qui lui annonce qu’avec Georges Chesteil, il va s’occuper de son dossier. Le 14 octobre, la commission d’enquête ne sait pas très bien de quoi inculper Sacha Guitry, voici l’interrogatoire raconté par l’écrivain :
Le commissaire : "Commerce avec l’ennemi ?"
Sacha Guitry : "Quel commerce aurais-je pu faire avec les Allemands ?"
Le commissaire : "Aucun, nous sommes d’accord. Complot contre la sûreté de l’État ne serait pas plus vraisemblable. Et dans ces conditions, reste alors : Intelligence avec l’ennemi. "
Sacha Guitry : "Il me semble en effet, n’en avoir pas manqué".
Le commissaire : "Eh ! Bien, alors, en effet, va pour : Intelligence avec l’ennemi".
Sacha reçoit le lendemain une lettre de son ami Albert Willemetz, son ami le plus intime, et il est très déçu car celui-ci a déguisé son écriture et signé d’un gribouillis illisible. La dernière étape du périple sera la prison de Fresnes. Fresnes, au moins, c’est sérieux, Le dépôt, c’était l’imposture, Le Vél d’hiv, c’était l’horreur et la pagaie, Drancy, c’était indigne et c’était bête aussi. Fresnes, c’est la prison. Fresnes sera la dernière étape avant la liberté. Le 24 octobre, il se retrouve dehors au bras de Jadoux. C’est ainsi que l’infamie se termina, Les infamies ont commencé le lendemain.Sommaire du récit
- Dédicace à Jadoux.
- Préface
- Le mois qui précéda mon arrestation (23 juillet - 22 août)
- Mon arrestation (23 août)
- La mairie du VIIe (23 août)
Article connexe : Mairie du 7e arrondissement de Paris.- Le dépôt (23 août - 27 août)
Article connexe : Palais de justice de Paris.- En cellulaire (28 août)
- Le Vél d’hiv (28 août)
Article connexe : Vélodrome d’Hiver.- Drancy (2 septembre - 14 octobre)
Article connexe : Camp de Drancy.- Aller et retour
- Fresnes (18 octobre - 24 octobre)
Article connexe : Maison d’arrêt de Fresnes.Illustrations du livre
Toutes les illustrations sont de Sacha Guitry.
- Jadoux
- Jean d’Ascona
- Un arbre
- Un arbre taillé
- Un arbre
- Arbre
- Monsieur (Anatole) France
- Georges de Porto-Riche
- Buste de Lucien Guitry en ombre chinoise
- Femme tondue, fille d’un de ses amis intimes
- Une main
- Une religieuse tenant une clé
- Un homme à lunettes
- Plan de la cellule au dépôt
- La porte de la cellule 117 au dépôt
- Le FFI russe
- Une bouteille et deux verres
- Une personne couchée sur une paillasse
- L’homme qui a repris aux gardiens la lettre intime confisquée à Sacha Guitry
- Un poing
- Les barreaux de la cellule
Décisions de classement
L’affaire Sacha Guitry donnera lieu à deux décisions de classement dont l’auteur présente des extraits en introduction de son récit : En voici deux :
- Aucune des charges qui motivèrent à l’origine l’ouverture de poursuites ne saurait être à l’heure actuelle retenue contre l’inculpé.
- Première décision de classement du 7 mai 1945.
- Pas une seule conférence, pas un seul article fâcheux à relever pendant toute l’occupation. Son activité d’écrivain est, en définitive, à l’abri des critiques : Elle pourrait être presque un modèle pour certaines carrières qui ont continué.
- Deuxième décision de classement du 8 août 1947.
Catégories :- Roman non fictionnel
- Roman français du XXe siècle
- Roman paru en 1949
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