Rêves (film, 1990)

Rêves (film, 1990)
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Rêves

Réalisation Akira Kurosawa
Scénario Akira Kurosawa
Acteurs principaux Akira Terao
Martin Scorsese
Mitsunori Isaki
Chishū Ryū
Mieko Harada
Pays d’origine Drapeau du Japon Japon
Drapeau des États-Unis États-Unis
Sortie 1990
Durée 119 min

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

Rêves (Yume) est un film japonais réalisé par Akira Kurosawa et Ishirô Honda [réf. nécessaire], sorti en 1990.


Sommaire

Présentation

Réalisé en 1989, ce film est composé de 8 courts-métrages, 8 « rêves-cauchemars » d’Akira Kurosawa lui-même. La structure du film est ainsi celle du film à sketches qui se compose de :

1- Soleil sous la pluie: Toshihiko Nakano ("Moi" à 5 ans), Kiku No Kai Dancers (les renards) 2- Le verger aux pêchers: Mitsunori Isaki ("Moi" jeune garçon") ; Misato Tate (la fée des pêchers) 3- La tempête de neige: Akira Terao ("Moi") ; Mieko Harada (la fée des neiges) 4- Le tunnel: Akira Terao ("Moi") ; Yoshima Zushi (soldat Noguchi) 5- Les corbeaux: Akira Terao ("Moi") ; Martin Scorsese (Van Gogh) 6- Le mont Fuji en rouge: Akira Terao ("Moi") ; Hisashi Igawa (l'ingénieur) 7- Les démons rugissants: Akira Terao ("Moi") ; Chosuke Ikariya (le démon) 8- Le village des moulins à eau: Akira Terao ("Moi") ; Chishu Ryu (le vieillard)

Chaque court-métrage, plus ou moins long, met donc en scène un rêve de Kurosawa, soit quand il était enfant, soit à l'âge adulte: on pénètre ainsi dans l'intimité profonde du maître. Il nous expose ses peurs: la guerre, l'arme atomique, l'industrie du nucléaire, la pollution de la planète; mais aussi ses passions: la peinture de Van Gogh (avec un Martin Scorsese méconnaissable dans le rôle du peintre), la nature (notamment les arbres), les fées et autres personnages fantastiques...

Analyse

Plusieurs thèmes récurrents : Kurosawa raconte ses peurs comme la mort et inquiétudes universelles : la guerre, l'arme atomique, l'industrie du nucléaire, la pollution de la planète ou ses passions : la peinture (de Van Gogh) et la nature.

Il y est logiquement question de l’enfance.

  • L’enfance :

Dans Soleil Sous La Pluie, un enfant transgresse un interdit : il se cache pour voir les renards se marier dans la forêt. L'exil forcé sera sa punition. C'est bien connu, l'interdit fascine et finit par l'emporter. En voyant ce premier rêve, difficile de ne pas penser à l'enfance de Kurosawa dont le destin bascula dans une salle de cinéma, malgré l'interdiction de son père militaire.

  • La guerre :

Dans Le tunnel, le réalisateur s'exprime sur la tristesse et l'absurdité de la guerre. Un officier revenu du champ de bataille, croit voir -au propre, comme au figuré- le bout du tunnel, la fin de l'horreur... Mais les fantômes des disparus qui étaient sous ses ordres le rattrapent. Ils incarnent la torture du sentiment de culpabilité que ressent un homme convaincu qu'il est responsable de leur mort. "Héros, vous avez eu une mort de chien!" leur dit-il en pleurant avant de les supplier de repartir, nous rappelant que la guerre détruit aussi ceux qui lui survivent.

  • La peinture et Van Gogh :

Dans les corbeaux, Kurosawa rend le plus original et le plus bel hommage qu'un cinéaste ait pu rendre à un peintre, ici au génie Vincent van Gogh. L'utilisation des effets spéciaux rend encore plus magnifique sa peinture et l'on retrouve littéralement au cœur des tableaux, en suivant le jeune Kurosawa à la recherche, puis dans la rencontre avec le peintre, dans des paysages somptueux.

  • L’approche de la mort :

Rappelons que Kurosawa est alors âgé de quatre-vingt ans quand il réalise ce film. Dans Le village des moulins à eau, les habitants vivent au milieu de la forêt avec l'énergie hydraulique et meurent centenaires. Même la mort naturelle y est célébrée comme une fête, voire une leçon de vie, car elle n'est pas considérée comme une fin injuste, mais comme la renaissance d'un cycle.

Dans La Tempête de Neige, il est question de la volonté de survie de trois montagnards. Dans Le Tunnel, thème de la mort également bien sûr.

  • La destruction de l’environnement

Les autres rêves ont pour fil conducteur le problème de l'anéantissement de l'environnement par l'homme. Dans Le Verger aux Pêchers, face aux âmes des arbres fruitiers abattus, le petit Akira pleure parce qu'il ne peut plus se délecter de leurs pêches: c'est le spectacle des arbres en fleurs qui lui manque, car "s'il est facile d'acheter des fruits, où peut-on acheter tout un verger fleuri ?".

Après le défilé nuptial des renards, le ballet des pêchers. Chorégraphies typiquement japonaises dont le lyrisme célèbre la beauté de la nature.

• pollution et dangers du nucléaire : Les angoisses de Kurosawa sur la pollution explosent à l'écran dans les cauchemars Le Mont Fuji En Rouge et Les Démons Gémissants. A la suite de l'explosion d'une centrale nucléaire, le mont Fuji s'écroule, et tout l'archipel sombre dans le néant. Le réalisateur, à présent incarné par un adulte, sorte de touriste candide découvrant le monde de ses rêves, lutte en agitant désespérément sa veste pour repousser les horribles nuages radioactifs technicolorisés.

La peur de la bombe atomique et les ravages du nucléaire reprennent de plus belle dans Les Démons Gémissants, vision de l'enfer dans lequel les hommes, devenus de misérables démons cornés à cause de leurs excès destructeurs, sont condamnés à errer et à se dévorer entre eux... Un thème que Kurosawa abordera de façon poignante dans son film suivant, Rhapsodie en août.

• nature et écologie : Pour rompre radicalement avec le pessimisme des rêves précédents, le film se termine avec légèreté sur un beau songe utopique: et si l'homme réapprenait à vivre en totale harmonie avec la nature ?

Le point commun entre ces petites fables est l’écologie, le métrage tout entier résonnant comme une ode à la nature. « Les gens d’aujourd’hui ont oublié qu’ils étaient parcelle de la nature » énonce un vieil homme dans Le village des moulins à eau. Au fil des sketches, on aborde ce que l’Homme peut faire de mieux (vivre en harmonie avec la nature) comme de pire (l’altérer).

"Ce sont huit histoires qui racontent des rêves. Les émotions assoupies dans nos cœurs, les espoirs secrets que nous tenons bien cachés en nous, les sombres désirs et les craintes que nous recelons dans un recoin de notre âme, se manifestent avec honnêteté dans nos rêves. Les rêves traduisent ces sentiments, et les expriment, de façon fantastique, dans une forme très libre. Dans ce film, je veux essayer de relever le défi de ces rêves. Certains proviennent de l'enfance, mais il ne s'agit pas d'un film autobiographique, plutôt de quelque chose d'instinctif." Akira Kurosawa.

Ici, Kurosawa signe une série de courts-métrages autobiographiques au travers de rêves. C’est dans cet aspect autobiographique que surgit la part importante de la culture japonaise. Kurosawa est avant tout un japonais, élevé dans une famille de descendant de Samourai avec des codes et des valeurs qui continuent de perdurer. Il est donc tout à fait intéressant de montrer l’influence de cela dans ses courts-métrages…

Tout d’abord on voit une grande influence du Shintoïsme qui transparait dans les courts-métrages.

La présence du folklore japonais dans les 8 courts-métrages de Kurosawa :

  • Soleil sous la pluie:

On retrouve la légende du Kitsune : le mariage des renards. Autres histoires montrent aux kitsune en se mariant avec autrui. Lorsqu'il pleut avec un ciel dégagé, est appelé parfois kitsune n'yomeiriou le mariage du kitsune, en référence à une légende que décrivait à un mariage entre les créatures qu'est arrivé pendant dite pluie. L'événement est envisagé un bon augure, mais les kitsune obtiendront vengeance de n'importe qui qu'il n'a pas été invité.

  • Le verger aux pêchers:

Ici deux légendes : Hina Matsuri (littéralement « fête des poupées ») est une fête qui a lieu au Japon le 3 mars, jour consacré aux petites filles. Les jours précédents le 3 mars, les petites filles japonaises exposent de précieuses poupées posées sur des petites estrades à plusieurs niveaux. Ces poupées spéciales, qui se transmettent de génération en génération, sont rangées dans un carton tout le reste de l'année. Elles qui représentent des personnages de la cour impériale de l'ère Heian. Les Kami des pêchers coupées apparaissent à l’enfant sous forme de personnages d’époque représentait comme les poupées de cette fête là.

  • La tempête de neige:

Kurosawa, dans ce court métrage, nous offre sa version de la fée des neiges (Yuki Onna). Très populaire, la Yuki-Onna, ou femme des neiges, apparaît dans les nuits glaciales et enneigées comme une grande et belle femme aux longs cheveux, mais à la peau très pâle. Son regard inspire la terreur, et elle semble prendre plaisir à congeler tout voyageur imprudent perdu dans la neige. Certains contes lui attribuent même la faculté d’aspirer l’essence vitale de ses victimes au travers du contact charnel. Elle semble avoir le pouvoir de flotter au-dessus de son élément, ne laissant aucune trace, ou même de se transformer en un nuage de neige.

  • Le tunnel:

Dans ce tunnel, symbolisant le passage du monde des vivants au monde de l’au-delà, celui des rêves et des cauchemars. Le réalisateur met en scène des Bakemono: fantômes, ou revenants. Ils occupent une place importante dans la littérature asiatique, le théâtre, et dans les manga. Ils ne sont pas forcément "vengeurs" ou maléfiques comme en occident, ce sont plutôt des âmes en peine qui ont besoin qu'on les aide à trouver le repos.

  • Le mont Fuji en rouge:

Dans celui-ci, Kurosawa met en scène une peur typiquement japonaise, celle de l’éruption de leur fameux volcan : le Mont Fuji. Le volcan fut très vite vénéré comme un kami, c’est-à-dire une divinité populaire. Il réunit à la fois, les symboles du Ciel, de la Terre et du Feu et inspire des sentiments de crainte, de danger et, malgré tout, de paix. Son éruption serait donc divine pour eux, une sorte de colère divine, de la nature, d’une punition. Mais aussi pour accentuer le fait que les japonais ne contrôlent pas la nature et qu’elle peut se retourner contre eux.

  • Les démons rugissants:

On peut voir chez les démons rugissants (humains victimes des conséquences nucléaires) des Oni. Dans le folklore traditionnel japonais, les Oni ont bien entendu très mauvaise réputation. Ils symbolisent le démon ou le diable à la japonaise. A tel point que le mot est passé dans le langage courant pour signifier "mauvais esprit" ou "démon" de manière générale.

  • Le village des moulins à eau:

Ce court-métrage illustre une conception de vie idyllique : respect de la nature, vivre avec ses ressources, célébrer la mort comme une fête. On y voit la mise en scène d’une marche funèbre bien loin des enterrements occidentaux où la joie et les chants sont de rigueurs.

Kurosawa met en scène dans les deux courts-métrages les peurs les plus profondes, les traumatismes des japonais : celui de la Seconde Guerre Mondiale mais surtout des deux bombes atomiques à Nagasaki et Hiroshima. Dans le Mont-Fuji en rouge, il n’y a pas que le volcan qui explose mais également les centrales nucléaires qui laissent échapper les produits radioactifs sur le Japon. Ce qui est saisissant dans ce court-métrage, c'est la réaction des japonais face à cela: la population décide de se suicider au lieu de subir une nouvelle fois les affres d’un drame nucléaire qui n’est pas sans rappeler les suicides de masse observés à la fin de la Deuxième Guerre Mondiales par une partie de la population ayant préféré se donner la mort plutôt que de se rendre à l’ennemi.

Le court-métrage suivant, "Les démons rugissants", est vu comme une suite possible au Mont Fuji en rouge. La vision d’une terre apocalyptique, de cendres noires, d’étranges fleurs. Conséquence d’une explosion nucléaire ? Les démons tant qu’à eux offrent aux spectateurs la vision d’humains animalisés, à l’image de démons, de bêtes qui s’entre-mangent pour survivre.

Technique et réalisation

Au départ, le cinéaste japonais désirait faire dix sketchs, mais deux ne furent pas tournés pour des raisons techniques. Japonisant ses clichés, et les juxtaposant avec un ordre esthétique quasi occidental - les noms de Spielberg, Lucas et Scorsese au générique y sont peut-être pour quelque chose, Kurosawa nous offre ici un film zen, calme, volontairement plat, en délivrant des messages de prises de conscience toujours d'actualité. Le montage est lent, dans la lignée des précédentes productions du Kurosawa. Soucis esthétique accordé par le réalisateur à chaque tableau.

  • Les effets spéciaux : Kurosawa exploite les dernières avancées technologiques de l'époque en matière d'effets-spéciaux pour filmer par exemple son double en train de courir dans les paysages à l'huile de Vincent Van Gogh.
  • Mise en scène : Les plans sont souvent larges, très longs, pour une meilleure théâtralisation des discours soulevés. Première moitié du film : de longues séquences contemplatives orchestrées par une caméra intelligemment placée et des décors digne de tableaux de peintres.

Lors des deux premiers rêves nous avons droit à des chorégraphies faisant penser au théâtre Nô grâce aux costumes. À partir de la deuxième moitié du film onirisme moins présent, plutôt des considérations écologiques

  • Jeu d’acteurs : il appuie parfaitement la gravité des sujets abordés, surtout lorsque nous assistons à un monologue.
  • Musique : de Shinichiro Ikebe, elle n'a rien à envier à celles de Takemitsu, qui restait jusqu'alors la préférence de Kurosawa pour ses réalisations. Les mélodies sonnent toujours justes, avec là aussi, une profonde influence de la tradition nippone ; certaines ambiances trahissent le shakuhachi ou les temporalités des percussions du Nô. La musique de la mort dans le rêve du bivouac, est particulièrement éloquente: une simple vocalise de soprano, imitant le shakuhachi ou une flûte imaginaire, sans paroles, sans aucun son.

L'ambiance sonore colle parfaitement à l'essence du film: des voix, des vents, des percussions; mention spéciale pour le rêve des renards et celui des moulins à eau. A l'inverse, certains choix sont de mauvais goût: comme l'arrivée au bivouac, ou encore la transformation des hommes en pêchers.

Fiche technique

Distribution

  • Akira Terao : I
  • Mitsuko Baisho : Mère de 'I'
  • Toshie Negishi : Mère portant son enfant
  • Mieko Harada : La Fée de la neige
  • Mitsunori Isaki : 'I' enfant
  • Toshihiko Nakano : 'I' jeune enfant
  • Yoshitaka Zushi : Pvt. Noguchi
  • Hisashi Igawa : Nuclear Plant Worker
  • Chosuke Ikariya : The crying demon
  • Chishū Ryū : Vieil homme
  • Martin Scorsese : Vincent Van Gogh

Lien externe


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