Jan van Amstel

Jan van Amstel
Le Sacrifice d'Abraham de Jan van Amstel, 40 × 32 cm, Musée du Louvre

Jan van Amstell dit Jan le Hollandais ou Jan de Hollander ou encore Aertszone est un peintre hollandais de sujets religieux et de scènes de genre, où le paysage joue un rôle important, né à Amsterdam, vers 1500 et décédé à Anvers, vers 1542 ou 1550.

Biographie

La date de naissance de Jan van Amstel n'est pas connue avec exactitude; on sait néanmoins qu'il était originaire d'Amsterdam.

L'influence que son œuvre exerça sur celle de Pieter Aertsen rajoutée au fait que tous deux portaient le nom de Aertszone, laisse par ailleurs supposer qu'il s'agissait de deux frères. En 1527, Van Amstel comparaît devant le magistrat d'Anvers avec sa femme Adriana van Dornicke, qui était devenue la belle-sœur de Pieter Coecke par le premier mariage de celui-ci; en 1528, il devient franc-maître au sein de la gilde de Saint-Luc à Anvers; en 1536, il acquiert le droit de bourgeoisie dans cette même ville. Van Amstel fut décrit par Carel van Mander en 1604 comme un paysagiste doté d'une technique particulière, qui consistait notamment à recouvrir légèrement la couche de fond de ses panneaux et à exploiter cet effet pour le résultat final.

Cette technique serait portée plus tard à un point d'accomplissement par Pieter Brueghel l'Ancien et, au siècle suivant, par Pierre Paul Rubens.

La dénomination de paysagiste ne doit pas être prise à la lettre, car la peinture de paysages n'existait pas en tant que telle dans le deuxième quart du XVIe siècle. La définition de Van Mander attire plutôt l'attention sur le traitement brillant de l'espace par l'artiste, dont les tableaux procèdent manifestement d'une observation concrète de la nature et non pas d'un modèle formel préétabli. On nous renseigne en effet que l'artiste se penchait souvent de la fenêtre pour observer les nuages. Ses œuvres se vendaient sur les marchés de Flandre et de Brabant, ce qui peut aussi expliquer le caractère populaire et les dimensions réduites de nombre de ses tableaux. Jusqu'il y a peu, la date de mort de Van Amstel était établie d'après la date de naissance de Gillis van Coninxloo, le 24 janvier 1544; selon Van Mander, ce dernier serait en effet issu du second mariage d'Adriana van Dornicke, veuve de Van Amstel, dont on situe la mort, par conséquent, vers 1542. Il est cependant possible que Van Mander se trompe sur ce point, bien que des recherches stylistiques récentes situent vers 1540 les derniers tableaux attribués à Van Amstel.

L'attribution d'une œuvre à J. van Amstel a toujours été un problème délicat. Le peintre ne signait pas, sans doute en raison du caractère populaire et commercial de ses œuvres. Seul Le repas des conviés peint vers 1530/1535[1], porte un monogramme, qui a été lu par G. Glück comme JvAMS et qui servit de base à des attributions ultérieures, de même qu'un autre tableau, L'entrée du Christ à Jérusalem[2], où étaient visibles les restes d'un monogramme et le millésime 1537, encore lisible à l'époque, vers 1910. L'identification avec le Monogrammiste de Brunswick, du nom du musée où se trouve conservé Le repas des conviés, a été fortement contestée, mais reçoit, dans la littérature récente, une approbation quasi unanime. Le repas des conviés, l'œuvre maîtresse de Van Amstel est unique du point de vue iconographique (il n'existe pas d'autres peintures connues qui illustrent ce thème, tel qu'il est raconté dans Saint Luc, 14) et renvoie peut-être, notamment par l'évocation des symptômes de la lèpre, à la misère sociale du second quart du XVIe siècle : les tonalités claires et délicates - le rouge vermillon, le jaune citron, le bleu roi, le blanc cassé sont caractéristiques -, ainsi que la foule des petits personnages confirment le jugement pertinent: son univers est lilliputien[3]. Les grandes dimensions du tableau et la présence du monogramme ont laissé penser qu'il s'agissait d'une œuvre importante, émanant d'une commande, alors que d'autres œuvres, en particulier les scènes de bordel, non signées, appartiendraient aux activités officieuses de Van Amstel. Un théoricien comme Van Mander observe généralement le plus grand silence sur ce type de scènes, en raison du statut très inférieur que leur prête la hiérarchie des genres.

Les recherches stylistiques ont pu établir une certaine chronologie entre les œuvres attribuées ultérieurement, et même élargir l'œuvre à des compositions quelque peu atypiques, représentant de grands personnages. Le Portement de croix vers 1525/1530[4] fournit un bel exemple du genre de scène prisé par le peintre : un somptueux paysage, où l'espace, au lieu de servir simplement de décor, englobe la foule grouillante des petits personnages. La montée au Calvaire [5],Le sacrifice d'Abraham en 1530/1535[6] et la Scène de bordel [7] sont des œuvres qui, depuis le début de la polémique des attributions, appartiennent au vaste noyau des œuvres de Jan van Amstel/ Monogrammiste de Brunswick et sont très caractéristiques de son style: les personnages, conçus plutôt comme des masses que comme des structures, interprètent avec la même émotion des scènes tirées de la Bible ou de la vie quotidienne. De la même période provient une œuvre moins caractéristique, la Jeune fille jouant du luth [8], qui illustre les difficultés éprouvées par Van Amstel pour représenter de grands personnages: la jeune fille est une masse sans ossature et son visage est privé d'expression. La même raideur caractérise tous les personnages de grandes dimensions représentés par Van Amstel et constitue peut-être une raison supplémentaire pour le considérer comme un frère de P. Aertsen. Ceci ne signifie pas pour autant que le peintre ne connaissait pas les modèles italiens : dans "L'entrée du Christ à Jérusalem", par exemple, divers personnages sont empruntés aux figures représentées par Michel-Ange dans la chapelle Sixtine ou par Raphaël dans les Loges et dans ses cartons pour tapisserie; transplantées chez Van Amstel, ces figures en acquièrent toutefois les caractéristiques de son propre style délicat.

Vers 1537, l'artiste aurait également collaboré avec son beau-frère, Pieter Coecke van Aelst; c'est ainsi que lui sont attribués le petit tableau représentant de jeunes garçons dans les flammes d'un four, sur le panneau gauche du retable de Coecke,La Résurrection [9], ainsi que l'arrière-plan d'une autre œuvre de Coecke, La prédication de saint Jean-Baptiste [10]. La collaboration avec Coecke, pense-t-on, aurait incité Van Amstel à exécuter des toiles aux figures monumentales, qui trahissent un recours plutôt servile aux modèles de Coecke, comme, par exemple, dans une Déploration du Christ [11] et une Crucifixion [12], mais qui offrent en même temps de superbes représentations de paysages. Reste la question de savoir dans quelle mesure un artiste qui avait développé son propre style et traduit, pour le forger, les modèles italiens, aurait encore éprouvé le besoin de reproduire de façon académique le style d'un autre artiste. L'hypothèse, longtemps admise, d'une collaboration avec J.S. de Hemessen, pour l'exécution de "La parabole de l'enfant prodigue"[13] et de L'extraction de la pierre de folie [14], est aujourd'hui contestée, bien qu'il existe par ailleurs quelques copies littérales d'après de Hemessen, dont les caractéristiques des paysages ont justifié leur attribution à Van Amstel. On citera, par exemple, un Saint Jérôme dans son cabinet de travail[15].

Les conditions concrètes auxquelles était soumise la collaboration entre artistes ne sont pas toujours bien connues, ce qui rend malaisée la compréhension des sources stylistiques qui ont inspiré une seule et même œuvre. Le Retour de la kermesse, représentation profane, paysanne, inspirée du récit de Juda et Thamar dans l'Ancien Testament vers 1535/1540[16], ouvre un deuxième volet dans l'œuvre de Van Amstel, celui des œuvres profanes. Avec les scènes de bordel, entre autres Scène de bordel avec des femmes qui se battent, 1535/1540[17], il constitue la contribution la plus originale de Van Amstel à la peinture du XVIe siècle : dans celles-ci, pour la première fois, l'artiste représente des marginaux de la société sans placer d'allusion directe à un thème biblique (en l'occurrence, l'enfant prodigue); ainsi amorcé, ce courant allait trouver son plein épanouissement dans la peinture hollandaise du XVIIe siècle. Un Paysage avec la fuite en Egypte en 1540[18], mérite aussi un grand intérêt : dans un paysage d'hiver couvert de nuages, manifestement situé en Flandre, et qui annonce déjà le thème des saisons de Pieter Brueghel l'Ancien, Marie tend un morceau de pain à un petit enfant qui le réclame. Très rare, la scène se retrouve pourtant dans l'Etal de boucherie avec la fuite en Egypte de Pieter Aertsen de 1551[19]. A l'origine de ces deux œuvres se trouve sans doute Le repos pendant la fuite en Egypte peint vers 1540 (?) [20], une représentation monumentale de la sainte Famille, où la composition et l'expression des visages s'inspirent de Pieter Coecke, mais où le paysage porte à nouveau la marque de Van Amstel.

Jan van Amstel jouit probablement d'une certaine notoriété de son vivant, puisque son portrait est repris dans les "Effigies" éditées en 1572 de Dominique Lampson, une série de portraits consacrée à vingt-trois artistes célèbres dans les Pays-Bas. Depuis l'identification du Monogrammiste de Brunswick à Jan van Amstel, l'histoire de l'art a sorti de l'oubli l'œuvre d'un artiste intéressant, qui jette un jour nouveau sur la filiation à tracer entre Brueghel l'Ancien et les artistes flamands qui l'ont précédé et sur la perpétuation d'une riche tradition autochtone dans la peinture des Pays-Bas des années 1525-1550, dominée à l'époque par des maîtres romanistes comme Jan Gossaert, Bernard van Orley, Pieter Coecke et Jan Sanders van Hemessen[21].

Bibliographie

  • G. Glück, in U. Thieme, F. Becker, H. Vollmer, Allgemeines Lexikon..., IV, 1910, p. 552.
  • L. von Baldass, Die niederländische Landschaftmalerei von Patinir bis Bruegel, in Jb. des Allerhochsten Kaiserhauses, 34, 1918, pp. 136-140.
  • G.J. Hoogewerff, De Noordnederlandsche Schilderkunst, IV, La Haye, 1941-1942, pp. 488-450.
  • S. Bergmans, Le siècle de Bruegel, cat. exp. M.R.B.A.B., Bruxelles, 1963, pp. 44-46 et 174-177.
  • G. Marlier, Pierre Coecke d'Alost, Bruxelles, 1966, pp. 49, 104.
  • G.T. Faggin, La pittura ad Anversa nel Cinquecento, Florence, 1968, pp. 33-35.
  • D. Schubert, Die Gemälde des Braunschweiger Monogrammisten, Cologne, 1970.
  • R. Genaille, Au temps d'Erasme et de Luther. L'œuvre de Jan Van Amstel, Monogrammiste de Brunswick, in Bull. M.R.B.A.B., XXIII-XXIV, 1974-1980, pp. 65-96.
  • P. Philippot, L'intégration de motifs de Raphaël et de Michel-Ange dans l'œuvre du Monogrammiste de Brunswick, in Relations artistiques entre les Pays-Bas et l'Italie à la Renaissance. Etudes dédiées à S. Sulzberger, Bruxelles-Rome, 1980, pp. 199-207.
  • B. Wallen, Jan van Hemessen, Ann Arbor, 1983.

Notes et références

  1. Brunswick, Herzog Anton Ulrich-Museum
  2. Stuttgart, Staatsgallery
  3. G. Marlier
  4. Amsterdam, Stichting P. en N. de Boer
  5. (Paris, Louvre)
  6. , Paris, Louvre
  7. (1530/1535, Francfort, Städel
  8. (Berlin, Staatl. Museum)
  9. Nuremberg, Germanische Nationalmus.
  10. Santarem/Portugal, Mus. Braamcamp-Freire
  11. Berlin, Bode Museum
  12. Neuss, Clemens-Sels-Museum
  13. 1536, Bruxelles, Musée Royaux B.A.B.
  14. 1556, Madrid, Prado
  15. Prague, Národní Gallery
  16. Brunswick, Herzog Anton Ulrich-Museum
  17. Berlin, Staatl. Museum
  18. Berne, Kunstmuseum
  19. Uppsala, Universitat Konstsamlugen
  20. Diest, St-Sulpitius-en-Dionysiuskerk
  21. Leen Huet, Dictionnaire des Peintres belges du XIVe siècle à nos jours, Renaissance du Livre, 1994

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