Faïenceries et émaux de Longwy

Faïenceries et émaux de Longwy

La faïencerie historique des Faïences et Émaux de Longwy fondée en 1798 crée encore de nos jours des collections traditionnelles ou contemporaines qui font appel à la créativité d’artistes et de designers de renommée nationale ou internationale.


Sommaire

Géographie

La manufacture Faïenceries et Émaux de Longwy est située en Lorraine, au Nord du département de la Meurthe-et-Moselle et aux frontières de la Belgique et du Luxembourg.

Histoire

Les débuts de la faïencerie

Charles Régnier est à l’origine de la fondation des Faïenceries de Longwy. Il installe la manufacture dans un ancien couvent carmélite devenu bien national. La production se limite à des pièces classiques comme des services de table. L’Empereur Napoléon Ier, au retour de sa visite des fortifications de Vauban autour de la ville haute de Longwy, commande des services de table destinés aux Maison d'éducation de la Légion d'honneur. (Faux : les sources officielles ne mentionnent pas cette commande, voir l'étude historique parue dans le bulletin "Le Pays-Haut", Bibliothèque municipale de Longwy, N° 1 et 2, 1998). Après le siège de Longwy en 1815, le baron belge Antoine de Nothomb rachète la faïencerie de Longwy. Son épouse est la fille de Pierre-Joseph Boch faïencier à Audun-le-Tiche et à Septfontaines au Luxembourg, il est l’ancêtre de la dynastie Villeroy et Boch.

Leur fille Fanny de Nothomb épouse en 1832 un autre baron belge : Henri-Joseph d’Huart, sidérurgiste à Longwy. En 1835, à la mort d’Antoine de Nothomb, la Faïencerie entre dans la famille d’Huart pour 150 ans.

La naissance des Émaux

Vers 1870, les deux fils d’Henri-Joseph, tous deux centraliens, sont aux commandes de la Faïencerie. En réponse à l'engouement des Français pour les produits cloisonnés venus d’Extrême-Orient ils font appel à un italien, Amédée de Carenza qui a dirigé les usines de céramique de l’Empereur du Japon . Spécialiste du cloisonné, il apporte à Longwy le trait d’émail noir qui remplace le fil de laiton dont les orientaux se servent pour délimiter leurs couleurs. (Faux : aucune source documentaire ne confirme cette tradition orale récente, la mise au point des émaux à Longwy est le fait de Charles Longuet, collaborateur de Théodore Deck, c'est en 1873 que sont effectués les premiers essais de "cerné" noir imprimé par transfert et non de "cloisonné" ce qui est une autre technique ; le trait noir peint a été mis en œuvre par Eugène Collinot et Aldalbert de Beaumont vers 1863 et a fait l'objet d'un brevet d'invention : voir l'étude de Jacques G. Peiffer dans "Émaux, d'Istanbul à Longwy" ).

Les célèbres Émaux de Longwy sont nés. Ils deviennent la spécialité de la ville.

L'usine des Faïenceries et Émaux de Longwy en 1900

En 1885, toujours pour riposter à l’invasion des produits asiatiques dans le domaine de la poterie, la Faïencerie recherche de nouveaux décors dans les tendances chinoises, japonaises, iznik, perses ou égyptiennes. Plusieurs motifs voient le jour, dont un semis de fleurs de pommiers blanches et roses sur un fond bleu céruléen, d’inspiration japonaise. Elles sont référencées à la Faïencerie sous le numéro D188. (Faux : les décors exotiques apparaissent à longwy dès 1873 ; l'un des plus célèbres est effectivement un semis de petites fleurs blanches japonaises dites "sakura" , il s'agit d'un prunus d'ornement, voir l'étude produite par le musée Saint-Jean l'Aigle lors de l'exposition "Longwy et le Japon", 2008-2009). Ce décor marque le début d’une période féconde, il est toujours produit de nos jours dans sa version originale ou revisitée. Les deux frères d’Huart font aussi venir de nombreux céramistes ou peintres de Paris comme Charles Rudhart, Croisy,Carrière, Schuller, Cirode, Clairin ou Morlon pour moderniser la production.

Décor traditionnel

Le XXe siècle

À partir de 1918, le style Art Déco ouvre de nouvelles perspectives artistiques à la Faïencerie, notamment au travers de l’association avec l’atelier d’art « Primavera » des magasins du Printemps. Durant cette période, de nombreux artistes comme Lévy, Luce, Olesievicz ou Raymond Chevallier collaborent avec les Émaux de Longwy et créent des formes plus modernes et géométriques. Le point culminant de cette période est la participation à l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernesde 1925. Le krach de 1929 aux États-Unis atteint la France dans les années 1930-1931 : l’activité est réduite et le personnel diminue. En 1939, l’activité cesse en raison de l’exode.

En 1945, l’entreprise redémarre avec deux cent cinquante ouvriers. Maurice Paul Chevallier (1892-1987), neveu de R. Chevallier, reprend la direction artistique, aidé par Paul Mignon meilleur jeune apprenti décorateur de France qui deviendra responsable des Ateliers Artistiques en 1972. Cette même année Christian Leclercq, ancien élève de Maurice Paul Chevallier, est reçu meilleur ouvrier de France. Entré à la Faïencerie en 1961 il la quitte en 1976 en y laissant une importante œuvre technique et artistique.

L’abandon de la fabrication de services de table dans les années 50 et le manque de créativité artistique, entre 1960 et 1980 par une production répétitive, finissent par lasser. La faïencerie rencontre alors de grandes difficultés financières, elle est en règlement judiciaire durant presque une année. La liquidation des biens est prononcée le 13 octobre 1977. La production ne cesse pas pour autant et se poursuit afin d’honorer les commandes en cours. Le 23 janvier 1978, deux industriels parisiens, Messieurs Dadoun et Treussard, constitués en société anonyme, deviennent les nouveaux propriétaires. De la liquidation à la reprise, l’entreprise ne reste fermée qu’un seul jour pour inventaire.

Les nouveaux acquéreurs réorganisent la production, en rééditant ou recolorant des pièces Art déco, ils recherchent également de nouveaux marchés. Ils vont alors contacter les municipalités et collectivités régionales afin de leur proposer des objets décoratifs, assiettes, coupelles... ornées de blasons de ville. Les décors traditionnels ne sont pas pour autant abandonnés. Cette époque va alors connaître un extraordinaire bouleversement créatif à l’arrivée de Daniel Curetti (dit Danillo Curetti). Appelé par Mr Dadoun, il entre à la Faïencerie en 1983. Cet artiste contemporain d’origine suisse, apporte aux Faïencerie un souffle novateur avec ses décors modernes, sobres, colorés. De son passage émane un vent art déco, Curetti maîtrise dessin et matière il travaille en aplat assez grand et utilise souvent de grosses boules dites « coloniales » ou des grandes coupes. Ses premiers décors : le Bal Nègre, le Jazz sont saisissants, des couleurs fortes, brutales qui soulignent des traits incisifs. Curetti démontre que Longwy peut produire d’autres décors que les motifs traditionnels. Son inspiration très féconde attire un vaste public qui parfois confond ses pièces avec des créations des années 1920-1930.


La manufacture change plusieurs fois de propriétaires jusqu’à l’arrivée de la famille Kostka, faïencier de métier. Elle fait appel aux meilleurs designers, peintres et stylistes français ou étrangers. Cette nouvelle génération de créateurs s’empare d’une palette aux tons vifs et renouvelle les collections par les décors et les formes des objets. Les motifs japonais et les traditionnels semis de fleurs ne représentent plus qu’une infime partie de la production, et côtoient des compositions plus contemporaines. Parmi les designers d’aujourd’hui on peut citer Jean Boggio, Alain Thomas, Jean-Claude Bligny, Nicolas de Waël, Evgenia Miro, Catherine Lhoir, Valérie Brand…

En parallèle à l'histoire des faïenceries des Carmes (Longwy) et de Senelle (Herserange), cinq ateliers perpétuent le savoir-faire des émaux cernés à Longwy : > "Émaux de Longwy Saint-Jean l’Aigle" est une faïencerie labellisée "Entreprise du Patrimoine Vivant", fondée entre 1977 et 1978 par Danielle Peiffer-Noël, maître-artisan et Jacques Peiffer (Sculpteur Meilleur Ouvrier de France et docteur ès Sciences des céramiques). c'est actuellement la dernière manufacture à disposer encore d'un four à bois pour la cuisson de vases de deux mètres de hauteur. > "Faïenceries et Émaux de Longwy", entreprise fondée en 1978 par messieurs Dadoun et Treussard, aujourd'hui dirigée par la famille Kostka. > "Émaux d’Art de Longwy" a été fondé en 1988 par Christian Leclercq (maître-artisan et Meilleur Ouvrier de France) précedemment installé sous le nom d'Atelier du Bois des Seigneurs. > "Les Émaux des Récollets" ont été créés en coopérative ouvrière en 1985 mais ont ensuite quitté cette forme commerciale. > Puis les "Émaux de Saintignon" se sont installés au siècle suivant.

Fabrication

Depuis plus d’un siècle, Longwy détient l’exclusivité en France des émaux cloisonnés au trait noir sur faïence. Cette technique délicate consiste à imprimer le décor en noir sur le biscuit brut, puis à remplir goutte à goutte chaque alvéole ainsi cernée avec un émail coloré. Cette technique manuelle est exécutée par un artisan chevronné.


La forme de la pièce est créée par des stylistes ou des sculpteurs. Un modèle en plâtre est alors réalisé par l'atelier de modelage.


Ce modèle, une fois moulé, génère un plâtre creux, dans lequel on coule la barbotine (mélange de kaolin, d’argile et d’eau). Celle-ci est spécialement conçue selon les besoins des Émaux de Longwy par un atelier spécialisé à Limoges. Le plâtre, avide d’eau, aspire le liquide de la barbotine en contact avec sa surface : une croûte se forme le long de ses parois. Dés que l’épaisseur de la croûte atteint 7/8 mm on le retourne, vidant le trop-plein de barbotine encore à l’intérieur.


La pièce sèche alors dans le plâtre pendant 4/5 heures, puis est démoulée et laissée à l’air libre pendant 24 heures. Les racheveurs ébarbent les plans de joint et lui donnent un aspect lisse en la frottant à l’éponge. La pièce nommée biscuit est alors cuite à 1050° C pendant une nuit.

Le biscuit est ensuite imprimé soit à la main, soit au calque d’un trait d’encre noire qui reprend le décor de la pièce. Chaque alvéole créée par le trait est alors remplie manuellement d’émail coloré en utilisant une technique de goutte à goutte. La goutte d’émail séchant quasiment immédiatement au contact du biscuit, il est impossible de « peindre » cette pièce, d’où la technique qui consiste à déposer une goutte d’émail coloré à côté d’une autre jusqu’au remplissage total de l’alvéole. Les Faïences et Émaux de Longwy utilisent exclusivement leurs propres couleurs qu’ils créent à partir d’oxydes dans leur laboratoire spécialisé.

Les décoratrices utilisent deux outils pour décorer les pièces : un bâton de bois fin et long et une seringue électrique ; cette dernière technique a été élaborée pour leur éviter les allers retours constants entre la pièce et la couleur. La pièce complètement émaillée est cuite une première fois à 750°c pendant une nuit. Une opération de retouche, nommée la repasse, a alors lieu pour enlever les trous occasionnés par l’éclatement des bulles d’air. La pièce est cuite une seconde fois à 750°C. Puis, l’or est posé au pinceau, une troisième cuisson a lieu à 600°C. Après ces différentes étapes, on passe de la terre de Sienne ou un colorant sur la surface émaillée pour rendre visibles les craquelures ; la pièce est enfin terminée.

La décoratrice peut travailler sur le même objet de 30 à 50 heures. Le délai de fabrication d’une pièce simple, comme un chat, est de deux semaines et peut atteindre quatre semaines pour une pièce plus complexe.

Exemple de réalisations

  • La célèbre boule coloniale de Maurice Paul Chevalier, le père des émaux de goût Art Déco, qui obtint une médaille d’or à l'Exposition coloniale internationale de Paris (Faux : le père est Raymond Chevallier, Chevallier avec deux "l", voir catalogue de l'exposition du musée de Sarreguemines "L'Art Déco en Lorraine", 2011).
  • Les boules coloniales de Daniel Curetti, dit Danillo Curetti. Parmi ses décors célèbres, citons Paul et Virginie, les signes du Zodiaque, les panthères, le Normandie, la Tour Eiffel, Iceberg, Barbara, Femme au collier…

Toutes ces pièces sont en tirage limité. Curetti a conservé un public sensible à son art, ses créations sont toujours très appréciées et recherchées et ses réalisations sur boules dites « coloniales » sont souvent épuisées. En 2006, une boule coloniale de Curetti a été vendue 3 200 euros lors d’une vente aux enchères.

  • Une fontaine de goût Iznik, primée à l'Exposition universelle de 1878 conservée au musée municipal de Longwy, figure parmi les pièces remarquables de la manufacture (Faux : cette fontaine n'est pas celle de l'exposition de 1878 qui est, elle, de style chinois : voir publication de la source d'archive dans "Émaux, d'Istanbul à Longwy" de Jacques G. Peiffer.
  • De grandes pièces monumentales de plusieurs mètres de haut, ainsi que des commandes de l'État en collaboration avec des platiciens internationaux tels Vera Molnar et Johan Creten ont été réalisées par la manufacture Saint-Jean l'Aigle dont la spécificité des travaux destinés à l'architecture est réputée dans toute la France. Une autre particularité de Saint-Jean l'Aigle réside dans la reprise des productions de barbotines et de majoliques, ainsi que des émaux Rakou d'esprit oriental.
  • Les œuvres du sculpteur Jacques G. Peiffer sont également éditées par Saint-Jean l'Aigle, notamment en associant la céramique avec le cristal Daum produit à Vannes-le-Chatel ou l'acier inoxydable découpé au plasma ou au laser. D'importants travaux de conservation-restauration ont été confiés aux praticiens de la faïencerie, comme la châsse de Saint-Dié conservée dans la cathédrale de Saint-Dié-des-Vosges et pour laquelle a été créé un reliquaire moderniste.

Les dernières créations concernent l'association de la coutellerie (déjà produite à Longwy au XIXe siècle) et de manches en porcelaine et émaux de Longwy ; des couteaux d'art en pièces uniques et des épées de récipiendaires de la Légion d'Honneur figurent dans la production actuelle.

Voir aussi

Bibliographie

  • Dominique Dreyfus, Emaux de Longwy, Paris, Massin, 1990 (ISBN 978-2-7072-0162-1) 
  • Dominique Dreyfus, Faïences de Longwy, Paris, Massin éditeur, juillet 1999 (ISBN 978-2-7072-0195-9) 
  • Dominique Dreyfus, Longwy Les Marques et les Signatures, Longwy, 1992 
  • Jacques G. PEIFFER, Essai analytique sur la faïencerie de Longwy, Longwy, 1977 
  • Jacques G. PEIFFER, Emaux de Longwy, Paris, ABC Collection, 1977, 86 p. 
  • Jacques G. PEIFFER, Faïences anciennes du Pays de Longwy, Thionville, G. Klopp, 1985, 258 p. 
  • Jacques G. PEIFFER (collectif), Céramique lorraine, Chefs-d'oeuvre des XVIIIe et XIXe siècles, Metz-Atlanta, Conseil Régional de Lorraine/Presses universitaires de Lorraine/Serpenoise, 1990, 368 p. 
  • Jacques G. PEIFFER, Longwy, Faïences et émaux, Guide de poche de l'expertise : l'histoire, les marques, la cote, Metz, Serpenoise, 1991, 48 p. 
  • Jacques G. PEIFFER, Emaux, d'Istanbul à Longwy ; L'Europe de la Faïence, Metz, G. Klopp, 1995, 464 p. 
  • Jacques G. PEIFFER, 1798-1998, Longwy, Faïences et Emaux de Longwy, Metz, Serpenoise, 1998, 120 p. 
  • Jacques G. PEIFFER (collectif), Le Pays-haut, Longwy, Association des amis du vieux Longwy, 1998, 258 p. 
  • Jacques G. PEIFFER, Technique des émaux de Longwy in Le savoir des Faïenciers aux XVIIIe et XIXe siècles, Longwy, Collège européen de technologie / Musée Saint-Jean l'Aigle, 2001, 982 p. 
  • Jacques G. PEIFFER, L'Art des céramiques, Paris, Dessain et Tolra, 2000, 192 p. 
  • Jacques G. PEIFFER, Bleu Longwy, Thionville-Luxembourg, G. Klopp, 2005, 60 p. 
  • Jacques G. PEIFFER (Collectif : Chariot, Decker, Godard, Hauregard, Noël, Thévenin), Série Blanche, Virton et Sarreguemines, Musées Gaumais / Musées de Sarreguemines, 2007, 336 p. 
  • Jacques G. PEIFFER, Longwy, des Emaux et des Oiseaux, Metz, Serpenoise, 2010, 200 p. 
  • Philippe Oland, Les Emaux à Longwy, Dijon, Faton, 2009 (ISBN 978-2-87844-120-8) 

Liens externes

À la dispersion des collections de la société des Faïenceries et Émaux de Longwy de 1975 à 1977, la ville de Longwy s’est portée acquéreur d’une grande partie de ce patrimoine pour créer un musée dont le conservateur était alors le céramographe Jacques G. Peiffer. Celui-ci est situé dans le bâtiment de la manutention militaire au cœur de la citadelle de Vauban à Longwy Haut. Un musée privé technologique et une bibliothèque conservant des archives de l'ancienne faïencerie de Longwy ont été fondés par la manufacture d'Émaux de Longwy Saint-Jean l'Aigle.


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Faïenceries et émaux de Longwy de Wikipédia en français (auteurs)

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