Le Radeau de La Méduse

Le Radeau de La Méduse
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Le Radeau de La Méduse
Image illustrative de l'article Le Radeau de La Méduse
Artiste Théodore Géricault
Année 1817-1819
Technique peinture à l'huile sur toile
Dimensions (H × L) 491 cm × 716 cm
Localisation Musée du Louvre, Paris

Le Radeau de La Méduse est un tableau de Théodore Géricault, peint entre 1817 et 1819, qui fait référence à un épisode tragique de l'histoire de la marine française, le naufrage de la frégate Méduse en 1816. Ce tableau est actuellement conservé au musée du Louvre, à Paris.

Sommaire

Histoire de La Méduse

Article détaillé : La Méduse.

En 1815, Louis XVIII se réinstalle sur le trône de France. Le Sénégal est restitué à la France par les Britanniques. Le 17 juin 1816, une flottille appareille de l'île d'Aix sous les ordres du commandant Hugues Duroy de Chaumaray, commandant la frégate La Méduse ; à son bord, se trouvent le colonel Julien Schmaltz, gouverneur du Sénégal, accompagné de sa femme Reine et de leur fille, ainsi que des scientifiques, des soldats et des colons.

L'inexpérience du commandant, dont les états de services remontent à l'Ancien Régime, crée un climat de tension, qui provoque l'échouage de La Méduse sur le banc d'Arguin, à 160 km de la côte mauritanienne. Les opérations de déséchouage se passent mal. Un radeau ayant été lourdement chargé, La Méduse flotte à nouveau, mais des avaries surviennent, qui rendent l'évacuation nécessaire :

  • dix-sept marins restent à bord, dont seulement trois survivront ;
  • 233 passagers, dont Chaumareys, Schmaltz et sa famille, embarquent sur six canots et chaloupes ;
  • 149 marins et soldats s'entassent sur le radeau, long de vingt mètres et large de sept, au départ amarré à une des chaloupes.

Mais l'amarre se rompt ou est volontairement larguée ; le commandant laisse les passagers du radeau livrés à leur sort, pourvus de peu de vivres. La situation se dégrade rapidement[1].

Au bout de treize jours, le radeau est repéré par le brick L'Argus ; il n'a à son bord que quinze rescapés, qui peuvent être suspectés de cannibalisme. Cinq meurent encore dans les jours qui suivent. Au total, le naufrage a causé la mort de plus de 150 personnes.

Le commandant de Chaumaray est jugé et condamné à trois ans de prison militaire.

Histoire du tableau

Le tableau est peint entre 1817 et 1819, c'est-à-dire que Géricault commence son tableau alors que les révélations des survivants ont un retentissement considérable.

L’artiste choisit un sujet provocateur pour prouver son talent et se faire reconnaître par le grand public. Sur le plan politique, il s'agit d'une prise de position contre l’État monarchiste, qui a voulu étouffer l'affaire. Sur le plan artistique, il est considéré comme réaliste, quasiment journalistique ; en fait, il s'agit d'une œuvre d'inspiration romantique, traitant de la vie et de la mort, de l'espoir et du désespoir, et de composition classique, les corps étant disposés de façon sculpturale. Cette œuvre est au cœur de tensions sociales, politiques et artistiques auxquelles Géricault participe en même temps qu’il les subit.

A titre anecdotique, on peut noter qu'Eugène Delacroix est le modèle du jeune homme au centre, en bas, qui a le bras gauche sur une poutre et que si plusieurs personnages ont des bandages enroulés autour des pieds, c'est que Géricault a en vain tenté de leur dessiner des pieds, comme le montre une étude du tableau aux rayons X.

Le tableau est présenté au Salon de 1819, où il fait sensation et manifeste l’émergence de la jeune école de peinture romantique.

Un décret spécial du 12 novembre 1824 autorise l'État à acheter Le Radeau de La Méduse pour la somme de six mille cinq francs à Dedreux-Dorcy, l'ami le plus proche de Théodore Géricault.

Analyse de la toile de Géricault

Présentation

Pour évoquer l'errance des damnés du radeau de La Méduse, il choisit un moment proche du dénouement, celui où les survivants aperçoivent le sister-ship L'Argus à l'horizon.

Structure du tableau

Le tableau ne comporte aucune symétrie ; il présente beaucoup de désordre volontaire qui s’apparente au thème, et plusieurs lignes de force, dont une principale, deux plans (au premier plan, le radeau et au deuxième, le paysage), c'est une structure pyramidale sur une base instable (la mer).

Le regard est entraîné par la ligne ascendante qui part du cadavre en bas à gauche, dont les jambes pendent en dehors du radeau, pour aboutir au marin qui agite un linge en direction du navire salvateur. Le mouvement représenté est tout à fait logique, car il correspond à la réalité du fait divers historique : les quinze rescapés du radeau de La Méduse sont récupérés par un navire, L’Argus. Le sens ascendant de la ligne marque une succession dans les sentiments qu’éprouvent les naufragés, du désespoir à l’espoir (même les nuages fort sombres, les couleurs et la lumière sur les côtés et au second plan renforcent cette idée de salut). Ce symbole est encore accentué par la gestuelle et les positions des individus du radeau.

Au fur et à mesure de la conception de son tableau, Géricault a diminué progressivement la taille du bateau salvateur dans son tableau, pour n’en faire finalement qu’un tout petit point à peine suggéré, rendant le salut des hommes en détresse incertain. De plus, si l’on observe les voiles du radeau, on remarque qu’elles sont gonflées par un vent qui pousse ledit radeau vers la gauche, c'est-à-dire à l’opposé de L’Argus, dans le sens contraire de la lecture. Ce « contre-mouvement » a aussi un effet inverse à celui décrit ci-dessus, et équilibre les forces en présence dans la scène.

L'espace du tableau

L’espace extérieur (en mer) fort proche, avec du relief mais peu de profondeur à cause de la place importante que prend le radeau dans le tableau, masquant ainsi la presque totalité du paysage marin du second plan.

En ce qui concerne la perspective, il n'y a pas de point de fuite car les deux autres bords du radeau sont masqués par les personnages qui s’y trouvent. Le cadrage est frontal, ou en plan rapproché.

On a affaire à un espace « théâtral », très composé (les personnages sont disposés de manière à former une courbe qui monte vers le coin supérieur droit du tableau, c’est la ligne de force).

Véracité

Géricault a, avant de peindre cette toile, mené une enquête sur le naufrage de La Méduse, réunissant tous les éléments pour créer un tableau réaliste. Mais ce n'est pas ce qu'il fait.

En effet, le Noir au sommet de l'échafaudage présente un dos musclé, alors qu'après 12 jours de famine, les os deviennent saillants et les muscles fondent. De même, les cadavres ont une peau pâle quelque peu idéalisée, et ils ne présentent pas les marques violettes de la décomposition. Chaque personnage est bien coiffé et rasé de près. Quant à la réalité contextuelle, elle n'est pas représentée : le jour où les naufragés furent retrouvés, la mer était calme, le ciel dégagé. Cependant Géricault aurait eu du mal à insuffler cette tension et ce désespoir en figurant une mer belle et un ciel bleu, aussi a-t-il transformé la réalité, montrant une mer agitée et un ciel tourmenté et sombre. Le peintre ne cherche pas à peindre la réalité, il est en quête de monumentalité, il veut transformer son tableau de fait divers en un tableau d'Histoire, le genre le plus prestigieux au XIXe siècle. Jules Michelet en fait en 1848 un symbole patriotique contre la restauration monarchique, considérant que Géricault a embarqué toute la société française sur le Radeau de La Méduse[2].

Mouvement

La toile représente un moment assez agité. La scène représentée, se déroule en mer, le radeau étant ballotté par les flots violents, les naufragés criant à l’aide afin qu’un navire vienne les secourir, les uns pleurant la mort d’un proche, les autres agonisant. Le moment précis de l’épisode est proche du dénouement de la tragédie alors que les survivants aperçoivent L'Argus. Le tableau conte ainsi, par toutes ces expressions de peur, d’angoisse, d’agonie ou encore d’espoir que l’on peut lire sur les visages si réalistes des personnages, l’histoire autour de laquelle tourne la toile de Géricault.

Géricault a soigneusement préparé la réalisation du Radeau de La Méduse et il en espérait beaucoup au Salon de 1819. L’artiste demanda même au charpentier de La Méduse, qui comptait parmi les survivants, de reconstituer le radeau. Il fit également des croquis de cadavres, et envisagea même que trois des survivants qui avaient publié un récit de leur aventure (le charpentier, l’ingénieur Corréard et le médecin Savigny) servent de modèles afin d’être le plus réaliste possible.

Couleurs et luminosité

La palette des couleurs utilisées dans Le Radeau de La Méduse, très réduite, va du beige au noir, en passant par le brun clair et le brun foncé. On obtient ainsi une atmosphère générale de tons chauds, avec des couleurs en bonne harmonie, mais dégageant une impression dramatique, de détresse. La couleur dominante du tableau est le beige, et les teintes sont généralement mates. Cependant, un élément se détache du tableau par sa couleur, il s’agit de l’étole rouge foncé que porte le vieillard qui tient un cadavre d’une main, en bas à gauche du tableau.

Le romantisme est caractérisé par des contours moins nets, plus flous que dans le néoclassicisme.

Dans ce tableau, Géricault a préféré la technique du grattage, une méthode que l’on retrouve dans certains de ses papiers huilés.

Le tableau, au premier abord, est plutôt sombre (ce qui est particulièrement vrai actuellement, non seulement par le souhait de l'auteur, mais aussi à cause du mauvais vieillissement des pigments utilisés) mais contient une ligne plus claire (le ciel jaunâtre qui apparaît derrière le radeau) et le contraste entre les deux parties n’est pas très fort car les tons appartiennent à la même gamme de couleurs. Les ombres présentes dans le tableau ont pour source un soleil marin très lumineux diffusant une lumière très jaune, mais entièrement caché par la voile du radeau.

Le Radeau de La Méduse dans les productions culturelles

Le Radeau de La Méduse est un tableau très célèbre qui a inspiré de nombreux autres artistes. La bibliographie du livre de Michel Hanniet intitulé Le Naufrage de La Méduse (L'Ancre marine, 2006) a recensé les articles, livres, œuvres théâtrales, picturales, filmiques ou autres ayant pris pour titre Le Radeau de La Méduse.

Peinture

  • Erró dans sa toile de 1992, Poupée du Radeau de La Méduse, conservée à Hafnarhus-Musée de Reykjavík.
  • Speedy Graphito a présenté une exposition sur le thème du Radeau de La Méduse en 1987. Il a été édité la même année 600 exemplaires d'un ouvrage avec les principales toiles de l'exposition et un texte de Jean Seisser relatant l'histoire imaginaire d'un de ses ancêtres qui aurait fait partie des survivants du radeau de La Méduse.

Sculpture

Tombeau de Théodore Géricault, réalisé par Antoine Etex en 1839-1840 et financé par son fils naturel, Hippolyte Georges Géricault.
  • Antoine Etex : bas-relief en bronze sur la tombe de Géricault au cimetière du Père-Lachaise
  • Au début des années '90, le sculpteur John Connell, dans son "The Raft Project" crée avec l'artiste peintre Eugene Newmann, a recrée "Le Radeau de la Méduse" avec des sculptures en taille réelle réalisées avec du bois, du papier et du goudron, et placées sur un grand radeau de bois[3].

Littérature

  • Émile Zola, dans L'Assommoir, lorsque la noce se rend au Louvre (chapitre III).
  • Le Radeau de La Méduse a inspiré François Weyergans qui transpose le mythe dans notre société contemporaine. Le roman, mis à part le premier chapitre, s'écarte passablement du sujet tout en lui faisant des clins d’œil réguliers.

Bande dessinée

  • Hergé, dans Coke en stock : la couverture de l’album ; la scène où le capitaine Haddock tombe à l'eau et se retrouve avec une méduse sur la tête, puis Tintin lui demande au Capitaine s'il veut vraiment que ce soit le radeau de La Méduse[4]) ;
  • René Goscinny et Albert Uderzo, dans Astérix légionnaire : le radeau sur lequel finissent les pirates est une copie fidèle du Radeau de La Méduse ; l’allusion est redoublée par le chef des pirates ("Je suis médusé"). Cette allusion est mise en image par le réalisateur Alain Chabat dans le film Astérix et Cléopâtre (2002) lors du dernier naufrage des pirates.
  • Fred dans Le Naufragé du A (série des aventures de Philémon) fait une allusion au tableau.
  • De cape et de crocs : dans le tome VIII, il y a une copie du radeau de La Méduse reprenant les couleurs du tableau.
  • Trait de Génie (série Léonard) : Disciple reconstitue avec des amis la scène du Radeau de La Méduse pour inspirer un tableau à Léonard, qui rejette la proposition.
  • André Chéret dans Le mariage de Rahan : page 18, on voit un radeau endommagé et lourdement chargé.

Chanson

  • Georges Brassens, dont la célèbre chanson Les copains d'abord commence par ces mots : « Non ce n'était pas le radeau/De La Méduse ce bateau/Qu'on se le dise au fond des ports/Dise au fond des ports... »
  • La pochette de l'album The Divinity Of Oceans du groupe de « doom metal » allemand Ahab est représentée par ce tableau.
  • Le groupe irlandais de folk rock The Pogues relate cet événement et la toile de Géricault dans la chanson The Wake Of The Medusa ("le sillage de La Méduse") sur l'album Hell's Ditch (1990), extrait : « They ran off with the money ... And left us with the rope » (ils prirent la fuite avec l'argent et nous laissèrent la corde). De plus, la pochette de l'album Rum, Sodomy and The Lash est tirée de ce tableau.

Cinéma

Divers

  • Le photographe Gérard Rancinan revisite le tableau en Radeau des illusions en 2008[5].
  • Le vidéaste Laurent Boutonnat, dans le clip de Mylène Farmer Les mots en 2001 fait des références évidentes au tableau).[réf. nécessaire].
  • Dans le jeu vidéo Donkey Kong Country Returns, les boss de fin du monde de la plage meurent dans une position évoquant le tableau.

Voir aussi

Bibliographie

  • Alexandre Corréard et Henry Savigny, Le Naufrage de la frégate « La Méduse », faisant partie de l'expédition du Sénégal en 1816.
  • Michel Hanniet, Le Naufrage de La Méduse, paroles de rescapés, Editions L'Ancre de Marine, 2006
  • Gérard-Julien Salvy, « Théodore Géricault, Le Radeau de La Méduse », dans Cent Enigmes de la peinture, Editions Hazan, Paris, 2009, pages 262-264.

Liens externes

Notes et références

  1. Quel fait divers est immortalisé au Louvre ? dans La Minute de la connaissance
  2. Éric Darragon, Marianne Jakobi, La provocation : une dimension de l'art contemporain (XIXe-XXe siècles), Publications de la Sorbonne, 2004 [lire en ligne], p. 66 
  3. ARTnews, Summer 1993
  4. émission Karambolage du 25 novembre 2007
  5. [1]


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Le Radeau de La Méduse de Wikipédia en français (auteurs)

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