Omphalopsyque

Omphalopsyque

Un omphalopsyque (Omphalospsychus, omphalopsyches ; du grec ancien ομφαλός, omphalos, « nombril » et ψυχή, psychè, « âme ») est un moine orthodoxe du mont Athos (ou bogomile) pratiquant la prière hésychaste[1] de l'Omphaloskepsis  (en) en plaçant son menton près du nombril, d'où le surnom d'« adorateur du nombril » et le bruit que l'âme résiderait dans le nombril.

Le mot contemporain serait monofixisme ou omphaloscopie (omphaloskepsis, de omphalos + skepsis), et daterait des années 1920, donnant le jour à l'expression « se regarder le nombril » et nombrilisme.

Sommaire

Définition

« synonyme d’hésychiaste : nom d’une secte de l’Église d’Orient, née au XIIe siècle dans les monastères du mont Athos, et où l’on enseignait, d’après l’abbé Siméon, que, pour s’élever à la science des choses divines, il faut se recueillir dans la solitude, incliner la tête sur la poitrine et regarder attentivement son nombril ; que là sont concentrées toutes les forces de l’âme, que d’abord on n’y trouve que ténèbres, mais que peu à peu la lumière naît, éclate et rayonne.  »

— Alexandre Vialatte

Histoire

Secte chrétienne de l’Église d’Orient, née aux XIIeXIVe siècles dans les monastères du Mont Athos, les omphalopsyques furent surnommés ainsi à cause de leur posture, car ils fixaient pour prier leurs regard sur leur nombril, afin de parvenir à contempler la lumière du Thabor, lors de la Transfiguration d'où leur surnom d'« adorateurs du nombril » par Barlaam le Calabrais qui les accusa de renouveler l'hérésie des Massaliens ou Euchites condamnée à Antioche au IVe siècle, et combattait aussi Grégoire Palamas[2].

L’abbé Siméon de Xérocerque, du monastère de Xérocerque à Constantinople[3] écrivait au XIe siècle  : « Etant dans ta cellule[4], ferme ta porte et t'assieds en un coin: élève ton esprit au-dessus de toutes les choses vaines et passagères! ensuite, appuie ta barbe sur ta poitrine; tourne les yeux avec toute ta pensée au milieu de ton ventre, c'est-à-dire au nombril . Retiens encore ta respiration, même par le nez; Cherche dans ta poitrine la place du coeur où habitent pour l'ordinaire toutes les puissances de l'âme. D'abord tu n'y trouveras que des ténèbres épaisses et difficiles à dissiper mais si tu persévères dans cette pratique nuit et jour tu trouveras, merveille surprenante ! une joie sans interruption. Car sitôt que l'esprit a trouvé la place du coeur, il voit ce qu'il n'avait jamais vu . Il voit l'air qui est dans le coeur, et il se voit lui même lumineux et plein de discernement. » [5]

  • Cette démarche de prière chrétienne proche du bouddhisme fut très mal comprise et souvent tournée en dérision  :

«  Les moines du mont Athos prétendaient qu'étant en prière il leur sortait du nombril un jet de lumière, une lueur ineffable et incréée qui les plongeait dans de célestes langueurs ; ils la croyaient analogue à la lumière apparue sur le mont Thabor et à quelques autres resplendissantes manifestations de l'éclat divin. Cette doctrine, appuyée chaudement par l'évêque de Thessalonique, mit l'opinion publique dans une si dangereuse fermentation qu'il fallut décider entre les deux partis. L'an 1341 l'empereur Andronic III se rendit en pompe avec tous les grands dans l'église de Sainte-Sophie pour présider un concile au sujet du nombril des moines. La dispute fut si longue, si acharnée, le grand discours théologique prononcé par l'empereur contre les adeptes du nombril (omphalopsyches) le fatigua tellement, et il eut tant de dépit de les voir cependant reconnus pour orthodoxes, qu'il se retira malade et ne survécut que peu de jours  »

— William Rey , Autriche, Hongrie et Turquie, 1839-1848

Aujourd'hui

«   Quant à l’ « omphaloscopie » ou fixation du regard sur le nombril, ni le nom ni la chose ne correspondent à ce que recommande l’hésychasme. Il n’a jamais été question d’une contemplation du nombril, ce qui serait du pur yoghisme. Il s’agit, dans une posture assise, de fixer le regard sur le milieu du corps. Le nombril exprime, assez naïvement, un point de fixation, un axe de direction ; mais on peut dire avec autant de justesse qu’il faut diriger le regard sur la poitrine. " Pratique bizarre, presque scandaleuse ", écrit le P. Jugie, dans son article sur Grégoire Palamas. Encore faut-il essayer de la comprendre. Il s’agit de " trouver le lieu du coeur ", de faire descendre l’esprit dans le coeur. Faisant abstraction d’une physiologie périmée, cela signifie qu’il faut, en concentrant les regards dans la direction du coeur, s’imaginer vivement son propre coeur comme le lieu symbolique de la vie affective et volitive, de l’amour, puis jeter dans ce brasier nos pensées " intellectuelles " et les laisser s’échauffer, s’éclairer et prendre feu au contact de cette flamme, jusqu’à ce qu’un cri brûlant vers Jésus jaillisse et s’élève. »  »

— Lev Gillet, Un moine de l’Église d’Orient,La prière de Jésus, Chevetogne/Seuil (Livre de vie), 1963

Simeon le nouveau théologien

Syméon le Nouveau Théologien (949-1022), est un moine grec : Un de ses poèmes, l' Hymne n°29, évoque parfaitement cette recherche de la lumière contenue en eux, dans le coeur et le corps, par les moines grecs, lorsqu'ils se retirent pour prier seuls, assis, dans leur cellule :


D'où viens-tu ? Comment pénètres-tu,
je veux dire : à l'intérieur de ma cellule,
fermée de toute part ?
Ceci est en effet étrange,
dépasse parole et pensée.
Mais que tu viennes en moi,
soudain tout entier et que tu brilles,
que tu te laisses voir sous forme lumineuse,
comme la lune dans sa pleine lumière,
cela me laisse sans pensée
et sans voix, mon Dieu !
Je sais bien que tu es
celui qui est venu pour illuminer
ceux qui sont assis dans les ténèbres (Lc 1,79),
et je suis stupéfait, je deviens
privé de sens et de paroles,
à voir une merveille étrange
qui dépasse toute la création,
toute la nature et tous les mots...

Comment Dieu est-il hors de l'univers
par son essence et sa nature,
par sa puissance et par sa gloire,
et comment aussi habite-t-il partout et en tous,
mais d'une manière spéciale dans ses saints ?
Comment dresse-t-il sa tente en eux
d'une manière consciente et substantiellement,
lui qui est totalement au-delà de la substance ?
Comment est-il contenu dans leurs entrailles,
lui qui contient toute la création ?
Comment brille-t-il dans leur cœur,
ce cœur charnel et épais ?
Comment est-il à l'intérieur de celui-ci,
comment est-il en dehors de tout,
et remplit-il lui-même toute chose ?
Comment, la nuit et le jour,
brille-t-il sans être vu ?

Dis-moi, est-ce que l'esprit de l'homme
concevra tous ces mystères
ou pourra te les exprimer ? Certes non ! un ange ne pourrait
ni un archange, te l'expliquer ;
ils seraient incapables
de t'exposer cela avec des mots.
C'est donc l'Esprit de Dieu, parce qu'il est divin,
qui seul connaît ces mystères
et qui les sait parce que lui seul
partage la nature, le trône et l'éternité
avec le Fils et le Père.
C'est donc à ceux pour qui cet Esprit resplendira
et à qui il sera uni libéralement
qu'il montre tout d'une manière inexprimable...
C'est comme un aveugle : s'il voit,
il voit tout d'abord la lumière
et ensuite aussi toute la création
qui est dans la lumière, oh merveille !
De même, celui qui a été éclairé
par le divin Esprit dans son âme,
aussitôt entre en communion de la lumière
et contemple la lumière,
la lumière de Dieu, Dieu vraiment,
qui aussi lui montre tout,
ou plutôt tout ce que Dieu décide,
tout ce qu'il désire et ce qu'il veut.
A ceux qu'il éclairera par son illumination
il accorde de voir ce qui se trouve dans la lumière divine

Notes et références

  1. Ou Oraison de quiétude, voir « Quiétisme ».
  2. Voir Claude Fleury, Histoire ecclésiastique, volume 20, p. 23 sqq.
  3. Auteur appelé aussi Syméon Prévost de Saint Mamez de Xérocerque ou Syméon, Abbas Sancti Mamantis 949-1022 ou S. Simeone Sancti Mamantis Monasterii Constantinopolis, Symeon, Prefect of the Monastery of S. Maman in Xerocercus ou Symeon Praefectus Xerocerci confondu avec Symeon le Métaphraste voir ici page 148 : [1]. Il aurait écrit 33 oraisons, Fide et Moribus tum Christianis tum monasticis publiées en latin en 1603, Ingolstadt par Pontanus Cité ici [2]
  4. Matthieu 6:6 « Mais quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est là dans le lieu secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra »
  5. [3] cité par Charles Letourneau dans Physiologie des Passions , 1868.

Annexes

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Bibliographie


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