P-matrice

P-matrice

En mathématiques, une \mathbf{P}-matrice est une matrice carrée réelle dont les mineurs principaux sont strictement positifs. Ces matrices interviennent dans l'étude des problèmes de complémentarité linéaire. Une notion voisine est celle des \mathbf{P_0}-matrices.

Sommaire

Définitions

La notion de \mathbf{P}-matrice peut se définir de différentes manières, bien sûr équivalentes. On note ci-dessous u\cdot v le produit de Hadamard de deux vecteurs u et v, qui est défini par (u\cdot v)_i=u_iv_i, pour tout indice i. On note aussi MI,J la sous-matrice de M formée de ses éléments avec indices de ligne dans I et indices de colonne dans J.

\mathbf{P}-matrice — On dit qu'une matrice carrée réelle M\in\mathbb{R}^{n\times n} est une \mathbf{P}-matrice si l'une des propriétés équivalentes suivantes est vérifiée :

  1. tous les mineurs principaux de M sont strictement positifs : pour tout I\subset\{1,\ldots,n\} non vide, det MI,I > 0,
  2. tout vecteur x\in\R^n vérifiant x\cdot(Mx)\leqslant 0 est nul,
  3. pour tout I\subset\{1,\ldots,n\} non vide, les valeurs propres réelles de MI,I sont strictement positives.

On note \mathbf{P} l'ensemble des \mathbf{P}-matrices d'ordre quelconque. On appelle \mathbf{P}-matricité la propriété d'une matrice d'appartenir à \mathbf{P}.

Le nom de ces matrices a été proposé par Fiedler et Pták (1966)[1]. L'équivalence entre les définitions 1 et 2 est due à Fiedler et Pták (1962)[2].

Propriétés immédiates

De la définition 1, on déduit que

  • M\in\mathbf{P} si et seulement si M^{\top\!}\in\mathbf{P},
  • si M est symétrique, alors M\in\mathbf{P} si et seulement si M est définie positive,
  • \mathbf{P}\cap\R^{n\times n} est un ouvert de \R^{n\times n}.

De la définition 2, on déduit que

Autres propriétés

Complémentarité linéaire

Un problème de complémentarité linéaire consiste à trouver un vecteur x\geqslant 0, tel que Mx+q\geqslant 0 et x^{\!\top\!}(Mx+q)=0. Dans cette définition, M\in\mathbb{R}^{n\times n}, q\in\R^n, x^{\!\top\!} est le transposé de x et les inégalités doivent se comprendre composante par composante. Ce problème est parfois noté de manière compacte comme suit


\mbox{CL}(M, q)\qquad
0\leqslant x\perp(Mx+q)\geqslant 0.

L'importance des \mathbf{P}-matrices dans les problèmes de complémentarité linéaire vient du résultat d'existence et d'unicité suivant[3].

\mathbf{P}-matrice et problème de complémentarité linéaire — Pour une matrice M\in\mathbb{R}^{n\times n}, les propriétés suivantes sont équivalentes :

  • M\in\mathbf{P},
  • pour tout vecteur q\in\R^n, le problème de complémentarité linéaire CL(M,q) a une et une seule solution.

Dès lors, si M\notin\mathbf{P}, il existe un vecteur q\in\R^n tel que l'une des deux situations exclusives suivantes a lieu :

  • soit CL(M,q) n'a pas de solution,
  • soit CL(M,q) a plus d'une solution.

On ne peut cependant pas affirmer que, pour une matrice M\notin\mathbf{P}, même symétrique et non-dégénérée, il existe un vecteur q tel que la première des deux situations ci-dessus ait lieu. Ainsi


M=\begin{pmatrix}1&2\\2&1\end{pmatrix}

n'est pas une \mathbf{P}-matrice, mais le problème CL(M,q) a une solution quel que soit q.

Complexité

  • Vérifier qu'une matrice donnée dans \mathbb{Q}^{n\times n} est une \mathbf{P}-matrice est un problème co-NP-complet[4].
  • On ne connait pas d'algorithme pouvant résoudre le problème CL(M,q) en temps polynomial lorsque M\in\mathbf{P}, mais certains ont proposé des arguments en faveur de cette possibilité[5],[6],[7].

Exemples

  1. Considérons la matrice circulante M\in\mathbb{R}^{n\times n}, n\geqslant 2, définie par

    M=\begin{pmatrix}1       &              &        & \alpha\\\alpha  & ~~~\ddots~~~ &        & \\        & ~~~\ddots~~~ & 1      & \\        &              & \alpha & 1\end{pmatrix}

    ou de manière plus précise par Mij = 1 si i = j, Mij = α si i=(j\mod n)+1 et Mij = 0 sinon. Alors[8]
    • si n est pair, alors M\in\mathbf{P} si et seulement si | α | < 1,
    • si n est impair, alors M\in\mathbf{P} si et seulement si α > − 1.

  2. Considérons la matrice circulante M\in\mathbb{R}^{n\times n}, n\geqslant 3, définie par

    M=\begin{pmatrix}
1      &              &           & \beta~~~  & \alpha \\
\alpha & ~~~\ddots~~~ &           &           & \beta  \\
\beta  & ~~~\ddots~~~ & 1~~~      &                    \\
       & ~~~\ddots~~~ & \alpha~~~ & 1~~~               \\
       &              & \beta~~~  & \alpha~~~ & 1
\end{pmatrix}

    ou de manière plus précise par

    M_{ij}=\left\{\begin{array}{ll}
1      & \mbox{si}~ i=j \\
\alpha & \mbox{si}~ i=(j \mod n) + 1 \\
\beta  & \mbox{si}~ i=((j+1)\mod n) + 1 \\
0      & \mbox{sinon}.
\end{array}\right.

    Alors[8] M\in\mathbf{P} si | α | − 1 < β < | α | / 4 ou si \alpha^2+8(\beta-{\textstyle\frac{1}{2}})^2<2.

Annexes

Notes

  1. (en) M. Fiedler, V. Pták (1966). Some generalizations of positive definiteness and monotonicity. Numerische Mathematik, 9, 163–172.
  2. (en) M. Fiedler, V. Pták (1962). On matrices with nonpositive off-diagonal elements and principal minors. Czechoslovak Mathematics Journal, 12, 382–400.
  3. (en) H. Samelson, R. M. Thrall, O. Wesler (1958). A partition theorem for the Euclidean n-space. Proceedings of the American Mathematical Society, 9, 805–807.
  4. (en) G. E. Coxson (1994). The P-matrix problem is co-NP-complete. Mathematical Programming, 64, 173–178. doi
  5. (en) W. Morris (2002). Randomized pivot algorithms for P-matrix linear complementarity problems. Mathematical Programming, 92A, 285–296. doi
  6. (en) N. Megiddo (1988). A note on the complexity of P-matrix LCP and computing an equilibrium. Technical Report RJ 6439 (62557). IBM Research, Almaden Research Center, 650 Harry Road, San Jose, CA, USA.
  7. (en) D. Solow, R. Stone, C.A. Tovey (1987). Solving LCP on P-matrices is probably not NP-hard. Unpublished note.
  8. a et b (en) I. Ben Gharbia, J.Ch. Gilbert (2011). Nonconvergence of the plain Newton-min algorithm for linear complementarity problems with a P-matrix. Mathematical Programming (à paraître). doi

Articles connexes

Bibliographie

  • (en) R. W. Cottle, J.-S. Pang, R. E. Stone (2009). The linear complementarity problem. Classics in Applied Mathematics 60. SIAM, Philadelphia, PA, USA.
  • (en) R. A. Horn, Ch. R. Jonhson (1991). Topics in Matrix Analysis. Cambridge University Press, New York, NY, USA.

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article P-matrice de Wikipédia en français (auteurs)

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