Beau

Beau
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Temple bouddhique dans les montagnes, copie ancienne d'après Li Cheng. Une thèse courante associe contemplation de la beauté et élévation spirituelle.

Le beau ou la beauté est une notion abstraite liée à de nombreux aspects de l'existence humaine. Ce concept est étudié principalement par la discipline philosophique de l'esthétique, mais il est également abordé en partie par d'autres domaines (histoire, sociologie, psychologie).

Le beau est communément défini comme la caractéristique d'une chose qui au travers d'une expérience sensorielle (perception) procure une sensation de plaisir ou un sentiment de satisfaction ; en ce sens, la beauté provient par exemple de manifestations telles que la forme, l'aspect visuel, le mouvement, le son.

Sommaire

Définition

Depuis l'antiquité, certains philosophes[Lesquels ?] s'accordent pour penser que tout ce qui existe possède une identité, une apparence, une réalité, et que celle-ci est soumise nécessairement au concept du beau[réf. nécessaire]. Tout être peut être qualifié de beau ou de laid avec toutes les nuances intermédiaires possibles.

Le philosophe Karl Jaspers, qui après la seconde guerre mondiale tenta, en tant que psychiatre, de trouver un sens à cette atrocité que fut la guerre, fut également amené à réfléchir sur le concept du beau. Selon lui, le beau s’applique en fait sur deux dualités différentes : celle être primaire (matière morte) contre être complexe (individu), puis sur la dualité naturelle du fond contre la forme.

Pour la première dualité, on peut résumer en disant, simplement, que le beau des êtres simples (décors, paysages) s’appelle l’ambiance, l’atmosphère qu’ils dégagent. Quant à la beauté d’un être complexe comme par exemple un être humain, elle se nomme sa personnalité. Un individu contrairement à un décor inerte est un générateur autonome de sens, il génère sa propre ambiance, et on la nomme en effet la personnalité. Cette personnalité est le charme, la saveur de la personne. Il s’agit presque de sa façon d’être, de sa logique d’existence.

Quant à la seconde dualité sur laquelle peut s’appliquer le concept du beau, Jaspers dit qu'il s’agit de la dualité du fond et de la forme. Le beau du fond, c’est-à-dire de l’essence de l’être touche à la saveur et il s’agit de celle décrite à l’instant et dans laquelle pouvait s’inscrire la première dualité être simple contre être complexe. La saveur est donc, pour Jaspers, le mot clé pour décrire le fond d’un être, et cette saveur est forcément soumise au beau. Quant à la beauté de la forme, simplement, il s’agit de l’esthétisme. Un objet peut être esthétique par son apparence, donc par sa forme.

En revanche, en ce qui concerne la douleur et du plaisir, s'agissant de sensations les philosophes s'accordent pour considérer qu'elles ne touchent plus au beau mais seulement au plaisir physique et à la douleur corporelle.

De plus, Kant a dit que le beau est l’expression du bon, du bien[réf. nécessaire]. Pour les individus complexes comme les hommes, il est en effet vrai qu’un être bon sera souvent beau car il sera sain, alors que les pervers en vivant dans la noirceur se détruisent et deviennent inévitablement malsains et donc laids intérieurement. Le beau est donc comme le disait Kant bel et bien lié au bien. Le beau et le bien ne sont ainsi qu’une expression de la Vie, d’un être qui choisit d’aller dans le sens de la Vie.

De nos jours la psychiatrie fait intervenir le concept de beauté dans la vie psychique : simplement le beau rend heureux. La beauté des ambiances notamment illumine l’âme, donne de l’énergie, cela revient en quelque sorte à vivre dans une sorte de paradis. Pour être heureux il faut commencer par vivre dans un nid douillet, or le beau apporte cette douceur, l’extérieur ne nous agresse plus. A l’inverse nombre de dépressifs voient les choses en noirs, leur monde est laid, en conséquence, encore une fois, si le beau rend heureux, la laideur (extérieure) rend, elle, malheureux.

Difficultés d'une définition

Chez les grecs, la beauté est liée à l'idée d'équilibre, d'harmonie mathématique entre le tout et ses parties. Ici, une copie du Diadumène de Polyclète, v. 100 av. J.-C., Musée national archéologique d'Athènes

La distinction entre ce qui est beau et ce qui ne l'est pas varie suivant les époques et les individus. Ce que l'on entend même par sentiment du beau diffère selon les penseurs et bien des cultures n'ont pas de mot qui corresponde exactement au beau du français actuel.

Dans l'Hippias majeur, Socrate demande ce qu'est le beau. Une réponse d'Hippias est : « une belle vierge, voilà ce qu'est le beau ». Contre cette affirmation, Socrate fait valoir qu'il existe aussi de belles juments et de belles lyres. La diversité des beaux objets semble décourager l'analyse de la beauté en soi, et, de fait, ce dialogue de Platon se termine par une aporie : aucune définition satisfaisante du beau n'est trouvée.

Par ailleurs, des personnes différentes n'ont pas le même jugement sur le même objet. David Hume, le premier, prend véritablement en compte cette donnée : « La beauté n’est pas une qualité inhérente aux choses elles-mêmes, elle existe seulement dans l’esprit qui la contemple, et chaque esprit perçoit une beauté différente ». Toutefois, cette approche ne conduit pas nécessairement à un relativisme absolu, Hume lui-même évoque l'éducation et l'unité de la nature humaine pour justifier un certain consensus qui semble régner sur les beaux objets.

Par ailleurs, souligner le rôle de l'individu dans le jugement de goût ne revient pas à définir la beauté. Hume donc doit également donner une définition de la beauté. Pour lui l'idée de beauté est une projection du plaisir que produit un objet. Il écrit en effet : « le plaisir et la douleur ne sont pas seulement les compagnons nécessaires de la beauté et de la laideur, ils en sont l’essence même ». Cette définition toutefois n'est pas universellement acceptée. Kant, dans la Critique de la faculté de juger (1790), dissocie vigoureusement l'idée de beauté et la sensation de plaisir. Pour Kant, la beauté est une « satisfaction désintéressée », aucun intérêt pour l'existence de l'œuvre ne doit rentrer en compte dans le jugement de goût. De plus il souligne qu’il y a dans tout jugement de goût une prétention à l’universalité. Elle n’est simplement pas démontrable : « Est beau ce qui plaît universellement sans concept. »

La théorie de l'évolution et l'idée d'attractivité

La théorie de l'évolution ne permet pas directement d'expliquer le sentiment de beauté en tant que tel, mais il permet d'éclairer la notion d'attractivité (attractiveness dans les études anglophones). Les études toutefois portent surtout sur l'attraction envers un être humain, dont le bénéfice apparaît plus clairement du point de vue de l'évolution. Les études psychologiques ont essayé d'évaluer les critères selon lesquels on juge de la beauté d'une personne, et plus précisément, sur ce qui rendait un individu "attractif". En effet, l'attirance sexuelle s'explique plus facilement que le sentiment de beauté par la théorie de l'évolution. Selon celle-ci, le sex-appeal doit être considéré comme une conséquence de l'adaptation à un environnement. Les personnes jugées sexuellement attirantes seraient d'abord celles qui apporteraient les plus grands avantages, en particulier celles qui permettraient d'assurer une progéniture nombreuse et en bonne santé[1].

La symétrie

Des psychologues ont essayé d'analyser quels traits physiques étaient considérés comme attirants. Ainsi, selon Judith Langlois, les visages se rapprochant le plus de la moyenne étaient jugés plus attirants que ceux ayant des particularités physiques marquées[2]. Cela peut s'expliquer par le fait que les mutations génétiques étant le plus souvent délétères, les individus ont tendance à rechercher des partenaires en présentant le moins possible, donc se rapprochant physiquement de la moyenne. Une autre explication est que la symétrie bilatérale fondamentale du corps est altérée par des accidents de croissance souvent dus à des maladies, ce qui révèle l'affaiblissement du système immunitaire. Selon Thierry Lodé, en choisissant des partenaires sexuels aux traits symétriques, l'animal sélectionne un partenaire disposant d'un système immunitaire transmissible à sa progéniture et indemne de maladies. Les fluctuations asymétriques mettent en évidence l'état de santé et les faiblesses génétiques des partenaires.

L'excessivité

Dans les années soixante, les éthologues remarquaient que les situations stimulantes artificielles pouvaient surpasser les situations naturelles. L’attraction qu’exerce la beauté proviendrait biologiquement de l’effet du stimulus supranormal. Découvert par Konrad Lorenz, Nikolaas Tinbergen et Irenäus Eibl-Eibesfeldt, le stimulus supranormal ou hyperstimulus est un stimulus excessif qui déclenche une réponse plus intense. Ainsi, un œuf vert de taille imposante est préféré par une oie à ses propres œufs. Pour Thierry Lodé, l’existence de ce stimulus révèle que la tendance à l’exagération est une composante fondamentale du biologique qui peut expliquer l’exubérance des traits sexuels chez les animaux, comme la queue du paon ou la pince du crabe violoniste. La sélection sexuelle s’imbriquerait dans une co-évolution antagoniste des traits spécifiques liée au conflit sexuel. La sélection sexuelle amplifierait le maintien de ces caractères outranciers en attisant le désir sexuel. La beauté physique ne serait que le résultat de l’impression exercée par la combinaison de ces caractères extravagants impliquant le développement du désir. Ainsi, la beauté, en tant que stimulus supranormal, serait d’abord un canon de la sexualité. Cette tendance à l’exagération se retrouve dans les œuvres artistiques depuis les premiers grecs jusqu’à Picasso ou Botero.

La diversité des émotions esthétiques

Certains penseurs ont cherché à distinguer différents sentiments esthétiques, ce qui permet d'ôter à l'idée de beau sa trop grande généralité.

Le sublime

Photo d'un typhon sur Hong Kong. Le spectacle des catastrophes naturelles les plus destructrices peut provoquer une émotion esthétique puissante, et très différente de celle née de la contemplation de la beauté classique. Burke et Kant parlent de sublime.
Article détaillé : Sublime.

Edmund Burke, dans Recherche philosophique sur l'origine de nos idées du sublime et du beau (1757), distingue le beau du sublime. Pour lui, le beau est harmonieux et attirant, le sublime disproportionné et terrible. Cette distinction sera reprise par Emmanuel Kant dans sa Critique de la faculté de juger (1790).

Le philosophe et le mystique face au beau

Certains philosophes ont développé une conception du beau qui va bien au-delà du simple plaisir esthétique. Selon eux, l'expérience du beau, à la fois abstraite et intellectuelle, est une voie de passage vers l'élévation morale ou l'extase mystique.

Platon : vers l'idée de beau

Chez Platon, le beau est associé au vrai et au bien comme une des idées les plus élevées. L'intuition de la beauté en soi est supérieure à la jouissance provoquée par les beaux objets particuliers. Dans le Banquet, il montre comment on peut passer du désir des beaux corps à l’amour des belles âmes pour parvenir à la contemplation de la beauté en soi. Être beau, c’est alors se rapprocher d’un idéal, c’est être ce qui doit être, ce qui assimile la beauté à la perfection esthétique. On associe parfois l’harmonie avec l’ordonnancement mathématique, comme en musique ou dans la fameuse sectio aurea ou encore chez Platon et les pythagoriciens.

En reprenant les trois étapes de l'initiation à la Beauté : la purification, l'ascension et la contemplation, Platon donne une forme dialectique aux mystères orphiques de l'ascension de l'âme vers le divin. Il opère ainsi l'opposition entre le logos et le mythe dans la conception de l'Éros[3].

Hegel : beauté artistique et conscience de soi

Hegel affirme une différence conceptuelle entre le beau de nature et le beau artistique. Pour lui, le beau artistique est « très au-dessus de la nature », parce qu’il est œuvre de l’esprit. Il a pour but « la présentation de la vérité » sous sa forme sensible et permet à l’homme d’accéder à la conscience de soi.

Références

  1. Symons 1995
  2. Langlois et Roggman 1990
  3. Cependant, lorsqu'il parle de la « folie divine », moment où l'âme s'unit au divin, il ne parvient pas totalement à s'écarter de la sotériologie

Bibliographie

  • (en) J.H. Langlois et L. Roggman, « Attractive faces are only average », dans Psychological Science, no 1, 1990, p. 115-121 
  • (en) Donald Symons, « Beauty is in the Eye of the Beholder. The Evolutioanry Psychology of Human Female Attractiveness », dans Sexual Nature, Sexual Culture, University of Chicago Press, 1995, p. 80-120 

Annexes

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Lectures approfondies

Article détaillé : Bibliographie d'esthétique.

Textes antiques

Philosophie moderne

Articles connexes

Lien externe


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