Voyageur, représentant et placier

Voyageur, représentant et placier
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En France, le représentant de commerce, très souvent appelé VRP (voyageur, représentant et placier), est un salarié dont la fonction est de démarcher une clientèle, pour le compte d’une ou plusieurs entreprises (articles L. 751-1 et suiv. du Code du travail et la convention collective).

L’usage est de parler de VRP exclusif lorsque le VRP travaille pour un seul employeur, de VRP « multicartes » s’il en a plusieurs.

L’idée générale du système est que les salariés dotés d’une certaine indépendance dans leur prospection, et dont la rémunération est fonction du chiffre d’affaires réalisé, créent une valeur pour l’entreprise, en la dotant d’une clientèle, ce qui n’est pas le cas des salariés « ordinaires », purement subordonnés.

Lorsque le contrat est rompu, l’employeur récupère à bon compte la valeur créée par le salarié, tandis que celui-ci ne peut plus profiter de la valeur qu’il a créée (puisque, par hypothèse, celle-ci profite à son ancien employeur). Pour éviter cette forme de spoliation, on lui accorde une indemnité de clientèle destinée à compenser la perte qu’il subit ; comme le droit au bail commercial, mais de façon plus diffuse, c’est là une application de l’idée de propriété économique.

Sommaire

Conditions d'octroi du statut de VRP

Les conditions d’application de ce statut, dont la jurisprudence a précisé qu’elles étaient cumulatives, sont prévues par l’article L. 7313-1 nouveau Code du travail ; ce sont, en substance, les suivantes :

  • La condition essentielle est l’activité concrètement exercée par le VRP : pour bénéficier de ce statut, il faut à la fois prospecter effectivement une clientèle, et avoir le pouvoir d’engager l’employeur en prenant des commandes, de façon habituelle.
  • Le VRP est nécessairement une personne physique, et exerce personnellement son activité : si son rôle est de superviser l’activité des VRP, sans prospecter directement la clientèle, il n’est pas VRP lui-même.
  • Selon la jurisprudence, le degré de subordination n’est pas, en soi, un critère : le VRP peut donc être totalement indépendant, sans perdre pour autant son statut ; il semble toutefois que par nature, le VRP se trouve dans une situation intermédiaire assez floue :

D’une part, on ne conçoit pas un VRP sous la surveillance permanente de son employeur ; en particulier, s’il se borne a exécuter les directives a priori de son employeur dans son activité de prospection, il redevient nécessairement un salarié normal car il ne peut en aucun cas développer une clientèle par son activité personnelle (laquelle n’existe pas). D’autre part, s’il est totalement libre vis-à-vis de son employeur, il semble que l’on est plutôt en présence d’un travailleur indépendant ; aussi bien, la jurisprudence affirme que le VRP doit se conformer aux instructions de l’employeur

  • La convention doit déterminer le produit commercialisé, ainsi qu’un secteur déterminé de prospection (soit par la délimitation d’une zone géographique, soit par la détermination d’une catégorie de clientèle) ;

Le secteur doit être délimité. Cette condition tient sans doute à la nécessité de pouvoir distinguer l’apport en clientèle du VRP, de la clientèle globale de l’entreprise. Il n’existe pas d’échelle particulière, il est donc possible de déterminer un secteur particulièrement étendu. Des décisions assez anciennes ont décidé qu’il était impossible, toutefois, que le secteur couvre toute la France, même si en revanche, une société Française peut attribuer un secteur constitué par un État étranger dans sa totalité.

Il n’est pas certain que cette distinction représente toujours le droit positif : la vraie question est sans doute de savoir si le secteur déterminé représente, ou non, l’ensemble du marché auquel s’adresse l’employeur. Il nous semble qu’aujourd’hui, une société française dont les débouchés sont à l’échelle internationale peut accorder à un VRP un secteur constitué par la France entière. Par ailleurs, le secteur est fixe, toute clause contraire étant nulle. La présence, dans un contrat, d’une clause par laquelle l’employeur se réserve la faculté de changer le secteur de prospection pose toutefois de complexes problèmes de qualification : elle est nulle si le contrat est un contrat de VRP, mais l’employeur peut soutenir, quant à lui, que justement la présence de cette clause exclut cette qualification, car dans un contrat de travail « normal », elle est valable.

La jurisprudence n’a pas toujours été très claire, mais dans son dernier état, elle peut se résumer ainsi : si la validité de la clause n’est pas contestée, elle exclut la qualification de VRP. Il en est de même si, en cours d’exécution du contrat l’employeur en a fait concrètement usage, du moins sans contestation de la part du salarié ; dans ce cas, on considère en effet que la mise en œuvre de la clause emporte l’adhésion du salarié. En théorie cette affirmation n’est pas évidente, car on peut aussi imaginer que celui-ci, se considérant comme un VRP, a accepté le changement de secteur non pas en tant que mise en œuvre, par l’employeur, de son pouvoir de direction, mais en tant que modification du contrat de travail, qu’il a acceptée mais qu’il aurait pu refuser. Cette difficulté d’interprétation de la volonté des parties explique peut-être certaines décisions, qui ont pu être présentées comme divergentes, tandis que les plus récentes reprennent la solution traditionnelle .

Une seconde question est celle de savoir si le VRP doit ou non avoir une exclusivité ; même si les textes ne le disent pas, la réponse est a priori positive, sans quoi on voit mal comment il pourrait développer une clientèle. Toutefois, la jurisprudence, après avoir posé le principe, a admis semble-t-il que le même secteur puisse être attribué à plusieurs VRP, sans que ceux-ci perdent pour autant le bénéfice du statut ; il va de soi que cela ne peut que compliquer le calcul de l’indemnité de clientèle, et ce système doit être, en pratique, évité ; il est préférable de conférer des secteurs plus restreints, mais véritablement séparés, à chacun. Même lorsque le secteur est partagé, il existe une exclusivité que l’employeur doit respecter, fût-elle partagée entre les différents VRP du secteur ; il en résulte que si un VRP a reçu un secteur, l’employeur ne peut décider d’en engager un deuxième, sans violer le contrat (il en résulte que, si plusieurs VRP peuvent être engagés sur le même secteur, il faut semble-t-il les engager ensemble – et en toute transparence -, ou bien obtenir l’accord du VRP en place, sans quoi l’employeur est en faute).

La jurisprudence a toutefois admis des limitations à ce principe :

Tout d’abord, l’employeur peut se réserver la possibilité de traiter directement avec certains clients ;

  • Il est aussi possible (c’est même, en pratique, conseillé) de prévoir la possibilité de faire visiter le secteur par un autre représentant, en cas d’empêchement du premier ; dans le silence du contrat, l’employeur peut sans doute aussi en prendre
  • l’initiative, mais le juge contrôlera qu’il n’y a pas d’atteinte à la loyauté contractuelle. L’aléa lié à cette appréciation est plus grand que si le contrat prévoit, à l’avance, les modalités de remplacement ;

Le contrat doit prévoir le taux de rémunération du VRP ; alors que l’usage, dans l’article L. 751-1, 4°, du terme de « taux » de la rémunération semble indiquer que dans l’esprit du législateur le VRP est nécessairement commissionné, il est admis que la rémunération peut être constituée par un fixe, sans perdre la qualité de VRP. Cependant dans une telle hypothèse, on verra que le VRP n’a pas droit à l’indemnité de clientèle. En revanche, la jurisprudence a précisé que si la commission est fixée à l’occasion de chaque opération, le représentant ne peut bénéficier du statut de VRP ; manque, en effet, le caractère permanent de l’activité de représentation dans ce cas : il s’agit plutôt d’une succession de mandats ponctuels.

De plus, le statut de VRP est réservé aux personnes qui exercent cette activité de façon exclusive : l’article L. 751-1, 3° exclut du bénéfice du statut de VRP les personnes qui font des « opérations commerciales » ; la jurisprudence applique rigoureusement cette condition, en excluant les personnes qui font des opérations pour leur compte personnel, même pour une seule opération isolée. Pour pallier cette rigidité, un décret de 1973 (aujourd’hui codifié à l’article L. 751-2 du Code du travail) a admis que le VRP peut, conjointement à la représentation, se livrer à d’autres activités pourvu que ce soit pour le compte de l’un de ceux qui l’emploient en qualité de VRP ; la jurisprudence a précisé que l’activité de représentation devait demeurer l’activité principale.

Pour accorder ou non le statut de VRP, la jurisprudence s’attache aux conditions concrètes d’exercice de l’activité, plutôt qu’aux stipulations contractuelles ; par exemple, si le contrat ne prévoit pas un secteur délimité (géographiquement ou par catégories de clients), mais qu’en pratique, le représentant peut établir qu’il a prospecté une clientèle effectivement limitée, il est admis qu’il a droit au statut de VRP ; très classiquement, c’est à celui qui prétend en bénéficier de le prouver.

Toutefois, dès lors qu’une activité de représentant est établie (ce qui suppose une certaine régularité) en l’absence d’un contrat écrit, la loi présume que le représentant est un VRP (article L. 751-4 du Code du travail) ; c’est une présomption simple. Par ailleurs, même lorsque les conditions légales ne sont pas réunies il est possible aux parties à un contrat de travail de prévoir à l’avance l’application du statut des VRP. Un arrêté a cependant décidé qu’un salarié ne peut pas se voir opposer le statut de VRP dont il ne remplit pas les conditions légales, ce qui semble signifier que la stipulation en cause ne peut pas nuire au « faux » VRP, du moins dès lors que celui-ci dénie cette qualité.

Les effets de la reconnaissance du statut de VRP

Longtemps les VRP devaient être titulaires d’une carte professionnelle, délivrée par le préfet de leur domicile ; cette obligation a été supprimée par l’ordonnance n° 2004-279 du 25 mars 2004. Le principe est l’assimilation du VRP à un salarié ; l’employeur peut donc donner des instructions au salarié (imposer un certain nombre de visites à des époques précises, désigner des clients déterminés, etc) il existe, toutefois, un certain nombre de règles particulières. Le VRP a une obligation de loyauté à l’égard de l’employeur. L’article L. 751-6 du Code du travail prévoit que la période d'essai éventuelle ne peut être d’une durée supérieure à trois mois.

Les règles relatives à la durée du travail ainsi qu’à la rémunération minimale ne sont pas applicables, en principe, aux VRP, car ils sont censés organiser librement leur travail. La convention collective prévoit cependant un minimum trimestriel forfaitaire pour les VRP exclusifs ; elle n’est pas, toutefois, applicable à tous les VRP, certains secteurs d’activité en étant exclus.

Le point le plus remarquable du statut des VRP est le droit à une indemnité de clientèle en cas de rupture, prévue par l’article L. 751-9 du Code du travail ; cette indemnité est due en cas de rupture du fait de l’employeur (sauf cas de faute grave du VRP), ou consécutive à une maladie ou à un accident, ainsi qu’en cas de cessation d’un contrat à durée déterminée par l’arrivée du terme. Cette règle est d’ordre public. L’indemnité est censée correspondre à « la part qui lui revient personnellement dans l’importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui ».

Il faut donc qu’existe une clientèle, ce qui implique que les produits ou services commercialisés soient susceptibles d’être renouvelés. Il faut aussi que la clientèle ait connu un accroissement durant l’exécution du contrat, ce qui en pratique s’établira le plus souvent par la preuve de l’accroissement du chiffre d’affaires, sous réserve de la pondération par l’inflation naturelle. C’est au VRP de prouver cet accroissement de la clientèle. L’idée générale est que le VRP a développé la clientèle de son employeur, et qu’il va subir une sorte de spoliation en cas de rupture du contrat.

Toutefois, il n’a pas droit à l’indemnité s’il ne subit pas de préjudice :

  1. lorsqu’il continue à commercialiser auprès de la même clientèle, des produits identiques ou similaires ;
  2. lorsqu’il a déjà cédé la valeur de la clientèle à son successeur (ce qui suppose l’accord de l’employeur) ;
  3. lorsqu’il a déjà été indemnisé, par ailleurs, pour la perte de la clientèle ;
  4. lorsque sa rémunération est fixe.

En réalité, les trois premiers cas correspondent soit à des hypothèses où il conserve la clientèle (1), soit à des hypothèses où la clientèle lui a déjà, en quelque sorte, été « rachetée » (2 et 3). Le quatrième cas, en revanche, s’explique assez mal au regard du fondement originel de l’indemnité de clientèle, car quelles que soient les modalités de sa rémunération le VRP a créé une valeur, qui profite à son employeur. Cette hypothèse révèle en réalité deux difficultés :

  • la première est que le VRP rémunéré au fixe est, en quelque sorte, un « faux » VRP ; d’ailleurs, privé de l’indemnité de clientèle il ne bénéficie plus que des aspects les plus accessoires du statut ;
  • la seconde est que l’indemnité de clientèle a en réalité un fondement passablement ambigu : le terme d’indemnité de clientèle évoque une sorte de rachat de la valeur créée par le VRP, comme nous l’avons déjà dit ; mais cette indemnité peut aussi être présentée comme une indemnité ordinaire pour rupture du contrat, auquel cas elle perd toute spécificité par rapport aux indemnités de licenciement, ou à l’indemnité de rupture de l’agent commercial (cf. supra) ; dans cette vision des choses, il est logique que le VRP n’en bénéficie pas s’il ne subit pas de préjudice du fait de la rupture

Quoi qu’il en soit, c’est à l’employeur de prouver que, malgré l’existence d’une clientèle créée, apportée ou développée par le VRP, celui-ci n’a pas subi de préjudice.

L’indemnité de clientèle peut se cumuler avec celles destinées à réparer une rupture illicite, mais pas avec l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, ni avec l’indemnité de mise à la retraite : seule l’indemnité la plus élevée est due. Là encore, cette solution révèle que l’indemnité de clientèle, malgré son nom, demeure une indemnité destinée à compenser la rupture du contrat.

Pour éviter les difficultés de calcul de l’indemnité conventionnelle, l’accord national interprofessionnel prévoit une indemnité spéciale de rupture, destinée à la remplacer, dont le calcul s’effectue sur la base du salaire mensuel des douze derniers mois, à l’exclusion des frais professionnels et de la partie fixe de la rémunération.

Pour en bénéficier, il faut se trouver dans l'un des cas de rupture du contrat ouvrant droit à indemnité de clientèle, ne pas avoir commis de faute grave, être âgé de moins de 65 ans et ne pas bénéficier de l'indemnité spéciale de mise à la retraite.

D’autre part, le salarié doit avoir renoncé à l’éventuelle indemnité « normale » de clientèle à laquelle il pourrait éventuellement prétendre.

Conclusion sur le statut de VRP

  • au point de vue de l’activité exercée, le VRP a le pouvoir d’engager son cocontractant, comme un mandataire ; mais le cocontractant attend surtout de lui que, par ses diligences, il favorise la création d’une clientèle, ce qui le rapproche d’un contrat de travail ou d’entreprise ;
  • au point de vue des conditions de travail, le caractère permanent de la relation, l’attribution d’un secteur déterminé, le pouvoir d’instruction du cocontractant le rapprochent du contrat de travail ; toutefois l’autonomie de leur activité fait penser à certaines catégories de mandat, ou au contrat d’entreprise.

En fin de comptes le statut de VRP, dans le système français, est un système « bâtard » ; cette singularité s’explique, en grande partie, par son origine historique : l’assimilation des représentants de commerce, qui étaient à l’origine des travailleurs indépendants, à des salariés remonte à une loi de 1937, animée de préoccupations électoralistes selon les uns, soucieuse de faire bénéficier les individus dépendants d’une entreprise au même titre que des salariés, de la même protection que ces derniers, selon les autres.

Le législateur s’est enferré dans une contradiction insoluble intellectuellement, en créant une catégorie mélangeant les avantages du salariat (la sécurité) et ceux de l’activité indépendante (le droit sur la clientèle).

A cette contradiction initiale s’ajoute une autre considération, liée aux évolutions Il va de soi que les moyens de communication actuels rendent cette considération totalement obsolète et qu’un commercial peut aujourd’hui sortir de l’enceinte de son entreprise, tout en étant en permanence sous les ordres de l’employeur, de sorte que la spécificité du représentant de commerce ne découle plus de la nature des choses. Le statut de VRP plutôt que de salarié ordinaire est aujourd’hui un choix négocié, assez peu lié aux conditions concrètes d’exécution du contrat.

Il faut bien reconnaître, toutefois, que la formule a rencontré un succès aussi réel que durable, même si, à l’époque, certains représentants de commerce indépendants ont refusé l’assimilation au salariat.

Aujourd’hui, cette formule est en déclin, car les employeurs s’efforcent d’éviter d’y recourir afin d’échapper au statut très protecteur du VRP.

L’autre grande figure de contrat de diffusion repose sur les contrats de représentation

Sources

  • Textes de référence : articles L 751-1 à L 751-15 de l'ancien Code du travail et articles L. 7313-1 et suivants du Nouveau Code du travail

Voir aussi


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Voyageur, représentant et placier de Wikipédia en français (auteurs)

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