- Henri de Borniol
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La maison Henri de Borniol est la plus ancienne entreprise française de pompes funèbres et de protocole encore en activité.
Elle a été créée en 1820 par Henri-Joseph de Borniol. Elle est actuellement la marque de prestige du groupe OGF (qui réunit les réseaux formés par les PFG (Pompes Funèbres Générales), les agences Roblot et les agences Dignité Funéraire)[1].
Elle perpétue, parallèlement aux services funéraires proprement dits, une activité d’ordonnance des cérémonies publiques ou privées et une contribution au protocole d’État.
Sommaire
L'organisation des funérailles au XIXe siècle
Par le décret des Sépultures du 23 prairial An XII[2] , « les fabriques des églises et les consistoires jouiront seuls du droit de fournir les voitures, tentures, ornements et de faire également toutes les fournitures quelconques pour les enterrements et pour la décence ou la pompe des funérailles… ».
Revenant sur la législation révolutionnaire, ce règlement de 1804 transférait simplement à l’Église les privilèges d’Ancien Régime de la corporation des Crieurs, qui disposait depuis 1641 du monopole de la fourniture des « draps, serges blanches et noires, velours, satins, robes de deuil, plaques, dais, chapelles ardentes, argenteries et toutes autres choses ».
Les paroisses ne s’improvisèrent pas entrepreneurs de pompes funèbres : elles firent appel, comme on le faisait par le passé, à des prestataires de services, depuis le premier soin des corps jusqu’à leur inhumation. Les entreprises sollicitées obtenaient la concession d’un service, en échange d’une remise aux fabriques et de l’obligation d’exécuter gratuitement le service ordinaire pour les indigents.
La naissance de la maison Borniol
Henri-Joseph de Borniol, descendant d’une dynastie de maîtres-verriers de la Verrerie royale de Nevers, crée en 1820 une société de transport dans l’ouest parisien. Il s’assure la pratique du transport des défunts puis de l’exécution intégrale des obsèques pour le compte de plusieurs paroisses et celui des entrepreneurs adjudicataires de l’administration locale des pompes funèbres[3] , qui sont l’intermédiaire obligatoire entre les familles et les concessionnaires. Sa naissance et sa connaissance des usages le distinguaient parmi ses confrères pour entreprendre avec plus de dignité et de pompe l’organisation des funérailles de la bonne société de la Restauration et de la Monarchie de Juillet, qu’elle soit d’ancienne élévation ou d’enrichissement récent.
Henri de Borniol saura parfaitement répondre au goût de l’époque pour la charge du décor, le luxe des fournitures et le sens de la mise en scène. Il contribuera à fixer le canon esthétique des obsèques traditionnelles françaises pour cent cinquante ans[4].
Une marque illustrée
Sous Louis-Philippe, puis sous le Second Empire, la Maison se signale par le règlement de cortèges funèbres pour les obsèques de plusieurs maréchaux. Son nom sera peu à peu associé à l’idée même de funérailles nationales ou solennelles.
Depuis la IIIe République, et jusqu’à nos jours, la Maison a conduit à leur dernière demeure tous les présidents de la République Française, les maréchaux de France, leurs veuves, beaucoup des membres les plus illustres de l’Institut et nombre de grands serviteurs de l’État.
La maison Borniol sert les princes de la Famille de France, pour le règlement des obsèques mais également dans l’ordonnance de mariages ou d’anniversaires royaux. Et l’excellence de la marque dans ce service particulier lui vaut également la confiance des maisons royales étrangères. C’est ainsi que le convoi funèbre de retour dans sa patrie de la reine Isabelle II d’Espagne, décédée en France en 1904, est réglé par la Maison.
L'ère Guichot-Pérère
Après la Première Guerre mondiale, la fonction de chef du protocole de la maison Borniol est assurée par Louis Guichot-Pérère, auxiliaire discret mais essentiel de la vie mondaine française dans tous ses registres - politique, militaire, aristocratique, littéraire ou artistique -, pendant plus de cinquante ans.
C’est lui qui va imposer la marque comme un acteur central de l’ordonnance des grands événements de l’actualité, qu’ils soient publics ou privés, qu’il s’agisse d’obsèques nationales, de mariages princiers, de commémorations historiques, de visites de chefs d’Etat ou de réceptions diplomatiques.
Entre tant d’autres, on peut citer les obsèques en 1926 de Monseigneur le duc d’Orléans et celles de Son Altesse Impériale le Prince Napoléon. En 1929 c’est le maréchal Foch qui est porté en terre. Anna de Noailles en 1933 ; la même année que Son Altesse Royale Don Jaime de Bourbon, duc de Madrid (messe à Saint-Philippe du Roule).
La Maison règle la cérémonie officielle à la mémoire de Jean Mermoz et son équipage, et en 1937 le service religieux célébré à Paris à l’occasion du couronnement de Leurs Majestés le roi George VI et la reine Elizabeth. Pour l’Allemagne, un service est commandé à la mémoire du maréchal Hindenburg ; pour la Pologne, in memoriam le président Pilsudski. Les collections de faire-part et de cartons conservées par la maison Borniol portent après guerre les noms d’Edouard Herriot, Georges Braque, Le Corbusier ou Charles de Gaulle.
À la demande des États-Unis, la Maison règle un service à la mémoire du président John Fitzgerald Kennedy ; pour la Belgique, le Te Deum annuel d’action de grâce pour la fête du Roi, à Saint-Louis des Invalides ; pour le Saint-Siège, les réceptions à la Nonciature de Paris, les services de requiem pour les Souverains Pontifes, leurs services d’anniversaire d’élection.
Louis Guichot-Pérère était chevalier de la Légion d’honneur.
Les successeurs
Pierre Chadenier (1979-1993), entré dans la maison en 1959, est très tôt associé à l’organisation de grands événements. Il devient en 1965 l’adjoint de Louis Guichot-Pérère. Il est nommé Chef du Protocole le 1er avril 1979.
À ce titre, il sert ou dirige le protocole des funérailles du maréchal Juin, du général de Gaulle et du président Pompidou, de René Cassin, Edgar Faure ou Edmond Michelet. Pour le monde religieux, les funérailles des cardinaux Veuillot et Feltin, anciens archevêques de Paris. Pour le milieu des arts et des lettres, celles de François Mauriac ou de Maria Callas. Pour celui du spectacle, Dalida, Maurice Chevalier, Claude François ou Thierry Le Luron.
C’est lui qui est en charge du protocole lors de la translation au Panthéon des cendres de Jean Moulin, René Cassin, Jean Monnet, Monge, Condorcet et l’abbé Grégoire. Il est à l’origine de la collaboration de la Maison avec les services de l’Institut de France et de ses académies.
Pierre Chadenier est chevalier de l’ordre national du Mérite (France) et chevalier de l’ordre de la Couronne (Belgique).
Patrick Guichot, entré dans la Maison en 1981, devient en 1993 le titulaire de la fonction. On lui doit l’ordonnance de nombreux grands moments de la vie nationale et mondaine des dernières années.
On peut citer particulièrement les funérailles du président François Mitterrand (1996, Paris et Jarnac), celles de Son Altesse Impériale le Prince Napoléon (1997, Lausanne, Paris et Ajaccio), celles de Monseigneur le Comte de Paris (1999, Dreux), puis celles de Madame, comtesse de Paris (2003, Dreux). En 2005, M. Guichot participe à Monaco aux obsèques de Son Altesse Sérénissime le prince Rainier III puis assure à Paris l’ordonnance de la messe de requiem du Prince Souverain.
Sous sa direction, la Maison continue d’être régulièrement associée à l’organisation d’événements princiers, de mariages de la très haute société, de visites officielles de chefs d’État[5], de réceptions du monde diplomatique ou de commémorations nationales.
Elle a récemment participé à la mise en place du protocole de la cérémonie d’investiture du président Alassane Ouattara, à Yamoussoukro (mai 2011).
Patrick Guichot est chevalier de l’ordre national du Mérite (France) et chevalier de l’ordre de Léopold II (Belgique).
Les bureaux
Depuis sa création, l’implantation des agences de la Maison a toujours épousé la carte des plus prestigieux quartiers de la région parisienne, à Paris, Versailles, Saint-Germain en Laye ou Neuilly, par exemple.
Lors de sa dernière restructuration, son activité s’est toutefois concentrée sur l’ouest immédiat de la capitale. Demeurent cinq bureaux. Quatre à Paris - dans le VIIIe arrondissement (50, boulevard Malesherbes), le VIIe (122, rue de Grenelle), le XVIe (74, rue de la Pompe) et le XVIIe (66, avenue des Ternes) – et un à Neuilly (111, boulevard Achille Peretti).
Une expérience lyonnaise a fait long feu : l'agence de la rue de Vendôme, dans le 6e arrondissement a fermé début 2002. Sans doute aurait-il fallu tenir mieux en compte la sensibilité de la ville, traditionnellement réticente à ce qui lui paraît relever du goût parisien[6].
De la raison sociale à l'usage populaire
La présence des « Messieurs de chez Borniol » à la plupart des services funèbres de quelque retentissement a été très tôt remarquée. Dès le XIXe siècle, les mentions fréquentes de la Maison, dans la presse, les romans ou les feuilletons, ont rapidement fait glisser le nom propre d’origine vers plusieurs usages populaires.
« Aller se faire voir chez Borniol » est une expression de signification bien évidente qui a eu son succès, avec les réserves qu’elle est désuète dans la culture contemporaine et qu’il est peu probable qu’elle eût été en usage dans le monde qui faisait appel aux services de la Maison. De même « l'antichambre de la Maison Borniol » désigne un état physique très critique.
Les lourdes tentures noires qui étaient tendues à l’entrée des maisons touchées par le deuil, au porche des églises et autour des catafalques ont fait du patronyme un nom commun : on nomme toujours « borniols » les rideaux qui servent à produire un effet de totale obscurité lors d’une prise de vue photographique ou cinématographique d’intérieur.
Dernière occurrence en date : la chanson d’Hubert-Félix Thiéfaine précisément intitulée La Maison Borniol.
Elle éclipse un peu la mémoire d’une mélodie de l’entre-deux-guerres, En douce, dans laquelle Mistinguett, puis Arletty quelques années plus tard, chantaient une gosse des rues souhaitant être enterrée bien simplement, comme elle avait vécu…
Je f’rai ça en douce
Et sans envoyer de faire-part
Pourquoi faire d’la mousse
Et des tas d’chichis quand on part ?
J’n’ai pas besoin de bagnoles
De Monsieur Borniol,
Ni de toute sa ferblanterie,
J’veux pas qu’on m’charrie !Et pourtant, Mistinguett et Arletty furent portées en terre par les soins de la Maison.
Notes et références
- Site internet du groupe OGF.
- Complété par le décret impérial du 18 mai 1806.
- Joseph Langlé (1798-1867) en 1844 ; Vafflard-Panis et Cie, en région parisienne, créée par Léon Vafflard (1814-1878) en 1847 ; La Compagnie Générale de Sépultures, créée par Joseph Langlé et l’architecte Louis Visconti (1791-1853) en 1828, adjudicataire à Paris en 1852. Bobée, à Paris, adjudicataire en 1811 ; Langlé et Cie (futures Pompes Funèbres Générales), en banlieue parisienne, entreprise créée par
- En 1964, l’aggiornamento des usages catholiques supprime définitivement les classes d’église et simplifie le décor du rite (renonçant par exemple à la mise en place des tentures monumentales). C’est la fin d’un certain style de cérémonies, du moins pour les obsèques privées
- Juan Carlos Ier d'Espagne. Protocole des voyages pontificaux des papes Jean-Paul II et Benoît XVI. Réception à l’Hôtel de Ville de Paris des chefs d’État en visite d’État ; en particulier, le roi
- Lyon People. Fermeture du bureau Borniol lyonnais.
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