Kintex (firme)

Kintex (firme)

Kintex est une entreprise d'État bulgare, fondée à Sofia en 1965. Jusqu'en 1992, elle était considérée comme une émanation du Comité de la sécurité d'État [1], les services de renseignements du Parti communiste bulgare, chargée de l'import/export de nombreux produits, du tabac aux armes. Kintex a été un acteur important de la contrebande d'armes, avant et après la chute du Mur de Berlin, notamment à destination de l'Irak de Saddam Hussein[2]. On l'a aussi accusé de s'être livré au trafic de stupéfiants, notamment d'héroïne, et même - piste abandonnée par la suite - d'avoir été derrière la tentative d'assassinat du Pape en 1981[2].

Sommaire

Contrebande

La première grosse exportation d'armes de Kintex fut vers l'Algérie entre 1961 et 1962, vers la fin de la guerre d'indépendance [3]. Kintex était aussi au centre d'un réseau de contrebande, notamment de cigarettes, passant par voie maritime vers la Turquie à travers les ports de Varna et Burgas[3]. Selon l'ONG International Action Network on Small Arms, Kintex a aussi illégalement vendu, dans les années 1970, des armes à une firme sud-africaine, pays alors sous embargo de l'ONU, qui les a ensuite transférées à des groupes combattant des organisations communistes en Afrique[2]. L'ONG affirme aussi que Kintex fut l'un des gros fournisseurs de l'OLP dans les années 1970-80 [2]. À l'instar de la France, elle a aussi fourni des armes aux deux côtés lors de la guerre Iran-Irak [1].

Selon l'auteur Claire Sterling (en) (The Times of the Assassins, 1985), Abuzer Uğurlu (tr), un baron de la drogue, travaillait pour Kintex[2]. Jugé en Turquie en 1984 pour trafic d'armes et de stupéfiants, Uğurlu aurait été lié à Mehmet Ali Agca, le responsable de la tentative d'assassinat du Pape en 1981, selon les dires - fluctuants - de ce dernier[4]. Il lui aurait notamment demandé d'assassiner le journaliste turc Abdi Ipekci, qui enquêtait sur les réseaux mafieux turcs opérant en Bulgarie[4].

En 1984, le directeur de la Drug Enforcement Administration (DEA), John C. Lawn (en), témoigna devant un comité parlementaire américain qu'à partir des années 1970, Kintex avait vendu de l'héroïne et de la morphine à des mafieux installés en Europe, vendant simultanément des armes au Moyen-Orient [2] (notamment à la Syrie et à la Libye[5], ainsi qu'à l'Iran et à l'Irak). La DEA rompit ses relations avec la Bulgarie dans les années 1980, avant de reprendre sa collaboration dans les années 1990, à cause de cela[2].

Le chiffre d'affaires annuel de Kintex obtenu grâce à la contrebande s'élevait entre 5 et 15 millions de dollars, transportés en liquide dans des valises[3]. Un rapport confidentiel du Ministère du Commerce extérieur de 1978 indiquait qu'entre 1972 et 1975, les profits nets de la firme dans ses opérations commerciales secrètes étaient d'entre 12 et 17 millions de dollars[3]. Après 1985, les paiements étaient fait via des firmes fondées par la Sécurité d'État et le Ministère du Commerce extérieur, le plus souvent situées en off-shore, et contrôlées par des agents des renseignements[3].

Les années 1990-2000

Présidée dans les années 1990 par Anton Saldzhiyski (épelé Anton Saldjiiski en anglais[5]), Kintex a été en charge de projets d'ingénieur en Afrique, Asie et au Moyen-Orient. Dans un entretien au New York Times d'août 1990, Saldzhiyski avoua une part des livraisons d'armes de Kintex, tout en niant toute implication de la firme dans le trafic de stupéfiants ainsi que ses liens avec les services secrets bulgares[5]; cette dernière affirmation était cependant remise en cause, au même moment, par le vice-PDG Nikolai Kosashki[5]. Les diplomates d'États de l'Ouest répondaient alors que Kintex n'avait vendu des armes qu'à des États, et que les preuves l'impliquant dans le trafic de stupéfiants étaient légères[5]. L'entreprise employait à cette époque environ 150 personnes[5], et était dans les années 1980 une source importante de revenus pour l'État bulgare[5].

En 1992, son statut est tombé sous l'égide du droit commercial, toutes ses actions étant détenues par l'État [6]. Elle détient un permis d'import-export pour les forces armées bulgares et la police[7].

C'est également en 1992, après la première guerre du Golfe, que le gouvernement bulgare fut contraint d'admettre que Kintex avait vendu pour 15 millions d'armes à destination de l'Irak, violant l'embargo de l'ONU [2]. La même année, la firme fut au centre d'un trafic d'armes à destination de la Croatie, également sous embargo en raison de la guerre [2]. Elle prétendait en effet vendre des armes à la Bolivie, s'appuyant sur la firme EPICON - plusieurs membres de cette dernière, dont Gunter Pausch et Dirk Schmidt furent arrêtés par la suite[8].

Après 1997, la Bulgarie devint l'un des principaux fournisseurs d'armes de l'UNITA ; Anton Saldzhiyski déclara que la Bulgarie avait fourni en armes l'Angola de 1995 à 1997[9]. L'UNITA fut placé sous embargo par le Conseil de sécurité des Nations Unies en 1993[9].

En 2000, le Bureau of Alcohol, Tobacco and Firearms des États-Unis effectua un raid chez un Américain, détenteur de plus de 800 armes automatiques, qui lui avaient été illégalement fournies par Kintex[2].

En 2004, une partie du Congrès indien protesta après que Kintex eut remporté un contrat consistant à fournir l'armée indienne en AK-47 [10], certains députés soulignant que Kintex avait arrêté de produire elle-même ces armes en 1979 et devait donc se fournir par d'autres réseaux[10].

En 2006, Saldzhiyski annonça que Kintex avait exporté pour 40 millions de dollars d'armes aux États-Unis, citant comme autres destinations importantes la Jordanie, le Bangladesh, le Yemen, le Botswana et la Grèce[11].

Références

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Liens externes


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Kintex (firme) de Wikipédia en français (auteurs)

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