L'Armée polonaise dans la bataille de France

L'Armée polonaise dans la bataille de France

L'Armée polonaise dans la bataille de France désigne la participation de soldats polonais aux combats de la bataille de France en mai et juin 1940.

Sommaire

Création

Aux premiers jours d’octobre 1939, les dernières divisions polonaises décimées continuaient à résister désespérément contre l’ennemi allemand et soviétique. Les autorités françaises avaient déjà mis à la disposition des Polonais le Camp de Coëtquidan[1] où commençaient à affluer les volontaires issus de l’immigration polonaise en France (estimée à 500 000 personnes au moins). Environ 45 000 hommes[2] seront recrutés au sein de cette immigration.

Le 4 janvier 1940, le Gouvernement polonais en exil du général Sikorski signe avec le gouvernement Daladier un traité militaire prévoyant la création en France d'une armée de 80 000 hommes.

Dès le printemps 1940, Coetquidan était trop petit pour contenir la nouvelle Armée polonaise. Il faut dire qu’elle avait été entre-temps considérablement renforcée par les éléments des forces armées polonaises qui étaient parvenus à fuir la Pologne défaite. Ces éléments (environ 37 000[2]), notamment des cadres, qui s'étaient échappés par la Hongrie et surtout par la Roumanie, convoyés le plus souvent par les Britanniques, affluaient en France par milliers pour se mettre à la disposition du Gouvernement polonais en exil.

Ces militaires polonais avaient pour la plupart l'expérience du combat contre les Allemands, un encadrement de qualité, une discipline et une cohésion remarquables. Ils étaient surtout animés d'un fort désir de revanche après la défaite de 1939.

Le dispositif polonais en France

En février 1940, quatre bataillons, regroupés dans la Brigade de chasseurs de Podhale, furent prêts pour participer à un corps expéditionnaire franco-polonais en Finlande. La brigade fut « baptisée » en Bretagne le 21 avril 1940 devant les autorités civiles et militaires françaises, polonaises et britanniques[3]. L’opération fut finalement annulée et le corps expéditionnaire partit participer à la bataille de Narvik. Elle ne revint en France que le 15 juin 1940, une fois la défaite des armées alliées consommée.

La Ire brigade de chasseurs des Carpates eut un statut et un destin original. Constituée de 3 270 hommes et commandée par le général Kopański, elle avait été formée en avril 1940 au Levant (Syrie-Liban sous mandat français) par des éléments évadés de Pologne par la Roumanie. Cantonnée à Beyrouth, elle ne participa pas aux opérations de la Bataille de France.

Pour le reste, l’Armée polonaise en France était constituée des unités suivantes :

  • la Ire Division d'infanterie (division de grenadiers polonais) commandée par le général Bolesław Bronisław Duch, 16 165 hommes), au sein de la 4e armée française ; cette division fut déclarée opérationnelle le 18 mai 1940.
  • d'unités en cours de formation lors de l’offensive allemande dont :
    • la 2e Division d'infanterie (division de chasseurs), commandée par le général Bronisław Prugar-Ketling, déclarée opérationnelle seulement le 10 juin 1940 ;
    • la 3e DIP, en cours d'instruction à Coëtquidan, finalement pas prête avant la fin de la bataille de France, mais dont quelques éléments ont combattu sur la Loire ;
    • la 4e DIP, en cours d'instruction, finalement ne fut pas prête avant la fin de la bataille de France, mais dont quelques éléments combattirent sur la Loire. Elle était placée sous le commandement du général Rudolf Eugeniusz Dreszer, le major Stanisław Sosabowski étant à la tête de l'infanterie ;
    • le Groupe de chasse polonaise (GC I/145) sur Caudron-Renault C 714 Cyclone (86 avions). Sur les quatre escadrons prévus, à peine un et demi fut opérationnel.
  • la 10e Brigade de cavalerie blindée (Pologne), composée de 5 305 hommes commandés par le général Maczek, qui combattit avec la 3e division cuirassée, dont :
    • le 1er bataillon de chars composés de 45 tanks légers ;
    • le 2e bataillon de chars, qui ne combattit pas, fut reformé en Écosse en 1942 et forma l'ossature de la future Ire DB polonaise ;
    • 1 régiment de cavalerie motorisée;
    • des éléments organiques (une batterie antichar, une batterie anti-aérienne).

Les principaux camps de l’Armée polonaise en France étaient situés à Coëtquidan et Saint-Loup-sur-Thouet près de Parthenay[4].

L'aviation polonaise était cantonnée à Lyon-Bron.

Les projets du haut-commandement polonais de constituer deux corps d’armée ne seront jamais réalisés. L’expérience acquise contre les Allemands en septembre 1939 ne sera pratiquement pas mise en œuvre.

L’Armée polonaise dans son ensemble était placée sous le commandement opérationnel français. Son commandant en chef était le général Władysław Sikorski.

La bataille de France

La Ire division de grenadiers (16 165 hommes) sous le commandement du général Bolesław Bronisław Duch était basée en Lorraine. Tenant une partie de la ligne Maginot à partir du 9 juin, elle était intégrée dans le dispositif de la 4e armée française. Les premiers jours, ce furent seulement des activités de patrouilles et quelques escarmouches. Elle vint au combat à compter du 14 juin. Après deux jours de combats, ayant contenu les assauts allemands sur ses positions près de Lagarde, sur le canal de la Marne au Rhin, elle fut contrainte de reculer, couvrant la retraite de la 52e division française en complète désintégration. Ce furent ensuite des combats de retardement, des contre-attaques pour dégager des unités risquant d’être encerclées. Le 21 juin, constatant l’effondrement des défenses françaises dans le secteur, le général Duch ordonna la dissolution de son unité afin de se constituer en petits groupes ; nombre des soldats, y compris le général, parvinrent à évacuer vers la Grande-Bretagne.

Cependant, l’ordre de dissolution n’a pu parvenir à temps à toutes les unités : le 2e bataillon du 3e régiment encore engagé dans la région de Moyenmoutier eut du mal à se dégager et se replia vers Saint-Dié en livrant les derniers combats. Une partie des éléments de la 5e compagnie fut capturée le 22 juin par les Allemands qui étaient entrés dans Saint-Dié.

Les morts de la division reposent dans le cimetière militaire de Dieuze (Moselle).

La 2e Division de chasseurs (environ 15 800 hommes), sous le commandement du général Bronisław Prugar-Ketling était stationnée de décembre 1939 à mai 1940 à Parthenay. Cette division fut chargée de la défense des environs de Belfort. Engagée dans de durs combats du 17 au 19 juin près du Doubs et de la Saône, elle stoppa l’attaque allemande sur les collines du Clos du Doubs, mais du fait de la retraite des forces françaises voisines, elle se vit encercler par les forces allemandes ; cependant, elle parvint à percer vers la Suisse les 20 et 21 juin. La division, y compris le général Prugar-Ketling, fut internée.

La 10e brigade blindée commandée par le général Stanisław Maczek combattit en Champagne et en Bourgogne. Elle couvrait le flanc des 4e et 6e Armées françaises près de Champaubert au nord-ouest de Dijon. Le 16 juin, elle mit les Allemands en déroute près de Montbard mais se vit alors isolée, les unités françaises sur ses deux flanc étant en déroute ou en retraite. Le 18 juin, la brigade était pratiquement encerclée et à court d’essence et de munitions. Le général Maczek ordonna la destruction du matériel de l’unité et la dispersion des hommes. La brigade fut ultérieurement recréée sous son commandement en Grande-Bretagne où elle devint la fameuse 1ere DB polonaise; le général Maczek fut considéré comme l’un des meilleurs commandants polonais, notamment de blindés, de la Seconde Guerre mondiale.

Le groupe de chasse polonais GC 1/145 « Varsovie », participa à la bataille de France, ainsi que d’autres éléments détachés dans des unités françaises. Environ 130 à 135 pilotes polonais participèrent aux combats, crédités de 50 à 55 victoires pour des pertes de 15 à 25 pilotes.

L’après armistice

Dès le 18 juin, le sort des unités polonaises devint problématique. Le Gouvernement polonais en exil refusant toute idée d’armistice, les diverses unités (engagées et dissoutes, non engagées mais non dissoutes) n’eurent que très peu de choix :

  • la captivité
  • l’évacuation
  • l’internement
  • la démobilisation
  • l’entrée dans la clandestinité.

Malgré les instructions données par les commandants, un nombre important de militaires polonais furent capturés par les Allemands et emmenés en captivité.

Pour continuer la guerre avec l’allié britannique, il fallut gagner la Grande-Bretagne. Par tous les moyens, avec audace et ténacité, les unités polonaises se lancèrent dans une course vers les ports de l’Atlantique pour y rembarquer. Sikorski partit pour Londres le 18 juin et obtint de Winston Churchill, l’aide de la Royal Navy, qui établit un plan d’évacuation avec des navires anglais et polonais (civils et militaires).

Nantes, Saint-Nazaire, La Turballe, Le Croisic, Les Sables d’Olonnes, La Rochelle, La Pallice, Royan, le Verdon sur Mer, Saint-Jean de Luz virent ainsi arriver des groupes de Polonais tentant d’embarquer sur les navires dépêchés pour cette évacuation.

Louis Faury, général français, joua un rôle crucial dans cette opération. Après le départ de Paris de la Mission militaire franco-polonaise pour se transporter dans la région de Mont-de-Marsan, les liaisons entre cet état-major et les forces polonaises stationnées en Bretagne, furent rompues. Le général de division Faury, directeur de l’instruction des troupes polonaises et installé au camp de Coëtquidan dut prendre l’initiative du commandement de ces forces polonaises. Il s’impliqua sans compter dans l'organisation et la mise en œuvre de cette évacuation.

Le 19 juin 1940, environ 6 000 soldats polonais, dont le major Sosabowski de la 4e Division d'infanterie polonaise, parvinrent au port de La Pallice d'où ils furent évacués vers le Royaume-Uni.

Pratiquement toute la 2e division de chasseurs fut internée en Suisse.

Quelques milliers de militaires polonais réussirent à se faire démobiliser, notamment au centre de Auch qui fonctionna jusqu’en juillet 1942.

D’autres choisirent d’entrer dans la clandestinité et de rejoindre les réseaux polonais qui se mirent en place, tels la P.O.W.N. (Polska Organizacja Walki o Niepodległości – Organisation Polonaise de Lutte pour l’Indépendance, réseau Monika) avant de tenter de rejoindre Londres en passant par l'Andorre puis l’Espagne et enfin Gibraltar, port britannique où existait une base navale polonaise.

Quelques chiffres

  • Près de 85 000 hommes, dont les 4 000 de la brigade Kopanski au Levant français, formaient l’Armée polonaise en France le 18 juin 1940 ; ils étaient 1 900 en 1939, 31 500 au 10 janvier 1940 et 68 500 au 27 avril 1940 ;
  • 37 000 étaient des rescapés de la campagne de Pologne ;
  • 55 000 hommes étaient dans des unités aptes au combat ;
  • 16 000 environ furent faits prisonniers ;
  • 13 000 hommes environ furent internés en Suisse ;
  • selon les sources[5], de 20 000 à 35 000 hommes furent évacués vers la Grande-Bretagne ;
  • 1 400 furent tués au combat et 4 000 blessés ;
  • 6 000 hommes choisirent de rester en France en zone occupée et de se faire démobiliser sur place. À l’avènement de l’armistice, ils furent réquisitionnés dans des unités de travailleurs ;
  • 13 000 hommes se firent démobiliser en zone non occupée. Plusieurs milliers d’entre eux y furent internés ;

Notes et références

  1. Un monument a été érigé sur le territoire du camp à la mémoire des Polonais ayant combattu en France.
  2. a et b Jacek Rewerski, article cité.
  3. (en) Polish troops in Norway, published for the Ministry of Information by M.I.Kolin, Londres, 1943.
  4. (en) Polish Troops in Norway, Londres, publié pour le ministère polonais de l'Information par M.I. Kolin Ltd, 1943
  5. Jean Medrala cite pour sa part un chiffre de 27 000 évacués.

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Polish Troops in Norway, Londres, publié pour le ministère polonais de l'Information par M.I. Kolin Ltd, 1943.
  • Jean Michalowski, « Les Volontaires polonais en France durant la IIe Guerre mondiale », dans La Charte, avril-mai 1999.

Liens externes

Articles connexes


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